Article 50 (art. 693 du code de procédure pénale ; art. 113-3, 113-4 et 113-11 du code pénal ; art. 89 du code civil) - Compétence des juridictions françaises en cas d'infractions commises hors du territoire de la République à bord ou à l'encontre d'un aéronef ou d'un navire

Cet article tend à préciser les critères de détermination de la juridiction compétente en cas d'infraction commise hors du territoire de la République à bord ou à l'encontre d'un aéronef ou d'un navire.

1 - Application de la loi pénale française aux infractions commises contre des navires ou des aéronefs français

A l'heure actuelle, les articles 113-3 et 113-4 du code pénal disposent que la loi pénale française est applicable aux infractions commises à bord des navires battant un pavillon français et des aéronefs immatriculés en France, ou à l'encontre de tels navires ou aéronefs. Lorsqu'il s'agit de navires de la marine nationale ou d'aéronefs militaires français, la loi pénale française est seule applicable.

En outre, en vertu de l'article 113-11 du code pénal, la loi française est également applicable aux crimes et délits commis à bord ou à l'encontre d'aéronefs non immatriculés en France dès lors que :

- l'auteur ou la victime est de nationalité française ;

- l'appareil atterrit en France après le crime ou le délit ;

- l'aéronef a été donné en location sans équipage à une personne qui a le siège principal de son exploitation ou, à défaut, sa résidence permanente sur le territoire de la République.

Le II du présent article tend à compléter ces dispositions afin de prévoir que celles-ci s'appliquent non seulement lorsque l'infraction a été commise à bord ou à l'encontre de l'appareil, mais également « à l'encontre des personnes se trouvant à bord » de ce dernier. Les dispositions de l'article 693 du code de procédure pénale précité (I du présent article) seraient également complétées dans le même sens.

Pour M. Etienne Blanc, rapporteur de cette proposition de loi pour l'Assemblée nationale, il s'agit de prendre en compte l'hypothèse où le fait générateur de l'infraction serait antérieur au vol de l'aéronef ou au trajet du navire. Ainsi, « la notion d' « infraction commise à bord ou à l'encontre d'un aéronef » ne pose aucune difficulté s'agissant d'infractions dont le fait générateur est commis à bord (par exemple : un crime commis par un passager ou une faute d'imprudence commise par le pilote) ou à l'encontre de l'aéronef (par exemple : un explosif placé dans l'avion, un envoi d'un missile vers l'appareil). En revanche, la question peut se poser de savoir, en cas d'homicides ou de blessures involontaires, si une faute commise avant le vol, voire une omission (par exemple : un défaut d'entretien, un défaut de montage ou une formation insuffisante des pilotes) peut être considérée comme une infraction commise à bord ou à l'encontre d'un aéronef. De plus, dès lors que l'infraction, intentionnelle ou non, a eu pour conséquence la perte de l'appareil et la mort des personnes à bord, il est généralement impossible de déterminer quel fait est à l'origine de l'accident et ce dès le début de l'enquête et notamment au moment où se pose la question de la compétence territoriale » 47 ( * ) .

A la connaissance de votre rapporteur, cette notion d'infraction commise « à bord ou à l'encontre » d'un aéronef ou d'un navire n'a jamais donné lieu à une jurisprudence susceptible d'en préciser le champ.

Les représentants de l'Union syndicale des magistrats entendus par votre rapporteur ont estimé que les modifications introduites par le présent article ne modifieraient pas le champ du droit positif, les infractions « contre les personnes se trouvant à bord » étant à leurs yeux nécessairement comprises dans « les infractions commises à bord » d'un aéronef ou d'un navire.

2 - Détermination de la juridiction compétente en cas d'infraction commise à bord ou à l'encontre d'un aéronef

En l'état du droit, lorsqu'une infraction a été commise hors du territoire de la République et que, la loi française étant applicable, les juridictions françaises sont compétentes, l'article 693 du code de procédure pénale dispose que la juridiction compétente est celle :

- du lieu où réside le prévenu,

- du lieu de sa dernière résidence connue,

- du lieu où il est trouvé,

- du lieu de résidence de la victime,

- ou, enfin, si l'infraction a été commise à bord ou à l'encontre d'un aéronef, du lieu d'atterrissage de celui-ci.

