LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En seconde délibération, l'Assemblée nationale a adopté à l'initiative du Gouvernement un amendement minorant de 42,4 millions d'euros les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » (en AE et en CP), afin de garantir le respect de la norme de dépenses en valeur de l'État. Ce montant est ainsi réparti :

- 21 998 701 euros sur le programme 156 « Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local » ;

- 10 790 000 euros sur le programme 218 « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières » ;

- 4 118 181 euros sur le programme 302 « Facilitation et sécurisation des échanges » ;

- 5 000 000 euros sur le programme 309 « Entretien des bâtiments de l'État » ;

D'après le Gouvernement, ces diminutions sont permises par une maîtrise accrue des dépenses de fonctionnement et un pilotage renforcé des dépenses d'investissement.

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De même, en seconde délibération, à l'initiative du Gouvernement et dans le cadre de la garantie du respect de la norme de dépense en valeur de l'État, l'Assemblée nationale a minoré de 12,5 millions d'euros (en AE et en CP) le programme « Dépenses accidentelles et imprévisibles » de la mission « Provisions » .

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 4 novembre 2014, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de MM. Michel Bouvard et Thierry Carcenac, rapporteurs spéciaux, sur les missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », « Provisions » et le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial . - Principale mission du pôle économique et financier de l'État, la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » porte principalement sur les crédits de l'administration fiscale (DGFiP) et de l'administration des douanes (DGDDI), deux administrations de réseau, ainsi que sur les moyens alloués à plusieurs structures et politiques transversales qui relèvent de Bercy.

Les crédits de paiement (CP) demandés (11,3 milliards d'euros) baissent de 174 millions d'euros (- 1,4 %) par rapport à 2014. La baisse est encore plus marquée en autorisations d'engagements (AE), puisqu'elle atteint 277 millions d'euros (- 2,4 %) sur un an. Comme les années précédentes, cette mission est fortement mise à contribution dans le cadre de l'effort de redressement des finances publiques.

La DGFiP, qui représente à elle seule 73 % des crédits de la mission, fournit l'effort le plus important : ses crédits baissent de 112 millions d'euros sur un an sur un total de 8,2 milliards d'euros, soit une baisse de 1,3 %. Les économies reposent avant tout sur les dépenses de personnel, qui représentent 77 % des crédits de la mission. Celles-ci baissent de 105 millions d'euros en 2015 (-1,2 %), ce qui correspond à 2 400 suppressions de postes, dont 2 000 pour la seule DGFiP. La mission arrive ainsi en second, après la mission « Défense » et ses 7 500 suppressions de postes, et largement devant toutes les autres, dans l'ordre des missions dont les effectifs baissent le plus.

Les autres catégories de dépenses sont elles aussi réduites, mais de manière plus modeste et surtout plus ambiguë. D'importants gains de productivité sont attendus des progrès de la dématérialisation des procédures : télédéclaration de l'impôt sur le revenu ou de la TVA, dématérialisation des factures, télé-dédouanement.... La déclaration fiscale simplifiée annoncée par Thierry Mandon, ministre de la réforme de l'État et de la simplification, lors du Conseil de la simplification du 30 octobre dernier, s'inscrit également dans cette logique.

Il devrait résulter de tout cela une baisse des dépenses de fonctionnement : 72 millions d'euros d'économies sont prévus en AE. Pourtant, en CP, les crédits de fonctionnement sont... en hausse de 8 millions d'euros. De fait, en attendant que la dématérialisation et la simplification diffusent tous leurs bienfaits, les dépenses de fonctionnement courant continuent à croître, et les efforts nous semblent insuffisants à cet égard.

Les investissements constituent en réalité l'autre grande source d'économies pour 2015 : ils connaissent, en AE, une baisse drastique de 29 % en un an, soit 89 millions d'euros. Elle s'explique en partie par l'achèvement de grands programmes d'investissement, notamment du renouvellement des avions, de garde-côtes de la douane - à cet égard, la douane entretient actuellement une double flotte et ne renouvelle pas certains matériels, ce qui est source de dépenses importantes. Mais cette baisse tient aussi à l'abandon de projets majeurs engagés ces dernières années : ainsi celui de l'opérateur national de paye (ONP), lancé en 2007 ; il a finalement été décidé d'y mettre fin le 10 mars 2014. D'après les chiffres communiqués à notre commission en mai dernier, 286 millions d'euros auraient été dépensés en pure perte. Ce n'est pas une première : que l'on se rappelle LOUVOIS, le logiciel de paye du ministère de la défense, ou le progiciel comptable ACCORD, remplacé à grand frais par CHORUS en 2007. Avant eux, l'abandon de certaines « briques » du logiciel COPERNIC avait déjà donné lieu à d'importants dépassements de crédits.

