B. L'ÉMERGENCE D'UN ESPACE UNIQUE DES PAIEMENTS

La directive sur la monnaie électronique n'est en réalité qu'un élément d'un ensemble beaucoup plus ambitieux qui vise à unifier le marché européen des paiements. Il importe d'en bien déterminer les contours afin de comprendre comment cette directive s'insère dans ce vaste édifice.

1. Le Marché unique rend nécessaire l'harmonisation en matière de services de paiement

En effet, l'Union européenne s'est saisie de la question des services des paiements à partir du milieu des années 1980. Le premier texte législatif en la matière est une directive du 27 janvier 1997 concernant les virements transfrontaliers. Son considérant n° 1 rappelle « que le nombre de paiements transfrontaliers ne cesse d'augmenter au fur et à mesure que l'achèvement du marché intérieur et les progrès vers une Union économique et monétaire complète entraînent une augmentation des échanges et de la circulation des personnes au sein de la Communauté ».

La Commission européenne entend établir une zone unique des paiements en Europe de sorte qu'effectuer un paiement à l'intérieur ou en dehors de son territoire national soit une opération exactement identique en termes de rapidité, de fiabilité et de coût.

De fait, la réalisation du Marché unique - la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux - entraîne un accroissement des paiements transfrontaliers , tendance qui s'est accélérée, d'une part, avec la création de l'euro , monnaie commune à 17 Etats-membres de l'Union européenne, d'autre part, avec l'essor du commerce électronique .

Dans le même temps, les moyens de paiement ont connu une révolution technologique - paiement par Internet, par téléphone portable - qui rend d'autant plus nécessaire l'évolution et l'harmonisation du cadre juridique dans lequel ils s'inscrivent.

En 2001, un règlement européen 3 ( * ) a posé le principe de « l'égalité des frais » pour les paiements transfrontaliers en euros (hormis le chèque). Par exemple, une banque française ne peut appliquer des frais supérieurs lorsqu'elle effectue un virement en euros selon que celui-ci est réalisé à destination ou en dehors du territoire national.

2. Le projet SEPA : un marché intégré pour les paiements de détail en euros

L'euro a été lancé en 1999 tandis que les pièces et les billets - la monnaie fiduciaire - ont été introduits en 2002. Depuis lors, « les consommateurs peuvent effectuer des paiements en espèces dans l'ensemble de la zone euro avec un seul porte-monnaie, en utilisant une monnaie unique. Il est temps à présent de permettre aux consommateurs d'effectuer dans toute la zone euro des paiements scripturaux à partir d'un même compte » 4 ( * ) .

Le marché unique des paiements est véritablement « incarné » par le projet SEPA, - Single Euro Payments Aera ; Espace unique de paiement en euros -, lancé en 2002, dans la continuité du passage à l'euro.

Il vise à ce que tous les paiements en euros, effectués par virement, prélèvement ou par carte 5 ( * ) , soient considérés comme des paiements domestiques quel que soit leur lieu d'émission ou de destination .

SEPA concerne les paiements de détail car les banques centrales européennes disposent déjà du système TARGET 2 pour les paiements de gros montants. A ce jour, trente-deux Etats européens participent au projet SEPA, qui s'étend donc au-delà de la zone euro, des Etats de l'Espace économique européen (EEE) participant également au projet.

Le projet SEPA, pleinement soutenu par la Commission européenne et la Banque centrale européenne, est piloté par le Conseil européen des paiements (CEP) qui regroupe les principaux acteurs concernés, à commencer par les banques.

Sa mise en oeuvre se déroule en plusieurs temps. Tout d'abord, le CEP a créé deux nouveaux instruments de paiements : le virement SEPA et le prélèvement SEPA. Il a aussi élaboré un cadre nouveau pour les paiements par carte. A titre d'illustration, les caractéristiques du virement SEPA sont les suivantes : possibilité d'accéder à tout client dans toute la zone SEPA ; le montant du bénéficiaire est crédité du montant intégral du virement (pas de commission) ; le délai de règlement maximal est de trois jours ouvrables ; l'IBAN et le BIC sont les identifiants bancaires ; enfin, plusieurs règles sont édictées en cas de paiement rejeté et retourné.

Par ailleurs, SEPA s'accompagne de nouveaux standards techniques - formatage des données - particulièrement importants pour les infrastructures de paiement, puisque ces dernières ont l'obligation d'être interopérables.

Enfin, le cadre juridique européen en matière de paiement a dû être profondément revu afin de permettre le lancement effectif de SEPA. Ce fut l'une des raisons de l'adoption de la directive de 2007 sur les services de paiements ( cf. infra ), bien que celle-ci vise à créer un marché unique des paiements sans préjudice de la monnaie utilisée alors que SEPA ne s'applique qu'aux paiements en euros. Plus encore, c'est le règlement du 14 mars 2012 établissant des exigences techniques et commerciales pour les virements et les prélèvements en euros qui marque l'entrée en vigueur de SEPA d'ici le 1 er février 2014 6 ( * ) .

Le même règlement supprime le seuil de 50 000 euros pour l'application du principe « d'égalité tarifaire » entre paiements domestiques et transfrontaliers. Désormais, il n'y aura plus de « paiements transfrontaliers ».

En attendant cette date, les Etats participant au projet sont entrés en « phase de migration » : les outils existants doivent être progressivement adaptés pour se conformer au cadre SEPA. C'est ainsi que le virement SEPA est disponible en France depuis le 28 janvier 2008 tandis que le prélèvement SEPA a été lancé le 2 novembre 2010. A compter du 1 er février 2014, plus aucun instrument de paiement national ne sera utilisable.

Les avantages attendus de SEPA sont multiples. D'après la Commission européenne, les économies générées par l'espace unique de paiement pourraient atteindre plusieurs dizaines de milliards d'euros. Si ces chiffres sont en grande partie invérifiables, il est clair que particuliers et entreprises vont bénéficier de SEPA : gain de temps dans les paiements, sécurité, compte bancaire unique dans toute l'Union européenne, apparition de nouveaux services, tels que la facturation électronique, etc.


* 3 Règlement (CE) n° 2560/2001 du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 2001 concernant les paiements transfrontaliers en euros abrogé et mis à jour par le règlement (CE) n° 924/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 concernant les paiements transfrontaliers dans la Communauté.

* 4 Avant-propos de Jean-Claude Trichet, L'Espace unique de paiements en euros (SEPA) , Banque centrale européenne, 2009.

* 5 Les chèques n'entrent pas dans le champ de SEPA.

* 6 La date du 1 er février 2014 ne concerne pas l'harmonisation des règles des paiements par carte, pourtant inclus dans le champ du projet SEPA.

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