G. LA POLICE TECHNIQUE ET SCIENTIFIQUE

1. De nouveaux moyens au service de la preuve

L'évolution des sciences et des techniques induit de nombreuses mutations au sein de la police et de la gendarmerie nationales. Les outils changent, les pratiques professionnelles s'adaptent et « la culture de l'aveu cède la place à la culture de la preuve » .

En 2013 , certaines dépenses sont spécifiquement orientées vers le développement de la police technique et scientifique.

Le programme « Police nationale » se voit ainsi doté de 6 millions d'euros en CP dans ce but. Cette enveloppe permettra le financement du déploiement des fichiers d'identification que sont le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) et le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) . Ces fichiers sont modernisés et rendus interopérables avec les autres fichiers européens (dans le cadre de l'application du traité de Prüm).

Compte tenu du nombre de profils contenus dans ces deux bases, un effort de renforcement des plateformes est nécessaire. De même, certaines évolutions applicatives sont rendues inéluctables pour que ces fichiers soient conformes aux règles juridiques.

Parallèlement, il s'agit de maintenir à niveau les moyens de recueil des traces sur les scènes de crimes et d'infractions afin de garantir la qualité des relevés.

Pour le programme « Gendarmerie nationale », une enveloppe de 3,6 millions d'euros en CP est ouverte. Elle vise à couvrir les dépenses d'acquisition de kits salivaires ADN, de maintenance des outils d'analyse, d'externalisation des examens, d'acquisition de consommables et d'entretien de matériel de laboratoire pour les investigations de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) .

Avec l'IRCGN, l'Institut national de la police scientifique (INPS) complète le pole technique et scientifique sur lequel peuvent s'appuyer les officiers de police judiciaire dans leurs investigations. Opérateur du programme « Police nationale », l'institut s'appuie en 2012 sur une subvention de 9,3 millions d'euros 34 ( * ) .

Etablissement public administratif (expert agréé par la Cour de cassation), l'INPS a pour mission d'effectuer tous les examens, les recherches et les analyses d'ordre scientifique et technique demandés par les autorités judiciaires et les services de police ou de gendarmerie, aux fins de constatation des infractions pénales et d'identification de leurs auteurs. Il couvre la totalité du champ de la criminalistique, avec des compétences développées en génétique , en empreintes papillaires , en documents, en traces , en balistique, en nouvelles technologies, en stupéfiants, en toxicologie, en incendies-explosions et en physico-chimie (verres, peintures, encres, fibres, résidus de tir...).

Composé d'un service central, de cinq laboratoires de police scientifique (LPS) localisés à Lille, Lyon, Marseille, Paris, Toulouse et du laboratoire de toxicologie de la préfecture de police de Paris (LTPP), l'INPS compte 310 ETP , majoritairement scientifiques.

2. La vigilance dans le recours aux nouvelles technologies

Les avancées techniques et scientifiques permettent assurément d'améliorer les taux d'élucidation des crimes et délits. Mais elles présentent aussi certaines limites.

D'une part, la police technique et scientifique a un coût. Le 2 octobre 2012, votre commission a entendu la Cour des comptes dans le cadre d'une « audition pour suite à donner » à son enquête sur les frais de justice . Cette enquête a été réalisée par la Cour à la demande de votre commission en application de l'article 58-2° de la LOLF. Pointant les facteurs de dérive de ce poste de dépenses depuis plusieurs années, elle fait ressortir l'impact des décisions prises par les officiers de police judiciaire sur la dynamique constatée.

Eu égard au coût de certaines recherches 35 ( * ) , la question se pose de savoir si n'importe quelle infraction doit donner lieu au déploiement de tout l'arsenal technique et scientifique potentiellement à disposition. En d'autres termes, la police technique et scientifique a-t-elle vocation à devenir une « police de masse » ? Ou doit-elle être réservée aux affaires d'une certaine gravité ?

Par ailleurs, les possibilités offertes par les nouvelles technologies doivent aussi être conciliées avec la préservation des libertés individuelles et publiques en ne débouchant pas sur un « fichage » intrusif. Tel est notamment le sens de la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur la loi n° 2012-410 du 27 mars 2012 relative à la protection de l'identité 36 ( * ) .

