EXAMEN EN COMMISSION

Mme Catherine Troendlé , rapporteur . - Mes chers collègues, je serai un peu longue pour présenter mon rapport, car j'ai souhaité reprendre tous les griefs qui avaient été exposés contre une proposition de loi semblable, précédemment déposée devant l'Assemblée nationale.

La baisse continue du nombre de blessés et de tués dans les accidents de la circulation résulte de plusieurs initiatives prises depuis les années 1970. Une mesure n'a pourtant jamais été prise, même si le comité interministériel de la sécurité routière l'a recommandé dès 1974 : l'apprentissage des gestes de premiers secours par les conducteurs. Les automobilistes, témoins d'un accident de la circulation, ont en effet un rôle essentiel car les premières minutes sont vitales.

En l'état actuel du droit, la connaissance des gestes de premiers secours n'est ni enseignée ni sanctionnée lors de l'examen du permis de conduire, même professionnel. Face à ce constat, la présente proposition de loi vise à instaurer une troisième épreuve au permis de conduire, sanctionnant une formation aux « notions élémentaires de premiers secours » définie par le texte comme étant l'apprentissage de cinq gestes fondamentaux.

Cette proposition de loi se justifie pleinement mais les modalités pratiques posent des difficultés : je vais vous proposer de modifier le dispositif proposé, tout en en conservant l'esprit.

Cette proposition de loi se justifie, d'une part, en raison du rôle essentiel des automobilistes ; d'autre part, parce qu'aujourd'hui, le niveau de formation aux gestes de premiers secours est encore insuffisant.

Lors d'un accident de la route, la survie des blessés les plus gravement atteints est liée à leur prise en charge précoce par les services de secours. L'Organisation mondiale de la santé remarque ainsi que « même les systèmes de secours les plus sophistiqués et les mieux équipés ne peuvent pas grand-chose si les témoins sont incapables d'analyser le degré de gravité de la situation, n'appellent pas à l'aide et ne pratiquent pas les soins de base avant que les services de secours n'arrivent sur place ».

Plus de 50 % des victimes de la route succombent en effet dans les premières minutes suivant l'accident. Les services de secours interviennent en France en moyenne en moins de dix minutes pour les accidents de la circulation ; en milieu rural, les délais d'intervention sont souvent plus longs. La rapidité de la prise en charge des victimes dépend donc beaucoup de la réaction des témoins.

Le lien entre témoins de l'accident et services de secours est donc essentiel. Or, l'état de panique que peut engendrer la survenance d'un accident conduit certains témoins à oublier les gestes essentiels consistant à alerter les secours ou à protéger le lieu de l'accident. Cette carence a des effets directs sur la survie des blessés ; elle crée aussi un sentiment d'impuissance et de frustration chez les témoins.

En France, le niveau de formation aux premiers secours est faible ; il n'y a par ailleurs aucune exigence d'une attestation de premiers secours préalablement au passage du permis de conduire. Il existe bien une attestation de sécurité routière à présenter avant le passage du permis de conduire ; mais elle pose plus de difficultés qu'elle n'en résout : les connaissances dispensées sont souvent lointaines, car elles remontent au collège, et la présentation de cette attestation entraîne parfois des situations difficiles pour les candidats qui ne la retrouvent pas.

Il n'existe qu'un dispositif général obligatoire de formation aux gestes de premiers secours : celui qui est organisé au bénéfice des élèves du premier et du second degré par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique et la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile. Ces dispositions imposent de former les élèves à l'attestation de prévention et Secours civique de niveau 1 (PSC1). Cependant, seuls 20 % des élèves de troisième sont formés chaque année. C'est insuffisant.

Lors de la Journée défense et citoyenneté, la question des gestes de premiers secours est abordée mais la durée consacrée, environ une heure, est également insuffisante.