L'autre grand sujet est la suspension sine die de l'écotaxe, devenue péage de transit poids lourds, annoncée le 9 octobre 2014. Ceci pose la question de l'avenir du centre de gestion installé à Metz et des 130 douaniers qui y sont affectés.

Je terminerai en rappelant que les administrations relevant de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » sont concernées au premier chef par la lutte contre la fraude fiscale, qui est, comme l'a récemment rappelé le ministre des finances, un enjeu politique et budgétaire majeur. À cet égard, il serait important que la baisse des effectifs ne s'applique pas de façon uniforme à tous les services, afin que soient préservées nos capacités de contrôle fiscal.

M. Michel Bouvard , rapporteur spécial . - Je regrette le manque de responsabilité collective dont les élus de la majorité comme de l'opposition ont fait preuve au sujet de l'écotaxe. Nous en avions approuvé la création à une large majorité ; combien étions-nous pour la défendre à la fin ? Je regrette, ensuite, que nous n'ayons pu obtenir un chiffrage précis des coûts pour l'État. Je parle non seulement de l'indemnisation d' Ecomouv' , mais aussi des coûts liés au service de Metz - où sont bien affectés 130 douaniers ainsi que près de 150 salariés d' Ecomouv' , dont les emplois sont en jeu - ou encore à la reconversion des portiques. Je regrette, enfin, que les collectivités volontaires n'aient pas été autorisées à mener des expérimentations.

La mission « Provisions » est une mission spécifique, prévue par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), dont les deux programmes sont destinés à couvrir des dépenses indéterminées au moment du vote de la loi de finances ; elle n'est donc pas assortie d'une stratégie de performance. Avec 165,3 millions d'euros en crédits de paiement, c'est la moins dotée du budget général. Sont compris dans cette enveloppe les crédits de subventions versées sur proposition du Parlement, qui seront répartis ultérieurement au cours de la discussion budgétaire.

La dotation du programme « Provision relative aux rémunérations publiques » n'est pas budgétée pour 2015, signe d'une bonne répartition des dépenses de personnels sur les différentes missions.

La dotation du programme « Dépenses accidentelles et imprévisibles » assure notamment les dépenses urgentes rendues nécessaires par des catastrophes naturelles qui pourraient survenir en France ou à l'étranger. Pour 2015, 465,3 millions d'euros d'AE et 165,3 millions d'euros de CP sont demandés sur cette dotation. La différence de 300 millions d'euros en AE correspond, comme les années précédentes, à la constitution d'une provision destinée à financer d'éventuelles prises à bail privées des administrations. Il serait évidemment préférable, au vu de l'usage qui en a été fait en 2014 et compte tenu du fait que la plupart d'entre elles soient possibles à anticiper, que celles-ci soient incluses dans les budgets des ministères. Nous vous suggérons donc de préciser la doctrine d'emploi de cette dotation afin d'en circonscrire le recours au seul critère accidentel.

Conformément à une recommandation récurrente de la Cour des comptes et afin d'éviter toute confusion avec le terme de « provisions » emprunté à la comptabilité générale et répondant à une tout autre définition, nous vous proposons un amendement visant à modifier la dénomination de la mission au profit de l'intitulé « Crédits non répartis ».

Outre les budgets ministériels, la politique immobilière de l'État repose tout d'abord sur le programme 309 « Entretien des bâtiments de l'État », rattaché à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », qui finance les travaux d'entretien lourd des propriétés de l'État. Il est doté de 166 millions d'euros en 2015, soit une légère baisse de 1,6 %. La maintenance corrective sera moins dotée en 2015, au profit de la maintenance préventive, mais surtout des contrôles, audits et diagnostics qui la précèdent.

Second outil de la politique immobilière de l'État, le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » finance les travaux structurants de reconversion. Il est alimenté par une partie des produits de cession des immeubles de l'État, évalués à 521 millions d'euros pour 2015. C'est un objectif ambitieux, comparé notamment aux 470 millions d'euros prévus pour 2014, mais réaliste selon les services de France Domaine. On peut toutefois regretter que très peu d'éléments soient disponibles pour juger du bien-fondé d'un prix de cession et s'assurer, notamment, qu'un bel immeuble n'est pas cédé à vil prix pour produire des recettes immédiates. La valorisation des biens par France Domaine fait cependant l'objet d'améliorations constantes.

