B. LE PROGRAMME 302 « FACILITATION ET SÉCURISATION DES ÉCHANGES »

1. La douane : une administration de régulation des échanges

Le programme 302 « Facilitation et sécurisation des échanges » regroupe l'ensemble des crédits affectés à la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) depuis 2011 6 ( * ) . Le responsable du programme est le directeur général des douanes et droits indirects. Administration régulatrice du commerce international, la douane mène aujourd'hui une triple mission :

- une mission fiscale : la douane est chargée du recouvrement de la TVA à l'importation, des droits de douane reversés à l'Union européenne, des accises sur les tabacs, alcools et produits pétroliers. Elle est également chargée du recouvrement de l'éco-taxe, dont la mise en oeuvre vient d'être suspendue (cf. infra ).

- une mission de soutien à la compétitivité économique : la douane offre aux entreprises des procédures simplifiées et accélérées aux entreprises, offre des conseils personnalisés, produit des statistiques sur le commerce international et fait respecter les règles de l'organisation mondiale du commerce (OMC) et de l'Union européenne.

- une mission de protection et de lutte contre la fraude : la douane lutte contre les trafics de marchandises contrefaites, prohibées (stupéfiants, armes, espèces animales menacées d'extinction etc.) ou réglementées (produits dangereux ou polluants, oeuvres d'arts, matériel militaire etc.), et assure la protection de l'environnement.

2. Des crédits en légère hausse qui témoignent d'un effort de modernisation des douanes

Les crédits demandés au titre du programme 302 restent stables par rapport à 2013, à 1,6 milliard d'euros en CP. Cette tendance s'observait déjà l'année dernière.

On constate même une hausse de 1,9 % des crédits demandés en AE , soit 1,63 milliard d'euros pour 2014 contre 1,6 milliard d'euros pour 2013. Cette hausse est essentiellement portée par un effort de 40,1 % sur les crédits d'investissement , qui passent de 60 millions d'euros en AE en 2013 à 85 millions d'euros en 2014.

Répartition par titre des crédits du programme 302
« Facilitation et sécurisation des échanges »

(en euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2013

PLF 2014

LFI 2013

PLF 2014

Titre 2 : personnel

1 131 473 845

1 136 143 973

0,41%

1 131 473 845

1 136 143 973

0,41%

Autres dépenses :

471 009 470

496 463 844

5,40%

465 609 470

461 205 000

-0,95%

Titre 3 : fonctionnement

145 829 470

152 084 700

4,29%

145 829 470

140 885 000

-3,39%

Titre 5 : investissement

60 000 000

84 099 144

40,17%

54 600 000

60 040 000

9,96%

Titre 6 : intervention

265 180 000

260 280 000

-1,85%

265 180 000

260 280 000

-1,85%

Total P. 302

1 602 483 315

1 632 607 817

1,88%

1 597 083 315

1 597 348 973

0,02%

Répartition par action des crédits du programme 302
« Facilitation et sécurisation des échanges »

(en euros)

Autorisations d'engagement

LFI 2013

PLF 2014

Variation

1 - Surveillance douanière des flux de personnes et de marchandises et lutte contre la grande fraude douanière

450 493 833

452 157 527

0,37%

3 - Préservation de la sécurité et de la sûreté de l'espace national et européen

195 268 843

217 279 213

11,27%

4 - Promotion des échanges internationaux et qualité du dédouanement

246 498 407

244 810 807

-0,68%

5 - Fiscalité douanière, énergétique et environnementale

420 866 540

417 727 248

-0,75%

6 - Soutien des services opérationnels

289 355 692

300 633 022

3,90%

Total pour le programme 302

1 602 483 315

1 632 607 817

1,88%

Crédits de paiement

LFI 2013

PLF 2014

Variation

1 - Surveillance douanière des flux de personnes et de marchandises et lutte contre la grande fraude douanière

