EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est appelé à se prononcer sur la proposition de loi n° 355 visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire présentée par MM. Jean-Pierre Leleux, Jean-René Lecerf et plusieurs de nos collègues.

La baisse continue du nombre de blessés et de tués dans les accidents de la circulation résulte de plusieurs initiatives prises depuis les années 1970.

En particulier, l'apprentissage des gestes de premiers secours par les conducteurs est une mesure préconisée aussi bien par les associations de secourisme ou d'usagers que par les responsables des services de secours. En effet, les automobilistes, témoins d'un accident de la circulation, ont un rôle essentiel à jouer : l'action dans les premières minutes est essentielle et conditionne la survie des blessés.

Selon une enquête de la Croix-Rouge, menée en 2009, 40 % de la population française aurait suivi une formation aux premiers secours 1 ( * ) . En 2013, la Croix-Rouge estime cette proportion à 46 % 2 ( * ) .

En l'état actuel du droit, la connaissance des gestes de premiers secours n'est pourtant ni enseignée ni sanctionnée lors de l'examen du permis de conduire. Les conducteurs acquièrent tout au plus quelques notions sur la conduite à adopter en cas d'accident de la circulation, mais cette information dépend de l'intérêt que l'enseignant à la conduite manifeste pour cette problématique.

Face à ce constat, la présente proposition de loi vise à instaurer une troisième épreuve au permis de conduire visant à sanctionner une formation aux « notions élémentaires de premiers secours » définies par le texte comme étant l'apprentissage de cinq gestes fondamentaux par les candidats au permis de conduire.

I. FORMER LES CONDUCTEURS AUX GESTES DE PREMIERS SECOURS : UNE RECOMMANDATION INAPPLIQUÉE

A. LE RÔLE ESSENTIEL DES TÉMOINS D'UN ACCIDENT DE LA CIRCULATION

Lors d'un accident de la route, la survie des blessés les plus gravement atteints est liée à leur prise en charge précoce par les services de secours.

Plus de 50 % des victimes de la route succombent en effet dans les premières minutes suivant l'accident 3 ( * ) . Des lésions cérébrales irréversibles peuvent survenir 4 à 6 minutes après l'arrêt respiratoire d'un blessé.

Les services de secours interviennent en France en moyenne en moins de 10 minutes pour les accidents de la circulation. Dans 90 % des cas, les secours arrivent en 13 minutes et 43 secondes 4 ( * ) . Lorsque l'accident survient en milieu rural, les délais d'intervention sont généralement plus longs.

La rapidité de la prise en charge des victimes dépend beaucoup de la réaction des témoins de l'accident, qui sont seuls sur le lieu d'accident, pendant ces premières minutes justement essentielles.

Le lien entre témoins de l'accident et services de secours est en effet essentiel. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) remarque ainsi que « même les systèmes de secours les plus sophistiqués et les mieux équipés ne peuvent pas grand-chose si les témoins sont incapables d'analyser le degré de gravité de la situation, n'appellent pas à l'aide et ne pratiquent pas les soins de base avant que les services de secours n'arrivent sur place. C'est encore plus manifeste dans les zones rurales » 5 ( * ) .

Or, l'état de panique que peut engendrer la survenue d'un accident conduit certains témoins d'accident à oublier les gestes essentiels consistant à alerter les secours ou à protéger le lieu de l'accident.

Même en milieu urbain, il arrive ainsi que les services de secours soient retardés par des renseignements incomplets ou inexacts sur le lieu de l'accident, comme a pu le relever Mme Laure Condomines, chef de projet sécurité routière à la direction de l'ordre public et de la circulation de la préfecture de police de Paris, entendue par votre rapporteur.

Cette carence a des effets directs sur la survie des blessés, mais elle crée aussi un sentiment d'impuissance et de frustration chez les témoins.


* 1 Rapport « Premiers secours : pour une Europe plus sûre », sept. 2009, p. 3.

* 2 Étude réalisée les 4 et 5 septembre 2013, sur un échantillon de 1020 personnes, âgées de plus de 18 ans et résidant en France.

* 3 Rapport « Premiers secours : pour une Europe plus sûre », sept. 2009, p. 5.

* 4 Source : statistiques des services d'incendie et de secours, Direction générale de la sécurité civile et de la gestion de crise, 2012, p. 64.

* 5 World Health Organization, « Prehospital trauma care systems », 2005, p. 23.

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