Dans le cadre du permis de conduire, aucune connaissance des gestes de secourisme n'est exigée, même pour les permis de conduire professionnels. Il existe bien un référentiel, à destination des enseignants à la conduite : ce « cahier des charges » impose aux enseignants d'apprendre aux candidats un certain nombre de comportements et de réflexes à avoir en cas d'accident de la circulation. Mais aucune question n'est posée à l'examen théorique ou pratique.

Pour les permis de conduire poids lourds et de transport de personnes, des connaissances théoriques sont dispensées en matière de conduite à tenir en cas d'accident, pendant la formation initiale et professionnelle, mais toujours sans sanction.

Dans certains cas cependant, des obligations en matière de formation aux premiers secours sont parfois imposées : pour les conducteurs de taxi par exemple, un arrêté du 3 mars 2009 impose de fournir, lors de l'inscription à l'examen du certificat de capacité professionnelle de conducteur de taxi, l'attestation d'obtention de l'unité d'enseignement « prévention et secours civiques de niveau 1 », qui doit avoir été délivrée au moins depuis deux années.

Face à ce constat, de nombreuses initiatives parlementaires ont tenté de conforter l'état du droit existant.

La loi du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière a ainsi créé une obligation de sensibilisation des candidats aux permis de conduire à la formation aux premiers secours. Toutefois, en l'absence de décret d'application, cette obligation est restée lettre morte.

Plusieurs propositions de loi ont été déposées afin d'imposer une formation pratique aux gestes de premiers secours lors du passage du permis de conduire. Certaines, comme celle que notre collègue, le président Jean-Pierre Sueur a déposée le 2 août 2007, ont eu pour objet d'intégrer une formation obligatoire aux premiers secours dans l'examen du permis de conduire de transport de personnes. D'autres propositions de loi ont eu pour objet d'instaurer cette obligation de formation pratique dans les épreuves du permis de conduire B.

La dernière en date a été déposée à l'Assemblée nationale par M. Bernard Gérard et plusieurs de ses collègues, le 23 août 2012. Elle a toutefois été rejetée le 11 octobre 2012.

J'observe pourtant que dans de nombreux pays européens, une formation en matière de secourisme est un préalable obligatoire à l'obtention du permis de conduire. Cependant, ces formations ne sont jamais sanctionnées par un contrôle de connaissance intervenant à l'occasion du passage du permis de conduire. Il est simplement imposé aux candidats au permis de conduire de suivre une formation aux premiers secours, d'une durée variable. En Allemagne ou en Autriche par exemple, cette durée de formation est de six ou sept heures.

La proposition de loi qui vous est soumise est composée d'un article unique. Elle ne vise pas à créer une formation pratique aux gestes de premiers secours dans le cadre de la préparation au permis de conduire, mais une troisième épreuve au permis de conduire, sanctionnant la connaissance des gestes de premiers secours, qui s'ajoutera à l'épreuve pratique et à l'épreuve théorique actuelles.

Le contenu de cette épreuve est précisé : il s'agit de sanctionner la connaissance de cinq gestes, soit, alerter les secours, baliser les lieux de l'accident, ventiler la victime, c'est-à-dire procéder à la respiration artificielle, comprimer, c'est-à-dire appuyer sur une plaie ouverte afin de stopper une hémorragie et enfin, sauvegarder la vie des blessés.

En l'état, cette proposition de loi pose plusieurs difficultés pratiques. En premier lieu, la création de ce dispositif entraîne nécessairement un surcoût, même faible, qui pèsera in fine sur les candidats au permis de conduire. Il semble, en effet, difficile d'imposer une charge aux enseignants d'auto-écoles sans que ceux-ci ne répercutent ce coût sur la formation dispensée. Si les candidats se forment auprès d'associations agréées, la formation leur sera également facturée. Or, le coût de la formation au permis de conduire est évalué en France à près de 1500 euros, ce qui reste très élevé.

