EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Les Etats généraux de la démocratie territoriale organisés les 4 et 5 octobre 2012, en conclusion d'une réflexion ouverte par le Sénat avec les élus locaux à la fin de l'année précédente ont clairement souligné les deux préoccupations principales des élus : l'inflation normative et le statut de l'élu. C'est pourquoi leur initiateur, le président de la Haute assemblée, M. Jean-Pierre Bel, a saisi le président de la commission des lois et la présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités locales et à la décentralisation pour y répondre.

La question du statut de l'élu est, depuis longtemps, le serpent de mer de la vie publique. Pourtant, force est de constater qu'au fil du temps et singulièrement ces vingt dernières années, le législateur a progressivement construit un ensemble de garanties constitutives d'un tel régime.

Cependant, si celui-ci est perfectible, il ne répond pas totalement aux attentes des élus locaux. L'insatisfaction régulièrement exprimée, et encore tout dernièrement lors des Etats généraux, ne résulte-t-elle pas tout autant de la méconnaissance, par les intéressés, des garanties qui leur bénéficient que des lacunes qu'elles comportent ?

La proposition de loi adoptée à l'unanimité, par le Sénat, le 30 juin 2011, visant à renforcer l'attractivité et à faciliter l'exercice du mandat local mais jamais examinée par l'Assemblée nationale, entendait répondre à ces questions.

Postérieurement, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a conduit une réflexion sur le statut de l'élu.

La dernière retouche à ce dispositif vient d'intervenir avec l'amélioration, dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale, du régime de protection des élus locaux.

Nos collègues Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur, tenant compte tout à la fois de la « technicité croissante de l'action locale et des responsabilités correspondantes », de l'ensemble des mesures existantes et de leurs insuffisances avérées, préconisent « des améliorations notables » pour « conforter les garanties accordées aux élus locaux afin qu'ils accomplissent leur mission d'intérêt général dans de meilleures conditions » 1 ( * ) .

Il s'agit donc, dans la mesure du possible, de prolonger raisonnablement le régime en vigueur en ciblant les dispositions les plus nécessaires pour endiguer le déclin des candidatures aux responsabilités locales et maintenir la vitalité et la diversité de la démocratie locale.

I. ÉLABORER UN « STATUT DE L'ÉLU » : UNE PRÉOCCUPATION ANCIENNE, DES AMÉLIORATIONS SUCCESSIVES

Le mandat électif ne constitue pas un métier non plus que l'exercice de certaines fonctions exécutives une activité salariée. Il ne relève donc pas du même régime de protection.

Rapidement, cependant, il est apparu nécessaire de tenir compte des conséquences, pour leur activité professionnelle, des contraintes auxquelles sont soumis ceux qui ont choisi de servir l'intérêt général par leur appartenance aux assemblées délibérantes des collectivités territoriales. C'était d'ailleurs un impératif démocratique pour permettre à chacun, quelle que soit ses revenus, de déclarer sa candidature aux élections locales.

C'est pourquoi les premiers éléments d'un régime de garanties remontent aux lois de la III ème République. Ils ont été ensuite complétés parallèlement à l'approfondissement des libertés locales et à l'accroissement des compétences décentralisées.

Après l'avènement, en 1982, de la décentralisation, deux grandes étapes ont été franchies avec, d'une part, la loi du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux et, d'autre part, la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.

A. LES AMÉNAGEMENTS AU PRINCIPE DE GRATUITÉ PAR LA MISE EN PLACE D'UN RÉGIME D'INDEMNISATION

Si le principe de gratuité des fonctions électives demeure affirmé par la loi  (« les fonctions de maire, d'adjoint et de conseiller municipal sont gratuites » 2 ( * ) ), il a été aménagé par l'effet de la démocratisation du système électif.

Institué en 1831, il a été atténué une première fois par la loi municipale du 5 avril 1884 pour autoriser le remboursement de frais résultant de l'exécution de mandats spéciaux.

Puis des amendements successifs ont permis d'ouvrir l'accès aux élections aux différentes catégories socio-professionnelles, notamment aux salariés.

Aujourd'hui, la loi reconnaît aux élus le droit d'être remboursés des frais résultant de l'exercice du mandat et leur ouvre la perception d'une indemnité correspondant à l'exercice effectif d'une fonction locale.

Le cadre financier d'exercice des mandats locaux 3 ( * ) réside tout à la fois dans la mise en place de garanties financières et le bénéfice d'une protection sociale.

1. Les conditions matérielles de l'exercice des fonctions électives

Il s'agit d'une compensation soit des frais exposés par l'élu, soit des sujétions résultant pour lui du mandat électif.

a) Le remboursement des frais exposés dans le cadre du mandat

Ce dispositif vise à indemniser ponctuellement certaines dépenses engagées par les élus :


• frais découlant de l'exécution d'un mandat spécial par un conseiller municipal ou communautaire, général ou régional, comme le lancement d'un chantier important ou la participation à la gestion d'une catastrophe naturelle.

Ce sont essentiellement des frais de déplacement et de séjour ;


• frais spécifiques dans certaines collectivités ou pour certaines fonctions. Ce peut être :

- le remboursement des frais de déplacement, d'accompagnement et d'aide technique résultant de la participation d'élus handicapés à des réunions ;

- le défraiement, après délibération du conseil municipal, de dépenses exceptionnelles d'assistance et de secours engagées, par l'élu, en cas d'urgence sur ses deniers personnels ;

- l'allocation au maire d'une indemnité pour frais de représentation sur décision expresse du conseil municipal pour couvrir les dépenses qu'il engage à l'occasion de ses fonctions et dans l'intérêt de la commune.

b) Les indemnités pour l'exercice effectif des fonctions

Ces indemnités de fonction ne présentent ni le caractère d'un salaire, ni celui d'un traitement ou d'une rémunération quelconque 4 ( * ) .

