CHAPITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES AU STATUT DES GROUPEMENTS D'INTÉRÊT PUBLIC

Le chapitre II de la proposition de loi, composé des articles 58 à 82, a pour objet de fixer un cadre législatif général aux groupements d'intérêt public (GIP).

Ce cadre se justifie par le succès rencontré par cette structure, succès qui a conduit à lui faire perdre sa cohérence initiale .

1. Le groupement d'intérêt public, les raisons d'un succès

Créé par l'article 21 de la loi n° 82-610 du 15 juillet 1982 d'orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France, le groupement d'intérêt public visait à répondre au développement des groupements d'intérêt économique (GIE) , créés par l'ordonnance n° 67-821 du 23 septembre 1967.

Ces derniers, créés par convention, se situent entre la société et l'association : ils permettent de réunir plusieurs personnes physiques ou morales, de droit public ou privé, avec pour objectif de « faciliter ou de développer l'activité économique de leurs membres, d'améliorer ou d'accroître les résultats de cette activité » (article L. 251-1 du code de commerce).

Or, les GIE ont très vite été utilisés pour exercer de véritables missions de service public administratif, en particulier dans le domaine de la recherche.

C'est la raison pour laquelle le législateur décide, en 1982, de créer un nouvel outil partenarial répondant aux finalités suivantes :

- poursuivre un intérêt général (en l'espèce le développement de la recherche) ;

- associer des personnes publiques et privées (en l'occurrence des laboratoires) ;

- offrir un cadre de fonctionnement souple , qui évite les rigidités de la formule de l'établissement public.

Aux termes de l'article 21 de la loi précitée du 15 juillet 1982, repris aujourd'hui aux articles L. 341-1 à L. 341-4 du code de la recherche, le GIP devait remplir six critères :

- une durée déterminée ;

- une majorité de participants publics ;

- l'absence de réalisation de bénéfices ;

- la nomination, par le conseil d'administration, d'un directeur qui assure sous son autorité, le fonctionnement du groupement ;

- un contrôle de l'Etat, par un commissaire du Gouvernement nommé auprès du groupement ainsi qu'un contrôle de la Cour des comptes ;

- un mode de création original, par une concertation entre les membres, qui détermine les modalités de participation des membres, les conditions dans lesquelles ils sont tenus des dettes du groupement et les conditions dans lesquelles ils mettent à sa disposition le personnel qu'ils rémunèrent.

Articles L. 341-1 à L. 341-4 du code de la recherche

Article L. 341-1

Des groupements d'intérêt public dotés de la personnalité morale et de l'autonomie financière peuvent être constitués entre des établissements publics ayant une activité de recherche et de développement technologique, entre l'un ou plusieurs d'entre eux et une ou plusieurs personnes morales de droit public ou de droit privé pour exercer ensemble, pendant une durée déterminée, des activités de recherche ou de développement technologique, ou gérer des équipements d'intérêt commun nécessaires à ces activités.

Article L. 341-2

Le groupement d'intérêt public ne donne pas lieu à la réalisation ni au partage de bénéfices. Il peut être constitué sans capital. Les droits de ses membres ne peuvent être représentés par des titres négociables. Toute clause contraire est réputée non écrite.

Article L. 341-3

Les personnes morales de droit public, les entreprises nationales et les personnes morales de droit privé chargées de la gestion d'un service public doivent disposer ensemble de la majorité des voix dans l'assemblée du groupement et dans le conseil d'administration qu'elles désignent.

Le directeur du groupement, nommé par le conseil d'administration, assure, sous l'autorité du conseil et de son président, le fonctionnement du groupement. Dans les rapports avec les tiers, le directeur engage le groupement pour tout acte entrant dans l'objet de celui-ci.

Un commissaire du Gouvernement est nommé auprès du groupement.

Article L. 341-4

La convention par laquelle est constitué le groupement doit être approuvée par l'autorité administrative, qui en assure la publicité. Elle détermine les modalités de participation des membres et les conditions dans lesquelles ils sont tenus des dettes du groupement. Elle indique notamment les conditions dans lesquelles ceux-ci mettent à la disposition du groupement des personnels rémunérés par eux.

Le groupement d'intérêt public est soumis au contrôle de la Cour des comptes dans les conditions prévues par l'article L. 133-2 du code des juridictions financières.

La transformation de toute autre personne morale en groupement d'intérêt public n'entraîne ni dissolution ni création d'une personne morale nouvelle.

Dès juin 1996, le Conseil d'Etat relevait, dans une étude qui leur était consacrée 53 ( * ) , le succès des groupements d'intérêt public , succès qui tient à la possibilité de concilier la souplesse de fonctionnement avec les garanties de l'intérêt général et du service public.

