2. La nécessité microéconomique d'encadrer un système de crédit présentant une tolérance naturelle au surendettement

a) La rationalité à l'oeuvre chez les vendeurs de crédits renouvelables...

Le taux de l'usure est insuffisamment élevé pour permettre aux banques d'accorder des prêts immobiliers à des catégories d'emprunteur « à risque » ou à faible potentiel . En, revanche, pour ce qui concerne les crédits à la consommation, et particulièrement les crédits renouvelables , ces catégories d'emprunteurs sont acceptées et même sollicitées dans la mesure où les risques individuels sont plus faibles (moindre volume d'emprunt), les durées plus courtes, les taux d'intérêts moyens plus élevés, tandis que les échéanciers des crédits « revolving » privilégient le paiement d'intérêts au remboursement du capital.

Principales données concernant le crédit renouvelable à fin 2007


• Nombre de comptes de crédit renouvelable ouverts et déclarés par les prêteurs : 43,2 millions


• Nombre de comptes de crédit renouvelable actifs : 20 millions, soit 46 % des comptes


• Nombre de ménages qui déclarent rembourser un crédit renouvelable : 2,3 millions de foyers, soit 9 % d'entre eux 33 ( * )


• Nombre de comptes de crédit renouvelable actifs par foyer : 8 34 ( * )


• Proportion des crédits à la consommation : 21 % du volume total sont des crédits renouvelables (60 % sont des prêts personnels et 19 % des crédits affectés ; les crédits non affectés représentent donc 81 % du volume total des crédits à la consommation)


• Fonctionnement :

- aux 3/4 avec une carte privative (prédominance des distributeurs au sens large)

- 13,8 % sans carte

- 10,4 % avec une carte bancaire 35 ( * )


• Ancienneté du portefeuille de comptes de crédit :

- comptes ouverts depuis plus de 5 ans : > 50 %

- comptes ouverts depuis plus de 3 ans : près des 2/3


• Taux d'ouverture (nombre d'ouvertures effectives de compte de crédit renouvelable / nombre de demandes d'ouverture) : 55 % (64 % pour les banques hors établissements spécialisés)


• 54 % des ouvertures de compte s'effectuent sur le lieu de vente


• 82 % de l'encours de crédit renouvelable est porté par des établissements spécialisés, 18 % par des banques 36 ( * )

Source : Rapport Athling

La part des crédits renouvelables représente désormais ( 2007 ) 21 % du total de l'encours des crédits à la consommation des ménages. Si cette part, qui représentait 27 % des encours en 1993 37 ( * ) , a depuis diminué , cette présentation mise en avant par le rapport « Athling » ne doit pas occulter que, sur un encours total en forte augmentation relative - il est passé de 7,9 % du revenu disponible en 1993 à 11 % en 2007 38 ( * ) - l'encours des crédits renouvelables, lui, n'a pas baissé en proportion du revenu disponible 39 ( * ) . A la fin 2007, il s'élèverait ainsi, toujours selon le rapport Athling, à 32,7 milliards d'euros .

Du reste, la France apparaît, en proportion, moins « en retrait » pour le crédit renouvelable que pour le crédit à la consommation .

Quelle que soit l'empreinte macroéconomique du crédit renouvelable, il se trouve que chaque dossier de surendettement comporte en moyenne cinq comptes de ce type de crédit , par ailleurs présents dans 85 % des dossiers, ce qui est préoccupant.

Compte tenu des volumes en jeu, le système en place peut s'avérer collectivement rentable pour les organismes prêteurs, ces derniers anticipant un « taux de perte » qu'ils jugent supportable, mais qui se concrétise par autant de situations difficiles pour les emprunteurs concernés, qu'il convient absolument de leur éviter. Ainsi, 90 % des crédits sont recouvrés sans incidents. L'Association française des sociétés financières (ASF) estime à 8 % les incidents résolus en moins de 60 jours, seuls 2 % des dossiers posant réellement problème 40 ( * ) . Comme en témoigne le tableau ci-après, cette quotité apparaît comparativement très faible, ce dont il convient de se féliciter.

