LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première délibération , l'Assemblée nationale a adopté sans modification les crédits de la mission « Egalité des territoires, logement et ville ».

Elle a modifié l'article 64 en adoptant deux amendements qui prévoient respectivement :

- le maintien de la revalorisation de l'aide personnalisée au logement et l'allocation de logement à caractère social en 2014, en décalant l'indexation au 1 er octobre de chaque année ;

- la remise d'un rapport au Parlement par le Gouvernement, au plus tard le 31 août 2014, présentant les réformes envisageables pour améliorer l'efficacité sociale des régimes des aides personnelle au logement à enveloppe budgétaire constante.

Elle a également adopté deux amendements rédactionnels à l'article 65 et un amendement rédactionnel à l'article 66.

En seconde délibération , l'Assemblée nationale a majoré de 19 millions d'euros les crédits de la mission afin de tirer les conséquences de l'amendement adopté à l'article 64 et tendant à revaloriser l'aide personnalisée au logement et l'allocation au logement à caractère social au 1 er octobre 2014.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 6 novembre 2013, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, puis de Mme Frédérique Espagnac, vice-présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. François Rebsamen, rapporteur spécial, sur la mission « Égalité des territoires, logement et ville » et les articles 64 à 66.

M. François Rebsamen , rapporteur spécial . - Le budget de la mission « Égalité des territoires, logement et ville » pour 2014 s'élève à 8,256 milliards d'euros pour les autorisations d'engagement et 8,072 milliards d'euros pour les crédits de paiement, soit une augmentation respectivement de 2,4 % et 1 % par rapport à 2013.

Je souhaite, tout d'abord, partager un constat avec vous : le budget qui nous est proposé est à la hauteur de la politique volontariste engagée par le Gouvernement dans ce domaine.

L'essentiel des augmentations de crédits se concentre, en effet, sur les objectifs qu'il a prioritairement fixés pour faciliter l'accès au logement, améliorer l'habitat en favorisant la transition écologique et poursuivre le renouvellement de la politique de la ville destinée à assurer l'égalité des territoires.

Cet engagement se traduit notamment par des réformes législatives (en particulier le projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové) et par le déploiement de moyens. Cela se traduit tout d'abord par le plan de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale adopté le 21 janvier 2013 qui trouve notamment sa concrétisation dans l'augmentation de 9 % des crédits du programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes défavorisées ». L'enveloppe allouée à ce secteur est ainsi réajustée aux besoins réellement constatés, comme c'est notre cas sur le terrain. Face aux situations d'urgence rencontrées et croissantes, 3 600 places d'hébergement d'urgence supplémentaires doivent être créées et 1 400 places d'hébergement d'urgence sous statut de centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) pérennisées.

La veille sociale, premier contact avec les personnes sans abri, voit également ses crédits augmenter de 3,3 % par rapport à 2013.

Ensuite, le plan d'investissement pour le logement, présenté le 21 mars 2013 par le Président de la République, rappelle que l'objectif reste la construction de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, ainsi que la rénovation énergétique de 120 000 logements sociaux.

Pour les aides à la pierre prévues au programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat », les autorisations d'engagement restent ainsi fixées à 450 millions d'euros pour 2014 mais les crédits de paiement se limitent à 270 millions d'euros auxquels s'ajouteront 173 millions d'euros de fonds de concours issus du fonds de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS).

Selon les chiffres qui m'ont été fournis lors de mes auditions, 100 000 à 120 000 logements sociaux devraient effectivement être financés et programmés en 2013, hors activité de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).

Comme vous le savez, le financement du logement locatif social est assuré très majoritairement par des ressources extra budgétaires. Action logement a ainsi souscrit un emprunt d'un milliard d'euros sur le fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations le 24 septembre dernier, afin de financer le logement locatif social à hauteur de 950 millions d'euros, conformément à la lettre d'engagement mutuel signé avec l'État.

Au total, 1,4 milliard d'euros seront ainsi consacrés au développement et à l'amélioration du logement social en 2014. Je rappelle à cette occasion, mes chers collègues, que la participation des collectivités territoriales ne doit pas non plus être négligée, beaucoup d'entre elles ayant été amenées à compenser, progressivement ces dernières années, la diminution des aides à la pierre versées par l'État. Par exemple, alors que, en 2000, la ville de Dijon recevait 10 millions d'euros d'aide à la pierre et que la commune n'apportait aucun financement, l'État ne verse aujourd'hui plus qu'un million d'euros d'aide à la pierre et la commune apporte 10 millions d'euros.

