2. L'ordonnance de janvier 2009 n'a pas franchi le pas d'une assimilation extensive

Dès son introduction, le rapport Field indiquait que « bien que modifiée à de nombreuses reprises, la législation française définissant les obligations de déclaration de franchissements de seuils et d'intentions qui permet d'assurer la transparence des prises de participation dans le capital de sociétés cotées [...] ne prend pas encore en compte toutes les techniques sophistiquées, à la complexité et au développements exponentiels, qu'utilisent certains opérateurs pour exercer une influence sur une société cotée [...] . Les exemples se sont pourtant multipliés ces dernières années ».

Les enjeux étaient donc bien cernés par le rapport Field. Il estime ainsi que, « pour la majorité des membres du groupe de travail, seule l'assimilation [des instruments à dénouement monétaire] permet de donner une image fidèle de l'ensemble de l'exposition économique réellement détenue au capital de l'émetteur, toute autre approche étant susceptible de donner lieu à contournement, ne serait-ce que par le biais de la segmentation des participations » (recommandation n° 3 du rapport).

Pourtant, l'ordonnance n° 2009-105 du 30 janvier 2009 relative aux rachats d'actions, aux déclarations de franchissement de seuils et aux déclarations d'intentions publiée trois mois plus tard a retenu le « système de l'information séparée » .

A l'époque, plusieurs commentateurs avaient regretté ce choix. L'un d'entre eux estimait que « le législateur n'est finalement pas allé assez loin en ne prenant pas en compte dans le calcul des franchissements de seuils [...] les [instruments dénoués en numéraire]. Il aurait pourtant été possible de réparer l'erreur flagrante commise par le législateur communautaire en 2004. De ce fait, les possibilités de contournement de l'obligation de déclaration de franchissement de seuil demeurent et seront certainement utilisées [...]. En ce qui concerne la France, il faudra sans doute attendre [...] un prochain scandale pour que le législateur soit obligé de réagir et de les intégrer » 14 ( * ) .

La recommandation du rapport Field n'a donc pas été suivie d'effet, ce que notre collègue Philippe Marini, rapporteur de la proposition de loi 15 ( * ) ratifiant l'ordonnance du 15 janvier 2009, avait regretté. En effet, dans son rapport législatif 16 ( * ) , il avait indiqué que « le principe de cette information séparée va moins loin qu'une des recommandations formulées par le groupe de travail de l'AMF, qui tendait à privilégier une logique extensive d'assimilation dans la déclaration de franchissement de seuil. Il est cependant apparu qu'une telle disposition posait de réelles difficultés pratiques de mise en oeuvre. Il semble donc préférable, du moins dans un premier temps, de s'en tenir à ce traitement différencié (assimilation et information séparée) et d'en faire un bilan d'ici deux ou trois ans, pour, le cas échéant, introduire cette assimilation extensive ».

L'affaire LVMH/Hermès montre que le « système de l'information séparée » pour les instruments dénouables en espèces, issu de l'ordonnance de 2009, demeure insuffisant pour assurer la « vision claire et précise de la montée en puissance d'un actionnaire dans le capital d'une société », selon les mots du rapport Field.

Le 25 octobre 2011, la Commission européenne a publié une proposition de directive modifiant la directive Transparence et tendant , en particulier, à assimiler aux actions les instruments dénouables en numéraire pour le calcul des franchissements de seuils 17 ( * ) .

Notre législation n'est plus en phase avec celles de nos principaux partenaires et ne le sera bientôt plus avec les règles européennes.

Son évolution paraît donc plus que nécessaire pour rattraper le temps perdu depuis janvier 2009. Tel est l'objet de la présente proposition de loi.


* 14 Pierre-Henri Conac, « Le nouveau régime des franchissements de seuils issu de l'ordonnance n° 2009-105 du 30 janvier 2009 relative aux rachats d'actions, aux déclarations de franchissement de seuils et aux déclarations d'intentions et du RGAMF », in Revue des sociétés , 2009, p. 477.

* 15 Loi n° 2009-1255 du 19 octobre 2009 tendant à favoriser l'accès au crédit des petites et moyennes entreprises.

* 16 Rapport n° 442 (2008-2009), de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, déposé le 27 mai 2009.

* 17 Considérant n° 8 de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2004/109/CE sur l'harmonisation des obligations de transparence concernant l'information des émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé et la directive 2007/14/CE de la Commission.

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