Le taux de contribution du CAS au désendettement, qui devrait théoriquement atteindre 30 % du montant des cessions, ne sera l'année prochaine que de 16 %, du fait des exonérations dont bénéficient le ministère des affaires étrangères sur les biens situés à l'étranger, et surtout le ministère de la défense. Compte tenu des efforts demandés à ce dernier, cette dérogation nous paraît justifiée. La hausse attendue des produits de cessions fait mécaniquement augmenter la contribution au désendettement de l'État, toutes choses égales par ailleurs. Celle-ci sera donc de 108 millions d'euros en 2015.

Le reste des dépenses du CAS, soit 413 millions d'euros, finance les travaux de restructuration immobilière. Les crédits sont en baisse de 5,3 % en crédits de paiement, mais de fortes variations ne doivent pas surprendre, la plupart des projets s'étendant sur plusieurs années.

Je terminerai par trois remarques. Premièrement, certains arbitrages stratégiques pour la politique immobilière n'ont jamais été vraiment opérés : la valorisation locative du patrimoine de l'État et de ses opérateurs pourrait souvent se révéler plus avantageuse qu'une cession en une fois. La stratégie de France Domaine est trop souvent guidée par des objectifs de court terme.

Ensuite, le pilotage de la politique immobilière des opérateurs reste défaillant. Alors que nous avions demandé, dès 2009 à l'Assemblée nationale, à ce que le patrimoine immobilier des opérateurs soit évalué, aucune vision d'ensemble fiable n'est disponible à ce jour. La nouvelle génération de schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) et le « suivi renforcé » de certains opérateurs seront peut-être l'occasion d'améliorer les choses, mais il n'est pas normal que, plusieurs années après la circulaire du 16 janvier 2009 du Premier ministre, nous n'ayons toujours pas l'inventaire des biens de chacun des opérateurs.

Enfin, le pilotage du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » est soumis à des objectifs contradictoires. Comme vous le savez, la loi « Duflot » du 18 janvier 2013 autorise l'État à céder des terrains de son domaine privé avec une forte décote, pouvant aller jusqu'à 100 %, lorsque ces terrains sont destinés à la construction de logements sociaux. Sans remettre en cause les bonnes intentions qui l'ont inspiré, nous constatons que ce dispositif ne correspond pas à la vocation du CAS, qui est de contribuer au désendettement et de financer des travaux lourds. Ces décotes devraient faire l'objet d'une compensation en provenance du budget général, et particulièrement de la mission « Égalité des territoires, logement et ville » afin d'avoir, comme le demande la LOLF, la reconstitution d'une politique à coût complet.

Dans cette perspective, je vous propose à titre personnel un amendement visant à minorer les dépenses immobilières accordées à chaque ministère d'un montant égal à la décote consentie. De cette manière, le budget général assumera bien, conformément à sa vocation, la politique en faveur du logement social.

Nous proposons de réserver le vote sur les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », mais d'approuver ceux de la mission « Provisions » et du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

Mme Michèle André , présidente . - Merci, mes chers collègues, pour ce rapport en binôme, qui manifeste une expérience acquise en d'autres lieux.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je partage le regret que les effets d'annonce ne soient pas suivis de propositions de textes ou d'amendements. Lorsqu'on annonce unilatéralement la suspension de l'écotaxe, avec les conséquences que cela comporte, il faudrait modifier le code des douanes, dont beaucoup de dispositions font référence à cette taxe.

Au cours de ses récents échanges avec la Commission européenne, Michel Sapin a déclaré que, sur les 3,6 milliards d'euros d'économies, 900 millions d'euros viendraient de la lutte contre la fraude et l'optimisation fiscale. D'où viennent-ils ? Serait-ce de la lutte contre la fraude à TVA, dont la Commission européenne estime qu'elle s'élève à 32 milliards d'euros pour la France ?

Quant au CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », il est regrettable que la vente des biens immobiliers de prestige soit toujours conduite dans l'opacité. Je m'étonne que nous ne connaissions toujours pas le prix de la vente de l'ancien couvent de Penthemont qu'occupait le ministère de la défense. Peut-on prévoir des clauses de retour des produits de cession en cas de plus-values lors d'opérations de reventes successives ? Je pense évidemment au mauvais exemple de l'Imprimerie nationale. Comment se prémunir contre la répétition d'une telle erreur d'évaluation ?

