TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 27 mai 2009 sous la présidence de Nicolas About, président, la commission a procédé à l'examen du rapport d' Annie David sur la proposition de résolution européenne n° 340 (2008-2009) présentée par Annie David au nom de la commission des affaires européennes en application de l'article 73 bis du règlement, sur la proposition de directive portant modification de la directive 92/85/CEE concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (E 4021).

Annie David, rapporteure , a indiqué que cette proposition de directive est actuellement en cours de discussion au Conseil et au Parlement européens : le Sénat peut donc encore en modifier le contenu en adoptant une résolution européenne présentant ses positions que le Gouvernement devra défendre à Bruxelles.

L'Union européenne a peu de prérogatives en matière sociale mais elle est compétente, en vertu de l'article 137 du traité instituant la communauté européenne, pour compléter l'action des Etats membres en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, de protection sociale des travailleurs et d'égalité des chances entre les femmes et les hommes dans le domaine professionnel. Cette base juridique est étroite mais suffisante pour que les parlementaires nationaux promeuvent, par leurs résolutions, une Europe plus sociale et plus juste.

La première directive sur la protection des femmes enceintes au travail, adoptée en 1992 et toujours en vigueur, a posé une série de règles importantes : création d'un congé de maternité d'au moins quatorze semaines pour toutes les femmes salariées de l'Union, dont deux semaines obligatoires, interdiction du licenciement d'une femme enceinte et obligation, pour l'employeur, d'adapter son poste de travail en cas de risque sanitaire pour la salariée.

La proposition de directive complète ce dispositif par huit mesures :

- elle porte le congé de maternité à dix-huit semaines, dont six obligatoires, sachant qu'en France, il est de seize semaines, dont huit imposées ;

- elle octroie un congé supplémentaire en cas de naissance prématurée, d'hospitalisation de l'enfant à la naissance, de naissance d'un enfant handicapé ou de naissance multiple ;

- elle interdit aux Etats membres de répartir le congé de maternité entre les périodes prénatale et postnatale ;

- elle accorde aux salariées enceintes le droit, qui existe déjà en France, de bénéficier de toute amélioration des conditions de travail qui serait accordée, pendant leur absence, aux employés appartenant à la même catégorie socioprofessionnelle ;

- elle fixe l'indemnité versée pendant le congé de maternité à 100 % du salaire mensuel moyen, dans la limite d'un plafond déterminé par chaque Etat membre - soit, en France, 2 300 euros nets par mois dans le régime général ;

- elle permet à la salariée enceinte de demander, en dehors des situations à risque pour sa santé, un aménagement de ses rythmes et horaires de travail ;

- elle renverse la charge de la preuve en cas de contentieux entre l'employeur et l'employée concernant l'application de la directive : lorsque la salariée présentera des faits laissant présumer l'existence d'une infraction, il incombera à l'employeur de prouver qu'il n'a pas commis de faute ;

- enfin, les agences chargées de la lutte contre les discriminations, en l'occurrence la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) en France, seront désormais compétentes pour se saisir de toutes les questions traitées par la proposition de directive.

Annie David, rapporteure, a considéré que si plusieurs de ces mesures constituent un progrès, la fixation du congé de maternité à dix-huit semaines par exemple, d'autres sont, en l'état, plus contestables.

Ainsi, le fait d'interdire aux Etats membres de fixer eux-mêmes la répartition du congé de maternité entre la période qui précède la naissance et celle qui la suit est contraire au principe de subsidiarité : s'il revient bien à l'Union européenne d'établir un socle de droits fondamentaux pour les travailleuses de l'Union, il ne lui appartient pas de préciser les modalités d'application de ces droits dans les Etats membres.

De même, les dispositions concernant le niveau d'indemnisation des femmes en congé de maternité sont ambiguës : le texte indique à la fois que toutes les femmes, en dessous d'un certain salaire, doivent être indemnisées à 100 % et qu'elles n'ont droit qu'aux indemnités versées en cas de maladie. Il faut donc clarifier ce point en affirmant que, dans la limite d'un plafond global applicable à toutes les salariées, celles-ci seront indemnisées à 100 %, comme c'est par exemple le cas en France.

La durée minimum du congé supplémentaire, accordé en cas de pathologie ou de naissance multiple, doit également être précisée, faute de quoi certains Etats membres pourraient se contenter de n'accorder qu'un seul jour de plus pour satisfaire à cette obligation.

Par ailleurs, le renversement de la charge de la preuve dans les cas de contentieux relatifs à l'application de la directive n'est pas admissible car il remet en cause le principe fondamental de la présomption d'innocence. Pour protéger les femmes enceintes tout en assurant le respect d'un principe fondamental de la République, il faudrait exiger que l'employeur assume le risque de la preuve, c'est-à-dire qu'en cas de doute, celui-ci profite à la salariée, comme le code français du travail le prévoit actuellement.