En second lieu, si la formation ne s'effectue pas au sein de l'auto-école, mais par le biais d'une association de secourisme, un nombre important de moniteurs de secourisme sera nécessaire pour former les candidats aux permis de conduire. Or, au regard des 900 000 candidats annuels au permis de conduire, imposer une formation supplémentaire entraînerait un allongement très important des délais pour pouvoir passer le permis de conduire, et saturerait les associations et les structures capables de délivrer cette formation. La tendance actuelle est déjà celle d'un allongement des délais pour passer le permis de conduire : de 86 jours d'attente en moyenne en 2012, le délai est d'environ 90 à 95 jours pour l'année 2013. Or le permis conditionne souvent l'accès à un emploi.

Enfin, le contenu de la formation aux premiers secours proposée pose en lui-même des difficultés. Les « cinq gestes qui sauvent » ont pu faire consensus au moment du lancement de ce programme dans les années 1970 mais ce n'est plus le cas aujourd'hui : ventiler, c'est à dire pratiquer la respiration artificielle sur les blessés, est contesté lorsque l'arrêt cardiaque est consécutif à un accident de la route. Les personnes entendues, pompiers, SAMU, etc. par votre rapporteur ont été unanimes sur ce sujet.

J'observe enfin que les pays qui ont instauré une obligation de formation aux premiers secours n'imposent pas un examen spécifique.

Votre rapporteur estime donc que les connaissances acquises ne peuvent pas être sanctionnées par le passage d'une épreuve, au même titre que l'épreuve théorique ou pratique. Plus simplement, il pourrait être imposé aux auto-écoles d'apprendre aux candidats des comportements simples, à observer en cas d'accident de la circulation. Nombre de conducteurs méconnaissent des règles a priori élémentaires : seules 55 % des personnes interrogées lors d'une enquête de la Croix Rouge, menée en 2013, indiquent que leur premier geste serait d'avertir les secours. En ce qui concerne la protection des lieux de l'accident, 50 % des personnes interrogées ne savent pas correctement placer un triangle de signalisation.

Ces gestes apparemment anodins que sont l'alerte, la protection des blessés et du lieu d'accident sont pourtant bien des gestes de premiers secours à part entière. Apprendre aux candidats les règles essentielles en ce qui concerne l'alerte, la protection des véhicules pour éviter le sur-accident, et, le cas échéant, leur expliquer les gestes très simples pouvant être effectués et ceux ne devant pas l'être (déplacer sans précaution un blessé, etc.) permettrait d'augmenter fortement les chances de survie des blessés. De telles mesures n'impliqueraient pas l'apprentissage de gestes très techniques et n'imposeraient ni formation théorique lourde, ni examen spécifique.

Dès lors, je vous propose de reformuler l'article unique de cette proposition de loi afin de créer non une épreuve, mais une obligation de vérification par les examinateurs que les candidats au permis de conduire maîtrisent des gestes très simples que sont alerter les secours, baliser et sécuriser la zone et le cas échéant, procéder aux gestes de secours les plus simples, dans le cadre des épreuves actuelles du permis de conduire.

Une telle solution présente l'avantage de ne pas entraîner de surcoût pour les élèves comme pour les enseignants à la conduite. La formation à ces notions s'effectuerait dans le cadre des cours théoriques, et serait sanctionnée à l'examen par un nombre défini de questions, portant spécifiquement sur les gestes à effectuer. La direction générale de la sécurité routière est en train de mettre à jour une modification des diapositives : on pourrait donc très bien introduire des questions portant sur les gestes de secours. De même, lors de l'examen pratique, une mise en situation pourrait être incluse, sans entraîner une modification profonde du déroulement de l'examen.

Les moniteurs d'auto-écoles pourraient se former à ces questions dans le cadre de la formation professionnelle continue. Le caractère relativement simple des notions devant être expliquées aux candidats ne devrait pas nécessiter une formation très complexe ou trop onéreuse. Lors du renouvellement de l'agrément préfectoral permettant l'exploitation d'un établissement d'enseignement de la conduite de véhicules à moteur, qui a lieu tous les cinq ans, il pourrait être ainsi exigé qu'un des enseignants à la conduite de l'auto-école ait suivi une formation lui permettant de dispenser ces informations spécifiques.

