N° 190

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 14 décembre 2011

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Panama en vue d' éviter les doubles impositions et de prévenir l' évasion et la fraude fiscales en matière d' impôts sur le revenu ,

Par Mme Nicole BRICQ,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc, Mmes Michèle André, Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; M. Philippe Dallier, Mme Frédérique Espagnac, MM. Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Pierre Caffet, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Jean Germain, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Marc Massion, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

4023 , 4037 et T.A. 796

Sénat :

186 et 191 (2011-2012)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Le Sénat est saisi du projet de loi n° 186 (2011-2012), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République Française et le Gouvernement de la République de Panama en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu.

Cet accord, signé le 30 juin 2011 à Panama et ratifié par cet Etat le 21 octobre dernier, apparaît conforme au modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques (ci-après le « modèle OCDE »).

Cependant, l'enjeu de l'examen du présent projet de loi ne réside pas dans l'appréciation de la qualité normative de ladite convention mais dans celle du dispositif juridique panaméen qui doit lui permettre de se conformer à l'engagement de transmettre les renseignements demandés par la France.

En effet, l'évaluation du cadre normatif panaméen publiée en septembre 2011 par le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales de l'OCDE (ci-après le « Forum mondial ») a conclu que cet Etat ne disposait pas des outils juridiques nécessaires afin d'échanger les informations, puisqu'il n'avait satisfait que trois des dix critères établis par ce Forum .

En l'absence de règles panaméennes portant notamment sur la comptabilité des sociétés off shore qui sont immatriculées au Panama sans y réaliser d'activité, il apparaît impossible à cet Etat , en dépit de sa volonté de coopérer, de transmettre aux autorités françaises des renseignements dont il ne dispose pas lui-même.

Il figure , à ce titre, avec le Brunei et les Seychelles parmi les Etats et territoires les moins coopératifs . Il n'a donc pas été admis par l'OCDE à passer à la seconde phase de l'examen qui tend, après une évolution objective du cadre législatif de la première phase, à apprécier l'effectivité des échanges.

Depuis cette évaluation, la République panaméenne a modifié sa législation le 1 er février 2011 1 ( * ) afin d'imposer aux avocats, agents agréé des sociétés, une obligation de « connaître leur client ». Un premier examen du texte, annexé au présent rapport, conduit à relever certaines incertitudes quant à la capacité réelle du Panama à pouvoir collecter les informations qui lui seraient demandées par la France, notamment en matière d'identification des actionnaires aux porteurs et de ceux des sociétés off shore .

Notre collègue députée Martine Aurillac, rapporteure sur le présent projet de loi, précise dans son rapport 2 ( * ) que « Certains obstacles à l'échange d'informations demeurent toutefois et il n'est pas garanti que le Forum de l'OCDE valide le passage en phase 2 l'an prochain . Toutefois les effets d'une telle décision de l'OCDE, sur la réputation du pays, mais aussi sur les prêts accordés par certaines institutions internationales, constituent en soi un sérieux stimulant . ».

La politique de lutte contre l'opacité fiscale ne doit pourtant pas se contenter de déclarations d'intentions, mais se fonder sur des éléments tangibles. Or, en l'état du dossier, l'élément le plus tangible dont nous disposions est l'analyse du Forum mondial, organisme indépendant et compétent, qui conclut que le Panama ne possède pas le cadre juridique nécessaire à une coopération fiscale effective. Ceci conduit légitimement à reporter la présente ratification.

L'approbation du présent projet de loi emporterait en effet de lourdes conséquences. Elle conduirait à la radiation de la République panaméenne de la liste française des Etats et territoires non coopératifs (ETNC) créée le 12 février 2010 et mise à jour annuellement 3 ( * ) . L'inscription sur cette liste déclenche l'application automatique de sanctions fiscales élaborées dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2009 4 ( * ) .

Pour l'ensemble de ces raisons détaillées dans le présent rapport, votre rapporteure vous proposera de ne pas approuver ce projet de loi et de reporter cette autorisation jusqu'à ce qu'il aura été établi de manière certaine et objective que la République panaméenne dispose de la capacité normative à échanger les renseignements.


* 1 Loi n° 2 du 1 er février 2011 que regula las medidas para conocer al cliente par los agentes residentes de entitades jurídicas exístentes de acuerdo con las leyes de la Repûblica de Panamá, publiée à la Gazette officielle n° 26713 C.

* 2 Rapport n° 4037 (XIII ème législature) fait au nom de la commission des affaires étrangères sur le projet de loi n° 4023, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Panama en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu.

* 3 Cf . Arrêtés du 12 février 2010 et du 14 avril 2011 pris en application du deuxième alinéa du 1 de l'article 238-0 A du code général des impôts.

* 4 Cf. Loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009.

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