D'autres mesures du projet de loi de finances complètent ce dispositif visant à favoriser l'accès aux logements sociaux, en particulier l'application du taux réduit de TVA aux constructions et à la rénovation de logements sociaux ainsi que pour la rénovation thermique et le nouveau régime fiscal applicable à la construction de logement intermédiaire.

L'accès au logement des foyers les plus fragiles est également privilégié, avec la mise en place d'un dispositif spécifique pour les « logements très sociaux », appelés les « super PLAI », et financé par le Fonds national de développement d'une offre de logements locatifs très sociaux.

Les locataires de ces logements très sociaux bénéficieront d'un « coup de pouce » supplémentaire avec le doublement du forfait de charges dans le calcul de leur aide personnalisée au logement (APL), diminuant d'autant leur reste à charge. Nous y reviendrons lors de l'examen de l'article 64 rattaché à la mission et relatif aux aides personnelles au logement.

S'agissant des aides personnelles au logement, qui représentent la quasi-totalité des crédits du programme 109 « Aide à l'accès au logement » et près de 63 % des crédits de la mission, elles sont encore en hausse, compte tenu de la dégradation de la situation des foyers modestes, de l'augmentation du nombre de chômeurs et de la construction de logements locatifs sociaux.

Afin de la contenir, le Gouvernement propose de maintenir leur montant au niveau de 2013, sans appliquer l'indexation sur l'évolution de l'indice de référence des loyers. Cette décision permet une économie de 94 millions d'euros pour l'État qui finance pour partie l'aide personnalisée au logement (APL) et l'allocation de logement à caractère social (ALS). Encore une fois, nous aurons l'occasion d'en reparler lors de l'examen de l'article 64 du projet de loi qui prévoit cette désindexation.

En dépit de cette mesure, les aides prises en charge par le Fonds national d'aide au logement (FNAL) au titre de l'année 2014 s'élèveraient à 13,304 milliards d'euros, avec une subvention d'équilibre versée par l'État en hausse de 173 millions d'euros.

S'agissant de la politique de la ville qui fait l'objet du programme 147, la baisse des crédits constatés de 4,4 % s'explique essentiellement par la réduction des compensations de charges sociales dans les zones franches urbaines (ZFU).

Une partie des économies dégagées est toutefois employée pour la mise en place des « emplois francs », qui font l'objet d'une expérimentation depuis juillet 2013 et pour lesquels le Président de la République a fixé un objectif de 5 000 emplois en 2014. Je vous rappelle que ce dispositif vise à inciter les entreprises du secteur marchand à recruter des jeunes issus de zone urbaine sensible (ZUS). Pour chaque contrat à durée indéterminée à temps complet, l'employeur bénéficie ainsi d'une aide forfaitaire de 5 000 euros.

Le programme « adulte-relais » bénéficie également d'une hausse de ses crédits de 3,5 millions d'euros, avec un redéploiement du dispositif prévu sur les quartiers les plus prioritaires.

Mais surtout, la politique de la ville est en plein renouvellement, avec la fixation de grands axes de réforme par le Comité interministériel de la ville réuni le 19 février 2013 et leur consécration dans le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine que nous pourrions examiner au début de l'année prochaine.

En dehors de la fixation d'une nouvelle « géographie prioritaire resserrée et unique », cette réforme prévoit notamment un nouveau programme national de rénovation urbaine (PNRU), pour la période 2014-2024, qui se concentrera prioritairement sur les quartiers présentant les « dysfonctionnements urbains les plus importants ». L'ANRU devra engager 5 milliards d'euros pour ce nouveau programme, pour un financement total de 20 milliards d'euros avec les investissements des bailleurs sociaux et des collectivités territoriales.

Le projet de loi prévoit également de repousser à 2015 le terme du premier PNRU.

Le financement de l'ANRU doit donc rester au coeur de nos préoccupations alors que s'ouvre une nouvelle étape de la politique de la ville. La lettre d'engagement mutuel signée entre Action logement et l'État prévoit ainsi pour 2015 une contribution d'Action logement comprise entre 800 millions d'euros et 1,2 milliard d'euros, diminués de la participation des partenaires sociaux au FNAL équivalent à 150 millions d'euros.