Enfin, je voudrais répondre dès à présent à l'objection essentielle qui ne manquera pas d'être formulée, selon laquelle cette proposition de loi est de la compétence du pouvoir réglementaire. Ce motif a conduit au rejet de la proposition de loi présentée par notre collègue Bernard Gérard à l'Assemblée nationale.

La définition des épreuves du permis de conduire est en effet du domaine du pouvoir réglementaire : c'est même un arrêté qui fixe le contenu des épreuves.

Toutefois, le Conseil constitutionnel admet depuis sa décision du 30 juillet 1982 « Blocage des prix et des revenus » que la loi peut empiéter sur le domaine du règlement, sans être inconstitutionnelle. Cette situation est toutefois considérée comme étant une malfaçon. Mais il arrive pourtant que le législateur le fasse en toute connaissance de cause, en raison du caractère très politique ou très symbolique de la disposition.

Ainsi, par exemple, la durée d'assurance requise pour pouvoir bénéficier d'une pension à taux plein est en principe de la compétence du règlement. Elle a été fixée par un décret du 27 août 1993 relatif aux pensions de retraite à taux plein, mais dans le cadre du projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites, que le Sénat a examiné ces derniers jours, le Gouvernement a fait le choix de définir cette durée à l'article 2 de la loi. Ce choix se justifie par la portée de cette disposition et par la nécessité d'un débat sur la question.

Sans présenter une telle portée, le principe général de formation aux notions élémentaires de premiers secours à l'occasion du permis de conduire pourrait être intégré dans la partie législative du code de la route, compétence étant laissée au pouvoir réglementaire pour définir le contenu de cette obligation.

Dans d'autres domaines, ayant trait eux-aussi à la sécurité des personnes, la loi est intervenue pour faire respecter une obligation essentielle de sécurité : l'obligation d'équiper les logements d'un détecteur de fumées, les obligations en matière de sécurisation des piscines privées par exemple.

Il y a donc plusieurs précédents, et la présente proposition de loi s'inscrit dans la même logique : imposer une obligation dans la loi, afin de sauver des vies.

J'estime donc qu'il est nécessaire de simplifier le cadre proposé, mais je pense qu'il est indispensable de le maintenir dans la loi, au regard aussi de la carence manifeste du pouvoir réglementaire sur cette question.

M. Patrice Gélard . - J'ai la plus grande sympathie à l'égard des auteurs de cette proposition de loi. Mais je pense que le véhicule retenu est inapproprié pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, les dispositions de cette proposition de loi relèvent du domaine réglementaire et non de celui de la loi. Je suis très attaché au respect des articles 34 et 37 de la Constitution.

Ensuite, d'autres moyens auraient pu être utilisés pour débattre de cette question : par exemple, les questions orales avec débat ou les questions cribles thématiques auraient permis d'interroger le Gouvernement.

Enfin, il me semble qu'il ne revient pas aux auto-écoles de poursuivre cette mission. C'est aux écoles en général de sensibiliser, dès le plus jeune âge, les enfants aux premiers secours. En outre, je me méfie des actes inconsidérés que peuvent prodiguer certaines personnes qui auraient reçu des simulacres de formation.

Je crains que cette proposition de loi soit uniquement motivée par le lobby des auto-écoles.

Mme Esther Benbassa . - Quel serait leur intérêt ?

M. Patrice Gélard . - Certains directeurs d'auto-écoles m'ont confié qu'une telle proposition de loi leur permettrait d'augmenter leur charge obligatoire d'enseignement et, par conséquent, le coût demandé aux familles.

Je ne voterai pas contre cette proposition de loi, car on ne peut pas s'opposer à toute volonté d'améliorer la formation aux premiers secours, mais je m'abstiendrai.

