III. QUEL AVENIR POUR LE SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES ?

Votre rapporteur spécial François Trucy suit chaque année avec une attention particulière les évolutions du service de santé des armées (SSA). Le SSA fait l'objet cette année d'une actualité particulière, en raison du récent rapport public thématique 28 ( * ) que la Cour des comptes lui a consacré.

A. PRÉSENTATION RAPIDE DU SSA

1. Un dimensionnement du SSA compatible avec les missions qui lui sont confiées

Le SSA emploie environ 15 000 personnes, dont 10 000 militaires.

Avec les hôpitaux d'instruction des armées (HIA), le SSA « arme » environ 3 000 lits, soit 1 % du parc hospitalier total (300 000 lits).

Ses charges sont de l'ordre de 1,5 milliard d'euros, dont 800 millions d'euros pour l'activité hospitalière, 500 millions d'euros pour le soutien des forces et 150 millions d'euros pour la formation et la recherche.

Le dimensionnement du SSA découle de ses missions essentielles : assurer le soutien médical des forces en OPEX, et faire fonctionner sur le territoire national des hôpitaux d'instruction des armées (HIA) « armant » environ 3 000 lits.

a) Une projection en OPEX de l'ordre de 400 personnes

Selon le rapport précité de la Cour des comptes, « en 2009, 1 350 personnes ont été déployées en opérations extérieures sur l'ensemble de l'année, dont 109 réservistes, avec, en permanence, un effectif présent de 410 personnes composant 1'hôpital médico-chirurgical et une antenne médico-chirurgicale animées par un total de 18 équipes chirurgicales sur l'année et 42 postes médicaux ».

On pourrait penser a priori que la projection de 400 personnes ne nécessite pas de disposer d'effectifs particulièrement importants. Cependant, les personnels du SSA sont soumis à un taux de rotation en OPEX analogue à celui du personnel de l'armée de terre, de sorte que pour projeter un certain effectif de façon permanente, il faut disposer au total d'effectifs plusieurs fois supérieurs. C'est ce qui explique qu'un effectif de l'ordre de 400 personnes implique de recourir à des effectifs plus de trois fois plus élevés.

b) Des effectifs globaux compatibles avec les missions confiées au SSA

La loi de programmation militaire 2009-2014 prévoit que l'armée doit être en mesure de projeter « une force terrestre pouvant aller jusqu'à 30 000 hommes pour une durée d'un an », à laquelle peut s'ajouter « sous bref préavis » une « capacité de réaction » de 5 000 hommes. Par analogie avec la situation actuelle (où 10 000 personnes sont projetées en OPEX), on peut considérer qu'un tel conflit majeur de forte intensité exigerait de projeter environ 1 500 personnels du SSA.

Par ailleurs, les effectifs nécessaires pour assurer le fonctionnement des hôpitaux militaires semblent légèrement inférieurs à 10 000 ETP. En effet, le SSA dispose de près de 3 000 lits 29 ( * ) , contre 300 000 pour les hôpitaux civils, qui emploient environ un million de personnes. Ainsi, si l'on considère qu'en cas de conflit majeur la France doit disposer en métropole d'hôpitaux militaires « armant » environ 3 000 lits (correspondant à 1 % du nombre de lits total), on peut considérer, en première analyse, que le SSA a besoin de disposer à cette fin d'un peu moins de 10 000 ETP, ce qui correspond effectivement aux personnes employées dans les hôpitaux d'instruction des armées (de l'ordre de 8 000 personnes). C'est sur ces 8 000 ETP que seraient prélevées les équipes projetées en OPEX.

La médecine d'unité correspond quant à elle à environ 2 000 ETP.

Enfin, tout le personnel du SSA n'a pas vocation à être projeté. Tel n'est pas le cas, par exemple, de l'essentiel des personnels affectés au ravitaillement, à la formation, à la recherche ou à la direction, de l'ordre de 5 000 ETP.