Enfin, aborder le sujet de la vie professionnelle des femmes enceintes conduit à soutenir l'implication des pères dans l'accueil du nouveau-né, et donc à promouvoir le congé de paternité. La proposition de résolution pourrait utilement encourager les Etats membres à le développer.

Patricia Schillinger et Sylvie Goy-Chavent ont souhaité savoir si la proposition de directive comporte des dispositions visant à protéger les femmes qui exercent un travail pénible.

Guy Fischer a jugé trop rares les propositions de directive qui renforcent les droits sociaux des travailleurs européens, alors qu'il revient pourtant à l'Union européenne de définir un socle de droits fondamentaux commun à tous les Etats membres.

Gisèle Printz et François Autain ont demandé à connaître l'avis de la rapporteure sur l'amendement, déposé à l'Assemblée nationale à l'occasion de l'examen de la proposition de loi visant à faciliter le maintien et la création d'emplois, qui autorise les salariés en arrêt maladie ou en congé de maternité à poursuivre leur activité professionnelle grâce au télétravail.

A ce sujet, Sylvie Desmarescaux a signalé le cas d'un salarié atteint d'une sclérose en plaques qui lui a personnellement affirmé que le télétravail l'aide à combattre sa maladie.

Muguette Dini a encouragé la rapporteure à suivre avec attention la réalité de la prise en compte de la résolution du Sénat par les autorités françaises à Bruxelles.

Après que Gérard Dériot a rappelé l'exemplarité de la France par rapport aux autres pays européens en matière de protection des femmes enceintes, Isabelle Debré a déclaré être, pour ces mêmes raisons, fière d'être française, le pays des droits de l'Homme devant aussi être celui des droits de la Femme.

Gilbert Barbier a souhaité savoir quelle devrait être la durée minimale du congé supplémentaire, accordé notamment en cas de grossesse multiple, préconisée par la rapporteure.

Alain Vasselle s'est interrogé sur le coût et les modalités de financement de l'allongement à dix-huit semaines du congé de maternité prévu par la proposition de directive. Il s'est enquis de la durée réelle de l'ensemble des congés pris à l'occasion d'une naissance par rapport à celle du seul congé de maternité et de l'existence éventuelle de règles spécifiques concernant le droit au congé de paternité des pères polygames.

Paul Blanc a regretté que la proposition de directive ne comporte aucune disposition concernant la nocivité du tabac pour les femmes enceintes.

Nicolas About, président , a indiqué que la même observation s'applique à la consommation d'alcool. Il s'est dit préoccupé par l'absence de dispositions concernant les travailleuses indépendantes.

Anne-Marie Payet s'est demandé si la législation française prévoit toujours un congé pour allaitement. Elle a rappelé que la polygamie est absolument interdite en France, sauf à Mayotte où l'interdiction étant récente, certains hommes sont encore légalement polygames.

S'étant déclarée personnellement défavorable à l'amendement évoqué par Gisèle Printz et François Autain, Annie David a souhaité ne pas prolonger le débat sur ce sujet étranger à la proposition de résolution et a présenté les éléments de réponse suivants :

- la directive de 1992 institue déjà une obligation pour l'employeur d'assurer la sécurité des femmes enceintes : si le travail exercé par la salariée l'expose à un danger pour sa santé, il doit immédiatement suspendre le contrat de travail. La proposition de directive est encore plus protectrice puisqu'elle accorde le droit à une salariée de demander à son employeur, même en l'absence de danger pour sa santé, un aménagement de ses horaires et de son rythme de travail. L'employeur est tenu d'examiner sa requête en tenant compte des besoins des deux parties ;

- la durée minimale du congé de maternité dans les cas de grossesse multiple pourrait être de trente-quatre semaines, ce qui correspond à celle accordée en France pour les grossesses gémellaires ;

- l'allongement du congé de maternité à dix-huit semaines représenterait, au plus, un coût supplémentaire de 200 millions d'euros pour l'assurance-maladie, soit une augmentation de moins de 10 % de son coût actuel, qui est de 2,4 milliards d'euros ;

- 70 % des jeunes mères françaises bénéficient, dans les faits, d'un congé pathologique de deux semaines qui s'ajoutent aux seize semaines de congé de maternité stricto sensu. Ceci étant, on peut penser que si celui-ci est porté à dix-huit semaines, les médecins accorderont moins facilement le congé pathologique ;

- la proposition de directive n'aborde pas le sujet des travailleuses indépendantes car ce problème fait l'objet d'une directive spécifique ;

- le code du travail accorde toujours aux salariées, pendant une année à compter du jour de la naissance, une pause d'une heure par jour, sur les heures de travail, pour allaiter leur enfant. Certaines conventions collectives sont encore plus généreuses.

La commission a ensuite examiné le texte proposé pour la résolution.

A l'initiative de Muguette Dini et Brigitte Bout , elle a modifié les sixième et quatorzième considérants pour marquer plus nettement le souhait du Sénat de voir la proposition de directive inciter les Etats membres à instaurer un congé de paternité.

Elle a ensuite adopté le texte de la proposition de résolution ainsi modifié .

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