Je noterai également que le 17 juillet 2013, le comité interministériel de l'action publique (CIMAP) a entériné la création d'un commissariat général à l'égalité des territoires qui sera mis en place au début de l'année 2014 et regroupera l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSé), le secrétariat général du Comité interministériel des villes (SG-CIV) ainsi que la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR) dans un pôle spécifiquement dédié à la politique de la ville. La création de ce commissariat devrait entrainer des modifications dans la maquette budgétaire, comme cela s'est déjà produit en 2013.

Je finirai mon propos par un bref commentaire sur le programme 337 « conduite et pilotage des politiques de l'égalité des territoires, du logement et de la ville ». Ses crédits, consacrés à la gestion des personnels mettant principalement en oeuvre les programmes 135 et 109, s'élèvent à 804,6 millions d'euros, contre 816 millions d'euros en 2013. Le plafond d'autorisations d'emplois est fixé à 13 477 équivalents temps plein travaillés (ETPT), soit une baisse de 717 ETPT comparé à 2013.

Au total, le projet de budget de la mission reflète bien la volonté pour le Gouvernement de faire du logement une de ses priorités d'action. Je vous propose, en conséquence, d'adopter ces crédits.

Je poursuis mon intervention, en vous présentant les trois articles rattachés à la mission « Égalité des territoires, logement et ville ».

L'article 64, tout d'abord, qui prévoit à la fois :

- de maintenir en 2014 le montant des prestations servies au titre de l'aide personnalisée au logement (APL) et de l'allocation de logement à caractère social (ALS) au niveau de 2013 ;

- d'aider davantage les ménages à faibles ressources occupant des logements locatifs très sociaux, en offrant la possibilité d'adapter le forfait de charges compris dans les APL, l'objectif étant de le doubler.

Cet article participe à la maîtrise de la dépense publique tout en poursuivant l'action du Gouvernement en faveur des foyers les plus modestes.

Selon les prévisions du Gouvernement, la non-indexation de l'APL et de l'ALS en 2014 permet de dégager une économie totale de 177 millions d'euros, dont près de 94 millions d'euros pour l'État. Il convient également de préciser que l'article 59 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 prévoit la même mesure de désindexation pour l'allocation de logement à caractère familial (ALF).

Ensuite, l'article 66 tend à réduire le montant du prélèvement exceptionnel sur la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) au bénéfice du FNAL et à simplifier les modalités de versements du prélèvement.

Ainsi, la PEEC ne verserait plus que 300 millions d'euros en 2014 et 150 millions d'euros en 2015 au FNAL, au titre de sa participation exceptionnelle au financement des aides personnelles au logement, contre 400 millions d'euros actuellement prévu pour les trois années.

Enfin, l'article 66 a pour objet de supprimer l'assistance technique pour raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (ATESAT), en conséquence d'une redéfinition de la mission d'assistance technique assurée auprès des petites communes et de leurs groupements.

Les communes et les groupements ayant bénéficié des services de l'ATESAT en 2013 pourraient toutefois continuer d'y recourir pour l'achèvement des opérations en cours qui le nécessiteraient, par signature d'une convention et au plus tard jusqu'au 31 décembre 2015.

Je préconise l'adoption sans modification des articles 65 et 66. En revanche, je souhaiterais que nous réservions notre position sur l'article 64 pour notre réunion du 21 novembre prochain, au cours de laquelle nous confirmerons nos positions et examinerons les modifications apportées au projet de loi de finances par l'Assemblée nationale postérieurement à notre examen des missions en commission.

En effet, le maintien pour 2014 des aides personnelles au logement au niveau de 2013 s'inscrit dans un effort de maîtrise des dépenses publiques louable alors que, mécaniquement, le coût de ces prestations continuent d'augmenter.

En outre, il nous est indiqué que cette décision devrait présenter un impact limité sur le pouvoir d'achat des ménages concernés, compte tenu notamment du niveau relativement faible du taux d'inflation prévu pour 2014.

Toutefois, je regrette la désindexation de ces prestations servies à des foyers modestes pour lesquels le logement constitue généralement un poste de dépenses déjà très lourd à supporter. Je crains que cette mesure n'apporte, par ailleurs, une certaine confusion alors qu'on a, objectivement, un bon budget du logement.

À l'Assemblée nationale, la commission des finances a adopté un amendement tendant à demander la remise d'un rapport, avant le 31 août 2014, « présentant les réformes envisageables pour améliorer l'efficacité sociale des régimes » des trois aides personnelles au logement, à enveloppe budgétaire constante.

