N° 10

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 octobre 2012

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l' embryon et les cellules souches embryonnaires ,

Par M. Gilbert BARBIER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Jacky Le Menn, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Alain Milon, Mme Isabelle Debré, MM. Jean-Louis Lorrain, Jean-Marie Vanlerenberghe, Gilbert Barbier , vice-présidents ; Mmes Claire-Lise Campion, Aline Archimbaud, Catherine Deroche, M. Marc Laménie, Mme Chantal Jouanno , secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Paul Amoudry, Mmes Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, MM. Jean-Noël Cardoux, Luc Carvounas, Mme Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mme Muguette Dini, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Mme Samia Ghali, M. Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Mme Michelle Meunier, M. Alain Néri, Mme Isabelle Pasquet, M. Louis Pinton, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. René Teulade, François Vendasi, Michel Vergoz, Dominique Watrin.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

576 (2011-2012) et 11 (2012-2013)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Un an après le vote de la loi de juillet 2011 relative à la bioéthique, il a paru nécessaire aux membres du groupe du RDSE de proposer de modifier l'une de ses dispositions centrales, celle relative à la recherche sur l'embryon humain et sur les cellules souches qui en sont issues.

Le texte de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique a fait l'objet de débats approfondis, intenses et parfois passionnels entre partisans de l'autorisation de ces recherches et tenants de leur interdiction. Dans un contexte préélectoral qui n'a pas été sans peser sur ses choix, le gouvernement de l'époque soutenait ce qu'il présentait comme une voie moyenne. En 2004, le principe de l'interdiction avait été posé et assorti de dérogations pour cinq ans. Le ministre de la santé proposait de maintenir l'interdiction de principe de ces recherches mais de l'assortir de dérogations permanentes. A une très courte majorité, cette vision a finalement prévalu au Sénat.

Notre commission, suivant les conclusions de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), du Conseil d'Etat et celles de son rapporteur Alain Milon, s'était pourtant engagée résolument, et de manière transpartisane, dans la voie de l'autorisation encadrée des recherches.

Les auteurs de la proposition de loi estiment que ce choix était le bon et ont proposé un texte issu des travaux de l'Opecst et très largement similaire à celui que la commission des affaires sociales avait adopté en première et, à nouveau, en deuxième lecture du projet de loi sur la bioéthique. La commission des affaires sociales a donc adopté le texte de la proposition de loi, amendé à l'initiative de son rapporteur.

I. LA RECHERCHE SUR L'EMBRYON ET SUR LES CELLULES SOUCHES EMBRYONNAIRES EN FRANCE

Au Royaume-Uni, la recherche, encadrée, sur l'embryon a été autorisée dès 1990 et celle sur les lignées de cellules souches embryonnaires en 2001. En 2002, l'Allemagne, tout en maintenant l'interdiction de recherche sur les cellules souches, a autorisé, sous condition, la réalisation de recherches sur des lignées importées de l'étranger. Aux Etats-Unis, la recherche privée sur l'embryon et sur les cellules souches embryonnaires n'a jamais été encadrée. Les chercheurs américains ont ainsi pu mener leurs recherches sans contrainte autre que celle du financement, ce qui leur a permis, notamment, de découvrir en 1998 le moyen d'élaborer les premières lignées de cellules souches embryonnaires. Dans ce pays, le seul débat porte sur la question du financement des recherches par l'Etat fédéral et les Etats fédérés. Alors même que, de 2001 à 2009, une interdiction, partielle, d'octroi de fonds fédéraux a été mise en place, l'Etat de Californie a instauré à partir de 2004 un programme de financement des recherches sur les cellules souches embryonnaires d'un montant de 3 milliards d'euros. Le président Obama a levé l'interdiction de financement fédéral moins de deux mois après son arrivée au pouvoir.

C'est donc dans un contexte de concurrence scientifique intense avec les autres pays occidentaux, mais aussi avec les pays asiatiques comme la Corée du Sud et le Japon, que la France a aménagé, lors de la révision de la loi de bioéthique en 2004, l'interdiction de recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires. Le maintien de l'interdiction de principe a été assorti de dérogations encadrées et temporaires qui ont néanmoins permis l'essor de la recherche française.

