Rapport général n° 108 (2014-2015) de M. Jean-Claude BOULARD , fait au nom de la commission des finances, déposé le 20 novembre 2014

Disponible au format PDF (736 Koctets)


N° 108

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 novembre 2014

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2015 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES

ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

( Seconde partie de la loi de finances )

ANNEXE N° 25

RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : PENSIONS

Rapporteur spécial : M. Jean-Claude BOULARD

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Jean Germain, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Alain Houpert, Jean-François Husson, Mme Teura Iriti, MM. Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel, Richard Yung .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 2234, 2260 à 2267 et T.A. 420

Sénat : 107 et 108 à 114 (2014-2015)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Première partie - Mission « Régimes sociaux et de retraite »

1. Après avoir augmenté de moitié entre 2006 et 2012, les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » tendraient à se stabiliser à un niveau élevé - 6,4 milliards d'euros - sur la période 2015-2017 .

2. L'analyse des contributeurs et créanciers au mécanisme de compensation généralisée vieillesse indique que les déficits structurels des régimes spéciaux des transports terrestres sont essentiellement liés aux règles dérogatoires de ces régimes. La situation démographique du régime des mines et du régime des retraites des marins est nettement plus dégradée , même si leur besoin de financement ne peut être totalement imputé à ce déséquilibre démographique.

3. Le besoin de financement annuel des régimes spéciaux devrait progressivement diminuer jusqu'en 2050 , pour ensuite se stabiliser. Les subventions d'équilibre versées par l'État à ces régimes tendraient donc à se réduire à moyen et long termes.

Deuxième partie - Compte d'affectation spéciale « Pensions »

1. Le présent projet de loi de finances fixe des prévisions de recettes (57,6 milliards d'euros) et de dépenses (56,8 milliards d'euros) permettant de respecter le principe d'équilibre du CAS « Pensions ». Néanmoins, le niveau du fonds de roulement prévu fin 2015 (2,2 milliards d'euros) apparaît disproportionné au regard des besoins en cours d'exécution.

2. Conformément à leurs rôles de « variables d'ajustement », les taux des contributions employeurs de l'État - stabilisés en 2015 - pourraient être revus à la baisse en fin d'année , si les prévisions en matière d'inflation et de comportements de départs à la retraite se confirment . Cet ajustement permettrait d'alléger le poids des dépenses de pensions dans le budget général, tout en respectant les règles de fonctionnement du CAS « Pensions ».

3. La programmation du triennal 2015-2017 se caractérise par la faible progression des contributions au CAS « Pensions » (+ 5,7 % sur l'ensemble de la période). Toutefois, les économies prévues sur les autres dépenses entraîneront une hausse du poids des contributions de l'État employeur et de ses opérateurs dans le budget de l'État de 15,8 % en 2014 à 17,6 % en 2018 .

4. En dépit d'une baisse de 196 milliards d'euros par rapport à 2012, les engagements portés par l'État au titre des retraites de ses agents correspondaient à 69 % du produit intérieur brut (PIB) fin 2013 , soit 1 302 milliards d'euros.

5. Compte tenu des niveaux actuels des taux de contributions employeurs de l'État, de la hausse progressive des taux de cotisations salariales et des effets des réformes déjà engagées, le régime de retraite des fonctionnaires de l'État serait en excédent (+ 67 milliards d'euros) à l'horizon 2050 . Sous réserve de l'absence de modification significative des prévisions d'inflation, les taux des contributions employeurs de l'État - qui ont déjà augmenté de 25 % entre 2006 et 2013 - semblent donc avoir atteint un niveau plafond .

Les délais limites de réponse des ministères aux questionnaires budgétaires de votre rapporteur spécial étaient fixés au 10 octobre 2014 par l'article 49 de la LOLF. À cette date, seulement 12,5 % des réponses avaient été transmises pour le questionnaire relatif au compte d'affectation spéciale « Pensions » et 83 % des réponses avaient été transmises s'agissant de la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Les deux taux de réponse étaient de 100 % au 17 novembre 2014.