La commission des affaires économiques a, quant à elle, adopté un amendement de suppression de la désindexation.

Moi-même, j'aurais préféré une solution de compromis qui préserve les efforts d'économie demandés, en proposant notamment une indexation, non pas au 1 er janvier mais, par exemple, au 1 er octobre, pour la rentrée des familles et des étudiants. Ainsi, alors que l'impact de la mesure sur le budget 2014 serait limité, les foyers concernés bénéficieraient de l'augmentation des aides personnelles au logement pour le dernier trimestre 2014 et leur assiette serait actualisée pour les années à venir.

Aussi, si vous en êtes d'accord, je vous propose de ne pas trancher cette question aujourd'hui en commission et de la réserver pour notre « réunion balai » du 21 novembre, une fois que l'Assemblée nationale se sera prononcée sur cet article à la fin de cette semaine.

M. Claude Dilain , rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour le programme 147 « Politique de la ville » . - Bien que je sois rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour le programme 147 « Politique de la ville », je souhaite, tout d'abord, m'exprimer sur l'article 64 bien qu'il relève du champ d'intervention de Marie-Noëlle Lienemann, rapporteur pour avis de la même commission pour les programmes relatifs au logement. J'approuve totalement la position du rapporteur spécial de réserver cet article puisque, effectivement, cette désindexation n'est pas un détail. Elle a non seulement un impact financier mais également une valeur symbolique et mérite donc réflexion.

J'approuve également totalement la présentation du rapporteur spécial concernant le programme relatif à la politique de la ville. Je considère qu'il s'agit d'un programme qui illustre une transition, alors que le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine est en cours d'examen à l'Assemblée nationale pour l'être ensuite au Sénat au tout début de l'année prochaine. Il devrait avoir d'importantes incidences sur les contrats urbains de cohésion sociale, sur la gouvernance et sur l'ANRU.

Ce programme illustre aussi une stabilité puisque la baisse constatée résulte des compensations de charges sociales dans les zones franches urbaines qui sont de moins en moins nombreuses et donc coûtent de moins en moins cher.

En outre, même si cela ne relève pas du budget de la mission, je voulais vous signaler la signature de conventions triennales d'objectifs entre le ministère délégué à la ville et d'autres ministères afin de mobiliser les moyens sur les quartiers les plus prioritaires, ce qui contribue à la politique de la ville. Ainsi en est-il, par exemple, dans le domaine de l'éducation nationale, avec des postes fléchés vers ces quartiers, des sports ou encore des contrats d'avenir. Au-delà de la stabilité apparente du programme 147, des efforts supplémentaires ont donc été déployés en faveur de la politique de la ville. Le nombre de quartiers bénéficiaires va désormais être beaucoup plus resserré car il est actuellement trop élevé, notamment au regard de nos voisins européens, comme l'a souligné la Cour des comptes.

M. Jean-Paul Emorine . - Je voudrais interroger notre rapporteur spécial sur le plan d'investissement pour le logement, le Président de la République ayant rappelé le 21 mars 2013 son objectif, qui était déjà dans son programme présidentiel, de voir construits 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux. Dans les années 2000, période au cours de laquelle, comme vous l'avez rappelé, l'État était encore très engagé dans le logement social, se construisaient environ 40 000 logements sociaux par an. Depuis et notamment en 2011, même en période de crise et malgré le changement de financement que vous avez mentionné, 120 000 logements sociaux ce sont construits par an. Combien de logements sociaux ont-ils été construits en 2012 et où en sommes-nous en 2013 ?

S'agissant de l'ATESAT, certes les conventions en cours pourront temporairement être continuées mais je m'étonne de la suppression de cette assistance alors que j'avais un président de conseil général en Saône-et-Loire, désormais ministre du renouvellement productif, qui disait alors se battre pour sauver les services de l'État dans le département. Partageant la philosophie défendue par le rapporteur spécial, je suis surpris qu'un gouvernement de gauche soit à l'initiative de la disparition de l'ATESAT, c'est-à-dire l'assistance technique aux communes. Le contraste avec les procès-verbaux du conseil général de Saône-et-Loire ne peut que me conduire à m'étonner.

