C. QUEL JUGEMENT PORTER SUR L'OBLIGATION DE RÈGLE CONTRAIGNANTE ?

1. Une obligation inutile dans le cas de la France
a) La « règle d'or » proposée par le projet de révision constitutionnelle était virtuelle

Avant le changement de majorité au Sénat en 2011, le Gouvernement instrumentalisait le projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques, adopté dans des termes identiques par le Sénat et l'Assemblée nationale le 11 juillet 2011, pour marquer sa crédibilité face à une opposition qui le serait moins.

Ce discours est d'autant plus paradoxal que le projet de texte constitutionnel n'apportait en pratique rien de significatif par rapport aux actuelles lois de programmation des finances.

On rappelle que le texte prévoit que le Gouvernement s'engagerait à réaliser chaque année un certain effort sur les dépenses et les recettes, qu'il se fixerait lui-même, et dont le respect serait soumis au contrôle du Conseil constitutionnel . Plus précisément, il s'engagerait à ne pas dépasser un « plafond » de dépenses pour l'Etat et les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, et à prendre des mesures nouvelles sur les recettes (c'est-à-dire des mesures d'augmentation des recettes) au moins égales à un certain « plancher ».

Ainsi, rien n'empêcherait le Gouvernement de s'engager à un effort volontairement trop faible, en retenant une hypothèse de croissance volontairement trop élevée . C'est d'ailleurs ce que l'actuel Gouvernement a fait dans les deux lois de programmations des finances publiques, couvrant respectivement les périodes 2009-2012 et 2011-2014 72 ( * ) , qui reposaient sur une hypothèse de croissance irréaliste de 2,5 % par an.

En fait, de deux choses l'une :

- ou un Gouvernement veut réellement réduire le déficit public, et il le fait ;

- ou il ne le veut pas, et il trouvera toujours des échappatoires pour en faire moins qu'il ne le faudrait. Même si la règle était précisée pour empêcher de retenir des hypothèses de croissance irréalistes, il pourrait toujours recourir à d'autres procédés. Par exemple, il pourrait délibérément surestimer l'impact des mesures nouvelles sur les recettes. Il pourrait aussi procéder à des modifications de périmètre.

b) La France n'a pas besoin de « règle d'or » constitutionnelle, mais d'une loi de programmation des finances publiques enfin sincère

Dès lors que nul ne peut contraindre à la vertu budgétaire un Gouvernement décidé à n'être vertueux qu'en apparence, la question de la réduction du déficit est donc une question non pas de technique juridique, mais de sincérité et de responsabilité politique .

La majorité élue en mai 2012 devra donc adopter une loi de programmation des finances publiques.

Votre rapporteure générale souscrit à l'engagement pris par François Hollande de faire voter au lendemain de l'élection présidentielle une loi de programmation qui respectera nos objectifs européens de réduction de déficits 73 ( * ) .


* 72 Loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 et loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

* 73 « L'élection présidentielle doit permettre à chaque prétendant de prendre un engagement clair pour rééquilibrer nos finances publiques avec un calendrier précis et des instruments pour y parvenir. Je veux croire que nous poursuivons tous le même but, celui de maîtriser la dette publique, mais nous ne proposons pas le même chemin pour l'atteindre. Ce sera aux Français de juger ! Ma démarche, c'est de faire voter au lendemain de la présidentielle une loi de programmation qui respectera nos objectifs européens de réduction de déficits. Les fameuses et si contestables agences de notation ne réclament pas une règle d'or, mais des actes concrets susceptibles de donner durablement confiance » (entretien au Journal du Dimanche, 21 août 2011).

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