Ces dispositions ne sont pas exclusives de l'application éventuelle des règles particulières de compétence prévues pour les infractions militaires, économiques et financières ou terroristes.

Lorsqu'aucun de ces critères ne peut recevoir application, la juridiction compétente est celle de Paris, à moins que la connaissance de l'affaire ne soit renvoyée à une juridiction plus voisine du lieu de l'infraction par la Cour de cassation, statuant sur la requête du ministère public ou à la demande des parties.

Le I du présent article tend à compléter la liste des critères ainsi énumérés afin de prévoir que, lorsqu'une infraction a été commise à bord ou à l'encontre d'un aéronef ou que les victimes de l'infraction ont été les personnes se trouvant à bord d'un aéronef, et que la loi pénale française est applicable, la juridiction compétente peut être soit celle du lieu de décollage , soit celle du lieu de destination , soit, enfin, celle du lieu d' atterrissage de l'appareil.

Le but de ces dispositions est de simplifier la détermination de la juridiction compétente lorsque, par exemple, l'aéronef s'étant écrasé ou ayant disparu en mer, aucun lieu d'atterrissage effectif ne permet de fonder avec certitude la compétence d'une juridiction.

A l'heure actuelle, dans une telle hypothèse, le critère appliqué est celui de la résidence d'une majorité des victimes, ce qui ne paraît pas nécessairement pertinent. En effet, un certain temps apparaît souvent nécessaire pour permettre le recensement des victimes, l'établissement d'une liste intégrant les informations relatives à leur domiciliation et par conséquent la détermination des juridictions susceptibles d'être compétentes, ce qui ne favorise pas le travail d'enquête traité dans l'urgence. La prise en compte du lieu de décollage ou de destination pour déterminer la juridiction compétente devrait par conséquent faciliter le travail des enquêteurs dans de telles hypothèses.

3 - Détermination de la juridiction compétente en cas de requête collective en déclaration judiciaire de décès

Aux termes de l'article 88 du code civil, lorsqu'un Français a disparu en France ou hors de France dans des circonstances de nature à mettre sa vie en danger et que son corps n'a pu être retrouvé, son décès peut être déclaré par le tribunal de grande instance (TGI), à la requête du procureur de la République ou des parties intéressées. Tel est également le cas lorsqu'un étranger ou apatride a disparu, soit sur un territoire relevant de l'autorité de la France, soit à bord d'un bâtiment ou aéronef français, soit même à l'étranger s'il avait son domicile ou sa résidence habituelle en France. La procédure de déclaration judiciaire de décès est également applicable lorsque le décès est certain mais que le corps n'a pu être retrouvé.

La requête doit être présentée au TGI du lieu de la mort ou de la disparition lorsque celle-ci s'est produite sur un territoire relevant de l'autorité de la France, sinon au tribunal du domicile ou de la dernière résidence du défunt ou du disparu, ou, à défaut, au tribunal du lieu du port d'attache de l'aéronef ou du bâtiment qui le transportait. A défaut de tout autre, le TGI de Paris est compétent.

Lorsque plusieurs personnes ont disparu au cours du même évènement, une requête collective peut être présentée au tribunal du lieu de la disparition, à celui du port d'attache du bâtiment ou de l'aéronef ou, à défaut, au TGI de Paris.

Sur proposition de M. Claude Bodin, la commission des lois de l'Assemblée nationale a souhaité compléter ces dispositions afin de prévoir qu'en cas de requête collective en déclaration judiciaire de décès, tout TGI peut être saisi dès lors que l'intérêt de la cause le justifie .

Votre commission est favorable à ces dispositions qui permettront d'assouplir les critères de détermination de la juridiction compétente pour connaître d'une requête collective en déclaration judiciaire de décès.

Votre commission a adopté l'article 50 sans modification .


* 47 Rapport n° 2095 de M. Etienne Blanc, novembre 2009, page 215.

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