CHAPITRE V - Paiement des produits de santé à leur juste prix

Article 46 - Application du dispositif de l'écart médicament indemnisable aux produits de rétrocession

Objet : Cet article vise à appliquer aux produits de rétrocession le dispositif dit de « l'écart médicament indemnisable », qui existe déjà pour les produits de la liste en sus.

I - Le dispositif proposé

Les établissements hospitaliers peuvent disposer d'une pharmacie à usage intérieur (PUI) qui assure la gestion, l'approvisionnement, la préparation, le contrôle, la détention et la dispensation des médicaments et des dispositifs médicaux stériles. En application de l'article L. 5126-1 du code de la santé publique, l'usage de la PUI est en principe réservé aux patients de l'établissement. Par dérogation à ces dispositions, l'article L. 5126-4 prévoit cependant la possibilité pour les établissements de santé de vendre au public certains médicaments figurant sur une liste arrêtée par le ministre chargé de la santé, dite « liste de rétrocession » . Cette liste comporte les médicaments dont la vente au public par le circuit des PUI se justifie par des contraintes particulières de distribution, de dispensation ou d'administration, liées à la sécurité de l'approvisionnement ou à la nécessité d'effectuer un suivi de leur prescription ou de leur délivrance (art. R. 5126-102).

En application de l'article R. 5126-110 du code de la santé publique, le remboursement des médicaments inscrits sur la liste de rétrocession est effectué sur la base de leur prix de cession, qui correspond au prix publié par le comité économique des produits de santé (Ceps) auquel s'ajoute une marge prenant en compte les frais inhérents à la gestion et à la dispensation de ces spécialités (art. L. 162-16-5 du code de la sécurité sociale).

Le prix d'achat réel de ces produits par les établissements de santé est cependant souvent inférieur, du fait des négociations menées avec les entreprises pharmaceutiques. La différence entre le prix de cession et le prix d'achat effectif du médicament est alors conservé par l'établissement , qui réalise ainsi un gain de recettes, tandis que l'assurance maladie effectue un sur-remboursement.

La même situation est observée pour les produits de la liste en sus , qui sont entièrement remboursés à l'établissement par l'assurance maladie sur la base du tarif publié par le Ceps, tandis que le prix déterminé dans le cadre du marché passé entre l'hôpital et le laboratoire peut lui être inférieur. Un mécanisme est cependant prévu par l'article L. 162-6-6 du code de la sécurité sociale pour limiter le sur-remboursement par l'assurance maladie tout en intéressant les établissements de santé à la négociation des prix les plus bas possibles . Ce dispositif, dit de « l'écart médicament indemnisable » , consiste à répartir l'écart de prix, lorsqu'il est positif, pour moitié entre l'assurance maladie et l'établissement de santé.

Le présent article vise à introduire, à l'article L. 162-16-5 du code de la sécurité sociale relatif au prix de cession des médicaments rétrocédables, un II transposant ce dispositif aux produits de la liste de rétrocession.

Le dispositif s'appliquera dès lors qu'il existera une différence positive entre le prix effectif d'achat payé par l'établissement et soit le prix publié par le Ceps, soit le prix de cession minoré de la marge correspondant aux frais de gestion et de dispensation, ces deux prix étant équivalents.

Le prix facturable à l'assurance maladie correspondra alors au prix d'achat effectif majoré d'une fraction de cette différence, d'une part, et de la marge de frais de gestion et de dispensation, d'autre part.

Le montant de cette fraction sera fixé par un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

III - La position de la commission

Votre commission souligne l'intérêt du dispositif transposé, qui permet de réduire les dépenses de l'assurance maladie à la fois au titre d'un remboursement au plus juste prix des médicaments rétrocédés et de l'incitation faite aux établissements de négocier les prix d'achat les plus bas. Les établissements ne sont pas pour autant pénalisés par cette mesure, dans la mesure où le remboursement perçu correspondra aux montants effectivement engagés et où ils pourront continuer d'enregistrer un gain de recettes.

La commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 47 - Modification des modalités de fixation du tarif des médicaments de la liste en sus (art. L. 162-16-6, L. 162-22-7 et L. 165-2 du code de la sécurité sociale)

Objet : Cet article vise à rendre concomitantes la publication de l'arrêté d'inscription d'un produit sur la liste en sus et celle de l'avis fixant le tarif de responsabilité de ce produit.

