B. UNE COMPLEXIFICATION SUPPLÉMENTAIRE DU SYSTÈME FISCAL

L'application des mesures proposées ajouteraient en outre de la complexité à un système d'ores et déjà peu lisible.

Ainsi devrait-on non seulement distinguer les entreprises dont le chiffre d'affaires est de moins de 7,63 millions d'euros, dont l'IS est supérieur à 763.000 euros, mais aussi les entreprises qui ne sont pas des PME au sens communautaire mais qui réalisent des bénéfices dont la croissance annuelle est supérieure à 10 %, les entreprises qui réinvestissent leurs profits, celles qui distribuent leurs profits, celles qui appartiennent au secteur pétrolier....

Ces micro-régimes, qui se superposeraient à l'ensemble des « niches fiscales », sont contraires à la position de votre commission qui milite depuis plusieurs années pour un abaissement général du taux nominal de l'impôt sur les sociétés combiné à un élargissement de l'assiette de l'impôt par la suppression desdites niches fiscales.

C. UNE EFFICACITÉ INCERTAINE

La proposition de loi a notamment pour objectif d'accroître l'effort de contribution fiscale de certaines entreprises afin de répondre à des besoins de financements devenus très importants compte tenu de la crise actuelle. Elle cherche également à inciter les entreprises à renforcer leurs fonds propres

Toutefois, le rendement et l'efficacité de certaines mesures proposées sont incertains.

1. Le champ restreint, voire inexistant en 2010, des redevables de la contribution exceptionnelle de solidarité

La contribution exceptionnelle de solidarité concerne des entreprises qui réalisent des bénéfices en hausse de plus de 10 % par rapport à l'exercice précédent.

Or au vu des résultats publiés pour le premier trimestre 2009 par certaines grandes entreprises françaises, on peut s'interroger sur le nombre d'entreprises qui seront en mesure d'afficher des bénéfices à deux chiffres pour l'année 2009. Si tel était le cas, la mesure aurait non seulement le tort de présenter les inconvénients ci-dessus présentés mais aussi celui de ne pas apporter de recettes supplémentaires à l'Etat.

2. L'action sur le taux de distribution des entreprises : un levier et des modalités inadéquats

La proposition de modulation de l'IS en fonction de la politique de distribution des bénéfices des entreprises, aussi intéressante soit-elle, ne permettrait ni un renforcement significatif des fonds propres des entreprises (objectif premier), ni une augmentation de recettes fiscales (objectif de second rang).

La mesure proposée par l'article 2 repose sur la distinction entre profits distribués et profits réinvestis , c'est-à-dire soit mis en réserve soit incorporés en capital. Le taux de l'impôt sur les sociétés serait majoré de 10 % dès lors que l'entreprise distribue plus de 60 % de ses bénéfices imposables , et minoré de 10 % lorsque, a contrario , elle réinvestit 60 % et plus de ces derniers.

Modulation du taux de l'IS en fonction du taux de distribution* des dividendes
(article 2 la proposition de loi)

Taux de distribution < 40 %

40 % < taux de distribution< 60 %

Taux de distribution > 60 %

Taux IS : - 10 %

Taux IS : inchangé

Taux d'IS : + 10 %

* selon l'article 2 de la proposition de loi : montant des dividendes /bénéfice imposable

Le système proposé par la proposition de loi peut apparaître séduisant, et ce d'autant plus que le rapport remis au Président de la République le 13 mai 2009 par M. Jean-Philppe Cotis 4 ( * ) souligne que la part des dividendes dans la valeur ajoutée a sensiblement augmenté au cours de ces dernières années

Toutefois, cette proposition est inopérante et non incitative .

D'une part, ce dispositif serait particulièrement opportun si la distinction profits distribués / profits réinvestis avait un sens pour le plus grand nombre des entreprises établies sur notre territoire, mais ce n'est pas le cas. Comme le souligne le rapport précité, le nombre d'entreprises qui distribuent des dividendes est in fine restreint : en 2006, 16,4 % des PME ont distribué des dividendes, cette proportion étant de 30,6 % pour les entreprises de taille intermédiaire et de 41 % pour les grandes entreprises.

Par conséquent, moduler le taux de l'IS en fonction de la politique de distribution des dividendes ne permettrait pas de renforcer significativement les fonds propres des entreprises, et notamment celles qui en ont le plus besoin, à savoir les petites et moyennes entreprises.