PREMIÈRE PARTIE - MISSION « RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE »

La mission « Régimes sociaux et de retraite » retrace les subventions d'équilibre versées par l'État à certains régimes spéciaux. Elle est composée de trois programmes :

- le programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres », qui reçoit principalement les crédits destinés à assurer l'équilibre des caisses autonomes de retraite de la société nationale des chemins de fer français (SNCF) et de la régie autonome des transports parisiens (RATP) ;

- le programme 197 « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins », qui vise à financer, via l'établissement national des invalides de la marine (ENIM), le régime spécial de sécurité sociale des marins (pensions de retraite et mesures d'action sociale et sanitaire) ;

- le programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la société d'exploitation industrielle des tabacs et des allumettes ( SEITA ) et divers », qui regroupe plusieurs régimes en rapide déclin démographique (caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines, régimes de retraite de la SEITA, de l'Imprimerie nationale, des régies ferroviaires d'outre-mer et de l'Office de radiodiffusion et télévision française (ORTF)).

Graphique n° 1 : Répartition des crédits de la mission en 2015

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du projet annuel de performances pour 2015)

Aucune modification du périmètre et de la maquette budgétaire de la présente mission n'est prévue pour l'exercice 2015.

I. UN MONTANT TOTAL DE SUBVENTIONS D'ÉQUILIBRE STABILISÉ SUR LE TRIENNAL 2015-2017

A. POUR LA DEUXIÈME ANNÉE CONSÉCUTIVE, UNE LÉGÈRE BAISSE DES CRÉDITS DE LA MISSION

1. Une diminution de 1,5 % des crédits de la mission par rapport à 2014

Le montant global des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » est de 6,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) pour l'année 2015.

Les crédits de la mission baissent de 1,5 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2014 , mais seulement de 0,4 % par rapport aux crédits effectivement consommés en 2013. Environ 106 millions d'euros, soit 0,8 % des crédits de la mission, ont en effet été annulés au cours de l'exercice 2013 en raison des effets de la hausse des taux de cotisation salariale d'assurance vieillesse prévue par le décret relatif au départ anticipé pour « carrières longues » 1 ( * ) (+ 0,10 point au 1 er novembre 2012) et du remboursement par la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) des crédits dépensés depuis 2011 au titre des pensions des fonctionnaires de Mayotte 2 ( * ) .

Pour l'année 2015, le niveau de la réserve de précaution représente 7 % des crédits de la mission (448,5 millions d'euros), en raison du durcissement de la règle du taux minimal de mise en réserve prévu par le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 3 ( * ) . Ce niveau de mise en réserve semble élevé par rapport à la nature des dépenses de la présente mission ; à l'exception de la subvention versée à l'Etablissement national des invalides de la marine (ENIM) - unique opérateur de la mission - l'Etat est en effet dans l'obligation d'équilibrer les comptes des régimes spéciaux. Il existe donc très peu de marges de manoeuvre, en termes de gestion infra-annuelle, pour les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

Tableau n° 2 : Répartition des crédits (1) par programme et action

(en millions d'euros)

Intitulé du programme et de l'action

Crédits de paiement

Exécution 2013

Ouverts en LFI pour 2014

Demandés pour 2015

Variation 2015/2014

Programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres »

4 108,0

4 131,0

4 035,9

- 2,3 %

Régime de retraite du personnel de la SNCF

3 336,0

3 341,6

3 196,1

- 4,4 %

Régime de retraite du personnel de la RATP

611,0

634,1

643,2

1,4 %

Autres régimes (2)

161,0

155,3

196,5

26,5 %

Programme 197 « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins »

840,0

825,5

853,0

3,3 %

Pensions de retraite des marins

834,0

825,5

853,0

3,3 %

Action sanitaire et sociale des marins

6,0

-

-

-

Programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers »

1 490,0

1 556,7

1 525,1

- 2,0 %

Versements au Fonds spécial de retraite de la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines

1 328,0

1 348,8

1 356,7

0,6 %

Régime de retraite de la SEITA

165,5

168,0

165,3

- 1,6 %

Caisse des retraites de l'imprimerie nationale

0,1

0,0

-

-

Caisse des retraites des régies ferroviaires d'outre-mer

3,3

3,4

2,7

- 20,6 %

Versements liés à la liquidation de l'ORTF

0,4

0,5

0,3

- 30,4 %

TOTAL

6 438,0

6 513,3

6 414,0

- 1,5 %

(1) Les montants des crédits en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) sont identiques.