Le SSA est, avec ses équivalents américain et allemand, l'un des trois seuls systèmes médicaux militaires « complets », ce qui a évidemment un coût. Les considérations ci-avant suggèrent que si l'on recentrait les fonctions du SSA sur les seules OPEX, en confiant aux hôpitaux civils le soin d'absorber le supplément de demande qui résulterait d'un conflit majeur, le nombre d'ETP du SSA pourrait être considérablement réduit. Une telle remise en cause du « modèle » du SSA serait cependant une décision « lourde », qui aurait des implications stratégiques, et excéderait largement le cadre de la RGPP.

2. Pour les activités hospitalières, des recettes inférieures d'environ 300 millions d'euros aux dépenses
a) Un « écart de facturation » annuel d'environ 300 millions d'euros par an...

Les activités du SSA sont financées par des crédits de paiement de la mission « Défense », mais aussi, en contrepartie de son activité hospitalière, par des « attributions de produit » (versements de la sécurité sociale, des mutuelles...), de l'ordre de 500 millions d'euros par an.

En effet, contrairement à ce que l'on croit souvent, les hôpitaux militaires accueillent une majorité de patients civils et n'ayant aucun lien avec la défense (environ 60 %), la part des militaires étant nettement minoritaire (environ 20 %). Le passage en janvier 2009 à la tarification à l'activité (T2A), utilisée par les hôpitaux publics, a par ailleurs contribué à « normaliser » ces recettes, jusqu'alors négociées chaque année. Le passage à la T2A doit être complet en 2012.

L'activité hospitalière du SSA est « déficitaire », chaque année, de l'écart entre ces 500 millions d'euros, et les 800 millions d'euros de charges hospitalières, soit environ 300 millions d'euros.

Le SSA considère néanmoins que, compte tenu des spécificités militaires de son activité, il convient de parler d' « écart de facturation » plutôt que de « déficit ».

L'« écart de facturation » de l'activité hospitalière du SSA

(en millions d'euros)

2006

2007

2008

2009

Ecart de facturation

-225,35

-269,72

-271,02

-291,9

Source : SSA

b) ... qui doit être relativisé

Le SSA considère que cet « écart de facturation » résulte pour l'essentiel de ses spécificités militaires et de l'absence de certaines recettes dont bénéficient les hôpitaux publics. Ainsi, selon le SSA :

- le poids relatif des activités de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO), les moins rémunérées, est de 86 % dans les HIA, alors qu'il est de 56 % dans les hôpitaux publics de taille équivalente, et que de ces trois activités, la mieux rémunérées, l'obstétrique, est quasiment absente des activités du SSA ;

- le nombre de personnels paramédicaux par lit occupé est analogue à celui observé dans les hôpitaux publics de taille équivalente ;

- le déficit des HIA est artificiellement accru de 91 millions d'euros par rapport aux hôpitaux publics, en raison de modalités différentes de valorisation de la masse salariale ;

- le SSA ne bénéficie pas de la dotation d'aide à la contractualisation (DAC) ;

- les recettes subsidiaires, les dotations de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) et la rémunération des « prestations régaliennes » (enseignement, missions d'expertise, de représentation du service...) sont plus faibles que pour les établissements comparables.

Le SSA n'en considère pas moins que des possibilités de réduction de l' « écart de facturation » existent. Ainsi, dans un document transmis en 2009 aux rapporteurs spéciaux, il indique : « Le Service est conscient de la nécessité d'une atténuation de l'écart de facturation. Des efforts sont encore nécessaires pour en réduire le montant, en particulier en réalisant une activité encore plus soutenue en T2A, mais, en tout état de cause, cela constitue le coût d'une posture opérationnelle. Ainsi le bilan 2009 est-il prometteur, puisque les objectifs fixés par le SSA sont atteints, compensant largement les effets du coefficient de transition. Il faut néanmoins noter les limites du dispositif, car l'hôpital militaire, par essence, n'est pas un établissement généraliste, mais une structure militaire, qui attenue son coût de possession par une ouverture au service public. L'activité est donc dictée par des considérations missionnelles. Dans ce cadre, le Service souhaite rationaliser et renforcer son concours au service public, pour diminuer son coût générique ».


* 28 « Médecins et hôpitaux des armées », octobre 2010.

* 29 2 709 selon l'arrêté conjoint santé-défense du 25 juin 2010.

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