M. Francis Delattre . - En prolongement de l'opinion qui vient d'être exprimée, je pense que nous allons finalement connaître un taux de construction assez identique à ce que nous avons déjà connu sous le gouvernement de Lionel Jospin, qui a été celui qui a, en réalité, le moins construit au cours des trente dernières années. Combien de constructions de logements sociaux sont-elles engagées à ce jour pour 2012 et 2013 ?

S'agissant des aides fiscales d'incitation à l'investissement locatif, je pense qu'il faut les limiter car elles « vident » la matière fiscale et ne répondent plus aux besoins, les jeunes ménages souhaitant désormais plutôt devenir propriétaires. Pour les aider, nous serions avisés de mieux les solvabiliser, le maintien de faibles taux d'intérêt bancaires étant finalement le seul moteur de la construction privée aujourd'hui. Les régimes d'incitation fiscale ont eu des rendements assez inégaux, certains programmes immobiliers ayant eu des taux de location assez faibles.

S'agissant des normes, pensez-vous qu'il est vraiment nécessaire que tous les logements d'un ensemble immobilier soient construits en respectant les normes en matière d'accessibilité des personnes handicapées ? Les toilettes étant aujourd'hui quasiment aussi grandes que les chambres, les promoteurs y construisent des placards. Je pense que nous devrions réfléchir à cette réglementation qui est source de renchérissement des coûts et de complexité pour les architectes, sans oublier que les appartements sont souvent plus petits qu'avant pour un même nombre de pièce, notamment en région parisienne. Bien sûr il faut garantir l'accessibilité aux personnes handicapées mais avec l'application d'une proportion, par exemple de 20 %, pour un projet immobilier, je pense que nous pourrions répondre aux besoins.

Concernant la rénovation urbaine, je ne suis pas d'accord avec l'analyse de Claude Dilain, certainement en raison des caractéristiques différentes de nos circonscriptions. Le nombre de quartiers qui sera retenu me paraît beaucoup trop limité, alors qu'actuellement, un grand nombre d'entre eux sont sur le fil du rasoir et que leur situation ne se dégrade pas précisément parce qu'ils bénéficient des dispositifs gérés par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine. La solution serait peut-être de disposer d'un système à deux vitesses, adapté à l'intensité de la difficulté de ces quartiers. Il existe pour moi un vrai risque de laisser tomber des projets sur des quartiers qui, sans être les plus difficiles, ont besoin de ces dispositifs. L'intervention de l'ANRU permet souvent de reconnaître les projets et d'y associer les collectivités locales.

M. Philippe Dallier . - Je remercie le rapporteur spécial pour sa présentation et je constate que, finalement, les années se suivent et se ressemblent. À sa place, en tant que rapporteur de cette mission, j'avais plusieurs fois souligné la débudgétisation et le désengagement de l'État dans un certain nombre de domaines relevant du logement. Cela se poursuit et même s'accentue.

S'agissant des aides à la pierre, il a été demandé à Action logement d'emprunter un milliard d'euros qu'il conviendra de rembourser. À un moment donné, l'État devra donc trouver les centaines de millions d'euros nécessaires, dans le contexte des finances publiques qui nous a été présenté ce matin lors de la présentation des grands équilibres du projet de loi de finances pour 2014, sauf à considérer qu'Action logement et la Caisse de garantie du logement locatif social sont une source intarissable, mais nous savons que ce n'est pas le cas. Il suffit de voir, pour cela, les conséquences financières qu'ont eu les prélèvements effectués sur Action logement à destination de l'ANRU. Nous ne faisons que repousser le problème.

Je crains encore une sous-budgétisation des crédits consacrés aux aides personnelles au logement, malgré leur désindexation pour l'année 2014 et encore plus si cette mesure devait être remise en cause. Je crains que les crédits prévus pour 2013 et 2014 ne suffisent pas et que, comme chaque année, la loi de finances rectificative doive abonder la subvention d'équilibre versée par l'État, d'autant que la crise a un effet direct sur le montant de ces aides, les ressources de certains ménages étant diminués. Que pensez-vous de cette sous-budgétisation ?

Enfin, nous sommes dans la période où l'ANRU nécessite d'importantes ressources financières et pourrait rencontrer des difficultés de trésorerie qui m'avaient déjà inquiétées au cours des années passées. La fin de certains programmes exigera de verser les subventions promises et je me demande si la « bosse » de l'ANRU va pouvoir être passée. J'espère que nous n'allons pas encore connaître un rallongement des délais de paiements car j'ai connu cette situation en tant que maire et sur le terrain, lorsque j'étais rapporteur, certaines collectivités ayant pu attendre jusqu'à vingt-quatre mois pour percevoir la subvention demandée. Je me demande si ces retards sont dus à des problèmes de trésorerie ou, ce qui me désespèrerais, à la complexité de la gestion administrative des dossiers au sein de l'agence.

