2. Le législateur a la possibilité d'instaurer des dispositions incitatives et contraignantes pour favoriser l'accès de femmes aux mandats électoraux

a) Des modalités souples de mise en oeuvre à concilier avec le respect des autres règles et principes constitutionnels

La rédaction de l'article 3 de la Constitution issue de la révision constitutionnelle de 1999 laisse au législateur le choix des mesures appropriées pour favoriser effectivement l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, et concilier cet objectif avec le respect des autres règles et principes constitutionnels, tels que la liberté de candidature.

Cette interprétation a été confirmée à plusieurs reprises par le Conseil constitutionnel :

« Considérant qu'il ressort des dispositions du cinquième alinéa de l'article 3 de la Constitution, éclairées par les travaux préparatoires de la révision constitutionnelle dont il est issu, que le constituant a entendu permettre au législateur d'instaurer tout dispositif tendant à rendre effectif l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ; qu'à cette fin, il est désormais loisible au législateur d'adopter des dispositions revêtant soit un caractère incitatif, soit un caractère contraignant ; qu'il lui appartient toutefois d'assurer la conciliation entre les nouvelles dispositions constitutionnelles et les autres règles et principes de valeur constitutionnelle auxquels le pouvoir constituant n'a pas entendu déroger 9 ( * ) ... »

A titre d'exemple, la mise en oeuvre de cet objectif doit être conciliée avec la souveraineté nationale (les femmes élues députés ou sénateurs étant comme leurs collègues masculins membres du Parlement représentant la Nation tout entière), avec « l'expression démocratique des divers courants d'idées et d'opinions » 10 ( * ) ou encore, avec les autres prérogatives reconnues au législateur par l'article 34 de la Constitution.

En 2003, lors de l'examen de la loi n° 2003-697 portant réforme de l'élection des sénateurs qui rétablissait le scrutin majoritaire aux élections sénatoriales dans les départements où 3 sénateurs ou moins sont élus (contre 2 ou moins auparavant) et la représentation proportionnelle avec alternance stricte de candidats de chaque sexe sur les listes dans les départements où 4 sénateurs ou plus sont élus (contre 3 ou plus auparavant), le Conseil a rejeté l'argumentation selon laquelle cette modification aurait été contraire à la Constitution car contraire à l'objectif d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives :

« Considérant d'une part, que les dispositions critiquées ne portent pas, par elles-mêmes, atteinte à l'objectif (...). Considérant, d'autre part, que les dispositions du cinquième alinéa de l'article 3 de la Constitution n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de priver le législateur de la faculté qu'il tient de l'article 34 de la Constitution de fixer le régime électoral des assemblées. 11 ( * ) ».

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a délimité à plusieurs reprises le champ d'application de l'objectif d'égal accès des femmes et des hommes en censurant, comme dérogeant au principe d'égalité, l'instauration de règles contraignantes dans des domaines étrangers aux mandats électoraux et fonctions électives 12 ( * ) .

Ainsi, dans sa décision n° 2006-533 13 ( * ) , le Conseil constitutionnel a considéré comme non couvertes par les dispositions constitutionnelles relatives à la parité en matière d'élections politiques, les mesures instaurant des règles de composition contraignantes, en terme de sexes des candidats dans divers organismes et commissions délibératifs publics et privés : « si aux termes du cinquième alinéa du même article 3 : « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives », il résulte des travaux parlementaires que cet alinéa ne s'applique qu'aux élections à des mandats et fonctions électives ; (...) si la recherche d'un accès équilibré des femmes et des hommes aux responsabilités autres que les fonctions politiques électives n'est pas contraire aux exigences constitutionnelles rappelées ci-dessus, elle ne saurait, sans les méconnaître, faire prévaloir la considération du sexe sur celle des capacités et de l'utilité commune ; que, dès lors, la Constitution ne permet pas que la composition des organes dirigeants ou consultatifs des personnes morales de droit public ou privé soit régie par des règles contraignantes fondées sur le sexe des personnes ».

b) Un cadre législatif progressivement enrichi

Le législateur a précisé progressivement les modalités de mise en oeuvre de l'objectif d'égal accès .

Ainsi, la loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 a instauré des mesures incitatives et contraignantes pour conforter la place des femmes dans les assemblées délibérantes nationales et locales en :

- incitant les partis politiques à respecter l'objectif d'égal par la modulation du montant de la première fraction de l'aide publique qu'ils reçoivent au regard du nombre de suffrages obtenus par leurs candidats aux élections législatives , en fonction du respect de la parité dans les candidatures qu'ils présentent.

En effet, si l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe ayant déclaré se rattacher à un parti a dépassé 2  % du nombre total de ces candidats lors des dernières élections législatives , le montant accordé à cette formation est diminué d'un pourcentage égal à la moitié de cet écart rapporté au nombre total de candidats . Cette diminution n'est pas applicable aux partis et groupements politiques ayant présenté des candidats exclusivement outre-mer lorsque l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe n'est pas supérieur à un 14 ( * ) .

Au total, 80,26 millions d'euros sont théoriquement prévus en 2007 au titre de l'aide publique, ce montant demeurant inchangé depuis 1995. Mais 7 millions d'euros ne sont pas versés aux partis, au titre de la modulation financière infligée pour non respect de l'obligation de parité. Le montant effectivement demandé dans le budget s'élève donc à 73,28 millions d'euros.

- prévoyant que, sur les listes de candidats aux élections municipales dans les communes de 3.500 habitants et plus et à l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse, un nombre égal de femmes et d'hommes doit figurer au sein de chaque groupe entier de six candidats dans l'ordre de présentation de la liste ;

Pour l'Assemblée de Corse, la loi n° 2003-1201 du 18 décembre 2003 a étendu la représentation proportionnelle avec alternance stricte entre candidats de chaque sexe sur les listes de candidats.

- posant une obligation d'alternance stricte entre candidats de chaque sexe sur les listes de candidats aux élections ayant lieu à la représentation proportionnelle : élections régionales ; élections sénatoriales ayant lieu à la représentation proportionnelle (c'est-à-dire dans les départements où sont élus 4 sénateurs ou plus depuis la loi du 30 juillet 2003 précité -soit environ la moitié de l'effectif du Sénat) 15 ( * ) ; élections européennes (la France représentant une circonscription unique).

Le respect de l'objectif d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux devient un critère d'enregistrement des candidatures et de recevabilité des listes.

Confortant cette démarche, la loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 a maintenu l'alternance stricte entre candidats de chaque sexe sur les listes de candidats 16 ( * ) lorsqu'elle a modifié le mode de scrutin des élections régionales (circonscription régionale, listes composées de sections départementales entre lesquelles les sièges obtenus sont répartis) et européennes (création de circonscriptions interrégionales).

* 9 Décisions n° 2000-429 DC du 30 mai 2000-loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes aux mandats électoraux et fonctions électives.

* 10 Décision n° 89-271 DC du 11 janvier 1990-loi relative à la limitation et à la clarification du financement des activités politiques.

* 11 Décision n°2003-475 DC du 24 juillet 2003.

* 12 Dans les jurys d'examen par exemple (Décision n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002).

* 13 Décision n° 2006-533DC du 16 mars 2006 - loi relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.

* 14 Article 9-1 de la loi du 11 mars 1988 précitée, modifié par la loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.

* 15 Article L. 295 du code électoral.

* 16 Article L. 346 du code électoral pour les élections régionales et article 9 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 pour les élections européennes.

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