D'autre part, ce dispositif serait intéressant si ses modalités d'application revêtaient un réel caractère incitatif pour les entreprises potentiellement concernées. Or, la référence au bénéfice imposable , et non au résultat net, dans le calcul du taux de distribution conduit à un dispositif peu opérationnel , puisque très rares seraient les sociétés à dépasser un taux de distribution supérieur à 60 % dans la mesure où cela signifierait qu'elles distribuent la quasi-totalité de leur résultat net.

En outre, l'examen des taux de distribution des grandes entreprises françaises montre que la mesure proposée aurait peu d'impact puisque la moyenne du taux de distribution (montant des dividendes nets /bénéfice net) en 2007 des entreprises privées du CAC 40, était de 40,56 %.

Ce taux, calculé sur la base du bénéfice net, serait moindre si la référence retenue était le bénéfice imposable . Ainsi, il apparaît que l'application de l'article 2 n'aurait pas d'effet sur la politique de distribution des dividendes des entreprises, puisque celles-ci ont d'ores et déjà des taux qui leur permettraient de bénéficier d'un taux minoré d'IS (effet d'aubaine), ou d'un maintien de ce taux.

Taux de distribution des grandes entreprises privées

En millions d'Euros

CA 2007

Pay-Out Ratio (1) 2006

Pay-Out Ratio(1) 2007

Etat Non Actionnaire

Accor

8 025

131,94%

81,99%

Air France-KLM

Air Liquide

11 801

49,59%

49,07%

Alcatel-Lucent

17 800

Alstom

ArcelorMittal en EUR*

72 407

41,08%

20,19%

ArcelorMittal en USD

105 500

Axa

93 633

43,62%

43,63%

BNP Paribas

31 037

39,56%

38,79%

Bouygue

29 613

32,10%

37,06%

Capgemini

8 703

34,47%

32,95%

Carrefour

82 148

31,83%

33,10%

Crédit Agricole

16 768

38,21%

49,55%

Danone

12 776

35,48%

13,50%

Dexia

6 896

34,25%

41,96%

EADS

39 100

97,98%

-21,90%

EDF

59 600

37,70%

41,65%

Essilor

2 908

34,42%

34,88%

France Télécom

52 959

75,31%

53,84%

Gaz de France

27 427

47,08%

50,16%

Lafarge

17 614

37,97%

41,07%

Lagardère

8 582

56,01%

32,62%

L'Oréal

17 063

34,50%

31,74%

LVMH

16 481

35,18%

38,42%

Michelin

16 867

36,36%

29,72%

Pernod-Ricard

PPR

19 761

56,20%

47,94%

PSA Peugeot Citroën

60 613

Renault

40 682

30,08%

39,49%

Saint-Gobain

43 421

37,94%

50,98%

Sanofi-Aventis

28 052

59,01%

39,77%

Schneider Electric

17 308

51,17%

51,11%

Société Générale

21 923

44,49%

44,35%

STMicroelectronics EUR*

6 864

Suez

47 475

41,98%

44,28%

Total

158 752

38,32%

37,58%

Unibail

771

Vallourec

6 140

57,25%

59,13%

Veolia Environnement

32 628

55,36%

59,48%

Vinci

30 428

52,35%

33,74%

Vivendi

21 657

34,39%

57,68%

Moyenne

45,54%

40,56 %

*Converti au cours moyen mensuel BDF de décembre 2007

(1) Montant des dividendes nets/ bénéfice net

Source : RICOL, LASSEYRIE & Associés, avril 2008

En conclusion, la modulation de l'IS en fonction de la politique de distribution n'apparaît pas comme le mécanisme idoine pour renforcer les fonds propres des entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises. A ce sujet, votre rapporteur estime que la consolidation du capital des PME passe davantage par une modification du dispositif de réduction d'impôt de solidarité sur la fortune 5 ( * ) .

*

* *

Compte tenu de ces observations, la commission n'a pas établi de texte. En conséquence, en application de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique portera sur le texte de la proposition de loi .

* 4 Partage de la valeur ajoutée, partage des profits et écarts de rémunération en France, rapport au Président de la République, 13 mai 2009.

* 5 Cf. la proposition de loi n° 398 (2008-2009) visant à renforcer l'efficacité de la réduction d'impôt de solidarité sur la fortune au profit de la consolidation du capital des petites et moyennes entreprises qu'il a déposé sur le Bureau du Sénat.

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