C. LA QUESTION DU KOSOVO

Le Kosovo a proclamé unilatéralement son indépendance le 17 février 2008. Cette indépendance est toutefois contestée par la Serbie. Depuis 1999, le territoire n'avait déjà de facto plus de lien avec la Serbie. Le Kosovo a été mis sous tutelle des Nations unies (résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies) après l'intervention de l'OTAN, en juin 1999, pour mettre fin aux exactions commises contre les Albanais du Kosovo par l'armée serbe sous les ordres de Milosevic. De 1999 à 2008, le Kosovo a été administré provisoirement par la Mission intérimaire des Nations unies au Kosovo (MINUK). M. Bernard Kouchner a été de 1999 à 2001 le premier Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies.

Le Kosovo est aujourd'hui peuplé de 2,1 millions d'habitants, essentiellement Albanais. Il reste environ 100 000 Serbes (40 000 vivent dans les trois municipalités du nord et à Mitrovica-nord, zone en continuité géographique avec la Serbie, et 60 000 dans les municipalités serbes du sud).

Les autorités du Kosovo ont proclamé l'indépendance en s'engageant à mettre en oeuvre les dispositions du plan Ahtisaari (qui contient des garanties pour la minorité serbe et qui prévoit une supervision de l'indépendance par une présence civile et militaire internationale). Les ministres des vingt sept pays membres de l'Union européenne se sont entendus le 18 février 2008 sur une déclaration commune donnant un signal aux reconnaissances de l'indépendance par les États membres qui le souhaitaient et confirmant l'engagement de l'UE au Kosovo (déploiement de la mission EULEX, utilisation des instruments financiers européens). La reconnaissance par la France, annoncée par le Ministre des Affaires étrangères, a pris la forme d'une lettre du Président de la République au Président du Kosovo le même jour.

Le Kosovo est à ce jour reconnu par 75 Etats, dont 22 des 27 États membres de l'UE (tous à l'exception de l'Espagne, de la Grèce, de la Roumanie, de la Slovaquie et de Chypre).

La Cour internationale de justice, saisie par l'Assemblée générale des Nations Unies, à la demande la Serbie, a rendu le 22 juillet 2010 un avis consultatif, qui confirme sans ambigüité la conformité au droit international de la déclaration d'indépendance du Kosovo.

Le 9 septembre 2010, une résolution proposée conjointement par l'Union européenne et la Serbie a été adoptée par consensus par l'Assemblée générale des Nations Unies. Cette résolution prend acte du contenu de l'avis de la Cour internationale de justice et salue la disponibilité de l'Union européenne à faciliter un dialogue entre Belgrade et Pristina.

Un dialogue Belgrade-Pristina, sous l'égide de l'Union européenne, a débuté le 8 mars 2011 à Bruxelles. Les parties, représentées par Mme Edita Tahiri, vice-Premier ministre du Kosovo, et M. Borko Stefanovic, haut fonctionnaire du ministère des affaires étrangères serbe, se sont déjà rencontrées quatre fois à Bruxelles. Les premiers thèmes abordés ont porté sur des questions techniques (état-civil, cadastre, douanes, électricité, télécommunication, survol). Des avancées modestes mais encourageantes ont déjà été enregistrées, selon un communiqué de l'Union européenne. Les prochaines discussions, prévues à la mi-juin, devraient porter notamment sur les personnes disparues, l'héritage culturel et la reconnaissance des diplômes d'écoles et d'universités.

Ce dialogue n'a pas été remis en cause par la publication du rapport du député suisse M. Dick Marty, dans le cadre du Conseil de l'Europe, sur les allégations de trafics d'organes humains commis sur des prisonniers serbes par l'UCK et mettant en cause le premier ministre du Kosovo. La mission civile de l'Union européenne au Kosovo EULEX a ouvert une enquête préliminaire le 28 janvier 2011.

Toutefois, une certaine ambigüité demeure sur les objectifs de ce dialogue. Plusieurs personnalités politiques serbes évoquent une partition du Kosovo et un rattachement du Nord du Kosovo à la Serbie 6 ( * ) . Cette hypothèse est toutefois refusée par les autorités de Pristina 7 ( * ) , qui rejettent catégoriquement toute modification de frontières. Une modification des frontières aurait, en effet, des répercussions sur les autres pays de la région qui comptent des minorités, comme la Macédoine, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, voire en Serbie, et ferait resurgir les tensions dans toute la région des Balkans occidentaux.

Votre commission se félicite de l'ouverture d'un dialogue entre Belgrade et Pristina. Un tel dialogue contribuera à la stabilité, à la sécurité et à la prospérité de la région.

La perspective européenne devrait constituer un puissant levier pour favoriser la réconciliation et la coopération régionale dans la région des Balkans occidentaux et trouver une issue à la question du statut du Kosovo. En effet, si la reconnaissance du Kosovo n'est pas en tant que telle une condition de l'adhésion à l'Union européenne et que la Serbie ne semble pas prête pour l'instant à s'engager dans cette voie, la normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo constitue toutefois une nécessité pratique et politique.

Après avoir effectué des missions au Kosovo, en Macédoine, en Bosnie-et-Herzégovine, en Albanie et en Serbie, une délégation de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat s'est d'ailleurs rendue une nouvelle fois au Kosovo, du 2 au 8 juin dernier, afin de rencontrer les responsables politiques et les représentants de la communauté internationale, pour faire le point sur la présence internationale et les relations de ce pays avec la Serbie, la France et l'Union européenne.


* 6 Interview du Vice-Premier ministre serbe M. Ivica Dacic à la radio B 92 le 18 mai 2011, dans laquelle celui-ci a déclaré : « Un compromis consisterait à établir une ligne de démarcation entre les territoires où vivent les Serbes et les territoires où vivent les Albanais ».

* 7 Voir sur ce point l'audition de Son Exc. M. Muhamedin Kullashi, Ambassadeur du Kosovo en France, devant la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat, le 4 mai 2011

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