3. Le calendrier et les équilibres financiers de la réforme des retraites de 2003

Outre les travaux du Conseil d'orientation des retraites (COR), plusieurs publications récentes permettent de commencer à apprécier les effets de la loi du 21 août 2003. C'est le cas notamment d'un document de travail 4 ( * ) publié par l'Institut national des études démographiques (Ined) qui estime l'impact à moyen et long terme de la réforme de 2003 à environ un tiers de celui de la réforme de 1993.

Les effets de la réforme de 2003

En s'intéressant particulièrement à l'évolution de l'âge de départ en retraite, les auteurs ont mis en évidence une montée en charge progressive mais relativement rapide, classe d'âge après classe d'âge, des effets de la réforme de 2003. Son impact apparaît particulièrement concentré sur les générations d'assurés sociaux les plus récentes qui sont de loin les plus concernées. Les simulations réalisées montrent en effet que pour les classes d'âge 1940 à 1944, quasiment aucun individu ne sera obligé de décaler son âge de départ à la retraite et que, pour les rares personnes se trouvant dans cette situation, l'impact sera minime (36 jours). En revanche, près de 25 % des assurés sociaux des générations 1955 à 1964 se trouveront dans l'obligation de cesser leur activité en moyenne dix-huit mois plus tard qu'ils ne l'auraient fait avant l'entrée en vigueur de la loi du 21 août 2003.

Toutefois, si l'on considère l'ensemble des personnes composant ces classes d'âges successives, et pas uniquement la proportion d'entre elles effectivement touchée par les effets de la réforme, le décalage moyen de l'âge de départ en retraite apparaît singulièrement faible : 0,1 année pour les générations 1945 à 1954, 0,4 année pour les personnes nées entre 1955 et 1964, et 0,3  année pour le groupe 1965 à 1970.

Modification des comportements de départ en retraite
et âge moyen à la liquidation après la réforme de 2003

( en écart au scénario de référence)

Ensemble

Hommes

Femmes

Total

Personnes concernées
par un décalage

Total

Personnes concernées
par un décalage

Total

Personnes concernées
par un décalage

Générations

Décalage
moyen

%

Décalage
(en années)

Décalage moyen

%

Décalage
(en années)

Décalage
moyen

%

Décalage
(en années)

40 à 44 ans

0,0

0

0,1

0,0

0

0,1

0,0

0

0,0

45 à 54 ans

0,1

10

0,8

0,1

11

0,9

0,1

8

0,8

55 à 64 ans

0,4

25

1,5

0,5

29

1,6

0,3

22

1,3

65 à 70 ans(*)

0,3

23

1,4

0,4

26

1,4

0,3

20

1,3

(*) Départs observés jusqu'en 2030 .

Note de lecture : l'âge moyen de départ à la retraite après réforme 2003 est supérieur à 0,1 an pour les retraités des générations 1945 à 1954 chez les hommes ; et si on ne s'intéresse qu'aux personnes concernées par un décalage, le report est de 0,9.

Source : Modèle de microsimulation Artémis

Selon cette étude, dont les résultats s'appuient sur le modèle de simulation Artémis de la Cnav, les mesures prises en 1993 auraient in fine pour conséquence une baisse du nombre de retraités de 2 % à l'horizon 2030 (17,7 millions au lieu de 18,1 millions). Les dispositions de la loi du 21 août 2003 devraient réduire encore ce chiffre d'environ 400.000 personnes, soit une diminution de 2 % supplémentaires. Néanmoins, l'effet conjugué sur ce point des deux réformes serait relativement faible dans la mesure où la progression du nombre des retraités, attendue entre 2003 et 2030, atteindrait encore 82 % (contre + 86,6 % si les mesures de l'été 1993 n'avaient pas été prises).

Sans la réforme Balladur, la croissance de la pension moyenne aurait été de 38 % entre 2003 et 2030. Les mesures décidées en 1993 ont ramené ce rythme de progression à 17 % et la réforme Fillon de 2003 à 9 %. Cela signifie que le taux de croissance annuel des pensions a fortement ralenti : 1,3 % avant 1993, 0,6 % après 1993 et seulement 0,3 % après 2003. Il convient néanmoins de souligner que les retraites du régime général ne diminuent pas en termes absolus. Par ailleurs, les classes d'âge arrivant aujourd'hui à l'âge de la retraite ont bénéficié en moyenne de meilleures carrières professionnelles que leurs aînés si bien que, malgré l'entrée en vigueur des mesures d'économies prises depuis dix ans, le niveau moyen des pensions liquidées continue à s'accroître.