I - Le dispositif proposé

Le coût des médicaments administrés au cours d'un séjour hospitalier est en règle générale pris en compte dans les tarifs des prestations d'hospitalisation par le biais des groupes homogène de séjour (GHS), qui couvrent de manière forfaitaire l'ensemble des moyens nécessaires à l'hospitalisation du patient. Ce dispositif n'est cependant pas adapté pour certains produits innovants ou très coûteux. C'est pourquoi, afin de permettre l'accès des patients à des molécules nouvelles ou onéreuses dans des conditions financièrement acceptables pour les établissements de santé, l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale prévoit de manière dérogatoire que certaines spécialités pharmaceutiques peuvent être facturées et prises en charge par l'assurance maladie en sus des prestations d'hospitalisation. Ces spécialités sont inscrites sur une liste des médicaments facturables en sus des prestations d'hospitalisation, dite « liste en sus ».

La procédure permettant l'utilisation de ces molécules dans les établissements de santé et leur prise en charge par l'assurance maladie comprend deux étapes successives . Les produits sont tout d'abord inscrits sur la liste en sus par un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale pris après recommandation du conseil de l'hospitalisation et publié au Journal officiel. Les tarifs de responsabilité de ces spécialités pharmaceutiques sont ensuite fixés par le comité économique des produits de santé (Ceps) et publiés au Journal officiel sous la forme d'un avis de prix. Dans l'intervalle, les produits sont intégralement pris en charge par l'assurance maladie sur la base du prix librement fixé par l'entreprise.

En application de l'article L. 162-16-6 du code de la sécurité sociale, le tarif de responsabilité correspond au prix de vente aux établissements de santé déclaré par les laboratoires pharmaceutiques auprès du Ceps. Une négociation sur la fixation de ce tarif ne s'engage qu'en l'absence de déclaration ou en cas d'opposition du comité au prix annoncé. Cette négociation doit aboutir dans un délai de 75 jours à compter de l'inscription du produit concerné sur la liste en sus.

Selon l'étude d'impact annexée au présent article, cette déconnexion entre l'inscription sur la liste en sus et la publication du tarif n'incite pas les entreprises à conclure rapidement leurs négociations tarifaires avec le Ceps, tandis que l'absence de référence tarifaire pénalise les établissements dans leurs négociations d'achat avec les laboratoires. Dans son rapport annuel pour l'année 2013, le Ceps indique que le délai moyen constaté entre l'inscription sur la liste en sus et la publication des tarifs était de 118 jours, pour onze dossiers traités au total. Si l'on exclut deux cas particuliers qui ont entraîné des négociations particulièrement longues, ce délai tombe à 46 jours.

Le présent article introduit plusieurs modifications dans le code de la sécurité sociale visant à rendre concomitantes la publication de l'arrêté d'inscription sur la liste en sus et celle de la publication de l'avis fixant le tarif de responsabilité du produit, en prévoyant que la demande d'inscription auprès du ministre et le dépôt de prix auprès du Ceps seront effectués au même moment , et non plus successivement, par les entreprises.

Son paragraphe I modifie en ce sens le premier alinéa du I de l'article L. 162-16-6 du code de la sécurité sociale. Le A 1° a) prévoit ainsi que le tarif de responsabilité des spécialités de la liste en sus est publié par le Ceps soit dans un délai maximal de 180 jours après la réception de la demande d'inscription sur la liste en sus, lorsque celle-ci émane des entreprises, soit dans un délai de 90 jours à compter de la publicité de l'avis rendu par la commission de la transparence de la HAS, lorsque l'inscription résulte d'une initiative des ministres concernés.

Il propose également de privilégier les échanges conventionnels entre le Ceps et les laboratoires . Ces échanges conventionnels seront encadrés par la fixation de délais stricts pour les négociations aboutissant à la fixation du prix.

Le A 1° a) du paragraphe I modifie ainsi l'article L. 162-16-6 du code de la sécurité sociale pour affirmer le principe selon lequel le tarif de responsabilité des médicaments de la liste en sus est fixé par convention entre les entreprise et le Ceps. Cette négociation doit aboutir à la publication d'un prix dans le délai de 180 jours précité. Le b) indique que, à défaut d'accord conventionnel dans ce délai, le Ceps procède lui-même à la fixation puis à la publication du tarif (comme c'est le cas actuellement) dans un nouveau délai de 15 jours.

