N° 158

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 14 décembre 2009

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances rectificative pour 2009 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur,

Rapporteur général

Tome I : Rapport

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

2070 , 2132 et T.A. 382

Sénat :

157 (2009-2010)

En cette fin d'année 2009, personne ne sait où en est vraiment l'économie française : est-elle sortie de crise et, déjà, sur la voie de la reprise ? Le moins que l'on puisse dire est que l'on se trouve confronté à des signaux contradictoires.

D'un côté, le repli de la croissance devrait se stabiliser autour d'un peu plus de 2 %. C'est sensiblement moins que ce que l'on a pu craindre. De l'autre, le chômage continue de progresser : plus de 80.000 emplois ont ainsi été détruits au troisième trimestre de cette année, soit à peine moins qu'au cours de celui qui l'a précédé. Par ailleurs, la production industrielle de la zone euro a reculé de 0,6 % en octobre.

L'environnement international n'est guère plus lisible . Les indices de reprise que l'on peut déceler dans les pays émergents et, notamment, en Chine, ne suffisent pas à compenser les craintes que suscite la fragilité financière de certains pays en marge et même au sein de la zone euro. Les difficultés de la Grèce sont, de ce point de vue, tout à fait emblématiques de l'ambivalence de la monnaie unique qui , si elle protège de la spéculation, permet à un certain nombre de pays de différer les ajustements nécessaires .

Si la France a plutôt mieux résisté à la crise que les autres pays membres de l'euro, à en juger par ses performances en matière de croissance, sa politique de relance, certes efficace, a contribué à une détérioration exceptionnelle des comptes de l'Etat pour 2009, déjà largement actée par les deux précédentes lois de finances rectificatives.

Avec en 2010 un déficit budgétaire de l'Etat de plus de 140 milliards d'euros et un déficit des administrations publiques de 8,2 points de PIB, notre pays aborde une zone dangereuse qui risque de l'éloigner de l'économie de référence qu'est l'Allemagne, qui devrait limiter son déficit à 6 points de PIB en 2010.

En deux ans, le ratio de la dette publique sur le PIB devrait augmenter de près de 20 points pour passer de 67,4 % en 2008 à 84 % en 2010, éloignant encore notre pays du respect des critères de Maastricht.

La crise a eu pour conséquence un effondrement des recettes budgétaires qui se révèlent inférieures de plus de 56 milliards au montant inscrit en loi de finances initiale. Sans doute peut-on espérer un effet de rattrapage mais cet effet pourrait rester limité si la croissance se révélait en définitive peu vigoureuse.

Cette perspective conduit à faire porter les efforts sur la maîtrise de la dépense. De ce point de vue, le présent collectif de fin d'année marque des efforts appréciables pour contenir la dépense publique . A côté des mesures qui marquent la nécessaire poursuite du plan de relance, votre commission des finances relève avec satisfaction un effort pour contraindre les dépenses de fonctionnement.

Nul doute que c'est à l'aune des efforts faits sur le plan de la dépense que les marchés, plus encore que la surveillance des pairs dans le cadre du traité de Maastricht, jugeront de la crédibilité de notre modèle économique.

Toute interrogation sur la détermination des autorités françaises à « tenir la dépense » de l'Etat se traduira immanquablement par une détérioration de nos conditions de financement sur les marchés. Notre dette, aujourd'hui - mais pour combien de temps - rendue artificiellement légère par les interventions des banques centrales, pourrait rapidement devenir un fardeau insupportable.

C'est dans ce contexte que prend place le « grand emprunt » qui, s'il a bien vocation à venir compléter le projet de loi de finances pour 2010 en vue de favoriser le rebond durable de l'économie française et le relèvement de son potentiel de croissance, doit aussi s'appuyer sur une volonté affirmée de privilégier l'investissement sur le fonctionnement , dont le présent collectif, qui comporte, comme il est de tradition son train de mesures fiscales, peut constituer une bonne illustration en dépit de l'ampleur des déficits immédiats.

I. DES PRÉVISIONS DE RECETTES QUASIMENT INCHANGÉES PAR RAPPORT AUX PRÉVISIONS INITIALES

L'évolution des recettes du budget de l'Etat en 2009 est la conséquence du recul historique du PIB en 2009.