(2) Congés de fin d'activité et compléments de retraite dans le secteur du transport routier et pensions des anciens agents des chemins de fer d'Afrique du Nord et d'outre-mer.

Source : commission des finances du Sénat (à partir du rapport annuel de performances pour 2013 et du projet annuel de performances pour 2015)

2. Des subventions d'équilibre qui oscillent entre progression modérée et baisse sensible

Si les crédits de la mission diminuent globalement de 1,5 % en 2015, les subventions d'équilibre versées aux différents régimes évoluent de façon contrastée.

Ainsi, le présent projet de loi de finances prévoit pour 2015 une baisse des subventions d'équilibre versées aux régimes suivants :

- le régime de retraite du personnel de la SNCF ( - 4,4 % ), qui demeure le principal régime de retraite subventionné par l'État, à hauteur de 3,2 milliards d'euros en 2015. Cette diminution s'explique principalement par la baisse des effectifs de pensionnés affiliés au régime (environ 274 300 fin 2013 contre près de 279 000 fin 2012) ainsi que par la hausse des taux de cotisations salariales et patronales, décidée dans le cadre de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraite 4 ( * ) ;

- le régime de retraite de la SEITA ( - 1,6 % ). La subvention versée à ce régime fermé s'élève à environ 165 millions d'euros pour 2015. Le nombre de pensionnés (environ 9 500 au 1 er janvier 2014) continuerait en effet de diminuer ;

- la caisse des retraites des régies ferroviaires d'outre-mer (- 20,6 %). La subvention de 2,7 millions d'euros prévue pour 2015 correspond aux charges de pensions d'environ 150 affiliés ;

- les versements liés à la liquidation des pensions de l'ORTF (- 30 %).

A l'inverse, trois régimes sociaux et de retraite continuent de voir leurs subventions augmenter en 2015 :

- le régime de retraite des marins ( + 3,3 % ). Si la subvention pour charges de service public versée à l'ENIM connaît une baisse sensible depuis 2012, notamment sous l'effet de la mise en place d'une convention d'objectifs et de gestion (COG) avec l'État, le besoin de financement pour couvrir les prestations de retraite augmenterait en raison de la dégradation des recettes de cotisations salariales et patronales. De plus, le fonds de roulement de l'ENIM serait à nouveau sollicité en 2015, à hauteur de 6 millions d'euros 5 ( * ) ;

- le régime de retraite des personnels de la RATP ( + 1,4 % ). Les charges du régime progresseraient en 2015 en raison de l'augmentation des effectifs de pensionnés (47 950 affiliés fin 2013 et 47 750 en 2012) ;

- le congé de fin d'activité des chauffeurs routiers (CFA) (+ 43 % soit une dotation budgétaire de 153 millions d'euros pour 2015). Cette augmentation importante des crédits par rapport à 2014 répond principalement à la sous-budgétisation récurrente de ce dispositif qui permet aux conducteurs du transport routier de partir à la retraite à partir de 57 ans, sous condition d'ancienneté.

Enfin, le besoin de financement du régime de retraite des mines serait quasiment stable en 2015 (+ 0,6 %) après une progression de 2,7 % en 2014. Selon les prévisions, le régime devrait compter environ 287 000 pensionnés en 2015, dont seulement la moitié de pensionnés de droit direct, pour 2 567 cotisants.

3. Une part toujours prépondérante des subventions de l'État dans le financement des régimes spéciaux

Pour l'ensemble des régimes spéciaux, les subventions d'équilibre versées par l'État représentent une part importante de leurs ressources : environ 60 % pour les caisses autonomes de la RATP et de la SNCF, 80 % pour le régime de retraite des marins et le régime des mines et la quasi-totalité des produits du régime de la SEITA.