Dans la limite du taux maximal fixé par la loi en fonction de la strate démographique à laquelle appartient la collectivité, ces indemnités ne sont ouvertes que pour des mandats et des fonctions expressément prévues par les textes :

- fonctions exécutives de maire, président d'EPCI (établissement public de coopération intercommunale), de syndicat mixte, de président de conseil général et régional ;

- fonctions exécutives assumées par délégation par les adjoints au maire et les vice-présidents d'EPCI, de conseil général et régional ;

- fonctions délibératives des conseillers municipaux dans les communes de 100.000 habitants au moins, des conseillers communautaires des communautés urbaines et d'agglomération de même effectif, des conseillers généraux et régionaux.

A titre facultatif, elles le sont également pour :

- les conseillers municipaux des communes de moins de 100.000 habitants, dans les limites de l'enveloppe indemnitaire, constituée par les indemnités susceptibles d'être allouées au maire et aux adjoints en exercice ;

- les conseillers municipaux avec délégation du maire sans condition de seuil démographique mais dans le cadre de l'enveloppe indemnitaire ;

- les conseillers municipaux qui suppléent le maire en cas d'absence, de suspension, de révocation ou d'empêchement.

L'ensemble de ces indemnités est assujetti aux prélèvements sociaux obligatoires et à l'impôt sur le revenu.

2. Le régime de protection sociale des élus

Comme l'a souligné notre collègue Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales, lors de la dernière modification apportée à ce régime, « le droit commun de la sécurité sociale applicable aux élus locaux consiste à ne pas assimiler le mandat de l'élu local à une activité salariée, l'élu ne se trouvant pas dans une situation de subordination par rapport à son employeur » 5 ( * ) .

Cependant, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a harmonisé les disparités du régime existant pour prévoir l'affiliation systématique des élus locaux percevant une indemnité de fonction au régime général de la sécurité sociale pour l'ensemble des risques et l'assujettissement des indemnités de fonction à cotisation sociale sous condition de seuil.

Auparavant, l'affiliation de ces élus au régime général était subsidiaire par rapport aux régimes auxquels ils pouvaient être affiliés à un autre titre que l'exercice du mandat (notamment une activité professionnelle).

Depuis le 1 er janvier 2013, les élus régionaux, départementaux et communaux ainsi que les délégués des communes au sein des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (communautés de communes, communautés d'agglomération, communautés urbaines et métropoles) sont affiliés au régime général de la sécurité sociale, au titre de leur indemnité, pour l'ensemble des risques : maladie, maternité et invalidité, vieillesse, famille et accidents du travail - maladies professionnelles 6 ( * ) .

Leurs indemnités de fonction sont assujetties aux cotisations de sécurité sociale lorsque leur montant total est supérieur à une fraction, fixée par décret, de la valeur du plafond de la sécurité sociale
(la moitié de ce plafond soit 18 192 € par an ou 1 516 € par mois en 2012, d'après le rapport de la commission des affaires sociales 7 ( * ) ).

Les élus concernés -par application du seuil retenu- sont les maires des communes d'au moins 1 000 habitants, les adjoints au maire des communes de 50 000 habitants et plus, les conseillers généraux des départements d'au moins 250 000 habitants et les conseillers régionaux des régions d'un million d'habitants et plus.

Toutefois, à l'initiative de la commission des affaires sociales et de son rapporteur général, notre collègue Yves Daudigny, pour prévoir une couverture sociale à ceux qui en seraient privés, les élus locaux percevant des indemnités de fonction inférieures au seuil fixé par décret, seront affiliés lorsqu'ils ont cessé toute activité professionnelle et ne relèvent plus à titre obligatoire d'un régime de sécurité sociale.

Il convient de noter que les temps d'absence intervenant dans le cadre du droit à autorisations d'absence et du crédit d'heures sont assimilés à une durée de travail effective pour la détermination du droit aux prestations sociales.

En dehors du régime de retraite de base, les élus perçoivent une complémentaire et peuvent se constituer une pension par rente.

Le risque vieillesse recouvre donc trois aspects :

1/ l'affiliation au régime général d'assurance vieillesse pour les élus locaux qui perçoivent des indemnités de fonction à partir d'un certain seuil fixé par décret ( cf supra );

2/ l'affiliation obligatoire à l'IRCANTEC (Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques) de tous les élus percevant une indemnité de fonction ;

3/ l'adhésion facultative à un fonds de pension par rente spécifique (CAREL 8 ( * ) ou FONPEL 9 ( * ) ) des élus qui perçoivent des indemnités de fonction 10 ( * ) .

La constitution de cette rente incombe pour moitié à l'élu et pour moitié à la collectivité.


* 1 Cf. exposé des motifs de la proposition de loi n° 120 (2012-2013), consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl12-120.html .

* 2 Sans préjudice des garanties accordées aux titulaires de mandats municipaux - Cf. article L. 2123-17 du code général des collectivités territoriales.

* 3 Cf. données de la direction générale des collectivités locales : www.interieur.gouv.fr .

* 4 Cf. circulaire du 15 avril 1992.

* 5 Cf. rapport n° 107, tome VII (2012-2013) sur la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l12-107-7/l12-107-7.html

* 6 Cf. art. L. 382-31 du code de la sécurité sociale.

* 7 Cf. rapport n° 107, tome VII (2012-2013) précité.

* 8 Caisse autonome de retraite des élus locaux.

* 9 Fonds de pension des élus locaux.

* 10 Cf art. 18 de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013. Auparavant, cette faculté était réservée à ceux de ces élus qui n'étaient pas affiliés ès qualité au régime général d'assurance vieillesse

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