Les ministres concernés conserveront la faculté de s'opposer au tarif arrêté par le Ceps et de fixer un nouveau tarif dans un délai de 15 jours. Le c) précise que ce délai court à compter de la publication de la décision du Ceps, et non à partir de la prise de décision, ce qui devrait permettre de sécuriser le dispositif en cas de contentieux.

Le modifie le troisième alinéa du I de l'article L. 162-16-6, qui prévoit actuellement que plusieurs éléments des modalités de fixation du tarif par la négociation entre les laboratoires et le Ceps, notamment s'agissant du dépôt de la déclaration de prix par les entreprises, sont précisées par un accord-cadre conclu entre le Ceps et les entreprises du médicament, ou, à défaut, par un décret en Conseil d'Etat. La rédaction proposée restreint cet encadrement, de manière non exhaustive, aux conditions dans lesquelles les tarifs peuvent être révisés et aux engagements que doivent prendre les entreprises.

Cette rédaction tire les conséquences des nouvelles modalités de la négociation entre le Ceps et les laboratoires introduites par le présent article, qui ne seront plus fondées sur le dépôt d'une demande de prix par les laboratoires. Selon les indications transmises à votre rapporteur par le Ceps, une modification de l'accord-cadre qui régit les relations entre cet organisme et les entreprises du médicament interviendra pour tenir compte de ces modifications législatives.

Le B du paragraphe I effectue une modification de coordination à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale, afin de préciser que l'inscription des produits sur la liste en sus est réalisée soit sur la demande du titulaire de l'AMM, soit à l'initiative des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.

Le C procède à une modification de mise en cohérence à l'article L. 165-2 du code de la sécurité sociale, qui porte sur la fixation du tarif de responsabilité de certains produits et prestations autres que les médicaments, et notamment des dispositifs médicaux à usage individuel. Cet article prévoit déjà le principe de la fixation de ce tarif par voie conventionnelle. Il est donc simplement ajouté un alinéa portant sur les conditions de délai pour la publication du tarif associé lorsque ces produits ou prestations font l'objet d'une inscription sur la liste en sus. Lorsque la demande d'inscription émane des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, le délai de 90 jours court à compter du jour de publicité de l'avis de la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des produits de santé (Cnedimts).

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté cinq amendements rédactionnels à cet article.

III - La position de la commission

Votre commission approuve cette mesure, qui vise à mettre fin à une situation incohérente : aujourd'hui, un produit de santé peut être inscrit sur la liste en sus, et ainsi admis au remboursement par l'assurance maladie, sans que son prix ne soit publié. Le dispositif proposé permettra en outre d'inscrire clairement la fixation des tarifs de la liste en sus dans le cadre conventionnel.

La commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article additionnel après l'article 47 (art. L. 161-37, L. 161-39, L. 162-12-15, L. 162-17-6, L. 162-17-7, L. 165-2 et L.  861-3 du code de la sécurité sociale) - Evaluation de l'intérêt thérapeutique relatif des médicaments soumis à remboursement

Objet : Cet article additionnel tend à substituer à partir de 2016 aux critères existant pour l'évaluation des médicaments dont le remboursement est demandé un critère unique, l'intérêt thérapeutique relatif du médicament.

Dans un contexte de retour de l'innovation en matière de médicament il paraît nécessaire d'adapter les modes d'évaluation de l'intérêt que représentent les nouvelles substances. Dans ce cadre votre commission vous propose de prévoir la mise en oeuvre au 1er janvier 2016 d'une réforme portée par la Haute Autorité de santé qui permettra une comparaison plus rigoureuse des médicaments et donc une meilleure évaluation de l'intérêt de leur remboursement et donc de leur prix.

Actuellement, l'inscription au remboursement d'un médicament et le taux de participation de l'assuré sont déterminés par le service médical rendu (SMR) de celui-ci et le prix dépend de son niveau d'amélioration du service médical rendu (ASMR). De même, l'inscription au remboursement et le prix d'un dispositif médical dépendent respectivement du service attendu ou rendu et du niveau d'amélioration du service attendu ou rendu du dispositif et un acte ou une prestation de santé est remboursé ou non en fonction de son service attendu ou rendu.