Tableau n° 3 : Part de la subvention de l'État dans le budget des principales caisses de retraite relevant de la mission « Régimes sociaux et de retraites »

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

Caisse autonome de la SNCF

62,5 %

63,3 %

62,7 %

60,1 %

Caisse autonome de la RATP

55,5 %

56,9 %

59,6 %

58,0 %

Régime de retraite des marins

78,4 %

76,8 %

76,4 %

79,3 %

Fonds de retraite des mines

76,8 %

77,2 %

80,9 %

82,5 %

Retraités de la SEITA

33,7 % (1)

98,2 %

99,4 %

99,5 %

(1) La forte baisse de la subvention versée au régime de la SEITA en 2012 est due à l'inscription de produits exceptionnels correspondant à la cession du portefeuille d'actifs du régime.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données des projets annuels de performance pour 2012 à 2015)

Depuis 2012, la part de la subvention de l'État dans le total des produits des caisses de retraite de la SNCF et de la RATP tend à se stabiliser. En revanche, le soutien de l'État tend proportionnellement à s'accroître dans les régimes dont le ratio démographique se dégrade le plus.

B. LA STABILISATION DES CRÉDITS AUX ALENTOURS DE 6,4 MILLIARDS D'EUROS À L'HORIZON 2017

Au-delà de l'exercice 2015, le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 fixe un plafond de crédits de paiement pour la mission « Régimes sociaux et de retraite » sur la période 2015-2017.

Comme l'indique le tableau suivant, le taux de progression des crédits de la mission sera de - 0,3 % entre 2015 et 2017 , avec une stabilisation des crédits entre 2016 et 2017.

La stagnation des crédits sur la période s'explique principalement par le faible niveau de l'inflation (hypothèses de + 0,9 % en 2015 et de + 1,4 % en 2016 retenues par le projet de loi de programmation) couplé aux effets du décalage de la date de revalorisation des pensions 6 ( * ) ainsi que par la hausse des taux de cotisations salariales et patronales d'assurance vieillesse. En outre, les montants des prestations d'assurance vieillesse tendent à se stabiliser dans les régimes comptant le plus de pensionnés (SNCF et régime des mines en particulier).

Tableau n° 4 : Programmation triennale 2015-2017 des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite »

(en milliards d'euros)

(1) Hors contributions au CAS « Pensions »

Source : projet annuel de performances pour 2015

Pour mémoire, la programmation triennale 2013-2015 prévoyait une progression des crédits de + 4,6 % sur la période . Celle-ci se fondait en effet sur une prévision d'évolution des prix à la consommation de + 1,75 % par an en moyenne. Or le ralentissement prononcé de l'inflation et les mesures prises dans le cadre de la dernière réforme des retraites (décalage de la date de revalorisation du 1 er avril au 1 er octobre, hausse des taux de cotisation) ont infléchi cette tendance. Les crédits prévus par le présent projet de loi de finances pour 2015 sont donc inférieurs de 6,2 % au plafond prévu par la précédente programmation triennale (6,84 milliards d'euros).

Depuis 2013, on observe donc une nette inflexion des charges liées à l'équilibrage des régimes spéciaux de retraite. Entre 2006 et 2012 , les crédits de la mission avaient enregistré une très forte croissance : + 49 % soit 2,2 milliards d'euros supplémentaires . Ce dynamisme s'expliquait par la conjonction de différents facteurs : l'augmentation des prestations d'assurance vieillesse, la stagnation du produit des cotisations en raison de la baisse tendancielle du nombre de cotisants et la disparition, en 2012, du dispositif de surcompensation démographique spécifique aux régimes spéciaux de retraite ( cf . infra ).

Graphique n° 5 : Évolution des crédits de la mission

« Régimes sociaux et de retraite »

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données des rapports et projets annuels de performances pour 2006 à 2015)

Observation n° 1 : après avoir augmenté de moitié entre 2006 et 2012, les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » tendraient à se stabiliser à un niveau élevé - 6,4 milliards d'euros - sur la période 2015-2017 .

II. UN BESOIN DE FINANCEMENT MAJORITAIREMENT DÛ AUX RÈGLES SPÉCIFIQUES DES RÉGIMES SPÉCIAUX

Les régimes spéciaux dont il est question dans la présente mission sont pour la plupart très anciens et se caractérisent par un déséquilibre structurel prononcé. Afin d'identifier la part du besoin de financement des régimes spéciaux due à leur situation démographique et celle découlant de leurs règles spécifiques, votre rapporteur spécial a souhaité s'intéresser à la situation des principaux régimes spéciaux de retraite au regard du mécanisme de compensation démographique.