A. UNE RECHERCHE DE POINTE

En 2011, d'après le rapport annuel de l'agence de la biomédecine (ABM), trente-six équipes de recherche ont au moins un projet en cours utilisant des embryons humains ou des cellules souches embryonnaires humaines. Ces équipes sont porteuses de soixante-trois projets de recherches : douze concernent l'embryon lui-même et cinquante et un concernent les cellules souches embryonnaires. Les connaissances techniques et les moyens nécessaires pour mener de telles recherches limitent le nombre d'équipes susceptibles de les mener. Les recherches engagées sont complexes et nécessitent un investissement financier et humain à long terme, ainsi que l'atteste le fait que plusieurs protocoles déposés en 2005 et 2006 ont fait l'objet d'une demande de renouvellement en 2010 et 2011.

Ces équipes sont d'un niveau reconnu au plan international ainsi que l'attestent les quelque quatre-vingt-onze articles publiés dans les journaux scientifiques dont plusieurs de premier plan ( Nature , Journal of Clinical Investigation , Journal of Molecular and Cellular Biology , Blood , Cell Stem Cell , Proceedings of the National Academy of Sciences-PNAS ). Plusieurs chercheurs conduisent d'ailleurs des activités de recherche tant en France que dans des institutions étrangères.

Les domaines de recherche ayant fait l'objet de publications sont multiples mais sont regroupés par l'ABM en quatre grands thèmes :

- le développement de cellules thérapeutiques (pour le traitement de certaines insuffisances cardiaques, de pathologies hépatiques, la création de cellules sanguines ou d'une « peau » temporaire permettant aux grands brulés d'attendre une greffe) ;

- la modélisation des maladies humaines (la Maladie de Steinert et les maladies neurodégénératives) ;

- la biologie et le développement précoce de l'embryon ;

- la compréhension du mécanisme de pluripotence cellulaire.

La richesse et la diversité de la recherche française, les résultats obtenus par plusieurs équipes, qui devraient bientôt être publiés, et la perspective, prudente, d'essais cliniques doivent conduire notre pays à soutenir ses chercheurs en élaborant un cadre juridique qui corresponde à la réalité de leurs travaux.

B. UNE RECHERCHE ENCADRÉE

1. Des contraintes spécifiques liées aux principes éthiques encadrant la recherche

Ainsi que le soulignait Mme Nicole Questiaux lors de son audition par l'Opecst 1 ( * ) en passant de l'éthique au droit, en posant quelques principes simples - indisponibilité du corps humain, interdiction de le commercialiser, statut du corps, respect de l'enfant en matière d'assistance aÌ la procréation - et en instaurant un régime d'autorisation contraignant, nous avons pris une décision très importante, tant dans ses principes que dans son mécanisme, et nous en avons confié la surveillance aÌ un organisme habilité aÌ faire du « coup par coup ». Cette procédure est satisfaisante et je pense qu'il ne faut surtout pas la modifier. »

Les principes fondamentaux posés par les articles 16-1 à 16-5 du code civil assurent une protection éthique nécessaire et adéquate de la recherche et des biotechnologies. Leur effectivité est assurée par l'ABM qui exerce un contrôle tant sur les protocoles nationaux que sur les conditions d'élaboration des lignées cellulaires importées de l'étranger.

Le régime d'autorisation encadré n'est nullement un droit pour toute équipe de recherche de mener sans contrôle des expériences sur l'embryon humain et les cellules souches embryonnaires. Les équipes de pointe qui élaborent des protocoles de recherche nécessitant l'étude de ces embryons ou cellules doivent déposer une demande auprès de l'agence de la biomédecine et obtenir le droit de mener leurs expériences. Tel n'est pas le cas pour les recherches sur les cellules souches dites adultes qui se trouvent dans les tissus humains ou pour les cellules modifiées afin de ressembler aux cellules souches embryonnaires. Les équipes qui les utilisent n'ont de compte à rendre à aucune autorité publique.