Enfin, votre rapporteur spécial souligne la vigilance nécessaire dans l'emploi des fichiers existants, au premier rang desquels le fichier de police relatif au système de traitement des infractions constatées (STIC) et le fichier de gendarmerie constituant le système judiciaire de documentation et d'exploitation (JUDEX) .

Dans son rapport d'activité pour 2011, la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) indique avoir procédé à 3 374 vérifications en 2011, dont « plus de 60 % (...) ont porté sur les fichiers de police judiciaire » .

Les résultats de ces vérifications sont recensés dans le tableau suivant.

Les vérifications de la CNIL sur les fichiers de police judiciaire en 2011

STIC

JUDEX

Nombre de vérifications effectuées

1 112

946

Fiches exactes

28 %

38 %

Fiches rectifiées (qualification des faits entraînant ou non une réduction du délai de conservation, ajout de mentions pour tenir compte des suites judiciaires réservées aux infractions enregistrées...)

44 %

30 %

Fiches supprimées

28 %

32 %

Source : d'après le rapport d'activité pour 2011 de la CNIL

Votre rapporteur spécial relève le nombre important d'« anomalies » ou d'erreurs dans les fichiers STIC et JUDEX, seulement (respectivement) 28 % et 38 % des fiches vérifiées étant exactes. En conséquence, il estime impératif que des progrès soient réalisés dans ce domaine . L'interconnexion prévue entre la chaîne d'application pénale Cassiopée du ministère de la justice, d'une part, et les fichiers STIC et JUDEX (prochainement regroupés au sein de l'application « Traitement des procédures judiciaires » 37 ( * ) ), d'autre part, doit être l'occasion d'obtenir des améliorations.

En outre, votre rapporteur spécial rappelle sa proposition d'introduire dans le projet annuel de performances des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » un indicateur mesurant le « taux d'exactitude » de ces fichiers (Cf. supra Partie I.F).


* 34 L'institut dispose également du paiement de frais de justice, ainsi que de la rémunération d'analyses au bénéfice de partenaires publics conventionnés. En 2011, le total des titres émis auprès de la justice et de partenaires publics s'élevait à 2,6 millions d'euros, dont 1,3 million d'euros pour les seules analyses biologiques (soit 49 %).

* 35 L'enquête de la Cour des comptes relève que « le rôle décisif de l'ADN dans l'élucidation des affaires pénales explique le recours accru à des expertises coûteuses en frais de justice pour répondre à l'impératif de performance des services enquêteurs » .

* 36 La loi n° 2012-410 du 27 mars 2012 relative à la protection de l'identité est parue au Journal officiel du 28 mars 2012 après une censure partielle de ses dispositions par le Conseil constitutionnel.

Dans sa décision DC n° 2012-652 du 22 mars 2012, celui-ci a notamment censuré l'article 5 qui prévoyait la mise en place d'un fichier commun aux CNIe et aux passeports, comportant des données biométriques. Ce fichier unique, principalement conçu pour garantir la fiabilité des documents délivrés et simplifier l'instruction des demandes, pouvait être consulté, à titre subsidiaire, à des fins policières ou judiciaires.

Le Conseil constitutionnel a considéré qu'eu égard à la nature des données enregistrées (données biométriques traçantes), à l'ampleur du traitement regroupant potentiellement la quasi totalité des nationaux, à ses caractéristiques techniques (identification possible à partir des seules empreintes) et aux conditions de sa consultation, la création de la base unique envisagée portait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée par rapport au but poursuivi.

La loi promulguée ne comprend donc désormais que :

- l'insertion d'un composant dans la carte nationale d'identité, comportant notamment l'image de deux empreintes digitales du titulaire ;

- la transmission directe des données d'état civil de la commune de naissance à la commune qui a enregistré la demande de titre d'identité.

* 37 Une phase de tests est actuellement conduite dans onze départements pilotes. Le déploiement à l'ensemble des unités devrait être amorcé au début de l'année 2013.

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