452 493 833

450 957 527

-0,34%

3 - Préservation de la sécurité et de la sûreté de l'espace national et européen

187 004 015

194 790 069

4,16%

4 - Promotion des échanges internationaux et qualité du dédouanement

246 498 407

245 170 807

-0,54%

5 - Fiscalité douanière, énergétique et environnementale

420 866 540

417 567 248

-0,78%

6 - Soutien des services opérationnels

290 220 520

288 863 322

-0,47%

Total pour le programme 302

1 597 083 315

1 597 348 973

0,02%

Source : projet annuel de performances, PLF 2014

Cette hausse bénéficie essentiellement à l'action n° 3 « Préservation de la sécurité et de la sûreté de l'espace national et européen », ce qui s'explique par la nature des principaux investissements prévus par la DGDDI en 2014 :

- le renouvellement du parc aérien , avec l'acquisition de plusieurs aéronefs « multi-missions » BEECH Aircraft 350 ER, équipés de senseurs, dont la mise en service s'étalera jusqu'en 2016 ;

- l'acquisition d'un navire patrouilleur en Méditerranée, qui viendra compléter les moyens dont dispose la douane dans l'Atlantique et la Manche ;

- l'acquisition de nouveaux moyens de surveillance : endoscopes, rayons X, lecteurs automatiques de plaques d'immatriculation (LAPI), systèmes de détection de pollution maritime etc.

- la modernisation des applications informatiques , notamment le système de dédouanement Delta-X afin de prendre en compte la hausse des volumes du fret express, le paiement de la fiscalité le traitement des données concernant les passagers aériens (dites données PNR) et, surtout, la mise en oeuvre de la taxe poids lourds (TPL), qui devait multiplier par 5 le nombre de procès-verbaux.

La modernisation de l'administration des douanes , engagée depuis le début des années 2000, va au-delà des simples investissements. Les prochaines étapes de cette modernisation seront exposées dans un projet stratégique à l'horizon 2018 actuellement en préparation. Il s'agira de poursuivre l'effort de simplification, de dématérialisation et de lutte contre la fraude . La démarche entreprise s'inscrira dans le cadre plus large de la réforme en cours du code des douanes de l'Union européenne.

3. Des transformations remises en cause par la suspension de la taxe poids lourds (TPL)

L'article 153 de la loi de finances pour 2009 a instauré une taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises, dite « taxe poids lourds » (TPL) ou encore éco-taxe 7 ( * ) . Cette taxe, dont le montant varie entre 8,8 et 15,4 centimes d'euros par kilomètre, s'applique aux véhicules de transport de marchandises de plus de 3,5 tonnes circulant en France sur certaines routes nationales et départementales.

L'administration des douanes est chargée du recouvrement de l'éco-taxe. Cependant, l'essentiel des missions de conception, de maintenance et surtout de recouvrement, ont été déléguées à un prestataire privé, dans le cadre d'un partenariat public-privé . C'est le consortium Ecomouv' , détenu à 70 % par la société italienne l'Autostrade per l'Italia 8 ( * ) , qui a été désigné le 20 octobre 2011 pour une durée d'environ 13 ans.

Afin d'assurer le pilotage stratégique de l'éco-taxe et le contrôle d'Ecomouv', la Douane a installé à Metz un nouveau service dédié : le service taxe poids lourds (STPL), composé d'environ 130 agents . En vertu du pouvoir régalien de l'Etat, c'est aussi ce service qui, formellement, constatera les manquements et les infractions relevés par les systèmes d'Ecomouv', et proposera les éventuelles transactions. Le coût du STPL est estimé à environ 23 millions d'euros en rythme de croisière . Le PLF pour 2014 prévoit en outre la création de 50 ETP supplémentaires à ce titre.

Cependant, le 29 octobre 2013, le Premier ministre a annoncé une « suspension » de l'éco-taxe, correspondant à un report sine die de sa mise en oeuvre .

Vos rapporteurs spéciaux s'inquiètent des conséquences d'une telle décision sur l'équilibre du programme 302 , et plus particulièrement de son action 5 « Fiscalité douanière, énergétique et environnementale ». En effet, le maintien du STPL à Metz et des agents qui y sont affectés pendant une période indéterminée à ce jour constitue une lourde charge financière pour une utilité désormais incertaine . Vos rapporteurs spéciaux seront donc très attentifs aux mesures qui seront prises pour faire face à cette situation.

