Article 8 - Généralisation des consultations ouvertes

I) Le texte de la proposition de loi initiale

L'article 8 permet aux autorités administratives d'associer davantage les citoyens aux décisions qu'elles prennent, en prévoyant la possibilité d'organiser, à la place des consultations obligatoires d'organismes administratifs , une procédure dénommée « consultation ouverte » permettant de recueillir les observations de toutes les personnes concernées, et ce préalablement à l'édiction d'un acte réglementaire.

Au terme de cette consultation, l'autorité administrative établirait une synthèse des observations qu'elle a recueillies, éventuellement accompagnée d'éléments d'information complémentaires. Cette synthèse serait rendue publique.

Pour l'auteur de la proposition de loi, la consultation ouverte présente plusieurs avantages et comporte de nombreuses garanties :

- elle serait facultative : il appartiendrait à l'autorité administrative de l'engager ou de procéder classiquement à la consultation de la commission administrative ;

- elle permettrait d'accélérer certains délais de traitement en évitant à l'autorité administrative de devoir attendre -parfois plusieurs mois- la réunion d'une commission consultative ;

- elle n'exclurait pas pour autant la consultation de la commission consultative compétente : le texte prévoit ainsi que « les organismes dont l'avis doit être recueilli en application d'une disposition législative ou réglementaire peuvent faire part de leurs observations dans le cadre de la consultation prévue par le présent article. ». Il importe que les organismes consultatifs compétents puissent être sollicités même si une consultation ouverte est engagée. En effet, dans certains cas, un tel avis peut être jugé particulièrement précieux pour l'administration qui risquerait de renoncer à une consultation ouverte, pourtant très utile pour que les citoyens puissent s'exprimer, au seul motif de ne pas se priver de l'avis de l'organisme concerné ;

- cette nouvelle procédure serait, en outre, assortie de garanties importantes compte tenu de son champ d'application : elle ne s'appliquerait ni aux textes de loi ni aux actes administratifs individuels ni encore aux consultations concernant une autorité administrative indépendante, celles qui requièrent un avis conforme, celles qui concernent l'exercice d'une liberté publique et celles ayant trait au dialogue social. Autrement dit, ces consultations demeureraient obligatoires et ne pourraient être remplacées par une consultation ouverte. Le système proposé distingue donc deux cas de figure :

* les cas où le recours à la consultation ouverte est possible, au choix de l'administration :

* les cas où le recours à cette procédure est interdit.

II) Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article a été modifié uniquement par la commission des lois de l'Assemblée nationale, aucun amendement n'ayant été adopté en séance.

Sur la suggestion du Conseil d'État et sur proposition de son rapporteur, la commission a exclu certaines formes de consultations du bénéfice de la consultation ouverte :

- toutes les consultations expressément prévues par une loi. A titre d'exemple, l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale dispose que le conseil ou les conseils d'administration des différentes caisses sont saisis, pour avis et dans le cadre de leurs compétences respectives, de tout projet de mesure législative ou réglementaire ayant des incidences sur l'équilibre financier de la branche ou entrant dans leur domaine de compétence et notamment des projets de loi de financement de la sécurité sociale. La commission a jugé qu'il ne serait pas conforme à la volonté du législateur de s'affranchir de cette saisine par la procédure de « consultation ouverte » ;

- toutes les consultations qui s'inscrivent dans la mise en oeuvre de la garantie d'une exigence de valeur constitutionnelle. C'est par exemple le cas à l'article L. 1211-4-2 du code général des collectivités territoriales, qui institue, au sein du comité des finances locales, une commission consultative d'évaluation des normes. Celle-ci est consultée préalablement à leur adoption sur l'impact financier des mesures réglementaires créant ou modifiant des normes à caractère obligatoire concernant les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics.

La commission des lois a également précisé, toujours à l'initiative de son rapporteur, que le lancement d'une consultation ouverte valait également saisine de la commission consultative compétente . En effet, la plupart des commissions consultatives ne peuvent pas s'autosaisir.

III) La position de votre commission

Votre commission est sensible à la prise en compte des nouveaux modes de communication pour permettre la participation de tous au processus décisionnel public.

Elle considère toutefois que remplacer les consultations classiques des commissions par une consultation par voie électronique risquerait de discréditer ces commissions.

Or, un grand nombre d'entre elles fonctionnent de manière satisfaisante : par contribution écrite, le Mouvement des Entreprises de France (MEDEF) a donné à votre rapporteur l'exemple du Comité Consultatif de la Législation et de la Réglementation financière (CCLRF) dont l'avis est obligatoire avant adoption des projets de décret et d'arrêté traitant des questions relatives au secteur de l'assurance, au secteur bancaire et aux entreprises d'investissement. Cette instance réunit l'autorité de régulation émettrice du projet de texte, les autorités de contrôle, les professionnels, les consommateurs, les deux ordres de juridictions ainsi que des personnes qualifiées. Le MEDEF considère que « la consultation par réunion physique des membres du CCLRF qui représentent toutes les parties intéressées, permet l'échange et les discussions nécessaires à l'adoption d'un avis comprenant éventuellement des propositions d'amendements qui ont d'autant plus de poids qu'ils sont rédigés et adoptés en commun » et que, d'une manière générale, les commissions administratives « constituent les seuls lieux de concertation locale où les porteurs de projets peuvent défendre leurs projets devant ces commissions. »

Certes, le dispositif proposé permet à ces organes consultatifs de faire connaître leur position dans le cadre de la consultation ouverte, mais, objecte le MEDEF, l'avis risquerait d'être « dilué » parmi toutes les contributions et perdrait ainsi tout son sens.

Votre commission partage ces inquiétudes.

Elle considère que si une commission administrative est utile, réactive et représentative, il est normal qu'elle demeure consultée par l'administration , ce qui n'interdit pas à cette dernière d'organiser, en complément , une concertation publique, par exemple sur Internet.

En revanche, si une commission apparaît inutile, elle doit être supprimée purement et simplement ou, à tout le moins, son fonctionnement doit être revu. Or, il semble que le but de ce nouveau mécanisme est de répondre à l'inefficacité, à la lenteur voire aux dysfonctionnements de certaines commissions administratives, comme l'indique l'exposé des motifs de la proposition de loi :

« Cette mesure permettra (...) d'accélérer certains délais de traitement en évitant à l'autorité administrative de devoir attendre - parfois plusieurs mois - la réunion d'une commission consultative. » (page 6).

Il semble donc que l'Assemblée nationale propose une solution pour court-circuiter des commissions que le pouvoir réglementaire n'ose pas supprimer ou réformer, solution qui a, en outre, pour effet de discréditer celles qui fonctionnent à la satisfaction générale.

En conséquence, votre commission a supprimé l'article 8.

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