LE SURENDETTEMENT 41 ( * ) DANS LES PAYS EUROPÉENS

SELON LES DÉFINITIONS NATIONALES

Source : Conseil de l'Europe 42 ( * ) ., Conseil économique et social (rapport présenté en 2007 par Mme Pierrette Crosemarie : « Le surendettement des particuliers » )

Or, la marge de manoeuvre des organismes de crédit sur le surendettement des ménages français concerne essentiellement le surendettement dit « actif », défini par une accumulation exagérée de crédits résultant du comportement même de la personne surendettée. Les établissements de crédit, particulièrement pour ce qui concerne le crédit renouvelable, pourraient exercer une vigilance renforcée sur la capacité d'emprunt de leurs clients. Y ont-ils intérêt ?

L'enquête typologique sur le surendettement en 2007, réalisée en septembre 2008 par la Banque de France, montre que les situations de surendettement dit « passif », c'est-à-dire engendrées par une diminution des ressources consécutive à un « accident de la vie » (perte d'emploi, maladie, divorce...), demeurent largement majoritaires et se trouvent même en augmentation, correspondant désormais à 75 % des cas de surendettement 43 ( * ) .

Le surendettement « actif » ne représenterait donc que 0,5 % des dossiers, soit in fine une quotité de perte négligeable pour les organismes prêteurs qui pourraient tolérer, si l'on en juge par les exemples étrangers, des taux de défaut pour cause de surendettement bien plus élevés, surtout si les taux d'intérêt peuvent s'ajuster au risque 44 ( * ) .

* 33 Source : LaSer Cofinoga.

* 34 Le rapport Athling précise qu'il s'agit d'une hypothèse haute ; selon la Banque de France, 85,5 % des dossiers en surendettement en 2007 comportent au moins un compte de crédit renouvelable, la moyenne du nombre de comptes de crédit renouvelable pour ces dossiers étant de cinq unités.

* 35 Ce chiffre pourrait connaître une croissance significative dans les prochaines années compte tenu des projets aboutis ou en cours d'étude de grands groupes bancaires visant à généraliser des cartes débit / crédit (paiement au comptant, paiement à débit différé, paiement à crédit) auprès de leur clientèle.

* 36 Les établissements de crédit peuvent être subdivisés entre banques et établissements de crédit spécialisés.

* 37 Données Banque de France.

* 38 Données Observatoire des crédits aux ménages.

* 39 Il aurait même légèrement augmenté, d'après les chiffres précédents, d'environ 2,1 % du revenu disponible brut des ménages en 1993 à 2,3 % en 2007, ce dernier taux s'appliquant à un revenu disponible qui approche 1 250 milliards d'euros.

* 40 Colloque ASF du 24 novembre 2006.

* 41 La définition retenue pour le surendettement se base ici sur des critères subjectifs : il s'agit de la situation dans laquelle se trouvent toutes les personnes de plus de 18 ans vivant dans un ménage dont le chef de famille déclare, dans le cadre d'enquêtes nationales (pour l'essentiel, il s'agit des enquêtes ménages) avoir des difficultés pour rembourser ses dettes. Cette définition élargie permet de détecter des situations qui échappent à un comptage administratif ou à des critères objectifs basés sur l'examen de la situation économique des ménages pour mesurer leur degré d'insolvabilité, car certains ménages, à revenus équivalents, gèrent beaucoup mieux que d'autres un niveau élevé d'endettement.

* 42 L'état du surendettement présenté par le Conseil de l'Europe en mars 2007 résulte de la collecte des données nationales disponibles, ce qui explique les périodes différentes de référence.

* 43 La perte d'un emploi constitue le facteur dominant (32 %) à côté du divorce, de la séparation ou du décès du conjoint (17 %).

* 44 Cependant, la frontière entre surendettement actif et passif est souvent ténue, si bien que les statistiques concernant, respectivement, ces deux formes d'endettement, doivent être abordées avec circonspection. Par ailleurs, la Banque de France déclare ne pas être en mesure de produire des statistiques faisant apparaître le taux de perte des établissements de crédit lié au surendettement.

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