2. Le pouvoir réglementaire et le rôle de l'agence de la biomédecine

Le rôle du pouvoir réglementaire et de structures administratives créées pour mettre en oeuvre les dispositions législatives a toujours été déterminant en matière de recherche sur l'embryon et sur les cellules souches embryonnaires. Dès la mise en place du comité ad hoc prévu, à titre transitoire, pour examiner les protocoles de recherche sur les cellules souches embryonnaires importées 2 ( * ) , la volonté de permettre le développement de ces recherches en France a été clairement affirmée. Du 28 octobre 2004, date de la nomination des membres du comité ad hoc 3 ( * ) , au 6 février 2006, date de la publication du décret relatif à la recherche sur l'embryon humain et les cellules souches embryonnaires 4 ( * ) , dix-sept autorisations de protocole d'études ou de recherches ont été délivrées par les ministres en charge de la recherche et de la santé après avis du comité. Ces autorisations ont permis à une dizaine d'équipes de commencer leurs recherches. L'impulsion donnée s'est poursuivie après février 2006, l'ABM, seule compétente pour autoriser des recherches sur l'embryon, a examiné en trois ans onze des douze protocoles de recherche autorisés à ce jour.

Appuyé sur son conseil d'orientation qui réunit des experts scientifiques et médicaux, des experts en sciences humaines, des représentants d'associations, des parlementaires et des représentants d'institutions comme le Comité consultatif national d'éthique et la Commission nationale consultative des droits de l'homme, l'agence exerce un contrôle scientifique et éthique sur les protocoles de recherche qui lui sont soumis. Chaque dossier est examiné par deux experts scientifiques désignés par la directrice générale de l'agence et par deux membres du conseil d'orientation désignés par son président. Le rapport d'expertise des scientifiques et le rapport d'instruction des membres du conseil d'orientation sont examinés par le conseil d'orientation qui remet un avis sur la base duquel la directrice générale de l'Agence prend sa décision.

Au cours du débat sur la révision de la loi de bioéthique en 2011, l'ABM a été critiquée par certains qui l'accusaient d'être devenue trop proche des chercheurs. Votre rapporteur a pu constater que plusieurs d'entre eux jugent pour leur part excessives les contraintes que l'agence, par ses contrôles, fait peser sur leurs recherches. En réalité, les opposants au « pouvoir » de l'agence devraient plaider pour le texte de loi le plus clair et précis possible afin que le législateur puisse réellement fixer ses missions. Les ambiguïtés de la loi appellent nécessairement l'interprétation du pouvoir réglementaire et de l'administration pour leur application. Force est de constater que la loi de 2011 n'a de ce point de vue aucunement limité les marges d'interprétation de l'ABM.

II. LE TEXTE DE L'ARTICLE L. 2151-1 ISSU DE LA LOI DU 7 JUILLET 2011

A. UN TEXTE ÉTHIQUEMENT ET JURIDIQUEMENT INEFFICACE

Mme Nicole Questiaux avait lancé à l'Opecst 5 ( * ) un avertissement clair : « En bref, si une loi relative aÌ la bioéthique est une loi comme une autre, elle doit être bien rédigée. Les autorisations qu'elle permet doivent être clairement définies et si elle confie aÌ une agence le soin de répondre aÌ des questions difficiles, elle doit lui donner les moyens de s'adapter aux évolutions scientifiques. Souvenez-vous des hésitations que nous avons manifestées pour accorder des autorisations en matière de recherche sur les cellules embryonnaires : de fait, il ne s'agissait que de recherche fondamentale, même si les scientifiques prétendaient le contraire. Il est donc logique que nous ayons interprété les règles de finalité thérapeutique de façon suffisamment large pour y inclure la recherche fondamentale. Cela nous a servi de leçon et nous invite, dans le prochain texte, aÌ être plus prudents. » Il est très regrettable qu'elle n'ait pas été entendue. Le texte de l'article L. 2151-1 issu de la loi de 2011 est inabouti, tant sur le plan éthique que sur le plan juridique.

La question éthique s'analyse sous deux aspects contradictoires : faut-il interdire par principe la recherche sur l'embryon ? Un régime d'autorisation encadrée est-il la voie ouverte à toutes les dérives ?