A. UNE SITUATION DÉMOGRAPHIQUE PLUS OU MOINS DÉGRADÉE SELON LES RÉGIMES SPÉCIAUX

Les régimes de retraite subventionnés par la présente mission ont en commun d'avoir un ratio démographique relativement dégradé par rapport à celui du régime général . Le rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de pensionnés est inférieur à 1 pour tous les régimes spéciaux de la mission. Le tableau ci-après présente les effectifs de pensionnés et de cotisants ainsi que les ratios démographiques des principaux régimes de la mission 7 ( * ) .

Le déséquilibre démographique est maximal pour les régimes dits « fermés » , comme celui des mines ou de la SEITA, dans lesquels il n'est plus possible de s'affilier.

Il est très prononcé et tend à se creuser dans le régime des marins en raison de la diminution du nombre de marins en activité. Selon les prévisions, le ratio démographique devrait passer de 0,23 cotisant pour 1 retraité en 2013 à 0,21 cotisant pour 1 retraité en 2020.

Tableau n° 6 : Effectifs et ratio démographique des principaux régimes en 2013

Nombre de cotisants

Nombre de retraités (1)

Ratio

démographique

Régime général

17 558 043

13 186 912

1,33

Fonction publique d'État (civils)

1 752 000

1 798 760

0,97

SNCF

155 467

271 949

0,68 (2)

RATP

42 688

47 883

0,89

Marins

27 404

115 991

0,24

Mines

3 401

303 970

0,01

SEITA

101

9 484

0,01

(1) Bénéficiaires vieillesse de droit direct et de droit dérivé.

(2) Ratio pondéré des pensions de réversion.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du recueil statistique de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, du rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique et du rapport annuel de performances de la présente mission pour 2015)

En revanche, la situation démographique des régimes de retraite de la SNCF et de la RATP est moins dégradée. Depuis 2007 , le ratio démographique de la SNCF est stable avec environ 0,68 cotisant pour 1 retraité . Celui de la RATP s'est dégradé puisqu'il est passé de 1 en 2007 à 0,89 en 2013, mais il demeure relativement élevé.

B. LA PARTICIPATION DES RÉGIMES SPÉCIAUX AU MÉCANISME DE COMPENSATION GÉNÉRALISÉE VIEILLESSE

La « compensation généralisée vieillesse » est un mécanisme de rééquilibrage financier entre les régimes obligatoires de base d'assurance vieillesse, créé par la loi du 24 décembre 1974 8 ( * ) . Selon l'article 2 de la loi précitée, il « tend à remédier aux inégalités provenant des déséquilibres démographiques et des disparités de capacités contributives entre les différents régimes ». Il s'agit en effet de facteurs que les régimes ne maîtrisent pas dans la mesure où ils dépendent des évolutions socio-économiques. Par souci d'équité, un mécanisme de redistribution entre les régimes a été mis en place. Jusqu'en 2012, il existait également un mécanisme de compensation démographique spécifique pour les régimes spéciaux . Celui-ci a néanmoins été progressivement supprimé par la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites 9 ( * ) .

La compensation généralisée est calculée en déterminant la situation des différents régimes si on leur appliquait les caractéristiques d'un régime fictif, qui servirait une prestation dite de référence et qui recevrait une cotisation moyenne par actif. Les régimes qui, dans ces conditions de fonctionnement, sont en excédent, sont débiteurs au titre du mécanisme de compensation. À l'inverse, ceux qui sont déficitaires deviennent créanciers et reçoivent donc des fonds des régimes qui bénéficient d'une meilleure situation démographique. La compensation généralisée vieillesse constitue donc un mécanisme de solidarité entre régimes reposant sur des critères objectifs, qui neutralisent l'impact de la diversité des règles de liquidation .