Il serait utile de faire le point sur les besoins financiers de l'ANRU.

M. Pierre Jarlier . - Je tenais tout d'abord à souligner qu'il n'est pas si fréquent de voir un budget en augmentation, ce qui montre que le logement constitue une priorité pour le Gouvernement. Je souhaiterais aborder, pour ma part, l'explosion du coût du contentieux relatif au droit au logement opposable (DALO). Ce risque, susceptible de s'aggraver encore au cours des années, avait d'ailleurs été abordé lors de l'examen du projet de loi instaurant ce dispositif et pour lequel j'avais été rapporteur pour la commission des lois. Nous avions d'ailleurs limité son champ d'application à un type précis de public éligible mais depuis 2012, il a été élargi. Compte tenu de l'augmentation du coût de ces contentieux, correspondant à 5 millions d'euros supplémentaires en 2014, notamment au regard des astreintes journalières versées, disposez-vous de prévisions pour les années à venir ? Cette question est essentielle, car tout est lié : il faudra faire d'autant plus de logements que des personnes sont susceptibles de faire valoir leur droit à bénéficier d'un logement, avec un éventuel engagement de la responsabilité de l'État.

Rejoignant Jean-Paul Emorine, je m'étonne de la suppression brutale de l'ATESAT qui favorise le risque d'une France à deux vitesses. Il est paradoxal de décider une telle mesure qui réduit les moyens des communes et leurs groupements alors qu'il leur est demandé, à raison selon moi, de développer davantage d'ingénierie et de réflexion sur la planification pour améliorer leur efficacité. Tandis que des communes disposent déjà des structures leur permettant de répondre à ces nouvelles exigences, d'autres en sont dépourvues, et ne disposeront pas de l'organisation territoriale et des moyens nécessaires, y compris financiers car cette suppression de l'ATESAT engendre à mon sens un transfert de charges.

Ne pourrait-on, monsieur le rapporteur spécial, trouver une solution moins radicale, peut être avec un nouveau système de conventionnement avec l'Etat, pour que la situation puisse évoluer plus progressivement ?

Mme Michèle André . - Je remercie le rapporteur spécial pour sa présentation et me réjouis particulièrement de l'augmentation des crédits accordés à l'hébergement d'urgence et au logement adapté. Alors que les demandes sont nombreuses en la matière, il est indispensable de mener une réflexion sur le type d'hébergement qui doit être développé, compte tenu du coût important des nuitées d'hôtel. Certains établissements hôteliers vivent d'ailleurs des demandes adressées par les services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO).

Il me semblerait également utile de rappeler à l'administration centrale la nécessité de voir les crédits alloués aux SIAO versés dans des délais convenables. Il serait normal d'avoir reçu les crédits en septembre. Les difficultés de trésorerie provoquées par ces retards peuvent, en effet, conduire à des drames comme à Clermont-Ferrand où une association ne pouvait plus faire face au paiement des nombreuses nuitées d'hôtel. Il n'est pas souhaitable non plus que certaines structures attendent plus que d'autres qui seraient considérées comme dans une situation plus urgente, en fonction des départements.

M. Yvon Collin . - Je souhaite simplement attirer l'attention du rapporteur spécial, qui nous a présenté un rapport de qualité, sur le dispositif Duflot. Je rappelle les effets pervers des dispositifs précédents d'incitation fiscale à l'investissement locatif, le dispositif Scellier en particulier, qui ont surtout attiré les investisseurs pour son aspect fiscal, sans qu'ils deviennent des propriétaires bailleurs attentifs à leur bien. Les propriétaires ne se sont généralement pas intéressé à la construction du logement ni même à leur locataire. J'ai connu dans ma commune l'arrivée massive et brutale de 400 logements, dans des conditions désastreuses, avec des constructions gérées par des sociétés uniquement créées à cet effet, sans que les propriétaires bailleurs ne soient attentifs et actifs comme c'est le cas dans d'autres opérations immobilières. En outre, l'État se prive de recettes importantes.

