B. UNE FORTE MOBILISATION DANS UN CONTEXTE OÙ D'AUTRES PAYS ONT DÉJÀ ADOPTÉ DES DISPOSITIFS D'INDEMNISATION SPÉCIFIQUE

Le projet qui nous est proposé fait suite à de nombreuses propositions, émanant des associations de vétérans, de parlementaires, des élus polynésiens, mais aussi du Médiateur de la République dont la qualité du travail mérite d'être soulignée. Leur mobilisation, dans un contexte où d'autres pays ayant procédé à de tels essais ont adopté des dispositifs d'indemnisation, a grandement contribué à la genèse de ce texte. Ce texte n'aurait cependant pas été proposé, votre rapporteur tient à le souligner, sans la volonté du ministère de la défense, d'assumer pleinement ses responsabilités.

1. Un projet qui s'appuie sur une forte mobilisation des associations de victimes et du Parlement

Plusieurs associations de victimes ont, depuis des années, effectué un travail d'information et de sensibilisation de l'opinion publique tout à fait remarquable . Parmi ces associations, on peut notamment relever le rôle de l'association des vétérans des essais nucléaires français et leurs familles (AVEN) qui regroupe depuis 2001 les vétérans, malades ou non malades, personnels civils ou militaires ayant participé aux programmes d'essais nucléaires français sur les sites du Sahara et de Polynésie française.

L'AVEN défend la cause de tous les vétérans auprès des autorités judiciaires ou administratives afin d'obtenir le recensement des vétérans, l'accès aux dossiers médicaux militaires, l'instauration d'une commission de suivi des essais nucléaires et d'un fonds d'indemnisation des victimes civiles et militaires des essais, un droit à pension pour les vétérans et leurs ayants droit et enfin, la reconnaissance de la Nation.

D'autres associations font un travail important. Votre rapporteur ne veut en oublier aucune, mais ne peut les citer toutes.

Il pense, par exemple, à l'association « Moruroa e tatou », créée à Papeete en 2001, qui regroupe d'anciens travailleurs ou veuves d'anciens travailleurs des sites d'essais nucléaires français de Moruroa et Fangataufa en Polynésie. Elle effectue un travail soutenu de sensibilisation, d'interpellation des pouvoirs publics, mais également d'accompagnement des victimes, de leurs ayants droit et de leurs descendants. Il faudrait également souligner le rôle de la FNATH (Fédération Nationale des Accidentés du travail et des Handicapés), celui du comité « Vérité et Justice », celui de Tamarii Mururoa, celui de l'ANVEN (l'Association Nationale Vétérans Victimes Essais Nucléaires) et de bien d'autres associations mobilisées sur ce thème.

La prise de conscience progressive des difficultés que rencontrent les victimes pour obtenir l'indemnisation à laquelle elles peuvent légitimement prétendre s'est naturellement traduite ces dernières années par le dépôt, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, de multiples propositions de loi ou demandes de création de commissions d'enquête parlementaire, issues de parlementaires de presque tous les groupes politiques. Le Parlement, comme il se doit, a ici relayé les créances de la société civile.

Au Sénat, quatre propositions de loi et une demande de création d'une commission d'enquête parlementaire ont été déposées depuis 2002, notamment à l'initiative de Mme Hélène Luc dont le travail approfondi sur ce sujet mérite d'être souligné. Il s'agit des propositions :

- de loi n° 141 du 22 janvier 2003, de Mme Marie-Claude Beaudeau, relative au suivi sanitaire des essais nucléaires français ;

- de loi n° 448 du 27 juillet 2005, de Mme Hélène Luc, relative au suivi sanitaire des essais nucléaires français ;

- de résolution n° 247 du 9 mars 2006, de Mme Dominique Voynet, tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires, menés en Polynésie entre 1966 et 1996, sur la santé des populations exposées et sur l'environnement ;

- de loi n° 168 du 17 janvier 2007, de Mme Hélène Luc, tendant à modifier certaines dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre sur le délai de présomption d'imputabilité applicable aux maladies radio-induites ;

- de loi n° 225 du 12 février 2007, de Mme Hélène Luc, visant à créer un fonds d'indemnisation des préjudices causés par les essais nucléaires pratiqués en Algérie et en Polynésie française ;

- de loi n°118 du 2 décembre 2008 de M. Guy Fischer relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires.

Votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat avait elle-même auditionné M. Marcel Jurien de la Gravière, Délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense, afin de faire le point sur les conséquences sanitaires des essais nucléaires.

L'excellent rapport de notre collègue M André Dulait, sur les propositions de loi et de résolution n° 247 (2005-2006) et n° 488 (2004-2005), avait également permis d'établir un bilan approfondi des travaux en cours sur le sujet.

A l'Assemblée nationale, neuf propositions de loi ont été déposées au cours des XII e et XIII e législatures depuis 2002 :

- proposition de loi n° 3532 du 17 janvier 2002 de Mme Marie-Hélène Aubert relative au suivi des conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires ;

- proposition de loi n° 130 du 24 juillet 2002 de M. Yves Cochet, relative au suivi des conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires ;

- proposition de loi n° 368 du 7 novembre 2002 de M. Maxime Gremetz, relative au suivi sanitaire des essais nucléaires français ;

- proposition de loi n° 3025 du 12 avril 2006 de Mme Christiane Taubira, et M. Paul Giacobbi visant à la reconnaissance et à l'indemnisation des personnes, civils, militaires et populations, victimes des essais ou accidents nucléaires ;

- proposition de loi n° 3104 du 18 mai 2006 de M. Yannick Favennec, relative au suivi des conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires ;

- proposition de loi n° 92 du 18 juillet 2007 de M. Yannick Favennec, relative au suivi des conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires ;

- proposition de loi n° 553 du 20 décembre 2007, de Mme Christiane Taubira et M. Paul Giacobbi visant à la reconnaissance et à l'indemnisation des personnes, civils, militaires et populations, victimes des essais ou accidents nucléaires ;

- proposition de loi n° 751 du 27 mars 2008, de M. Maxime Gremetz, relative au suivi sanitaire des essais nucléaires français ;

- proposition de loi n° 643 du 29 janvier 2008 de François de Rugy, relative au suivi des conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires ;

- proposition de loi n°1258 du 14 novembre 2008 de Mme Taubira relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais ou accidents nucléaires.

Cette dernière proposition de loi dont Mme Christiane Taubira a été auteur et rapporteur a fait l'objet d'un débat en séance publique à l'Assemblée nationale le 19 novembre 2008. A cette occasion, le ministre de la défense, M. Hervé Morin, avait annoncé l'élaboration d'un projet de loi visant à mettre en place un dispositif d'indemnisation.

Le projet de loi du Gouvernement s'appuie donc sur de nombreux travaux parlementaires qui ont fait mûrir les esprits et ont préparé le terrain pour les solutions concrètes qui sont aujourd'hui proposées.

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