G. L'ÉVALUATION DU PIB POTENTIEL : QUELS ENJEUX ?

1. Le PIB potentiel et la trajectoire de solde structurel

Le PIB potentiel 84 ( * ) joue désormais un rôle essentiel dans la gouvernance des finances publiques . En effet, c'est sur le fondement de cette donnée que sont évaluées la part conjoncturelle et la part structurelle du solde public ( cf . encadré ci-après).

Solde structurel et PIB potentiel

Le solde public structurel correspond au solde public corrigé des effets du cycle économique , soit de la conjoncture, de même que des mesures exceptionnelles et temporaires. En quelque sorte, il s'agit du solde public tel qu'il serait constaté si le PIB était égal à son potentiel.

De manière simplifiée, le solde structurel (exprimé en point de PIB) peut se calculer en retranchant du solde public effectif la moitié de l'écart de production (ou « output gap »), qui représente la différence entre le PIB effectif et le PIB potentiel 85 ( * ) .

A titre d'exemple, selon les données du rapport économique, social et financier (RESF) annexé au présent projet de loi de finances, l'écart de production serait de 2,9 points de PIB potentiel en 2013. Le solde effectif devrait être de - 4,1 % du PIB ; dès lors, le solde structurel se calcul de la manière suivante :

Solde structurel = - 4,1 - (- 2,9 × 0,5) = - 2,6 % du PIB

Dans son avis du 20 septembre 2013 86 ( * ) , le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) s'est interrogé sur l'estimation du PIB potentiel , laissant entendre que celui-ci pourrait être surévalué par le Gouvernement. Il indique ainsi que dans « un contexte de crise financière majeure, la persistance d'un déficit d'activité s'accompagne d'une réduction de l'offre productive à travers, par exemple, des faillites d'entreprises ou des pertes en capital humain. En présence de telles pertes définitives, la chute de la demande entraîne celle de l'offre si bien que l'écart de production reste faible. Aussi, une grande prudence est requise dans l'évaluation de la composante conjoncturelle du déficit public afin de ne pas sous-estimer le déficit structurel. En cas de surestimation de la composante conjoncturelle, les efforts d'ajustement budgétaire nécessaires pour atteindre l'Objectif de Moyen Terme - soit l'équilibre structurel - s'en trouveraient accrus ».

Le raisonnement tenu par le Haut Conseil est simple : si le PIB potentiel de la France était plus faible que l'évaluation qui en est faite aujourd'hui, l'écart de production serait lui-même moins important et la part conjoncturelle du déficit public, moins élevée ; dans ces conditions, le déficit structurel serait supérieur à l'estimation actuelle, ce qui allongerait le chemin vers l'équilibre structurel . Dès lors, les efforts prévus pour atteindre l'objectif de moyen terme (OMT) devraient être relevés.

2. Un PIB potentiel difficile à évaluer en raison de la crise

L'évaluation du PIB potentiel a été compliquée par la crise économique et financière . En effet, dans un contexte de crise, trois scénarii d'évolution du PIB potentiel peuvent être envisagés :

- un scénario dit du « trou d'air », dans lequel le PIB potentiel et sa croissance ne sont pas durablement affectés par la crise et peuvent être rapidement restaurés. Dans ce cas, le PIB potentiel reste sur sa tendance antérieure dans la mesure où il est « rejoint » par le PIB réel : ce dernier est stimulé par un surcroît de demande qui résulte d'une baisse des prix imputable à une offre momentanément supérieure à la demande ;

- un scénario dans lequel le niveau du PIB potentiel est durablement affecté par la crise, sa croissance ne retrouvant que progressivement son niveau d'avant-crise ;

- un scénario dans lequel le PIB potentiel et sa croissance sont affectés à long terme.

Dans ces deux derniers scenarii, la baisse durable du PIB réel entraîne celle du PIB potentiel . En effet, la pérennisation d'une conjoncture atone se traduit par des faillites d'entreprises, un recul de l'investissement productif, voire une perte de l'employabilité des actifs en situation de chômage durable, qui tendent à réduire la production potentielle.

S'agissant de l'impact des crises sur la productivité globale des facteurs de production , celui-ci est plus ambigu. Les périodes de crise contraignent les entreprises à restructurer leurs activités, ainsi qu'à rechercher une meilleure efficacité - ce qui favorise la productivité. A l'inverse, elles conduisent à une chute des investissements, notamment dans la recherche et le développement (R&D), ce qui est susceptible de détériorer durablement la productivité.

Par conséquent, une réestimation du PIB potentiel impliquerait de connaître les effets de la crise sur ce dernier et, en particulier, sur la productivité globale des facteurs.

3. Quelles conséquences institutionnelles d'une surévaluation du PIB potentiel ?

En l'état actuel des choses, une surévaluation du PIB potentiel serait sans incidence institutionnelle . En effet, il faut rappeler qu'à l'initiative de notre collègue Jean-Pierre Caffet, la loi organique relative à la gouvernance et à la programmation des finances publiques 87 ( * ) précise que, dans le cadre du calcul de l'écart à la trajectoire pouvant déclencher le mécanisme de correction, la trajectoire de PIB potentiel utilisée par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) est celle figurant dans le rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques .

Par conséquent, le Haut Conseil ne saurait enclencher le mécanisme de correction au seul motif que le PIB potentiel serait, selon lui, surévalué.

Cependant, le HCFP sera amené à se prononcer sur l'estimation du PIB potentiel lorsqu'il sera saisi, à cet effet, dans le cadre de la prochaine loi de programmation des finances publiques , qui devrait être examinée par le Parlement à l'automne 2014.


* 84 A titre de rappel, le PIB potentiel correspond au niveau de production qui résulterait du plein emploi des ressources productives, soit le capital et le travail, compatible avec la stabilité des prix à long terme.

* 85 Le PIB potentiel désigne le niveau maximal de production soutenable à long terme, eu égard aux facteurs de production disponibles, sans entraîner une accélération de l'inflation, soit sans créer de tensions excessives sur les marchés des biens et du travail.

* 86 Cf. avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2013-03, op. cit.

* 87 Cf. loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 précitée.

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