Les auteurs de l'étude estiment que le gain financier pour le régime général correspondant aux mesures de redressement prises à l'été 1993, s'élèverait, à l'horizon 2030, à 27 milliards d'euros par an. Cela correspond en termes relatifs à une diminution de 23 %, par rapport au scénario théorique de référence fondé sur les règles antérieures à 1993. L'allongement de la durée de cotisation et le changement des modalités de proratisation décidés dans le cadre de la réforme de 2003 permettraient une économie supplémentaire de 9 % en termes relatifs, soit près de 10 milliards d'euros par an en 2030. En définitive, les dépenses de la Cnav à l'horizon 2030 seraient réduites au total de 1,6 point de PIB, dont 1,2 point imputable aux mesures prises en 1993 et 0,4 point aux dispositions de la loi du 21 août 2003.

Le schéma de financement de la réforme de 2003

L'équilibre de la loi du 21 août 2003 reposait initialement sur une combinaison de mesures de redressement accompagnées de nombreuses dépenses nouvelles destinées à rendre la réforme acceptable pour les assurés sociaux. Dès 2004, ces contreparties sociales ont représenté des charges certaines et importantes, tandis que les sources d'économies apparaissaient plus aléatoires tout en s'inscrivant sur un horizon à moyen et long terme. Par exemple, la montée en charge de la décote dans la fonction publique ne sera pas achevée avant 2015. On remarquera aussi que certaines de ces dépenses, notamment celles imputables à la mesure des carrières longues, se sont révélées beaucoup plus élevées que prévu.

Contrairement à ce qui été trop souvent affirmé à tort, la réforme des retraites de 2003 était en réalité graduelle, mesurée et généreuse. De fait, trois mesures seulement correspondent, à elles seules, à la quasi-totalité de la réduction espérée du déficit de l'assurance vieillesse : le prolongement de la durée d'activité des assurés sociaux, la suppression de la proratisation dans le mode de calcul des pensions du régime général et l'alignement, avec seize ans de retard, du mode d'indexation des pensions du secteur public sur celui du secteur privé.

Dès les débats parlementaires des mois de juin et de juillet 2003, on estimait qu'une partie seulement des besoins de financement seraient couverts : un tiers du déficit prévisionnel à l'horizon 2020 pour le secteur privé, près de la moitié pour les régimes du secteur public. Le « bouclage » de l'ensemble devait être assuré par le recours aux excédents futurs de l'assurance chômage. Dans la lignée des débats de la législature précédente, on espérait alors une nette amélioration des comptes de l'Unedic à la faveur du retournement démographique consécutif aux départs en retraite massifs des classes d'âge du baby-boom.

Or, l'Unedic a accumulé plus de 13 milliards d'euros de déficits au cours des dernières années. Ce montant très élevé devrait toutefois commencer à se résorber à partir de cette année. Avec une hypothèse prudente de croissance du PIB de 1,9 % en 2006 et 2 % en 2007, le résultat financier de l'assurance chômage pourrait en effet présenter un excédent de 245 millions d'euros en 2006 et de 2,718 milliards d'euros en 2007, voire de 5,1 milliards d'euros en 2010.

Evolution des résultats financiers de l'assurance chômage depuis 2003

( en millions d'euros)

Situation financière

2003

2004

2005

2006 (P)

2007 (E)

2008 (E)

Recettes

25.784

26.732

27.695

29.267

30.393

31.258

Dépenses

30.067

31.152

30.887

29.022

27.675

26.102

Résultats de l'année (R-D)

- 4.282

- 4.420

- 3.192

245

2.718

5.156

Situation financière au 31/12

- 5.836

- 10.260

- 13.452

- 13.207

- 10.489

- 5.333

(P) : prévisions Source : Unedic

(E) : estimations

Malgré cette nette amélioration liée au retournement de la conjoncture économique, il semble néanmoins probable que l'Unedic ne sera pas avant longtemps en situation de transférer d'importants excédents à la branche vieillesse. La dette actuelle devra d'abord être remboursée. Et il est possible que les partenaires sociaux souhaitent profiter de ces excédents pour améliorer l'indemnisation des chômeurs.

Enfin, le scénario d'un allongement de la durée d'activité et d'un report progressif de l'âge moyen de départ en retraite des assurés sociaux ne s'est pas encore réalisé, même si le Gouvernement a pris cette année d'importantes mesures en ce sens.

* 4 Document de travail de l'Ined n° 126 (avril 2005) - L'impact des réformes de 1993 et de 2003 sur les retraites - Thierry Debrard - Anne-Gisèle Privat.

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