A. UN RECUL DU PIB DE L'ORDRE DE - 2,25 % EN 2009, SELON LE GOUVERNEMENT ET LE CONSENSUS DES CONJONCTURISTES

L'article 53 de la LOLF dispose que « sont joints à tout projet de loi de finances rectificative », notamment, « un rapport présentant les évolutions de la situation économique et budgétaire justifiant les dispositions qu'il comporte (...) ».

Ce rapport est, comme les quatre dernières années, très succinct , puisqu'il se résume entièrement aux développements suivants : « Le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2009 s'inscrit dans un contexte de reprise de l'activité économique et d'une très nette décélération du rythme des destructions d'emploi. Après quatre trimestres de repli, la croissance française a atteint 0,3 % aux deuxième et troisième trimestres 2009 et les indicateurs conjoncturels démontrent une nette tendance au redémarrage de l'économie. Ce contexte a fait l'objet de développements récents devant les assemblées, à l'occasion de la présentation du projet de loi de finances (PLF) pour 2010 et de son adoption, en première lecture, par l'Assemblée nationale.

« On se reportera donc aux débats afférents à ce projet de loi pour apprécier le contexte économique et budgétaire dans lequel s'inscrit le présent projet de loi de finances rectificative.

« Les modifications apportées par le présent projet de loi sont à la fois constitutives d'ajustements de fin d'année et d'ouvertures destinées à apurer une très large partie de la dette de l'État à l'égard des organismes de sécurité sociale, dont le montant résiduel au 31 décembre 2009 sera inférieur à 1 milliard d'euros.

« Les modifications apportées aux dépenses sont explicitées dans l'exposé général des motifs du projet de loi et dans l'annexe « Analyse par mission et programme des modifications de crédits intervenues en gestion et modifications proposées par le présent projet de loi ».

« Pour analyser les ajustements apportés aux recettes, on se reportera, au-delà des déterminants des prévisions pour 2009 qui sont détaillées dans le fascicule des Voies et moyens associé au PLF 2010, à l'exposé général des motifs du projet de loi ».

La prévision de croissance du Gouvernement est donc maintenue à -2,25 %, ce qui correspond quasiment au consensus des conjoncturistes (- 2,2 %), qui est quasiment stabilisé depuis septembre 2009 car l'essentiel de l'aléa portait sur la croissance des deux premiers trimestres.

Les prévisions de croissance du PIB pour 2009

(en %)

(1) Y compris déclarations de membres du Gouvernement.

Sources : Consensus Forecasts, ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, déclarations publiques de membres du Gouvernement

En particulier, l'impact économique de la grippe A/H1N1 devrait être modeste. Certes, plus de 4,6 millions de personnes ont déjà été touchées en France métropolitaine depuis le mois d'août, selon les estimations du réseau des Grog (groupes régionaux d'observation de la grippe) publiées le 9 décembre 2009, ce qui correspond à un taux d'attaque de l'ordre de 7 %. Cependant, on rappelle que, selon les estimations de la commission des finances, un taux d'attaque de 12,5 % 1 ( * ) en 2009 ne devrait réduire le PIB de 2009 que d'environ 0,2 point.

B. DES RECETTES DE L'ETAT INFÉRIEURES DE 56 MILLIARDS D'EUROS AUX PRÉVISIONS DE LA LFI 2009, MAIS QUASIMENT ÉGALES À CELLES ASSOCIÉES AU PLF 2010

Les prévisions de recettes de l'Etat en 2009 sont quasiment inchangées par rapport à celles associées au projet de loi de finances pour 2010. Elles sont cependant inférieures de 56 milliards d'euros aux montants prévus par la loi de finances initiale pour 2009.

1. Des recettes fiscales inférieures de 470 millions d'euros aux prévisions associées au PLF 2010

Les recettes fiscales nettes sont revues à la baisse de 470 millions d'euros.

Cette réduction résulterait entièrement des mesures nouvelles du présent projet de loi de finances.

L'évolution spontanée des recettes fiscales nettes serait en effet inchangée par rapport à celle associée au projet de loi de finances pour 2010 :

- d'un côté, on aurait une augmentation de 450 millions d'euros du produit attendu sur les retenues à la source et prélèvements sur les revenus de capitaux mobiliers ;

- de l'autre, les remboursements et dégrèvements seraient spontanément accrus d'un montant identique, du fait d'une révision à la hausse de 700 millions d'euros du montant des restitutions de prime pour l'emploi (PPE) et d'une révision à la baisse de 250 millions d'euros des autres remboursements et dégrèvements d'impôt sur le revenu.