M. Roger Karoutchi . - L'hôtel de Clermont, mon ancien ministère, est resté dix-huit mois en vente avant que l'on y renonce. L'État a une conception très curieuse de la gestion de son patrimoine. Il n'a pas les moyens d'entretenir les bâtiments historiques, mais ne se résout pas à les vendre. Il faudra pourtant bien se décider.

L'État ne brade pas toujours son patrimoine. Le conseil régional d'Île-de-France a essayé d'acheter un terrain à Paris : on a commencé par nous répondre, il y a trois ou quatre ans, que ce serait une mauvaise affaire pour l'État parce que les prix montaient ; on nous oppose maintenant la baisse des prix. L'État fait tout pour ne pas vendre ses terrains dans Paris. Sa gestion est erratique. J'en appelle à davantage de réalisme dans la détermination des objectifs.

M. Dominique de Legge . - Quel différentiel entre les prévisions et les réalisations de cessions ! Disposez-vous d'éléments tangibles pour juger possibles les 521 millions d'euros inscrits au budget 2015 ? Ces cessions conditionnent largement l'équilibre du budget de la défense ; or le ministère de la défense n'a procédé en 2014 à pratiquement aucune cession immobilière. Si je rejoins les rapporteurs spéciaux lorsqu'ils parlent de l'exception qui doit présider à la gestion des cessions immobilières du ministère de la défense, je ne puis que constater que les recettes ne se sont pas réalisées.

M. Richard Yung . - L'exemple de l'hôtel de Clermont me fait penser à celui des ambassades. Ce sont souvent des lieux chargés d'histoire, mais il n'y a pas un fifrelin pour les entretenir. On les laisse tomber en ruine, pour finalement tirer la conclusion qu'il faut de nouveaux bâtiments. Les Allemands, eux, ont une règle simple et saine : 2 % ou 3 % du budget annuel doit être investi dans l'entretien des bâtiments.

Les rapporteurs ont fait allusion aux Affaires étrangères comme à une exception. À l'étranger, les ventes ne sont pas conduites par France Domaine, mais par des agences immobilières qui connaissent le prix du marché. Cependant, à ma connaissance, le ministère des affaires étrangères est tenu de verser à l'État un minimum de 25 millions d'euros de contribution au désendettement : compte tenu du fait qu'il doit par ailleurs financer des dépenses immobilières sur le CAS, les cessions doivent donc atteindre environ 50 millions d'euros pour que ce ministère en retire un véritable bénéfice.

Mme Marie-France Beaufils . - La baisse des effectifs de la direction générale des finances publiques ne risque-t-elle pas d'affaiblir la lutte contre l'évasion fiscale ? Le ministre des finances avait pourtant parlé d'y affecter une sorte de brigade spéciale.

La dématérialisation des procédures affecte nos collectivités, auxquelles elle demande des investissements importants. La mise en route n'est pas si simple sur le terrain, et les réductions de coût paraissent douteuses...

M. Éric Doligé . - Au-delà des 25 millions d'euros de contribution au désendettement des ventes du ministère des affaires étrangères, le ministère a également l'obligation d'investir plusieurs millions d'euros, pris eux aussi sur le montant des ventes, dans la sécurisation et la rénovation lourde des postes à l'étranger. On en arrive rapidement à un total de 65 millions d'euros de produits de ventes nécessaires chaque année. Cela ne fonctionnera probablement pas au-delà de trois ans.

M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial . - L'objectif de dégager 1,9 milliard d'euros en 2014 par la lutte contre la fraude devrait être largement atteint. En mai 2014, 23 000 dossiers avaient été déposés dans le cadre de la lutte contre la fraude passive, dont 1 260 étaient déjà traités ; au 19 septembre, 2 400 dossiers avaient été traités, l'avoir médian se montant à environ 400 000 euros. Il ne s'agit pas pour autant de ressources pérennes.

Les différents ministres du budget, à commencer par Éric Woerth, s'étaient engagés à maintenir les effectifs des brigades de contrôle. De plus, la gestion du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) suscite des charges supplémentaires qu'il convient d'examiner.