Les prévisions de transferts de compensation démographique pour l'année 2015 indiquent que deux des régimes spéciaux subventionnés par la présente mission sont contributeurs à la compensation généralisée vieillesse :

- le régime de retraite des personnels de la RATP, à hauteur de 29 millions d'euros pour l'année 2015 . Sa contribution est en légère hausse par rapport aux trois dernières années ;

- le régime de retraite des personnels de la SNCF , à hauteur de 11 millions d'euros en 2015 . Jusqu'en 2012, ce régime était bénéficiaire de la compensation, il est toutefois devenu contributeur en raison de la dégradation de la situation démographique d'autres régimes de retraite.

Tableau n° 7 : Les transferts de compensation généralisée vieillesse par régime

(en millions d'euros)

2012

2013 (p)

2014(p)

2015 (p)

Régime général (CNAV)

4 810

4 889

4 864

4 840

MSA (salariés agricoles)

- 2 185

- 2 246

- 2 300

-2 348

FPE (civils)

637

564

504

459

FPE (militaires)

84

91

102

115

CNRACL

1 373

1 382

1 426

1 468

SNCF

- 3

0

5

11

RATP

24

27

27

29

Marins

- 72

- 74

- 76

- 77

Mines

- 261

- 259

- 253

- 249

Note de lecture : un signe (-) indique que le régime est créancier ; l'absence de signe indique que le régime est contributeur à la compensation.

Source : rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale (septembre 2014)

Les transferts prévus dans le cadre du mécanisme de compensation généralisée vieillesse sont insuffisants pour couvrir l'ensemble du besoin de financement des régimes en fort déséquilibre démographique. Le montant total des transferts de compensation entre régimes d'assurance vieillesse de salariés représente en effet 7,8 milliards d'euros.

Néanmoins, la qualité de contributeur ou de créancier au mécanisme permet de mieux apprécier la situation démographique des régimes de retraite. Le fait que les régimes de retraite de la SNCF et de la RATP soient contributeurs à la compensation indique que leur besoin de financement élevé provient essentiellement de l'application de règles de départ à la retraite et de liquidation dérogatoires au droit commun .

Les principales règles dérogatoires applicables aux régimes spéciaux de retraite

Les trois principaux régimes de retraite « ouverts » subventionnés par la mission, à savoir les régimes des retraites des personnels de la SNCF, de la RATP et des marins se caractérisent par des règles plus avantageuses que celles du régime général en matière d'âge de départ à la retraite et de liquidation.

Parmi les règles dérogatoires applicables au régime des marins , on peut citer :

- l'âge légal d'ouverture des droits à la retraite fixé à 55 ans (contre 62 ans pour le régime général) ;

- la liquidation de la pension de retraite sur la base des 3 dernières années (en fonction du salaire forfaitaire) ;

- l' absence de mécanisme de décote et de surcote .

Les régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP se distinguent quant à eux du régime général par :

- un âge légal d'ouverture des droits de 52 ans progressivement porté à 57 ans pour le personnel roulant des deux entreprises. L'âge légal d'ouverture des droits est de 57 ans pour les autres catégories de personnels de la SNCF et de 60 ans (progressivement porté à 62 ans) pour ceux de la RATP ;

- un mécanisme de bonifications (validations gratuites de trimestres) pour les personnels recrutés avant la réforme de 2008 ;

- une liquidation de la pension sur la base des six derniers mois de salaires .

Par conséquent, l'âge effectif de départ à la retraite des assurés des régimes spéciaux est sensiblement inférieur à celui observé dans le régime général .

Âge moyen de départ à la retraite en 2013

La situation est plus nuancée pour le régime de retraite des marins et le régime des mines. Le montant versé au régime des marins dans le cadre de la compensation tend à augmenter depuis 2012 , ce qui témoigne de la dégradation de sa situation démographique. Mais le besoin de financement comblé par l'État demeure très important (environ 845 millions d'euros en 2015 10 ( * ) ) et l'âge moyen de départ à la retraite des affiliés reste inférieur à celui du régime général, avec un départ à 58,4 ans en moyenne en 2013.

Le montant de compensation perçue par le régime des mines est en baisse mais il s'agit de l'un des principaux régimes bénéficiaires de la compensation généralisée ; il a ainsi reçu 260 millions d'euros en 2013. Toutefois, le besoin de financement résiduel, comblé par l'État, est très élevé (1,3 milliard d'euros en 2015).