M. Yves Détraigne . - Ce texte est bien intentionné, mais s'il ne fait que reprendre des dispositions trop peu appliquées, pourquoi serait-il, lui, davantage mis en oeuvre que les règles actuelles ? Ensuite, je crois que l'apprentissage du secourisme pourrait parfaitement s'inscrire dans le temps périscolaire : son organisation n'est pas du domaine législatif, mais on peut toujours encourager à aller dans ce sens...

M. René Vandierendonck . - J'ai bien connu des militants bénévoles qui ont été à la base de ce mouvement pour l'éducation à la protection civile et à la sécurité routière. Les parlementaires du Nord ont du reste toujours soutenu les propositions de loi qui voulaient aller plus loin - et qui ont toutes échoué, pour les raisons que le ministère de l'intérieur ne manquera pas de nous opposer aujourd'hui. On nous dira que le référentiel d'évaluation des auto-écoles sera modifié, que les vidéos d'enseignement seront complétées, qu'on montrera ici ou là quelques gestes de secourisme... en un mot, rien qui soit à la hauteur de l'enjeu ! Je ne crois pas que l'argument juridique du domaine de la loi suffise, nous avons besoin d'avancer : il faut former les collégiens au secourisme, avec une sanction éventuelle lors du brevet des collèges, et prévoir un examen des connaissances lors du permis de conduire ; je voterai cette proposition de loi.

M. Jean-Pierre Vial . - Je crois cependant que si la matière est réglementaire et que des mesures existent mais qu'elles ne sont pas appliquées, il faut commencer par les appliquer : nous nous plaignons suffisamment de trop légiférer déjà, gardons-nous de vouloir le faire en plus dans le domaine du règlement ! J'ai eu l'occasion d'assister à des stages de secourisme : j'y ai entendu des jeunes gens dire que ces stages ont changé leur perception de la conduite, ce n'est pas le moindre des résultats. L'enjeu est essentiel, mais ce qu'il faut commencer par faire, c'est mieux utiliser les outils dont nous disposons.

M. Jean-René Lecerf . - Je pense précisément l'inverse. Je connais le sujet depuis longtemps. Nous n'aurions pas à en débattre aujourd'hui si l'administration avait pris, conformément à la loi du 12 juin 2003, le décret en Conseil d'État pour une formation aux premiers secours dans le cadre du permis de conduire. Mais nous nous heurtons, depuis dix ans, à la mauvaise volonté de la bureaucratie, qui a pourtant compétence liée en la matière : son inaction est un déni de la volonté du législateur !

On nous oppose que le créneau serait mal choisi : faudrait-il faire une énième commission sur le sujet - pour l'enterrer, comme le disait déjà Georges Clemenceau ? La formation aux premiers secours pourrait sauver 250 vies par an : les Français le comprennent bien, qui soutiennent à 98 % le principe d'une telle formation au passage du permis de conduire - et ils accepteront le surcoût de 25 euros, dérisoire face à la vie humaine et bien moindre, soit dit en passant, que le coût des stages pour récupérer des points sur son permis...

Le respect du domaine réglementaire empêcherait le législateur de vouloir sauver des vies humaines ? Je ne le crois pas, car le législateur a précisément pour fonction de s'occuper de l'essentiel : nous y sommes assurément, qu'y a-t-il de plus essentiel que la vie humaine ?

La formation aux premiers secours et à la sécurité civile incomberait à l'école ? Les instructions ont été prises de longue date, mais l'Éducation nationale ne fait rien ou presque, faute d'enseignants pour s'en charger. A ce compte, on risque d'attendre bien longtemps pour que la situation change...

M. Patrice Gélard . - Très longtemps !

M. Jean-René Lecerf . - Peut-être le texte va-t-il trop loin, en prévoyant que la formation comporte la « ventilation », le cas échéant, des personnes accidentées - mais il faut alors en débattre et, en tout état de cause, le Parlement doit se prononcer : nous ferons oeuvre utile au service de la sécurité de nos concitoyens.