On parle beaucoup en France de dématérialisation, mais d'autres pays européens la mettent bien davantage en oeuvre, conformément aux directives communautaires. Le parlement danois a décidé, à compter du 1 er septembre 2014, de ne plus envoyer de lettres aux particuliers, et a demandé aux collectivités locales de faire de même. Certaines orientations européennes posent le problème des possibilités d'accès à Internet dans certains de nos territoires. La dématérialisation des relations entre la DGFiP et les collectivités territoriale nécessite en outre de réfléchir à la certification comptable. Il faudra être vigilant.

M. Michel Bouvard , rapporteur spécial . - La valorisation ultérieure des biens constitue en effet un problème, auquel il conviendrait de répondre par un intéressement de l'État sous la forme d'une clause d' earn out . Certaines opérations de ce type auraient pu être portées par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), si l'État l'avait souhaité. Il n'est pas trop tard pour ouvrir le débat.

Roger Katoutchi soulevait à juste titre le problème du patrimoine historique. La France possède à Florence deux palais, appartenant l'un à la chancellerie des universités de Paris, l'autre au Quai d'Orsay, et qu'elle n'a pas les moyens d'entretenir. Il faudrait en céder un.

Des terrains parisiens estimés à 60 millions d'euros ont été vendus à la Ville pour 40 millions d'euros, certes afin de construire des logements sociaux, mais il y a bien là une subvention indirecte de l'État à la ville de Paris qu'il convient de retracer dans le budget de l'État.

L'objectif de cessions immobilières pour cette année est certes ambitieux, mais l'on peut porter au crédit du ministère le fait que les 470 millions d'euros inscrits au budget de 2014 seront probablement atteints. Espérons que l'on puisse faire un peu mieux en 2015.

La règle relative aux biens situés à l'étranger sera bien modifiée en 2015. Je vérifierai le seuil de 50 millions d'euros de ventes à atteindre par le ministère des affaires étrangères pour « absorber » la contribution au désendettement de 25 millions d'euros. Une politique de provisions pour les grosses réparations sur ces biens serait raisonnable. Les ambassadeurs ont une compétence globale sur l'ensemble des biens français à l'étranger, ce qui autorise des réaffectations entre ministères.

La commission a décidé de réserver sa position sur les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

Mme Michèle André , présidente. - Michel Bouvard propose un amendement portant article additionnel rattaché à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

M. Michel Bouvard , rapporteur spécial . - La loi « Duflot » autorise l'État à céder des terrains de son domaine privé à un prix inférieur à leur valeur vénale, lorsqu'ils sont en partie destinés à la construction de logements, cette décote pouvant atteindre 100 % lorsqu'il s'agit de logements sociaux. L'amendement vise, dans un simple souci de transparence dépourvue de jugement politique, à rendre possible l'évaluation de cette politique du logement à coût complet, en faisant apparaître le montant de la décote dans les crédits du ministère concerné.

M. Jean Germain . - Nous voterons contre cet amendement, qui est une position comptable mais avec des conséquences politiques : nous ferons primer l'aspect politique.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Cet amendement rejoint la position exprimée par le conseil de l'immobilier de l'État (CIE) par des élus de toutes les sensibilités politiques, et j'y suis naturellement très favorable. Si l'on appliquait l'exemple à l'extrême, l'îlot Saint-Germain du ministère de la défense pourrait être cédé pour un euro... L'opération de Balard serait grandement compromise. Nous pouvons ne pas remettre en cause la possibilité d'une décote en faveur du logement social, tout en considérant que cela relève de politique du logement, et pas du compte « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

M. Claude Raynal . - Nous rejetterons cet amendement : la politique du logement est déjà très compliquée à mettre en oeuvre, et tout signal qui inciterait les ministères à encore plus de prudence serait néfaste. Il n'est déjà pas évident de convaincre les ministères d'accorder une décote : ne les freinons pas encore davantage.

Mme Marie-France Beaufils . - Le patrimoine que cèdent les ministères n'est pas le leur, mais celui de l'État. C'est un patrimoine global. Le produit de la vente doit revenir au pot commun, comme les impôts, et son affectation être soumise à un choix politique, tel que le logement social.

M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial . - Je comprends l'approche de l'amendement de Michel Bouvard, conforme à l'esprit de la LOLF ; mais je n'ai pas souhaité le cosigner.

M. Michel Bouvard , rapporteur spécial . - L'amendement répond à un souci de transparence. Si la priorité est le désendettement, cette décote est un trou ajouté dans le gruyère... En toute logique, ces sommes auraient vocation à être prises en compte dans le budget consacré au logement, sinon il s'agit d'une débudgétisation.