J'ai bien noté que le dispositif Duflot était davantage encadré et plus exigeant que les dispositifs d'incitation fiscale antérieurs mais il convient de rester vigilant. Je souhaitais toutefois savoir si un rapport avait été produit pour faire état des effets de levier attendus et fournir préalablement une évaluation des dispositifs précédents.

M. François Rebsamen , rapporteur spécial . - Tout d'abord je partage l'analyse de notre collègue Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, s'agissant du programme 147 et de la politique de la ville menée par le Gouvernement. Nous aurons l'occasion de discuter de l'ensemble de ces sujets, et notamment de la géographie de la politique de la ville, lors de l'examen du projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

S'agissant du nombre de logements construits et pour répondre à Jean-Paul Emorine, tous les gouvernements se sont efforcés de se fixer des objectifs. En 2012, 100 000 logements sociaux ont été financés et les prévisions tablent sur 100 000 à 120 000 en 2013, selon les chiffres qui m'ont été donnés au cours de mes auditions, auxquels s'ajouteraient 20 000 à 30 000 logements dans le cadre de l'ANRU.

Je conviens que nous n'atteignons pas l'objectif de 150 000 logements sociaux par an et que l'année 2012 n'a pas été très bonne pour la construction de logement social, comme souvent pour les années présidentielles, mais la construction est repartie à la hausse.

S'agissant des dépenses fiscales, les dispositifs d'incitation à l'investissement locatif coûtent encore très cher puisque, selon le projet annuel de performances pour 2014, les chiffrages sont les suivants :

- dispositifs Robien classique et Robien recentré : 331 millions d'euros en 2012, 300 millions d'euros en 2013 et 270 millions d'euros en 2014 ;

- dispositif Scellier : 430 millions d'euros en 2012, 600 millions d'euros en 2013 et 660 millions d'euros en 2014 ;

- dispositif Scellier intermédiaire : 215 millions d'euros en 2012, 300 millions d'euros en 2013 et 330 millions d'euros en 2014 ;

- dispositif Borloo populaire : 40 millions d'euros pour 2012 à 2014 ;

- dispositif Perissol : 51 millions d'euros également pour ces trois années ;

- dispositif Besson neuf, qui est un très bon dispositif : 26 millions d'euros en 2012, 18 millions d'euros en 2013 et rien en 2014.

L'ensemble de ces dispositifs d'incitation à l'investissement locatif pourtant éteints représentent, au total, environ 1,36 milliard d'euros, pour des constructions qui ont parfois eu des difficultés à être commercialisées.

Peuvent être ajoutées les dépenses fiscales liées au crédit d'impôt sur le revenu au titre des intérêts d'emprunt supportés par le contribuable pour l'acquisition ou la construction de son habitation principale et qui représente encore 1,175 milliard d'euros tout en continuant de baisser.

Toutes ces mesures créés au fur et à mesure par chaque ministre du logement pour relancer la construction sont nécessairement coûteuses pour le budget de l'État et doivent être assainies au regard de leurs utilités respectives.

Le dispositif Duflot ne représente que 35 millions d'euros de dépenses fiscales pour 2014 et devrait a priori être mieux ciblé.

Concernant les normes, je partage le constat de Francis Delattre et pense qu'une réflexion devrait être menée à ce sujet. À cette occasion, je constate que l'attestation de conformité aux règles d'accessibilité relève toujours de la compétence de l'État alors que les communes délivrent les permis de construire et d'aménager. Les services de l'État réalisent des études déjà conduites par les services de la commune, ce qui me conduit à penser que la réglementation pourrait évoluer afin d'éviter ce doublon.

S'agissant de l'ANRU, la commission des finances du Sénat a demandé à la Cour des comptes, en application de l'article 58-2 de la loi organique relative aux lois de finances, un contrôle de la gestion de l'agence, pour apprécier notamment les modalités de traitement des dossiers et leur suivi. Je pense que le système fonctionne bien mais il est vrai que nous ne faisons que repousser les difficultés de financement du programme national de rénovation urbaine (PNRU). Je rappelle qu'un financement de 5 milliards d'euros est prévu pour le second PNRU.

Je ne dispose pas de prévisions précises sur le coût du contentieux DALO mais je vais en demander. Je crains, en tout état de cause, que la hausse ne se poursuive.

