c) L'articulation entre le pilotage politique et le pilotage opérationnel, financier et administratif de l'audiovisuel extérieur de la France

Les parlementaires, aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, ont régulièrement dénoncé l'absence d'un pilotage politique clair en matière d'audiovisuel extérieur.

Ainsi, notre ancien collègue, Louis de Broissia, regrettait, dans son rapport pour avis budgétaire sur les crédits de la mission « Médias » dans le projet de loi de finances pour 2008, que « notre audiovisuel extérieur souffre depuis vingt ans d'une absence totale de stratégie » et rappelait que « dans un domaine aussi essentiel pour notre rayonnement culturel, il appartient au pouvoir politique de prendre ses responsabilités et de fixer un cap clair et précis à des structures qui donnent trop souvent l'impression de naviguer à vue ».

Dans le même ordre d'idées, le député Patrice Martin-Lalande estimait, dans son rapport d'information de juillet 2008 intitulé « L'audiovisuel extérieur de la France : nouvelles analyses pour mieux réformer », que « le ministère des affaires étrangères restant légitime à intervenir dans des choix comportant une dimension diplomatique et d'influence forte », il demeurait « essentiel de mettre en place un véritable pilotage politique, à côté du pilotage opérationnel par la société holding ».

Dans cet esprit, le rapport de la Commission du livre blanc sur la politique étrangère et européenne, remis au ministre des affaires étrangères et européennes le 11 juillet 2008, a jugé indispensable que le Quai d'Orsay conserve « un pouvoir d'orientation en matière de pays, de langues, de publics et d'émetteurs » dans le pilotage stratégique de l'audiovisuel extérieur, composante essentielle de l'action extérieure de notre pays.

La nécessité du maintien, au sein du ministère des affaires étrangères et européennes, d'une cellule stratégique consacrée au pilotage politique de l'audiovisuel extérieur de la France semble donc faire l'objet d'un large consensus. La définition d'orientations politiques claires de notre pays en matière d'audiovisuel extérieur apparaît d'autant plus décisive qu'elle sera centrale dans la négociation du contrat d'objectifs et de moyens que les pouvoirs publics concluront avec la société holding.

À l'heure actuelle, c'est la direction de l'audiovisuel extérieur de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) du Quai d'Orsay qui contribue à la définition des orientations politiques et stratégiques de notre audiovisuel extérieur. Cette structure sera remplacée par une sous-direction de l'audiovisuel extérieur, au sein de la direction de la diversité culturelle et linguistique, un des quatre pôles de la future direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, issue du rapprochement de la DGCID et de la direction des affaires économiques.

Si le Quai d'Orsay doit conserver toute sa place dans la définition du pilotage politique de notre action audiovisuelle extérieure 47 ( * ) , il convient de ne pas négliger la dimension interministérielle de cette dernière.

Or, force est de constater que l'outil de pilotage interministériel de notre politique audiovisuelle extérieure n'est plus adapté : le Conseil de l'audiovisuel extérieur de la France (CAEF), créé en 1989, n'a plus été réuni depuis 1996, du fait de la lourdeur et du formalisme de ses modalités de fonctionnement.

Dans ces conditions, un espace d'arbitrage politique interministériel de l'action audiovisuelle extérieure de la France, distinct du conseil d'administration de la société holding, devra être aménagé , soit au sein du futur Comité des réseaux internationaux à l'étranger (CORINTE), destiné à relancer l'interministérialité de l'action culturelle extérieure, soit à travers la création d'un conseil interministériel spécifiquement consacré à l'audiovisuel extérieur de la France, en lieu et place de l'actuel CAEF.

À l'occasion des débats à l'Assemblée nationale sur le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, le député Patrice Martin-Lalande a indiqué que le pilotage politique interministériel de notre action audiovisuelle extérieure connaîtrait prochainement une traduction effective à travers la création d'une structure souple qui prendrait la forme d'un comité directeur regroupant les directeurs des administrations centrales concernées - services du Premier ministre, affaires étrangères, culture, budget et économie - avec l'Agence des participations de l'État . Ce comité se réunirait périodiquement pour décider des orientations politiques à donner à l'action audiovisuelle extérieure de la France.

Sur le fond, il peut être utile de préciser le sens des principales orientations politiques et stratégiques recommandées par la Commission du livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France. Celle-ci estime, d'une part, que l'audiovisuel extérieur devra évoluer « vers une politique tenant compte davantage de la demande , et qui adapte son offre à la zone géographique et aux publics visés (parmi lesquels les populations locales et parmi elles des segments-cibles comme les décideurs doivent être privilégiés : le temps où les Français expatriés étaient une cible déterminante pour la définition de notre offre est révolu) ». La politique de sous-titrage de TV5 Monde et le multilinguisme de RFI et de France 24 sont déjà la preuve que l'audiovisuel extérieur de la France cherche résolument à toucher bien au-delà du seul espace francophone. D'autre part, les sociétés de l'audiovisuel extérieur ont vocation à concentrer leurs efforts sur leurs publics cibles : TV5 Monde devrait adopter une stratégique spécifique concernant les deux bassins francophones particulièrement dynamiques que constituent l'Afrique et le Maghreb, tandis que France 24 devrait multiplier ses efforts en direction des décideurs politiques et des élites.

* 47 C'est ce que semble, au passage, confirmer la composition actuelle du conseil d'administration de la société « Audiovisuel extérieur de la France », puisque, aux termes du décret de nomination du 14 juin 2008, le Quai d'Orsay y demeure le ministère le mieux représenté.

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