La commission a adopté l'amendement proposé par M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Mme Michèle André , présidente . - Je vais mettre aux voix la mission « Provisions ».

Mme Marie-France Beaufils . - Je m'oppose à l'adoption des crédits de la mission « Provisions ».

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Provisions ».

M. Michel Bouvard , rapporteur spécial . - Notre amendement modifie l'intitulé de la mission « Provisions » en « Crédits non répartis ».

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - On comprendra enfin ce que c'est !

La commission a adopté l'amendement proposé par MM. Michel Bouvard et Thierry Carcenac, rapporteurs spéciaux.

Enfin, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

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Réunie le mardi 18 novembre 2014, sous la présidence de Mme Michèle André, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale, la commission a examiné les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines, précédemment réservés.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - L'amendement n° 2 est le fruit des travaux menés ces dernières années avec Philippe Dallier et notamment des auditions que nous avions conduites lorsque nous étions rapporteurs spéciaux de cette mission ; il instaure dans les trois fonctions publiques les trois jours de carence déjà votés pour la seule fonction publique hospitalière lors du débat au Sénat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015. L'impact d'une telle mesure est très fort sur la réduction de l'absentéisme, comme le montre l'INSEE. Alain Tourret, rapporteur pour avis de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur le budget de la fonction publique, propose d'ailleurs de revenir au jour de carence qui existait avant sa suppression. De nombreux salariés du privé, peut-être les deux tiers, sont couverts par leur complémentaire, mais cela ne concerne que les seuls salariés en contrat à durée indéterminée, et cette couverture a un coût pour eux sous forme de cotisations. C'est une mesure d'équité et d'efficacité, qui pour un jour avait rapporté, hors charges, 164 millions d'euros par an. Trois jours pourraient rapporter environ 500 millions d'euros pour les trois fonctions publiques, dont environ 200 millions d'euros pour la fonction publique d'État.

M. Jean Germain . - Certains d'entre nous ne sont pas opposés à de tels dispositifs ; mais avec trois jours, vous allez un peu loin. Nous nous abstiendrons.

M. Albéric de Montgolfier . - Merci de faire vivre le débat. Nous pouvons parler du coût que représente l'absentéisme pour l'hôpital, qui pèse aussi sur les présents.

M. Michel Canevet . - Et pour les collectivités territoriales...

M. Thierry Foucaud . - Nous avons déjà longuement discuté cette question ; nous voterons contre.

M. Claude Raynal . - La commission des finances devrait traiter globalement la question des différences entre salariés du privé et fonctionnaires ; votre vision purement financière passe un peu vite sur un si vaste sujet. Trois jours, c'est exagéré. D'autre part, votre estimation du rendement de trois jours de carence - trois fois ce que rapporte un seul jour - me semble un peu haute.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Cette estimation ne multiplie pas par trois les économies que permet un jour de carence, car bien des personnes peuvent n'être malades qu'un ou deux jours. Nos échanges avec l'administration nous permettent d'estimer l'économie à environ 200 millions d'euros avec les charges sociales. Si nous voulons comparer fonctionnaires et salariés du privé, nous pouvons aussi évoquer la sécurité de l'emploi dont jouissent les premiers. Ce n'est pas rien !

M. Philippe Dallier . - Surtout par les temps qui courent !

M. Michel Canevet . - C'est certes une vision financière qui préside à une telle mesure, mais elle est aussi nécessaire pour des raisons d'équité. Pourquoi la ministre Marylise Lebranchu a-t-elle supprimé cette journée alors qu'elle avait prouvé son efficacité ? On ne peut pas demander aux gestionnaires de réaliser des économies et leur refuser les outils nécessaires.

La commission a adopté l'amendement n° 2, ainsi que l'amendement n° 3 de conséquence sur les crédits de la mission.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Le premier président de la Cour des Comptes nous invite à aller plus loin dans les économies et évoque des mesures qui y contribuent immédiatement, telles que le ralentissement du glissement vieillesse-technicité (GVT) positif prévu par l'amendement n° 4. Sachant que nous devrons emprunter 188 milliards d'euros sur les marchés pour finir l'année, nous devons faire des choix courageux. Le ralentissement - et non le gel - de l'avancement des fonctionnaires aurait un impact budgétaire considérable, chiffré à 550  millions d'euros.

