II. LES PROGRAMMATIONS EXISTANTES

A. TROIS TYPES DE PROGRAMMATIONS, QUI N'ONT GLOBALEMENT PAS FONCTIONNÉ

1. Les trois types de programmations
a) Les programmes de stabilité

Les Etats doivent présenter leurs programmes de stabilité à la Commission européenne. Depuis 2011, cette transmission doit avoir lieu au mois d'avril de chaque année (et non au mois de décembre comme précédemment), dans le cadre du « semestre européen ».

Les programmes de stabilité ont pour base juridique :

- l'article 121 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) 7 ( * ) , relatif à la coordination des politiques économiques ;

- le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.

Il résulte de ces dispositions que les Etats membres présentent annuellement à la Commission européenne des « programmes de stabilité » (pour les Etats appartenant à la zone euro) ou des « programmes de convergence » (pour les Etats n'appartenant pas à la zone euro), qui constituent la programmation à moyen terme de leurs finances publiques.

Le programme de stabilité porte au moins sur l'année couverte par la loi de finances de l'année et sur les trois années suivantes.

b) Les programmations pluriannuelles annexées aux projets de lois de finances

L'article 50 de la LOLF, introduit à l'initiative du Sénat, prévoit que le rapport sur la situation et les perspectives économiques, sociales et financières de la nation (RESF) « présente et explicite les perspectives d'évolution, pour au moins les quatre années suivant celle du dépôt du projet de loi de finances, des recettes, des dépenses et du solde de l'ensemble des administrations publiques détaillées par sous-secteurs et exprimées selon les conventions de la comptabilité nationale, au regard des engagements européens de la France, ainsi que, le cas échéant, des recommandations adressées à elle sur le fondement du traité instituant la Communauté européenne ».

Ainsi, pour la première fois, un exercice de programmation pluriannuelle a été annexé au projet de loi de finances pour 2003, dans le rapport économique, social et financier 8 ( * ) .

c) Les lois de programmation des finances publiques

Comme les deux autres types de document, les lois de programmation des finances publiques (LPFP) sont également indicatives.

Elles ont pour base l'avant-dernier alinéa de l'article 34 de la Constitution, qui dispose, depuis la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 : « Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques ».

Deux LPFP ont été adoptées :

- la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 (« LPFP 2009-2012 ») ;

- la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 (« LPFP 2011-2014 »).

Un projet de LPFP pour les années 2012 à 2017 (« LPFP 2012-2017 »), récemment adopté par l'Assemblée nationale, doit prochainement être discuté au Sénat. Il anticipe la mise en oeuvre des principaux points du présent projet de loi organique.

Comme on le verra, si la LPFP 2009-2012 correspondait à des engagements assez vagues, ceux de la LPFP 2011-2014 étaient plus précis (bien que sous-calibrés), car définis en termes d'effort structurel. Enfin, ceux du projet de LPFP 2012-2017, qui anticipe la mise en oeuvre du présent projet de loi organique (qui ne doit entrer en vigueur que le 1 er mars 2013), sont définis en termes de solde structurel, et convenablement calibrés.

d) Des documents redondants

Les trois types de documents sont très proches et présentent de nombreuses redondances. En règle générale, les programmes de stabilité constituent une version détaillée des programmations pluriannuelles annexées aux projets de lois de finances.

Les deux seules véritables exceptions sont celles :

- du programme de stabilité 2007-2009, qui prévoyait le retour à l'équilibre en 2010, et pour 2009 un déficit public de 1 point de produit intérieur brut (PIB), contre 1,4 point de PIB pour la programmation pluriannuelle des finances publiques 2007-2009 annexée au projet de loi de finances pour 2006. Cela s'explique par le fait que le programme de stabilité 2007-2009 cherchait à afficher un objectif aussi ambitieux que celui du « rapport Pébereau » 9 ( * ) , ce qui était irréaliste, comme le président Philippe Marini, alors rapporteur général, l'a souligné dans son rapport d'information relatif à ce programme 10 ( * ) ;

- du programme de stabilité 2010-2013, adressé le 1 er février 2010 à la Commission européenne. En effet, le 2 décembre 2009, le Conseil européen avait seulement repoussé à 2013 l'année fixée pour la fin du déficit excessif (alors que la programmation annexée au projet de loi de finances pour 2010 prévoyait un déficit de 5 points de PIB en 2013, le retour sous le seuil de 3 points de PIB étant prévu au-delà de la période de programmation).

