C. UNE SITUATION QUI A D'ABORD PRIS DE COURT LE GOUVERNEMENT ET LES ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES

1. Les organisations professionnelles ont d'abord tardé à réagir

Les organisations professionnelles nationales ont été associées aux négociations communautaires, notamment à travers des réunions organisées régulièrement par VINIFLHOR 14 ( * ) et le ministère chargé de l'agriculture. La levée de l'interdiction du coupage y a été abordée. De plus, le projet de règlement comprenant la levée de l'interdiction du coupage a été présenté en décembre 2008, à la demande de la Commission, à l'instance communautaire de consultation des organisations professionnelles agricoles -le COPA-COGECA 15 ( * ) - et a reçu un avis favorable.

Cependant, dès décembre 2008, la Confédération nationale des producteurs de vins et eaux-de-vie de vin à appellations d'origine contrôlée (CNAOC) avait alerté le ministère sur la suppression de l'interdiction du coupage pour le vin rosé de table. En outre, le 14 janvier dernier, les professionnels français des filières de rosé ont fait connaître leur opposition à la levée de cette interdiction.

En tout état de cause, votre rapporteur estime qu'il serait inopportun de chercher des boucs-émissaires dans ce dossier et qu'il convient de répondre en urgence aux préoccupations des producteurs français de rosé.

2. Le ministère de l'agriculture et de la pêche est parvenu à prolonger les débats, mais notre pays peine à trouver des alliés

Suite aux réactions des professionnels, le Gouvernement a exprimé clairement à la Commission sa position. Le 27 janvier 2009, lors du vote indicatif sur le projet de règlement relatif aux pratiques oenologiques (aucun vote décisionnel n'a eu lieu pour l'instant), la France s'est prononcée favorablement, compte tenu des réponses positives apportées à ses autres demandes, pour autoriser le lancement de la consultation de l'OMC, qui dure au moins trois mois. Mais dans le même temps, le Gouvernement a fait part de ses vives réserves sur la levée de l'interdiction du coupage, a souhaité que la période d'examen du texte à l'OMC permette de trouver un compromis et a obtenu, le 6 avril dernier, que le vote sur les deux règlements d'application intervienne seulement le 19 juin prochain, c'est-à-dire après l'élection du Parlement européen.

Parallèlement, le ministre en charge de l'agriculture, M. Michel Barnier, a écrit à deux reprises à la Commissaire européenne en charge de ces questions, le 11 février 2009 et le 13 mars 2009, pour souligner son opposition à la levée de l'interdiction du coupage. De nombreux contacts ont suivi entre les services du MAP et de la Commission.

Toutefois, à l'issue d'une rencontre entre la direction générale des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires du ministère et la Commission le 20 mars à Bruxelles, cette dernière a indiqué qu'elle n'entendait pas modifier le projet de règlement sur les pratiques oenologiques, pour deux raisons essentiellement 16 ( * ) .

En premier lieu, elle dispose a priori d'une majorité qualifiée solide. En effet, selon les informations fournies par le Gouvernement à votre rapporteur, les chances sont minces de voir la France obtenir le 19 juin prochain une minorité de blocage (fixée à 91 voix). Notre pays disposant de 29 voix, il lui faudrait convaincre, d'une part, l'Allemagne (29 voix) et la Hongrie (12 voix), qui n'apprécient pas la baisse du plafond autorisé de sulfites et, d'autre part, l'Italie (29 voix) et la Grèce (12 voix), qui sont hostiles aux mesures relatives à la désalcoolisation. Autrement dit, l'opposition au règlement sur les pratiques oenologiques repose sur une alliance hétéroclite d'Etats-membres que la Commission européenne pourrait aisément briser en donnant satisfaction aux revendications de certains pays pour isoler la France.

En second lieu, la Commission souhaite respecter un calendrier très contraint. La réouverture des négociations sur les pratiques oenologiques risquerait d'aboutir à un vide juridique, car le règlement de 1999 sera officiellement abrogé le 1 er août prochain 17 ( * ) .

Enfin, il convient d'ajouter que la Commission a saisi l'OMC pour qu'elle contrôle, le plus en amont possible, le règlement d'application sur les pratiques oenologiques avant son adoption définitive 18 ( * ) . Selon les informations fournies à votre rapporteur, les Etats-Unis ont demandé un délai supplémentaire d'examen de ce texte, sans que l'on connaisse les motivations de leur demande.

* 14 Cet organisme public, créé en 2005, intervient dans les secteurs des fruits et légumes, du vin et de l'horticulture. Il participe à l'élaboration de la réglementation dans ces secteurs, il met en oeuvre les soutiens nationaux et communautaires et analyse l'évolution de ces marchés.

* 15 Comité des organisations professionnelles agricoles de l'Union européenne - Confédération générale des coopératives agricoles de l'Union européenne.

* 16 La Commission ne consentirait à réviser sa position que si l'OMC devait émettre des observations sur ce règlement.

* 17 Toutefois, ce règlement serait maintenu pendant trois mois dans l'hypothèse où la décision de la Commission était renvoyée au Conseil en l'absence de majorité qualifiée au sein du comité de réglementation.

* 18 Cette saisine de l'OMC est obligatoire dans le cadre de l'accord sur les obstacles techniques au commerce (accord OTC), qui est le principal instrument international adopté à ce jour dans le domaine des réglementations techniques. Ce texte vise à éviter que les règlements, les normes et les procédures d'essai et de certification créent des obstacles injustifiés au commerce international.

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