M. Daniel Raoul . - Pour parler d'un domaine que je connais - les sciences dures, les mathématiques - le recrutement des professeurs se heurte à la concurrence des sociétés de services en ingénierie informatique (SS2I), qui proposent des salaires bien plus élevés que les traitements de départ dans l'éducation nationale. S'il n'y avait plus de GVT positif, cela serait complètement dissuasif. Par ailleurs, il serait peut-être judicieux de se pencher sur les pratiques de certains ministères, consistant à nommer tout le monde maréchal à six mois de la retraite, ce qui n'est pas sans répercussion sur le salaire de la dernière année, mais aussi sur la retraite, sans aucune justification. Cela mériterait une étude.

M. Claude Raynal . - Vous avez évoqué l'équité entre public et privé. En 2013, la masse salariale du secteur privé a augmenté de 2 %, alors que le point d'indice est bloqué depuis quatre ans. Si vous supprimez le GVT positif, vous désespérez tous les fonctionnaires qui, en catégorie C, n'ont pas des salaires aussi extraordinaires que cela.

M. Jean Germain . - Il faut choisir dans les économies ; on ne peut pas agir partout : supprimer des postes, bloquer le point d'indice, mettre en cause les mesures catégorielles... De surcroît, vous n'étendez pas cette mesure à toutes les fonctions publiques, puisque vous la réservez à la seule fonction publique d'État. Nous voterons contre.

M. Vincent Delahaye . - Nous ne proposons jamais des économies de gaieté de coeur. Dans la fonction publique territoriale, la masse salariale a aussi augmenté de 2 %, avec notamment la garantie individuelle du pouvoir d'achat (GIPA).

M. Jean Germain . - C'est une contrepartie dans la négociation sur les retraites : vous savez à qui vous la devez.

M. Vincent Delahaye . - Je ne parle pas du passé, mais de l'avenir : des économies sont indispensables. Je voterai cet amendement, qui est en fait un amendement d'appel. Le blocage du point d'indice n'est pas suffisant : il ne faut pas oublier les revalorisations catégorielles...

L'amendement a le grand avantage de mettre en évidence que les efforts s'imposent à tous.

M. Philippe Dallier . - Si le Gouvernement était cohérent, il donnerait un avis favorable à l'amendement : c'est la suite logique de la réduction des dotations des collectivités locales de 11 milliards d'euros. Le Gouvernement prétend qu'elles n'auront qu'à limiter la progression de leur budget de fonctionnement. Non seulement c'est faux, mais si c'était vrai, cela méconnaîtrait le fait que 60 % de ce budget est grevé par la masse salariale, qui augmente à effectifs constants de 2,5 ou 2,8 % par an. Combien a coûté cette année la revalorisation de la catégorie C ?

M. Michel Berson . - Cet amendement a un grand intérêt : il permet de mesurer la différence qui existe entre la rigueur financière et la régression sociale. Nous ne pouvons accepter cette politique d'austérité. Notre abstention sur le jour de carence montrait que nous n'étions pas opposés aux économies, mais là, vous avez franchi la ligne rouge.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - La question se pose pour les autres fonctions publiques ; mais ici, nous traitons des crédits de l'État. Il ne s'agit pas de stopper l'avancement, mais de ralentir un GVT positif d'1,2 milliard d'euros par an en le diminuant de 550 millions d'euros, laissant au Gouvernement le choix des moyens : décaler l'avancement de quelques mois, supprimer les étoiles distribuées libéralement avant la retraite... Nous voulons éviter que la masse salariale continue à déraper : un décret d'avance de 540 millions d'euros doit nous être transmis pour abonder les crédits de dépense de personnel. Le Gouvernement achète ainsi la paix sociale, comme à Bercy avec son régime indemnitaire ou face aux contrôleurs aériens, dont les postes budgétaires ont diminué de cent, mais dont la masse salariale augmente néanmoins. Nous devons prendre des mesures courageuses de ce type. Je remercie Daniel Raoul pour la piste qu'il nous indique.

La commission a adopté l'amendement n° 4 et décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » ainsi modifiés.

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Réunie à nouveau le jeudi 20 novembre 2014, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a décidé de confirmer sa décision de proposer au Sénat :

- d'adopter, avec modifications, les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » ;

- d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Provisions » et du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » ;

- d'adopter un amendement tendant à modifier l'intitulé de la mission « Provisions » ;

- d'adopter deux articles additionnels après l'article 55.

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