La nécessité d'un « interdit symbolique fort » a été souvent invoquée pour justifier le maintien de dispositions contradictoires au sein de l'article L. 2151-5. Le groupe de travail du Conseil d'Etat, présidé par M. Philippe Bas, avait étudié cet interdit avant de l'écarter. En effet, l'interdiction de principe de la recherche sur l'embryon n'est pas une garantie éthique pertinente et ce n'est pas elle qui offre la meilleure protection contre les dérives potentielles de la science.

Pourquoi interdire la recherche sur l'embryon ? Parce qu'il est une vie humaine potentielle. Mais ce potentiel de vie n'existe pas en soi, le potentiel de vie de l'embryon dépend de la nature et du projet du couple qui l'a conçu ou pour lequel il a été conçu. S'agissant des embryons conçus dans le cadre de l'AMP, qui sont les seuls visés par l'article L. 2151-5, les embryons dont un couple peut faire don à la recherche sont ceux qui sont voués à la destruction. En effet, soit ils ne sont pas implantables en raison d'un problème affectant leur qualité, soit ils sont porteurs d'une anomalie détectée à la suite d'un diagnostic préimplantatoire (DPI), soit enfin ils ne font plus l'objet d'un projet parental et, à moins d'être donnés à un autre couple, l'article L. 2141-4 du code de la santé publique prévoit qu'ils doivent être détruits au bout de cinq ans de conservation.

L'alternative entre destruction et recherche à des fins de progrès de la médecine est la seule ouverte pour décider du devenir de ces embryons. Or, la possibilité pour les parents de faire don d'un embryon sain ou porteur d'un défaut ou d'une pathologie pour l'amélioration du bien-être collectif plutôt que de le laisser simplement détruire est un choix éthique. Le texte de la proposition de loi prévoit la nécessité de confirmer le don après un délai de réflexion pour le don des embryons sains, et dans tous les cas la possibilité de révoquer le don sans motif tant que les recherches n'ont pas commencé.

Lors des débats de 2011, plusieurs parlementaires ont pourtant soutenu que la destruction était de toute façon préférable afin de limiter la tentation démiurgique de l'homme qui souhaite « créer la vie » et la modeler selon ses désirs. Il s'agit là d'éviter les dérives de la science, objectif que tous partagent et qui est garanti par le texte de la proposition de loi.

Du point de vue du droit, le Gouvernement soutenait que l'interdiction de principe assortie de dérogation et l'autorisation encadrée étaient, de ce point de vue, équivalentes. Le juge administratif n'en a pas décidé ainsi. La Cour administrative d'appel de Paris a déduit de l'existence de l'interdiction de principe qu'il appartenait à l'agence de la biomédecine de faire la preuve que des recherches employant des moyens alternatifs ne pouvaient parvenir au résultat escompté. Elle a en conséquence annulé l'autorisation accordée trois ans auparavant à une recherche 6 ( * ) . Les scientifiques sont, en cas d'annulation, tenus d'arrêter immédiatement leurs travaux sous peine de sanctions pénales. Cinq recours en annulation, dont quatre concernent les travaux d'équipes de l'Inserm, sont actuellement en cours d'instruction par le tribunal administratif de Paris.

L'insécurité juridique à laquelle sont confrontés les chercheurs est le résultat des ambiguïtés de la loi de 2004. Elle a été accentuée par le texte voté en 2011 qui consacre une ambiguïté morale et juridique. En effet, le texte actuel de l'article L. 2151-5 porte la marque de ceux qui, à l'Assemblée nationale, à défaut de pouvoir obtenir l'interdiction des recherches, cherchaient à rendre quasiment impossible leur autorisation à force de conditions en pratique irréalisables : ainsi la nécessité d'établir « explicitement qu'il est impossible de parvenir au résultat escompté » autrement, ou celle d'informer le couple donateur de la nature des recherches projetées.

