C. UN DISPOSITIF RENFORCÉ PAR LA PÉNALISATION DES DISCRIMINATIONS RÉSULTANT DU HARCÈLEMENT SEXUEL

Au-delà de la redéfinition du harcèlement sexuel, le projet de loi propose de renforcer la prévention de ces agissements en pénalisant les discriminations dont sont susceptibles de faire l'objet les victimes de harcèlement sexuel.

Le fait que le droit communautaire, influencé en cela par le droit anglo-saxon, assimile la notion de harcèlement sexuel à une discrimination ne doit pas induire en erreur : le dispositif proposé par le Gouvernement à l'article 2 et au 4° de l'article 3 ne vise pas à reconnaître que le harcèlement sexuel constitue en soi une discrimination , il vise en revanche à prémunir les victimes de harcèlement sexuel d'un certain nombre de conséquences qui pourraient leur être imposées en réponse au harcèlement sexuel qu'elles ont subi, ou qu'elles ont refusé de subir - le dispositif proposé ayant vocation à s'appliquer prioritairement aux faits de « chantage sexuel » assimilés au harcèlement sexuel par la nouvelle définition introduite à l'article 1 er du projet de loi.

Rappelons qu'en l'état du droit, l'article 225-1 du code pénal qualifie de discrimination toute distinction opérée entre les personnes en raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur orientation sexuelle, etc.

L'article 225-2 du code pénal prévoit, sur la base de ces dispositions, que « la discrimination [ainsi définie] est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende lorsqu'elle consiste :

« 1° A refuser la fourniture d'un bien ou d'un service ;

« 2° A entraver l'exercice normal d'une activité économique quelconque ;

« 3° A refuser d'embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne ;

« 4° A subordonner la fourniture d'un bien ou d'un service à une condition fondée sur l'un des éléments visés à l'article 225-1 ;

« 5° A subordonner une offre d'emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise à une condition fondée sur l'un des éléments visés à l'article 225-1 ;

« 6° A refuser d'accepter une personne à l'un des stages visés par le 2° de l'article L. 412-8 du code de la sécurité sociale.

« Lorsque le refus discriminatoire prévu au 1° est commis dans un lieu accueillant du public ou aux fins d'en interdire l'accès, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende ».

Par ailleurs, l'article 432-7 du code pénal, inséré dans la partie du code pénal consacrée aux abus d'autorité commis par des agents publics, dispose quant à lui que « la discrimination définie à l'article 225-1, commise à l'égard d'une personne physique ou morale par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende lorsqu'elle consiste :

« 1° A refuser le bénéfice d'un droit accordé par la loi ;

« 2° A entraver l'exercice normal d'une activité économique quelconque ».

En créant un nouvel article 225-1-1 du code pénal qualifiant de discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques en raison de leur acceptation ou de leur refus de subir des agissements de harcèlement sexuel, l'article 2 du projet de loi vise ainsi à punir, non pas les actes de harcèlement sexuel à proprement parler, mais les conséquences qui pourraient en résulter pour la victime - refus d'un logement opposé à une personne qui aurait refusé de « céder » au chantage sexuel ou exclusion du bénéfice d'un droit par exemple : il considère que le fait de refuser à une personne un emploi, un logement ou le bénéfice d'un droit parce que cette personne a subi des agissements de harcèlement sexuel ou a refusé de céder à un chantage est aussi illégitime que d'opposer un tel refus à une personne au motif de son origine, de son âge ou de son état de grossesse par exemple.

En outre, le 4° de l'article 3 du projet de loi, en réintroduisant le droit antérieur à l'entrée en vigueur du nouveau code du travail, propose de punir d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende les discriminations dans l'emploi (en matière de rémunération, de formation, de reclassement, etc.) qui pourraient résulter du harcèlement sexuel.

Ce dispositif complète de façon efficace les nouvelles dispositions du code pénal relatives au harcèlement sexuel . En effet, l'auteur des discriminations ne sera pas nécessairement l'auteur du harcèlement : tel serait par exemple le cas d'un employeur qui, bien que n'étant pas l'auteur d'un harcèlement sexuel commis par l'un des salariés de l'entreprise, non seulement n'aurait pas pris les mesures nécessaires pour faire cesser le harcèlement, mais, en outre, aurait pris à l'encontre de la victime des décisions discriminatoires (mise à l'écart, refus de formation, etc.).

En revanche, lorsque l'auteur de la mesure discriminatoire et l'auteur du harcèlement sexuel seront une seule et même personne, le parquet pourra poursuivre cette dernière sur le fondement des deux incriminations - harcèlement et discrimination en résultant constituant bien deux faits distincts . Il est en effet possible d'envisager l'hypothèse d'un harcèlement sexuel non suivi d'une mesure discriminatoire (« chantage sexuel » à l'embauche qui ne donnerait pas lieu ensuite à un refus d'embauche par exemple).

Dans le cas d'un harcèlement suivi d'une mesure discriminatoire, les peines prononcées pourront se cumuler dans la limite du maximum de la peine encourue la plus sévère conformément à l'article 132-3 du code pénal - soit trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende, voire, dans certains cas ou lorsque l'auteur est un agent public, cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende.

Ce dispositif permettra enfin de protéger les témoins de toute sanction ou mesure discriminatoire dont ils pourraient faire l'objet pour avoir témoigné d'agissements de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés.

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