Depuis la mise en oeuvre du « semestre européen » en 2011, les programmes de stabilité sont envoyés aux institutions communautaires en avril, soit sept mois après le dépôt du projet de loi de finances de l'année. Les programmes de stabilité d'avril 2011 et d'avril 2012 comprenaient donc, par la force des choses, des différences par rapport aux chiffres de la programmation pluriannuelle annexée au projet de loi de finances de l'année, ne serait-ce que pour actualiser les données d'exécution ou prendre en compte les nouvelles perspectives de croissance.

Les LPFP ont quant à elles un contenu très proche de celui des programmes de stabilité. En particulier, elles se réfèrent à un rapport annexé de longueur et de contenu analogues à ceux des programmes de stabilité. Par ailleurs, à l'exception de rares dispositions, elles n'ont pas de portée normative. Toutefois, comme on l'a vu, la deuxième LPFP - la LPFP 2011-2014 -, et surtout le projet de LPFP 2012-2017, distinguent plus précisément les engagements de ce qui relève de la simple prévision.

2. L'échec global des programmations, avec le décalage permanent de leurs objectifs

Le principal objectif de ces programmations était de permettre le retour des finances publiques à une situation proche de l'équilibre. Or, à l'exception des années 2010 et 2011, la trajectoire de retour à l'équilibre a régulièrement été repoussée.

a) La première cause de ce non respect : une hypothèse de croissance jusqu'à récemment systématiquement de 2,5 %

Une première cause de ce non respect des programmations en ce qui concerne le solde est l'optimisme systématique de l'hypothèse de croissance du PIB.

Ainsi, comme on le verra ci-après, à quelques exceptions près, les programmes de stabilité ont reposé :

- dans le cas de l'année couverte par la loi de finances, sur l'hypothèse de croissance associée au projet de loi de finances, soit la prévision du consensus des conjoncturistes accrue de 0,3 point en moyenne ;

- dans le cas des trois années suivantes, sur une hypothèse de croissance de 2,5 %, voire 3 % dans le cas des « scénarios hauts ».

La croissance du PIB n'a été supérieure ou égale à 2,5 % que deux fois depuis le début des années 2000 (en 2000 et en 2004). Elle n'a été supérieure ou égale à 3 % qu'une fois (en 2000).

b) La deuxième cause de ce non respect : des dépenses publiques qui jusqu'à récemment augmentaient de plus de 2 % par an en volume (au lieu d'environ 1 % selon les programmations)

La deuxième cause essentielle du non respect des trajectoires de solde et de dette publics des programmations est que, alors que celles-ci retiennent des hypothèses de croissance des dépenses publiques de l'ordre de 1 % par an en volume, l'exécution moyenne a été de plus de 2 % par an en volume depuis le début des années 2000.

La croissance des dépenses publiques en volume

(en %)

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Moyenne 2000-2011

Administrations publiques

1,9

2,2

3,8

2,0

2,3

2,7

1,8

2,7

1,0

3,8

0,8

0,0

2,1

APUC

-0,7

2,7

4,1

-0,5

3,0

0,8

-3,2

2,4

0,9

2,2

7,2

-7,8

0,9

ASSO

1,8

3,3

3,8

3,4

3,4

3,2

1,3

3,7

0,1

4,6

2,1

1,1

2,6

APUL

5,7

0,8

4,7

3,9

7,3

3,7

4,4

5,7

1,7

3,2

-1,8

0,2

3,3

APUC : administrations publiques centrales ; ASSO : administrations de sécurité sociale ; APUL : administrations publiques locales.