B. LES MODIFICATIONS CONTENUES DANS LA PROPOSITION DE LOI

La proposition de loi soumise à l'examen du Sénat vise à modifier l'article L. 2151-5 du code de la santé publique pour disposer que l'autorisation de l'agence de la biomédecine ne peut être accordée que si quatre conditions cumulatives sont réunies :

- le projet doit être scientifiquement pertinent. Le texte prévoit par ailleurs l'interdiction d'implanter à des fins de gestation les embryons sur lesquels une recherche a été effectuée, étant rappelé que la création de chimères ou d'embryons transgéniques est interdite en France ;

- le projet doit avoir une finalité médicale, ce qui exclut notamment les projets à visée purement esthétique ;

- il ne doit pouvoir être conduit qu'avec des embryons humains ou des cellules souches embryonnaires humaines ;

- il doit respecter des garanties éthiques, ce qui signifie notamment que l'agence exerce un contrôle sur la manière dont ont été conçues les lignées de cellules souches embryonnaires importées de l'étranger.

De ces quatre conditions la plus contraignante en pratique est la troisième. Elle a pour conséquence que les recherches sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires n'auront jamais qu'un caractère subsidiaire. Si demain il devient possible de mener, à partir de modèles animaux ou des cellules souches induites, le même type d'expériences que celles possibles avec les embryons humains et les cellules souches embryonnaires, ces recherches seront interdites. C'est l'état de la science et l'évaluation par un comité scientifique qui permettent à l'agence de se prononcer sur cette question chaque fois qu'un protocole lui est soumis. Cette disposition garantit la « protection adéquate de l'embryon » telle qu'elle est prévue par la convention d'Oviedo sur les droits de l'homme et la biomédecine, que la France a ratifiée. Les chercheurs auditionnés soulignent qu'en pratique les différents types de recherche sont menés en parallèle et que les équipes n'ont pas de parti pris privilégiant la recherche sur l'embryon humain. Cependant, cette condition est liée à la nature particulière de l'embryon humain et, interprétée à la lumière du progrès des connaissances scientifiques. Il convient de la conserver.

Il semble néanmoins important de souligner que les recherches sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires ont aujourd'hui, et sans doute pour plusieurs années encore, une importance centrale pour faire progresser les connaissances sur le développement de la vie ainsi que pour la modélisation des maladies génétiques. Ainsi que le soulignent les chercheurs, de nombreuses questions de génétique, mais aussi d'épigénétique, sont posées qui impliquent sans alternative crédible le recours aux embryons humains et aux cellules souches embryonnaires qui en sont issus.

L'agence de la biomédecine ne se fonde pas uniquement sur des avis scientifiques pour prendre ses décisions. Son comité d'orientation, qui réunit des scientifiques et des représentants de la société civile et au sein duquel siègent désormais quatre sénateurs, est appelé à se prononcer sur chaque dossier. Les considérations éthiques sont donc présentes pendant l'instruction du dossier même.

Les avis de l'agence sont par ailleurs susceptibles de réexamen à la demande conjointe des ministres de la recherche et de la santé. Enfin, l'agence reçoit des rapports annuels sur le progrès des recherches et conduit des inspections. Je vous proposerai à ce propos un amendement tendant à renforcer encore ces pouvoirs d'inspection.

Il n'y a en réalité que deux possibilités : interdire complètement ou autoriser de manière encadrée. Dès lors qu'en l'état de la science, la recherche sur l'embryon humain et les cellules embryonnaires est nécessaire, elle doit être autorisée tout en prenant toutes les précautions nécessaires afin de garantir l'absence de dérives. C'est pourquoi, sous réserve de quelques amendements tendant à améliorer la sécurité juridique du texte et le contrôle sur les protocoles, votre commission vous propose d'adopter cette proposition de loi et de mettre en place dans notre pays un régime de recherche assumé et encadré.


* 1 Audition par la mission d'information sur la révision des lois de bioéthique de l'Assemblée nationale, le 17 décembre 2008.

* 2 Article 37 la loi de 2004.

* 3 Arrêté du 28 octobre 2004 portant nomination au comité ad hoc créé par l'article 37 de la loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique.

* 4 Décret n° 2006-121 du 6 février 2006 relatif à la recherche sur l'embryon et sur les cellules embryonnaires et modifiant le code de la santé publique.

* 5 Audition précitée.

* 6 Arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris, 3 e chambre, 10 mai 2012.

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