Observation n° 2 : l'analyse des contributeurs et créanciers au mécanisme de compensation généralisée vieillesse indique que les déficits structurels des régimes spéciaux des transports terrestres sont essentiellement liés aux règles dérogatoires de ces régimes. La situation démographique du régime des mines et du régime des retraites des marins est nettement plus dégradée , même si leur besoin de financement ne peut être totalement imputé à ce déséquilibre démographique.

III. UN BESOIN DE FINANCEMENT ACTUALISÉ DE 137 MILLIARDS D'EUROS À L'HORIZON 2050 ?

L'annexe au compte général de l'État présente chaque année une estimation du « besoin de financement actualisé » des principaux régimes spéciaux de retraite subventionnés par l'État. Celui-ci correspond aux ressources qui seraient en théorie nécessaires aujourd'hui , en étant placés au taux d'intérêt du marché, pour faire face aux déficits anticipés. Il permet ainsi d'appréhender les efforts supplémentaires à réaliser pour faire revenir le régime de retraite à l'équilibre .

Avec un taux d'actualisation de 1,08 % 11 ( * ) , le besoin de financement global des quatre principaux régimes de la mission (SNCF, RATP, mines et marins) s'élèverait à 137 milliards d'euros à l'horizon 2050 et à 200 milliards d'euros à l'horizon 2113 .

Sur ce total, plus de la moitié du besoin de financement futur concerne le régime de retraite de la SNCF (69 milliards d'euros à l'horizon 2050).

Le graphique ci-après présente la décomposition du financement des régimes spéciaux entre les cotisations salariales et patronales ainsi que le besoin de financement annuel à droit constant.

Graphique n° 8 : Besoin de financement des régimes spéciaux de retraite subventionnés par l'État

Source : annexe au compte générale de l'État (2013)

Observation n° 3 : le besoin de financement annuel des régimes spéciaux devrait progressivement diminuer jusqu'en 2050 , pour ensuite se stabiliser. Les subventions d'équilibre versées par l'État à ces régimes tendraient donc à se réduire à moyen et long termes.

DEUXIÈME PARTIE - COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PENSIONS »

Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » retrace les opérations relatives aux pensions civiles et militaires de retraite et d'invalidité des agents de l'État . Représentant 56,8 milliards d'euros de crédits 12 ( * ) en 2015, il est structuré en trois programmes, représentant chacun une section du compte spécial :

- le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité » est principalement consacré aux régimes de retraite et d'invalidité des fonctionnaires civils et militaires de l'État, gérés par le service des retraites de l'État ( SRE ), créé en 2009. Il représente près de 93 % des crédits du CAS ;

- le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État » retrace les opérations du fonds spécial des pensions des établissements industriels de l'État (FSPOEIE) et du fonds gérant les rentes d'accident du travail des ouvriers civils des établissements militaires (RATOCEM), tous deux gérés par la Caisse des dépôts et consignations. Ils représentent 3 % des crédits du CAS ;

- le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions » regroupe les pensions dues au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (PMIVG) ainsi que des pensions financées par l'État au titre d'engagements historiques et de reconnaissance de la Nation. Sa part dans les crédits du CAS « Pensions » est en légère diminution, de 4,0 % en 2014 à 3,7 % en 2015.

Aucune modification du périmètre ou de la maquette du CAS « Pensions » n'est prévue au titre de l'exercice 2015.

Graphique n° 9 : Répartition des crédits du CAS « Pensions » en 2015

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du projet annuel de performances pour 2015)

I. LES DÉPENSES DE PENSIONS : UNE PART CROISSANTE DANS LE BUDGET DE L'ÉTAT

A. DES DÉPENSES DE PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES MULTIPLIÉES PAR 2,8 DEPUIS 1990

Sous l'effet des départs à la retraite des générations issues du baby boom , le montant des pensions de retraite versées aux fonctionnaires civils et militaires a très fortement augmenté ces vingt-cinq dernières années. Celui-ci est passé de 18 milliards d'euros en 1990 à 50,2 milliards d'euros en 2013 . À ceci s'ajoutent les dépenses de pensions des ouvriers d'État, qui ont progressé d'environ 1 milliard d'euros en 1990 à 1,8 milliard d'euros en 2013.