Or certains critères du SMR définis par l'article R. 163-3 du code de la sécurité sociale sont peu lisibles :

- l'intérêt de santé publique : il est difficile d'évaluer l'intérêt de santé publique d'un médicament a priori, sans donnée en vie réelle sur l'impact du recours au médicament. ;

- la place dans la stratégie thérapeutique : ce critère relève davantage de considérations liées à l'appréciation de l'ASMR. En effet, il conduit à une analyse comparative situant les interventions thérapeutiques les unes par rapport aux autres ;

- la gravité de l'affection : l'appréciation de ce critère est délicate dans la mesure où il n'existe pas de documentation ou de doctrine explicite aidant à l'évaluation de la gravité d'une maladie. De plus, ce critère est indépendant du produit considéré et dès lors que l'on fonde l'évaluation sur une analyse comparative avec un produit dans la même indication, le critère de gravité perd de son intérêt.

Ainsi il conviendrait dorénavant de considérer que la prise en charge d'un produit par la collectivité est avant tout conditionnée par la valeur ajoutée ou le progrès thérapeutique qu'il apporte. Il convient donc de faire évoluer le SMR et l'ASMR dans ce sens de façon à identifier les produits porteurs de bénéfice pour la santé supérieur à l'existant. Le recours systématique à un comparateur permet également de disposer du taux de remboursement de référence déjà attribué à ce comparateur.

C'est pourquoi il est proposé dans le présent article de remplacer le SMR et l'ASMR par un indicateur unique appelé « intérêt thérapeutique relatif » (ITR) qui repose sur une analyse comparative.

Dans un souci de cohérence et de lisibilité, il apparaît indispensable de disposer du même indicateur pour l'évaluation des médicaments, des dispositifs médicaux et des actes.

Il est proposé de définir les critères de cet indicateur unique dans un décret.

La commission vous demande d'adopter cet article additionnel dans la rédaction qu'elle vous soumet.

Article additionnel après l'article 47 (art. L. 162-17 du code de la sécurité sociale) - Obligation de fournir des études comparatives pour obtenir l'inscription au remboursement d'un médicament

Objet : Cet article additionnel tend à rendre d'application directe l'obligation de fournir des essais comparatifs à l'appui d'une demande d'admission d'un médicament au remboursement.

Dans un contexte de mise sur le marché de médicaments qui prétendent justifier des prix élevés par l'importance de l'innovation qu'ils apportent, il apparaît que la prise en charge par la sécurité sociale de traitement ne peut être justifié que si l'industriel apporte le plus haut niveau de preuve scientifique, c'est-à-dire des études comparatives, lorsque le comparateur existe. Cette mesure était prévue par la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé mais subordonnée à un décret en Conseil d'Etat qui n'est pas paru à ce jour. Votre commission vous propose donc de rendre la mesure d'application directe.

La commission vous demande d'adopter cet article additionnel dans la rédaction qu'elle vous soumet.

Article additionnel après l'article 47 (art. L. 5123-3 du code de la santé publique, art. L. 162-17 et L. 165-1 du code de la sécurité sociale) - Evaluation de l'efficience des médicaments soumis au remboursement

Objet : Cet article additionnel tend à prévoir un avis de la commission médico-économique de la Haute Autorité de santé dans la procédure d'évaluation des médicaments soumis au remboursement.

L'admission d'un produit de santé au remboursement nécessite que soit évalué l'apport thérapeutique du produit mais également son efficience au regard des alternatives médicalement pertinentes. Cet article additionnel prévoit donc que la Commission d'évaluation économique et de santé publique de la Haute Autorité de santé qui, selon le décret du 2 octobre 2012, évalue les produits revendiquant un progrès médical et susceptibles d'avoir un impact significatif sur les dépenses d'assurance maladie émette un avis sur le remboursement des médicaments. En effet analyse de leur efficience, au regard des stratégies en concurrence, est de nature à éclairer la décision publique en matière d'accès au remboursement.

La commission vous demande d'adopter cet article additionnel dans la rédaction qu'elle vous soumet.

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