La révision à la baisse, de 470 millions d'euros, proviendrait de deux mesures nouvelles prévues par le présent projet de loi de finances rectificative :

- d'une part, d'un transfert complémentaire de près de 100 millions d'euros de recettes de TIPP au profit des régions et départements en compensation des transferts de compétences ;

- d'autre part, d'un transfert de 371 millions d'euros de recettes de taxe sur les conventions d'assurances à la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), en remboursement d'une partie des dettes de l'État due au régime.

2. Des recettes non fiscales supérieures de 335 millions d'euros aux prévisions associées au PLF 2010

Les recettes non fiscales seraient quant à elles supérieures de 335 millions d'euros aux prévisions associées au projet de loi de finances pour 2010, du fait :

- d'une augmentation de 371 millions d'euros lié à un versement représentatif du surplus de dette du Fonds de financement des prestations sociales agricoles (FFIPSA) reprise par l'Etat, en « miroir » de l'opération mentionnée ci-avant ;

- d'une réduction de 55 millions d'euros du produit des amendes correspondant à l'affectation proposée dans le cadre du présent projet de loi au profit du Fonds interministériel pour la prévention de la délinquance (FIPD).

Les prévisions de recettes de l'Etat en 2009

(en millions d'euros)

LFI 2009

Evolutions par rapport à la LFR précédente

Montant

Evolution

LFR février 2009

LFR avril 2009

Présent PLFR

LFR février 2009*

LFR avril 2009*

PLF 2010

Présent PLFR*

par rapport à la LFI*

par rapport au PLF 2010*

A. Recettes fiscales

361 348

-5 900

-7 366

-22 177

355 448

348 082

325 925

325 905

-35 443

-20

Dont :

1. Impôt sur le revenu

59 355

-2100

-1 265

59 355

57 255

55 990

55 990

-3 365

0

2. Autres impôts directs perçus par voie d'émission de rôles

6 450

205

6 450

6 450

6 655

6 655

205

0

3. Impôt sur les sociétés

60 094

-3400

-500

-7 974

56 694

56 194

48 220

48 220

-11 874

0

4. Autres impôts directs et taxes assimilées

14 089

-400

-482

14 089

13 689

12 757

13 207

-882

450

5. Taxe intérieure sur les produits pétroliers

15 251

-151

-337

15 251

15 100

14 861

14 763

-488

-98

6. Taxe sur la valeur ajoutée

186 312

-2500

-3516

-10 963

183 812

180 296

169 333

169 333

-16 979

0

7. Enregistrement, timbre, autres contributions et taxes indirectes

19 797

-699

-1 360

19 797

19 098

18 109

17 738

-2 059

-371

A déduire : Remboursements et dégrèvements

101 965

1100

11 087

103 065

103 065

113 702

114 152

12 187

450

A'. Recettes fiscales nettes

259 383

-7 000

-7 366

-33 264

252 383

245 017

212 223

211 753

-47 630

-470

B. Recettes non fiscales

22 678

-1089

-2 087

22 678

21 589

19 167

19 502

-3 176

335

C. Prélèvements sur les recettes de l'État

71 149

2500

2 561

73 649

73 649

76 263

76 210

5 061

-53

Dont :

1. Prélèvements sur les recettes de l'État au profit des collectivités territoriales

52 249

2500

1 496

54 749

54 749

56 298

56 245

3 996

-53

2. Prélèvements sur les recettes de l'État au profit des Communautés européennes

18 900

1 065

18 900

18 900

19 965

19 965

1 065

0

Recettes totales nettes des prélèvements (A' + B - C)

210 911

-9 500

-8 455

-37 911

201 411

192 956

155 127

155 045

-55 866

-82

D. Fonds de concours et recettes assimilées

3 316

3 316

3 316

155 128

3 316

0

-151 812

Recettes nettes totales du budget général, y compris fonds de concours (A' + B - C + D)

214 227

-9 500

-8 455

-37 911

204 727

196 272

155 129

158 361

-55 866

3 232

Sources : textes indiqués, calculs de la commission des finances (*)

* 1 L'avis de l'Institut de veille sanitaire (InVS) du 28 septembre 2009 dans la perspective de la campagne de vaccination, transmis au directeur général de la santé, suggère que le taux d'attaque pourrait être de l'ordre de 10 % à 15 % en 2009, et atteindre 25 % ou 30 % en 2010 si d'autres vagues se produisaient. Le taux de 12,5 % retenu ici est la moyenne de la fourchette attendue pour 2009.

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