Concernant l'ATESAT, j'ai moi-même hésité sur cette suppression qui permet, toutefois, au ministère de tenir son plafond d'emplois. Je crains que le développement des compétences des départements, qui sont demandeurs, ne favorise la tutelle d'une catégorie de collectivité sur une autre, alors que chacun d'entre vous sait que les relations sont parfois difficiles entre elles, quelles que soient leur couleur politique. J'espère que le dispositif de l'article 66 du projet de loi pourra évoluer.

M. Pierre Jarlier . - Avec la suppression brutale de l'ATESAT, le développement des communes est rendu difficile et je crains également la tutelle des départements. Je ne suis d'ailleurs pas certain du caractère constitutionnel de la mesure. Il va falloir s'assurer que le « bloc communal » s'organise lui-même pour assumer seul ces compétences.

M. François Rebsamen , rapporteur spécial . - Je suis sensible à ce sujet et j'entends vos arguments. Il ne faut pas oublier que les intercommunalités voire les établissements publics en charge des schémas de cohérence territoriale (SCoT), en fonction de leur taille, assument également ce type de compétences auprès de toutes les communes et en toute impartialité. Par exemple, l'établissement du SCoT du dijonnais finance les études d'urbanisme souhaitées par les communes, à l'aide d'un fonds créé à cet effet.

M. Jean-Paul Emorine . - Pour rappel, dans les premières lois de décentralisation, dites lois Defferre, les départements pouvaient développer des services d'assistance technique mais depuis d'autres lois de décentralisation ont été adoptées. Je vois l'intérêt pour les départements de développer cette assistance technique qui peut leur permettre d'avoir un impact politique, d'autant qu'ils ont créé des agences techniques tout en, par ailleurs, réduisant les aides aux communes.

M. François Rebsamen , rapporteur spécial . - Et cela a éveillé votre attention !

M. Jean-Paul Emorine . - Je pense que nous pouvons tous faire la même analyse. J'y vois là un conflit d'intérêt. Par ailleurs, comme le rapporteur spécial, j'estime tout à fait légitime que les groupements de communes se dotent d'un service technique de ce type.

M. François Rebsamen , rapporteur spécial . - Nous partageons le même sentiment en vivant une situation locale identique, même si les forces politiques y sont inversées.

M. Albéric de Montgolfier . - Le rapporteur spécial pense-t-il proposer de déposer un amendement à ce sujet ?

M. François Rebsamen , rapporteur spécial . - Je me suis interrogée sur le fait de proposer également la réserve sur cet article rattaché.

M. Albéric de Montgolfier . - S'agissant du coût des régimes fiscaux d'incitation à l'investissement locatif, ne pourrait-on développer un dispositif « anti-abus » qui permettrait d'éviter que des épargnants, approchés par des promoteurs ou intermédiaires, n'investissent dans des communes où le marché immobilier n'est absolument pas attractif ? L'efficacité de ces dispositifs peut également faire l'objet d'interrogations.

M. François Rebsamen , rapporteur spécial . - À mon sens, plutôt que les dispositifs d'incitation fiscale, il convient de développer des produits permettant une accession très sociale à la propriété, les ménages ayant alors la perspective d'être, à terme, propriétaires du logement qu'ils occupent. Ils ont alors généralement un rapport différent avec leur bien, notamment en termes d'entretien.

M. Francis Delattre . - Cela fait du bien d'entendre un socialiste tenir ces propos !

M. François Rebsamen , rapporteur spécial . - Cela ne remet pas en cause les besoins de logements sociaux classiques, d'ailleurs la ville de Dijon dont je suis maire appartient aux communes qui en construisent le plus afin de combler son retard. Tous les dispositifs sont utiles pour avoir des parcours résidentiels adaptés à l'évolution des ménages. Je rappelle que près de 70 % de la population française est éligible au logement social.

M. Yvon Collin . - Je plaide également depuis de nombreuses années pour l'accession à la propriété des foyers les plus modestes, toujours positive en termes de cohésion sociale.

Concernant l'article 66 rattaché, je pense effectivement souhaitable de réserver notre position jusqu'à la « réunion balai » du 21 novembre prochain.

M. François Rebsamen , rapporteur spécial . - Je vous propose donc d'adopter les crédits de la mission ainsi que l'article 65 rattaché et de réserver les articles 64 et 66.

À l'issue de la réunion, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Égalité des territoires, logement et ville », ainsi que de l'article 65. Elle a décidé de réserver sa position sur les articles 64 et 66.

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Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2013, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission, ainsi que de l'article 65. Elle a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des articles 64 et 66.

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