Croissance des dépenses déflatée de l'évolution de l'indice des prix à la consommation hors tabac.

Source : Insee, calculs de la commission des finances

La performance des années 2010 et 2011 - avec une croissance des dépenses publiques en volume de respectivement 0,8 % et 0 % - repose largement sur des phénomènes exceptionnels et non reproductibles.

La croissance « spontanée » des dépenses publiques pouvant être évaluée à environ 1,5 % par an en volume - taux ramené à environ 1 % avec la stabilisation en volume des dépenses de l'Etat et une croissance de l'ONDAM de 3 % en valeur -, l'objectif du projet de LPFP 2012-2017 - 0,8 % en volume en moyenne en 2013-2017 - ne pourra être atteint que par un effort historiquement sans précédent.

La croissance des dépenses publiques en volume : quelques ordres de grandeur

(en %)

Croissance effective des dépenses

Croissance spontanée des dépenses

Croissance effective des dépenses, avec les « efforts habituels » 1

Historique

RESF 2012 2

Programme de stabilité d'avril 2012

IGF 3

Commission des finances

Années

2000-2011

2012

2012 4

2012-2016

-

-

-

Etat

0,7

-0,7

-2,0

-0,6

1,3

1,3

0,0

Organismes divers d'administration centrale

4,0

3,0

2,8

2,3

2,3

2,3

Administrations de sécurité sociale

2,6

1,5

1,4

0,8

1,75 5

1,8 6

1,4

Administrations publiques locales

3,3

1,5

1,3

0,6

1,0

1,5

1,5

Toutes administrations publiques

2,1

1,0

0,5 7

0,4

1,5

1,6

1,0

NB : quand la période porte sur plusieurs années, le taux indiqué est la moyenne des taux de croissance.

1 Croissance spontanée des dépenses + « zéro volume » pour l'Etat et croissance de l'ONDAM de 3 % en valeur.

2 Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2012.

3 Inspection générale des finances, rapport n° 2012-M-008-03 de mai 2012 sur la maîtrise des dépenses de l'Etat.

4 Les programmes de stabilité n'indiquent la croissance des dépenses qu'en moyenne sur la période de programmation. Ces taux sont donc calculés à partir de la colonne précédente, en prenant en compte les mesures d'économies de 3 Mds € résultant d'amendements au PLF 2012 et de la première LFR pour 2012, et la révision à la hausse de la prévision d'inflation, de 1,7 % à 1,9 %.

5 Dont 1,9 % pour la branche vieillesse, 0,35 % pour la branche famille, 2,3 % pour la branche maladie et 0 % pour l'Unedic.

6 Mêmes hypothèses, le taux étant arrondi à 2 % pour la branche vieillesse.

7 Source : Cour des comptes, rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques (juillet 2012). Les programmes de stabilité n'indiquent en effet la croissance des dépenses qu'en moyenne sur la période de programmation. Le taux n'est plus que de 0,3 % après prise en compte de la cession de licences de téléphonie mobile début 2012 (que la comptabilité nationale considère non comme une recette, mais comme une « dépense négative »).

Source : commission des finances


* 7 Ex-article 99 du traité instituant la Communauté européenne.

* 8 De même, l'article LO 111-4 du code de la sécurité sociale prévoit que « le projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année est accompagné d'un rapport décrivant les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base et du régime général, les prévisions de recettes et de dépenses des organismes concourant au financement de ces régimes ainsi que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie pour les quatre années à venir ».

Le champ couvert se limite donc aux régimes obligatoires de base, contrairement aux programmations annexées aux projets de lois de finances, qui concernent l'ensemble des administrations publiques.

* 9 Commission présidée par Michel Pébereau, « Des finances publiques au service de notre avenir », rapport au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, décembre 2005.

* 10 Rapport d'information n° 314 (2005-2006).

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