Article 24 quinquies AA
(art. 8 du code de procédure pénale)
Report du point de départ de la prescription pour certaines infractions commises à l'encontre d'une personne vulnérable

Le présent article, issu d'un amendement de notre collègue Christian Demuynck adopté par le Sénat en première lecture avec l'avis favorable de votre commission et du Gouvernement, tend à expliciter dans la loi les principes applicables en matière de prescription des délits commis contre des personnes vulnérables.

En seconde lecture, les députés ont ajouté des dispositions relatives à la prescription des crimes se traduisant par la disparition d'un enfant.

1 - Prescription des délits commis contre des personnes vulnérables

En matière de délits, la prescription de l'action publique est de trois ans révolus. La seule exception à ce principe concerne certains délits particulièrement graves commis contre des mineurs (violences graves, agressions sexuelles, prostitution, etc.), pour lesquels le délai de prescription a été porté à dix ou vingt ans selon le délit - le délai ne commençant à courir, en outre, qu'à partir de la majorité de la victime.

Toutefois, s'agissant des infractions occultes ou dissimulées, la Cour de cassation considère que le point de départ du délai de prescription ne court qu'à partir du jour où l'infraction est révélée.

Le présent article tend à inscrire cette jurisprudence dans la loi pour les seuls délits d'abus de l'état d'ignorance ou de faiblesse, de vol, d'escroquerie, d'abus de confiance, de recel mais également de détournement de gage commis contre une personne vulnérable.

En juin 2007, le rapport d'information de notre commission des lois sur les régimes de prescription avait recommandé de veiller à la cohérence du droit de la prescription, en évitant des réformes partielles, et s'était prononcé contre la création de nouveaux régimes dérogatoires. Le rapport avait en revanche préconisé de consacrer dans la loi la jurisprudence de la Cour de cassation sur les infractions occultes ou dissimulées 15 ( * ) .

Lors de l'examen de cet amendement par le Sénat, votre rapporteur et votre président ont insisté sur le fait qu'il ne s'agissait pas de créer des interprétations a contrario , mais uniquement d'expliciter dans la loi la position de la Cour de cassation s'agissant de certaines infractions commises contre des personnes vulnérables. Bien entendu, la jurisprudence de la Cour de cassation continuera à s'appliquer à l'ensemble des infractions et quelle que soit la qualité de la victime.

2 - Prescription des crimes se traduisant par la disparition d'un enfant

En matière criminelle, à l'exception des crimes contre l'humanité, l'action publique se prescrit par dix années révolues, ainsi que l'énonce l'article 7 du code de procédure pénale.

Lors de l'examen du projet de loi en séance publique, les députés ont souhaité compléter cet article afin de prévoir que les crimes se traduisant par la disparition d'un enfant (meurtre, enlèvement, etc.) ne pouvaient être prescrits tant que ce dernier n'a pas été retrouvé : de telles infractions seraient désormais considérées comme imprescriptibles . Cet article résulte d'un amendement de M. Patrice Verchère adopté contre l'avis de la commission des lois et du Gouvernement.

Comme elle l'a rappelé dans son rapport d'information consacré au droit de la prescription précité, votre commission des lois estime qu'il est essentiel de conserver le caractère exceptionnel de l'imprescriptibilité en droit français, qui doit demeurer réservée aux crimes contre l'humanité. De ce fait, elle n'est pas favorable à une extension de l'imprescriptibilité aux crimes se traduisant par une disparition d'enfant, d'autant plus que le droit positif permet d'ores et déjà de répondre largement aux préoccupations des auteurs de l'amendement :

- d'une part, par exception au délai de prescription de droit commun de dix ans, le délai de prescription de certains crimes commis à l'encontre des mineurs (meurtre ou assassinat précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie, viol, etc.) a été porté à vingt ans , ce délai ne commençant à courir, en outre, qu'à partir de la majorité de la victime ;

- d'autre part, le délai de prescription ne court qu'à partir du dernier acte de poursuites ou d'instruction réalisé par l'autorité judiciaire.

Ces dispositions paraissent de nature à rassurer les auteurs de l'amendement.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission a adopté un amendement de son rapporteur tendant à supprimer le II de cet article.

Votre commission a adopté l'article 24 quinquies AA ainsi modifié .


* 15 « Pour un droit de la prescription moderne et cohérent », rapport d'information n° 338 (2006-2007) de MM. Jean-Jacques Hyest, Hugues Portelli et Richard Yung, fait au nom de la commission des lois et de la mission d'information de la commission des lois, 20 juin 2007.

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