4. Une contribution réelle mais d'ampleur incertaine à l'effort de réduction des dépenses de personnel

Les effectifs sont en baisse , avec un plafond de 16 662 ETPT pour 2014, contre 16 870 ETPT pour 2013, soit une réduction de 208 ETPT . Si les dépenses de personnel affichent une légère hausse de 0,4 % (à 1,1 milliard d'euros), celle-ci est donc exclusivement imputable à la contribution au CAS « Pensions » (344 millions d'euros en PLF pour 2014 contre 343 millions d'euros en LFI pour 2013). La DGDDI participe ainsi à l'effort de réduction des effectifs qui caractérise la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

Toutefois, vos rapporteurs spéciaux rappellent que le titre 2 du programme 302 est chroniquement sur-exécuté , ce qui incite à prendre avec prudence les objectifs affichés. Ainsi, au titre de l'exécution 2013, un dépassement de 11,8 millions d'euros est attendu , dont 9,9 millions d'euros hors CAS « Pensions ». Cette absence de maîtrise des dépenses de personnel a conduit la DGDDI à renoncer à un nombre important de recrutements (272 entrées).

5. Une attention plus grande doit être portée aux flux issus de la vente en ligne

Dans le cadre de leur mission de contrôle budgétaire, vos rapporteurs spéciaux se sont intéressés au rôle de la DGDDI dans la vente en ligne de biens matériels , qui est en pleine explosion et représente aujourd'hui 25 milliards d'euros de chiffre d'affaires en France seulement.

La DGDDI est compétente pour les envois en provenance de pays extérieurs à l'Union européenne, souvent expédiés par fret express ou postal. La douane s'implique fortement dans sa mission de lutte contre les trafics et y obtient de bons résultats, dont témoignent les indicateurs du projet annuel de performances : saisies de stupéfiants, de tabacs etc.

En revanche, il apparaît clairement que les droits et taxes à l'importation, et notamment la TVA, ne sont pas recouvrés à leur juste niveau . Ainsi, sur les 5 millions d'euros redressés sur le fret à Roissy, seuls 750 000 euros (moins de 15 %) ont été redressés sur le fret express, et le fret postal n'a fait l'objet d'aucun redressement. Pourtant, 8 millions d'envois en fret express et 35 millions d'envois postaux transitent chaque année à Roissy. Cette situation s'explique - entre autres - par le manque d'instruments juridiques et l'impossibilité matérielle de contrôler un tel volume de petits colis individuels.

Compte tenu de l'enjeu budgétaire que représente ce problème, vos rapporteurs spéciaux ont formulé plusieurs recommandations, dont les principales sont les suivantes :

- instaurer un système d'échange automatique d'informations entre la douane et les intermédiaires du commerce en ligne (opérateurs de fret express et postal, intermédiaires de paiement etc.), sous la forme d'un droit de communication de l'administration ;

- instaurer un prélèvement à la source de la TVA à l'importation, payée par l'acheteur au moment de la transaction en ligne et non pas du dédouanement. Les intermédiaires de paiement en ligne pourraient être chargés de la liquidation et de la collecte de cette taxe ;

- remettre en question les exemptions dont bénéficient le fret postal et les « envois de valeur négligeable » en fret express , tant en matière d'obligations déclaratives que de franchises fiscales ;

- encourager le recours au dispositif des « coups d'achat » , qui permet aux agents des douanes de procéder anonymement à des achats de marchandises illicites, et élargir le dispositif notamment aux marchandises qui, sans être illicites, représentent de forts enjeux fiscaux ;

- moderniser les systèmes d'information de la DGDDI ;

- redéployer les effectifs vers la lutte contre la fraude sur Internet , sous réserve d'un renforcement préalable des instruments juridiques.


* 6 La loi de finances initiale pour 2011 a procédé au transfert de la dotation afférente à la fonction fiscale de la DGDDI du programme 156 vers le programme 302.

* 7 Sur l'éco-taxe, voir l'avis n° 334 (2012-2013) de notre collègue Marie-Hélène Des Esgaulx, fait au nom de la commission des finances, sur le projet de loi portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports, déposé le 5 février 2013.

* 8 Le reste est détenu par Thalès (11 %), la SNCF (10 %), SFR (6 %) et Steria (3 %).

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