M. Félix Desplan . - Ce texte relève du bon sens, mais il faut prendre les plus grandes précautions en matière de premiers secours, car les accidents ne se ressemblent pas et dans certains cas, il ne faut surtout pas manipuler les blessés. C'est pourquoi je crois nécessaire de limiter strictement le champ d'intervention de la formation aux premiers secours : alerter, baliser, ventiler, pourquoi pas, mais l'expression « sauvegarder la vie du blessé » ne va pas sans poser de problème. Ce texte devra donc être précisé.

Mme Virginie Klès . - Jean-René Lecerf et René Vandierendonck l'ont dit, la formation à la sécurité civile dépasse largement la question du permis de conduire. Les lycées sont censés former les jeunes, ils ne le font pas ; des initiatives existent, elles sont toutes intéressantes - je pense par exemple à ce que fait le SDIS de mon département. Je crois que nous devons développer la culture de la sécurité civile dans tous les domaines : nous économiserons des vies humaines, mais également des ressources financières - dans bien des cas, l'intervention des pompiers, qui a un coût, pourrait être évitée si nos concitoyens étaient mieux formés à quelques gestes simples de premier secours.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Je voterai ce texte tel qu'amendé par notre rapporteur. Je connais le sujet pour avoir déposé moi aussi une proposition de loi il y a quelques années, après un drame qui était survenu dans mon département : un jeune cycliste renversé par un bus était mort après que le chauffeur du bus avait déplacé son véhicule pour dégager l'accidenté - et la justice délibère encore aujourd'hui pour savoir la cause précise du décès. On s'est aperçu après-coup que le chauffeur n'avait reçu aucune formation aux premiers secours, ce qui heurte le bon sens. On avait opposé à ma proposition de loi son caractère réglementaire. J'ai posé par la suite plusieurs questions écrites et orales - où l'on m'a fait cette réponse absurde que la formation des chauffeurs, qui relève de l'échelon européen, comptait déjà seize modules indispensables et qu'on ne pourrait en ajouter un sur le secourisme sans en enlever un autre... comme si les premiers secours n'étaient pas une priorité en cas d'accident ! Je mesure donc bien le décalage qu'il y a entre les drames, l'urgence devant l'absurde qui coûte des vies humaines, et la lourdeur, la réticence de l'administration à changer certaines règles. C'est bien pourquoi nous devons débattre en séance publique sur ce texte : il est nécessaire et urgent d'avancer!

Mme Catherine Troendlé , rapporteur . - Des questions orales ne suffiront effectivement pas, puisque l'obligation posée par la loi du 12 juin 2003 est restée sans suite...

La partie législative du code de la route ne concerne que les sanctions, notre dispositif ne le déséquilibrera donc pas. Cette disposition présente en outre l'avantage d'inclure l'obligation de formation pour tous les professionnels de la route, puisqu'ils doivent passer au préalable le permis B.

Les établissements scolaires doivent effectivement, depuis 2004, dispenser une formation aux premiers secours mais ils ne le font pas suffisamment, faute de formateurs pour les enseignants et faute de disponibilité des enseignants : 20 % seulement des collégiens recevraient une formation. Le temps périscolaire est-il propice à une telle formation ? N'oublions pas qu'il concerne essentiellement l'école primaire : c'est un peu loin du permis de conduire - à Paris par exemple, on le passe à 28 ans en moyenne...

Il est certain que les gestes mal effectués peuvent parfois handicaper davantage : c'est pourquoi, plutôt que de parler des « cinq gestes qui sauvent », je crois préférable de se focaliser sur l'alerte - nature de l'accident, qui prévenir ? - et sur la sécurisation de la victime. En tout état de cause, notre objectif est bien de sauver des vies humaines.

L'amendement unique est adopté.

L'ensemble de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

Mme TROENDLE, rapporteur

1

Réécriture de l'article

Adopté

Page mise à jour le

Partager cette page