III. POURSUIVRE LA RÉFLEXION ENGAGÉE POUR AFFINER LES VOIES DE L'ENDIGUEMENT

Votre commission des lois, suivant son rapporteur, approuve l'initiative de notre collègue Eric Doligé.

A. UNE DÉMARCHE INDISPENSABLE

Le corpus normatif est devenu un maquis dans lequel se débattent les collectivités locales sous le coup de la complexité, de la multiplication, de l'instabilité des règles et du coût de leur mise en oeuvre.

Sans toujours disposer d'une évaluation fine des mesures en vigueur, celles-ci sont modifiées, complétées ou remplacées au gré de l'actualité, des annonces, sans qu'il soit sérieusement procédé à la mesure de leur impact pour les collectivités, ni même à la viabilité des nouveaux dispositifs.

Bien que l'administration ait progressé dans ce domaine, force est de constater que, trop souvent encore, le prescripteur ne se soucie pas suffisamment de l'environnement dans lequel il intervient et obère ainsi l'efficacité des règles qu'il édicte.

Certes, le législateur, conscient de la nocivité d'un tel emballement, est intervenu pour tenter de l'enrayer et de rationaliser le système. C'est tout le mérite de la mise en place de la commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) qui poursuit avec détermination sa mission pleinement appréciée. Mais le président de l'instance lui-même, notre ancien collègue Alain Lambert, le déplore : la commission ne dispose pas toujours du temps nécessaire à un travail sérieux, devant trop souvent examiner les textes qui lui sont soumis en urgence ou en extrême urgence. Le fond du dossier le justifie-il toujours ?

La situation présente n'est donc pas satisfaisante. Le travail - indispensable - de la CCEN n'a pas entravé le flux grossissant de réglementations qui, parce qu'elles n'ont pas été suffisamment pesées et affinées, sont difficilement mises en oeuvre.

Les réponses proposées par notre collègue Éric Doligé sont-elles de nature à y remédier ?

B. DES RÉPONSES INABOUTIES

Sans méconnaître la pertinence de son analyse ni l'écoute à laquelle il s'est prêté, force est de reconnaître que plusieurs dispositions de la proposition de loi soulèvent des questions de fond.

1. Ajuster le dispositif d'évaluation

Il s'agit tout d'abord des dispositions portées par les quatre premiers articles de la proposition de loi concernant le principe de proportionnalité et la création de nouvelles instances d'évaluation des normes.

La réponse de structures telle qu'elle se présente aujourd'hui, n'est certainement pas suffisante. Son évaluation est incontournable, l'intervention des acteurs de terrain permet d'ouvrir le champ des réponses sans qu'il soit totalement monopolisé par l'administration. Parmi ces acteurs, citons la CCEN qui, toutefois, ne dispose pas de la capacité suffisante pour endiguer et contrôler les flux normatifs.

Dès lors, que faire ?

Accroître les moyens de la commission ? Renforcer l'autorité attachée à ses avis ? Décliner localement le principe de cette structure ? En instituer de nouvelles ?

Autant de questions qui méritent d'être approfondies.

Ainsi, l'Association des maires de France (AMF) se déclare-t-elle réservée sur la création de commissions départementales d'application des normes, proposée par l'article 3 qui, selon elle, alourdit encore la procédure consultative. Par ailleurs, force est de constater que « les élus n'ont pas le temps de siéger » dans ces multiples commissions. Un reproche analogue est opposé à la mise en place, par l'article 4, de la commission consultative des études locales.

Il serait peut-être préférable de recenser les instances existantes pour élargir, le cas échéant, leur champ d'intervention.

Une même attention doit être apportée à l'introduction d'un principe de proportionnalité des normes.

Si l'objectif mérite d'être approuvé, les collectivités n'étant pas toutes également armées pour mettre en oeuvre toutes les mesures réglementant leurs champs d'intervention, le contour proposé est-il le plus adapté ? La capacité financière des entités décentralisées est-il le seul critère pertinent ? Sa valeur est-elle universelle, quel que soit le domaine abordé ? Ne convient-il pas, plutôt, de l'adapter au cas par cas ?

En tout état de cause, il conviendrait de veiller à ce que le principe d'égalité entre les usagers ne soit pas altéré : l'essence du service public doit être préservé, quelle que soit la taille de la collectivité chargée de la mettre en place.

Le Conseil d'Etat, dans son avis du 6 octobre 2011, a rappelé les « exigences du principe d'égalité devant la loi » qui autorise toutefois que « des différences de situation puissent justifier de différences de traitement (...) à la condition que les distinctions opérées reposent sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objet de la loi qui les établit. Il en irait difficilement ainsi si les critères des mesures d'adaptation que le représentant de l'Etat dans le département peut prescrire devaient dépendre de la situation des bénéficiaires (cas des collectivités territoriales qui supporteraient des coûts excessifs), et non des caractéristiques propres des départements ».

Les réponses à l'ensemble de ces questions mériteraient donc d'être affinées.

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