Art. 414-1 du code civil : Nullité relative d'un acte pour insanité d'esprit

Cet article reprend la règle de la nullité relative de l'acte juridique passé par une personne atteinte d'un trouble mental , actuellement posée à l'article 489.

La santé mentale reste ainsi une condition de validité d'un acte, même en l'absence de mesure de protection juridique.

L'insanité d'esprit, le trouble mental sont des expressions très générales. Elles s'appliquent, bien entendu, aux malades mentaux proprement dits, qu'ils soient ou non soumis à un régime de protection, qu'ils soient durablement atteints dans leurs facultés intellectuelles ou en proie à une hallucination temporaire. Elles couvrent également le cas de tout individu privé de raison, notamment sous les effets de la drogue, de l'alcool, d'une maladie physique comme la fièvre ou même sous l'empire d'une intense émotion. Le critère déterminant est l' absence de discernement au moment de la passation de l'acte . En la matière, le juge a un pouvoir d'appréciation souverain 38 ( * ) .

Aussi la preuve de l'insanité d'esprit incombe-t-elle, en principe, à celui qui agit en nullité. Difficile à établir, elle peut être rapportée par tous moyens, notamment par témoignages et présomptions. En cas de trouble mental persistant, la jurisprudence en inverse la charge, en exigeant du défenseur qu'il rapporte la preuve de sa lucidité au moment de l'acte 39 ( * ) .

Si le principe, actuellement énoncé à l'article 488, de la protection par la loi du majeur ne bénéficiant pas d'un régime spécifique mais qu'une altération de ses facultés personnelles met dans l'impossibilité de pourvoir seul à ses intérêts, soit à l'occasion d'un acte particulier, soit d'une manière continue, n'est pas repris, les conditions restent donc posées pour en assurer l'effectivité.

Art. 414-2 : Conditions d'exercice
de l'action en nullité pour insanité d'esprit

Cet article définit les conditions d'exercice de l'action en nullité, actuellement énoncées aux articles 489 et 489-1, en distinguant selon que l'intéressé est vivant ou non.

Du vivant de la personne, l'action en nullité n'appartient qu'à l'intéressé . Il s'agit d'interdire à l'autre partie, celle qui était saine d'esprit, d'invoquer cette cause de nullité pour faire annuler l'acte. Le projet de loi ne reprend pas la disposition de l'actuel article 489 selon laquelle l'action peut être exercée parle tuteur ou le curateur nommé après la passation car elle est inexacte et inutile : inexacte, parce que le curateur ne peut exercer lui-même l'action mais seulement apporter son assistance au majeur ; inutile parce que la rédaction retenue pour l'article 414-2, en indiquant que « l'action n'appartient qu'à l'intéressé », soumet son exercice aux règles de droit commun. Si la personne est sous tutelle, l'action est exercée par le tuteur ; si elle est sous curatelle, elle agit avec l'assistance de son curateur.

Après la mort de la personne, les actes qu'elle a passés ne peuvent en principe être attaqués pour cause d'insanité d'esprit, en raison des difficultés d'administration de la preuve, du souci d'éviter de multiples contestations et du désir d'inciter les parents de l'aliéné à le placer sous un régime de protection. Quatre exceptions sont toutefois prévues par l'actuel article 489-1 et reprises par le projet de loi. Une action en nullité est ainsi admise :

- pour les donations et testaments, et ce afin d'éviter tout danger de captation ;

- pour un acte portant en lui-même la preuve d'un trouble mental ;

- pour un acte fait alors que l'intéressé était placé sous sauvegarde de justice ;

- si une demande d'ouverture d'une mesure de protection a été introduite avant le décès, ou, hypothèse nouvelle induite par la création de ce type de mesure de protection, si effet a été donné à un mandat de protection future.

Comme toute nullité relative, l'action en nullité pour insanité d'esprit se prescrit , en application de l'article 1304, par cinq ans à compter du jour où l'acte est passé, sauf si la personne était au moment de l'acte placée sous une mesure de protection juridique, auquel cas la prescription ne court que du jour où la personne a eu connaissance de son acte et s'est trouvée en situation de le refaire valablement. Il ne court contre les héritiers du majeur protégé que du jour de son décès, s'il n'a pas commencé à courir auparavant.

L'action en nullité pour insanité d'esprit ne fera pas obstacle à ce que l'acte accompli après l'ouverture d'une mesure de protection puisse être annulé, rescindé ou réduit selon les dispositions propres à celle-ci 40 ( * ) .

L'acte annulable pour insanité d'esprit pourra, comme aujourd'hui, être confirmé par son auteur ou, après la mort de celui-ci, par ses héritiers, selon les règles de droit commun édictées à l'article 1338. La personne sous curatelle pourra le confirmer avec l'assistance de son curateur 41 ( * ) . Pour la personne sous tutelle, le tuteur agira sans l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'agissant de droits patrimoniaux 42 ( * ) .

* 38 Cass, 1 ère civ, 12 novembre 1975 et 2 déc. 1992.

* 39 Cass, 1 ère civ, 11 juin 1980.

* 40 Cf. l'article 435 pour la sauvegarde de justice, et les articles 464 et 465 pour la tutelle et la curatelle

* 41 Nouvel article 468.

* 42 Nouvel article 475.

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