EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

I - Le dispositif de la proposition de loi

L'article unique propose une nouvelle rédaction pour l'article L. 2151-5 du code de la santé publique ; il est composé de cinq parties.

La première partie se compose de six alinéas.

Le premier alinéa impose la nécessité d'obtenir une autorisation avant de conduire des recherches sur l'embryon humain et les cellules souches embryonnaires humaines. Il prévoit les conditions cumulatives qui doivent être réunies pour qu'un protocole de recherche soit autorisé. Il se substitue à l'interdiction de principe figurant à l'article L. 2151-5 tel qu'il est issu de la loi du 7 juillet 2011. L'autorisation, qui n'était qu'une dérogation, devient le mode d'encadrement de la recherche sur l'embryon humain et sur les cellules souches qui en sont issues.

Il ne découle nullement de cet alinéa que toute recherche sur l'embryon humain est permise. Une équipe de recherche ne peut s'engager dans ce type de recherche sans obtenir au préalable, sous peine de sanctions pénales, l'autorisation de l'agence de la biomédecine. Le statut de ces recherches reste donc distinct de celui des recherches sur les cellules souches adultes ou induites qui ne nécessitent aucune autorisation et ne font l'objet d'aucun contrôle spécifique.

Les quatre conditions cumulatives nécessaires à l'obtention d'une autorisation de recherche sont énumérées dans les quatre alinéas suivants.

La première condition, sans changement par rapport au texte actuel, est la pertinence scientifique du projet. Elle doit être établie à partir du protocole de recherche soumis à l'agence de la biomédecine.

La deuxième condition exige que le projet de recherche ait une finalité médicale. Il s'agit d'une formulation plus large que celle de l'article L. 2151-5 actuel, qui prévoit pour sa part que la recherche doit être « susceptible de permettre des progrès médicaux majeurs » . Cette obligation revêt une portée pratique importante puisque la nécessité d'une finalité médicale s'oppose notamment à ce que des recherches à visée purement esthétique soient conduites.

La troisième condition impose une comparaison entre les recherches envisagées sur les cellules souches et d'autres formes de recherche, essentiellement celles utilisant des cellules adultes ou induites. Il est interdit de mener des recherches sur l'embryon ou les cellules souches embryonnaires si, en l'état des connaissances scientifiques, une recherche similaire peut être menée sans avoir à y recourir. La recherche sur l'embryon est donc subsidiaire aux autres formes de recherche. L'obligation de comparer les différents types de recherches découle non seulement des principes éthiques mais également des obligations internationales de la France, puisqu'elle garantit la « protection adéquate de l'embryon » telle que l'exige la convention d'Oviedo, désormais ratifiée par la France.

La dernière condition rappelle que les projets de recherche et les conditions de leur mise en oeuvre doivent respecter les principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires.

La deuxième partie comporte un alinéa unique.

Il précise que les recherches ne peuvent être effectuées que sur des embryons conçus in vitro dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation (AMP) et qui ne font plus l'objet d'un projet parental. Il convient de noter que des dispositions spécifiques du code de la santé publique prévoient la possibilité de recherches sur les embryons non susceptibles d'être transférés ou conservés dans le cadre d'une AMP en raison d'un problème affectant leur qualité (article L. 2141-3), ainsi que sur les embryons porteurs d'une anomalie détectée à la suite d'un diagnostic préimplantatoire (DPI) (article L. 2131-4). Tous les embryons conçus dans le cadre d'une AMP relèvent néanmoins des dispositions de l'article L. 2151-5.

A l'inverse, un régime déclaratif spécifique est prévu à l'article L. 1241-5 du code de la santé publique pour le prélèvement à des fins de recherche de tissus et cellules embryonnaires ou foetaux issus d'une interruption de grossesse. Depuis la publication du décret d'application de cette mesure en 2007, vingt-cinq protocoles ont été déclarés dans ce cadre à l'agence.

L'alinéa reprend les conditions de consentement prévues depuis 2004, consentement écrit préalable du couple ou du membre survivant dûment informé des alternatives possibles, nécessité de confirmer cet accord à l'issue d'une période de réflexion de trois mois (hors les cas où l'embryon n'était pas implantable ou était porteur d'une anomalie génétique révélée par un DPI), possibilité de révoquer cet accord sans motif tant que la recherche n'a pas commencé.

Il ne reprend pas l'obligation figurant dans le texte adopté en 2011 d'informer les membres du couple de la nature des recherches projetées.

La troisième partie comporte quatre alinéas.

Le premier confie à l'agence de la biomédecine la mission d'examiner les protocoles de recherche au regard des critères posés dans la première partie de l'article et, le cas échéant, de les autoriser. La décision de l'agence et l'avis de son conseil d'orientation sur les protocoles sont communiqués aux ministres chargés de la santé et de la recherche qui disposent pendant un mois de la faculté de demander un nouvel examen du dossier.

Le deuxième alinéa envisage le cas des demandes de nouvel examen fondé sur un doute concernant le respect des principes éthiques ou de la pertinence scientifique du protocole. L'agence procède à cette étude dans ce cas dans un délai de trente jours. Si la décision est confirmée, elle n'est pas susceptible d'un nouvel examen.

Le troisième alinéa envisage le cas où les ministres souhaitent revenir, dans l'intérêt de la santé publique ou de la recherche, sur un refus d'autorisation. Le délai de réexamen par l'agence est le même et la décision confirmée n'est pas susceptible d'un nouvel examen.

Le quatrième alinéa prévoit que la violation des dispositions législatives ou réglementaires ou des conditions fixées par l'autorisation entraîne la suspension ou le retrait de l'autorisation par l'agence. Cette rédaction s'écarte de celle prévue en 2011 qui confiait aux ministres la responsabilité de la suspension ou de l'interdiction de protocoles en cas de non-respect des dispositions de l'article L. 2151-5.

La quatrième partie se compose d'un alinéa unique interdisant le transfert à des fins de gestation des embryons sur lesquels une recherche a été conduite.

La cinquième partie précise que les études sur les embryons ne leur portant pas atteinte peuvent être conduites avant et après leur transfert à des fins de gestation après recueil du consentement du couple et autorisation par l'agence de la biomédecine.

II - Le texte adopté par la commission

La commission des affaires sociales est favorable à cette proposition de loi qui est quasiment identique au texte qu'elle avait adopté lors de la première et de la deuxième lecture du projet de loi relatif à la bioéthique en 2011.

Ainsi qu'elle l'avait souligné à l'époque, la commission estime que ce texte apporte toutes les garanties éthiques qui doivent entourer l'embryon humain, source potentielle d'une vie humaine. Il apparaît de surcroît que les dispositions restrictives adoptées en 2011 sont sans réelle portée pratique et ne contribuent qu'à renforcer les incertitudes juridiques qui découlent de la mise en place d'un régime d'interdiction assorti de dérogations pérennes. Un texte clair assumant la légitimité de la recherche encadrée sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires afin d'améliorer les connaissances et de faire progresser les soins sera plus en phase avec le travail des équipes de recherche et les aspirations de nos concitoyens.

A l'initiative de son rapporteur, la commission a adopté plusieurs amendements tendant à :

- préciser que, conformément à la pratique suivie depuis 2004, la recherche envisagée peut être à caractère fondamental ;

- supprimer la nécessité d'une autorisation de l'agence de la biomédecine pour les recherches purement observationnelles sur l'embryon ;

- apporter des précisions rédactionnelles.

La commission a adopté l'article ainsi amendé et donc la proposition de loi.

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