Le Conseil constatait que près de 50 GIP avaient été créés dans le domaine initial de la recherche et du développement technologique et que le législateur avait, en outre, étendu la formule à de très nombreux domaines, dénombrant alors 26 textes législatifs instaurant autant de catégories de GIP 54 ( * ) . A titre d'illustrations, le législateur a permis la création de catégories de GIP dans les domaines de l'enseignement supérieur (loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur) ; de la montagne (loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne) ; de la formation et de l'orientation professionnelle (loi n° 92-675 du 17 juillet 1992 portant diverses dispositions relatives à l'apprentissage, à la formation professionnelle et modifiant le code du travail), ou pour le développement de l'administration électronique (loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit).

Le Conseil d'Etat constatait, par conséquent, que des groupements d'intérêt public pouvaient « se constituer dans presque tous les domaines de l'action administrative, à l'exception sans doute de la sécurité et de la défense ».

2. La nécessité d'un cadre juridique clair et uniforme des groupements d'intérêt public

En trouvant de nouveaux champs d'application, le groupement d'intérêt public a perdu, au fil des ans, sa cohérence initiale , le législateur ayant souvent décidé de ne plus faire référence aux six critères de la loi du 15 juillet 1982, ci-dessus rappelés.

En conséquence, le Conseil d'Etat préconisait, dans son étude de 1996, de fixer un cadre législatif général aux GIP afin, non seulement de donner davantage d'unité à cet outil, mais également de lever certaines incertitudes , telles que :

- la nature publique ou privée des GIP ;

- les mentions obligatoires ou facultatives de la convention constitutive entre les membres du GIP ;

- la définition du statut du personnel des GIP.

Il s'agissait donc de préserver la souplesse structurelle qui fait le prix du GIP tout en harmonisant et précisant leurs règles de constitution, de fonctionnement et de contrôle.

Cet appel du Conseil d'Etat a été traduit - non sans retard - par une habilitation accordée au Gouvernement dans la loi précitée du 9 décembre 2004 de simplification du droit. Son article 56 prévoyait ainsi que « dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour conférer un cadre législatif général aux groupements d'intérêt public. »

Cependant, ce texte n'a pas pu être adopté dans le délai de douze mois imparti par l'article 92 de la même loi.

C'est dans ces conditions que la présente proposition de loi, reprenant l'essentiel des préconisations du Conseil d'Etat en 1996, élabore un cadre juridique unifié, qu'on peut assimiler à « la loi de 1901 des GIP ».

A cet égard, d'aucuns ont pu regretter, lors des auditions, que ces dispositions, qu'il paraît impossible de rattacher à un code ou à une loi existante (à la différence de la très grande majorité des autres articles de la présente proposition de loi), ne soient pas individualisées au sein d'un nouveau code ou d'un texte de loi spécifique alors même qu'elles forment un ensemble cohérent.

Toutefois, l'encadrement législatif des GIP n'a pas pour finalité d'un rigidifier le statut et d'en fixer dans les moindres détails les modalités d'organisation et de fonctionnement, mais seulement d'harmoniser leur statut tout en assurant à ce régime une grande souplesse. Dès lors, le corpus de dispositions législatives (25 articles dans la proposition de loi) devrait demeurer de taille modeste, ce qui ne justifie guère l'établissement d'un code particulier.

De même, si la publication d'une loi « autonome » aurait, certes, été de nature à assurer une commodité de présentation , l'insertion du dispositif législatif en cause au sein d'un ensemble plus vaste de dispositions diverses ne suffit pas à fragiliser celui-ci au regard des exigences constitutionnelles de clarté, d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, dès lors que ce dispositif est homogène et que les dispositions qu'il comporte sont suffisamment claires et précises 55 ( * ) .


* 53 Conseil d'État, Les groupements d'intérêt public , étude adoptée par l'Assemblée générale le 27 juin 1996, La Documentation française.

* 54 Depuis 1996, le législateur est régulièrement intervenu pour créer de nouvelles catégories de GIP, au point qu'il existe actuellement une cinquantaine de lois autorisant la création de GIP dans des domaines d'activité spécifiques. Le Gouvernement, qui ne dispose pas de statistiques précises sur ce point, estime à « plusieurs milliers » le nombre total de GIP à l'heure actuelle.

* 55 cf. observations sous la décision 512 DC du 21 avril 2005 (grands arrêts du Conseil Constitutionnel, Favoreu -Loïc Philip, 14 ème Dalloz).

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