Graphique n° 10 : Évolution des dépenses de pensions civiles et militaires et des ouvriers d'État depuis 1990

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2015)

L'État et ses opérateurs, en tant qu'employeurs, participent au financement de plus de 70 % des dépenses de pensions annuelles de fonctionnaires. Les charges de pensions représentent donc une dépense obligatoire particulièrement lourde, plus élevée que la charge de la dette.

B. PRÈS DE 13 % DU BUDGET DE L'ÉTAT CONSACRÉ AUX PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES EN 2013

L'État, en tant qu'employeur, a consacré 12,9 % de son budget 13 ( * ) au financement des dépenses de pensions civiles et militaires en 2013 , soit 37,5 milliards d'euros . Le poids des contributions-employeur versées par les ministères, à partir de leurs crédits de titre 2 (dépenses de personnel), dans le budget général a ainsi augmenté de près de 38 % depuis 1990 .

Graphique n° 11 : Poids de la contribution de l'État aux dépenses de pensions civiles et militaires dans le budget général

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2015

L'augmentation de la part de la contribution de l'État aux dépenses de pensions dans le budget général est quasiment continue tout au long de la période, à l'exception des années 2009 et 2010 où une baisse a été observée en raison du fort dynamisme des autres dépenses. Entre 2011 et 2013, on observe une nouvelle accélération : la part des dépenses de pensions a augmenté de 0,6 point.

Le poids des dépenses de pensions civiles et militaires est encore plus important si l'on considère l'ensemble des contributions de l'État et des autres employeurs de fonctionnaires (opérateurs, établissements publics, La Poste, Orange etc.) au CAS « Pensions » : le montant total des contributions-employeurs au CAS « Pensions » s'est élevé à 45,3 milliards d'euros en 2013 , soit environ 15 % du budget général . C'est ce montant, et non celui de la seule contribution de l'État-employeur, qui fait l'objet d'une prévision dans le cadre des lois de programmation pluriannuelle des finances publiques ( cf . infra ).

Graphique n° 12 : Évolution du montant des contributions employeurs
au CAS « Pensions »

(en milliards d'euros)

Note de lecture : la colonne en gris clair correspond à l'ensemble des contributions au CAS « Pensions » (Etat, opérateurs, établissements public etc.) et la colonne plus foncée correspond au montant de la contribution de l'État employeur.

Source : commission des finances (à partir des réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial)

Entre 2010 et 2013, les contributions versées par les employeurs au CAS « Pensions » ont augmenté de 13,3 % . La contribution de l'État-employeur a enregistré une progression moins rapide (+ 11,7 %) que celle des autres employeurs (+ 22,5 %). Selon le rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique 14 ( * ) , annexé au présent projet de loi de finances, cette situation s'explique surtout par le dynamisme des contributions des établissements publics, en particulier des universités, sous l'effet de la loi relative aux libertés et aux responsabilités des universités 15 ( * ) .

C. DES DÉPENSES AUGMENTANT À UN RYTHME SUPÉRIEUR À CELUI DE L'INFLATION DEPUIS 1990

Les dépenses de pensions des fonctionnaires civils et militaires de l'État augmentent en moyenne de 4,5 % par an depuis 1990, soit un rythme nettement plus élevé que celui de l'inflation (+ 1,6 %) . Cette progression s'explique par deux facteurs :

- le rythme de progression de la pension moyenne (+ 2,7 % par an depuis 2000) ;

- la croissance des effectifs de pensionnés de la fonction publique d'État (+ 1,9 % par an depuis 2000).

Graphique n° 13 : Évolution des dépenses de pensions
de la fonction publique d'État

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique annexé au présent projet de loi de finances

Au total, entre 2006 et 2013, 30 % de la progression des dépenses du budget général de l'État est dû à l'accroissement du besoin de financement des pensions des fonctionnaires (soit 8 milliards d'euros sur 26 milliards d'euros). Cette forte croissance contraint fortement le budget de l'État ; en l'absence d'économies sur les autres dépenses, elle conduit en effet à une aggravation de la dette publique .

Toutefois, après une phase d'accélération au début des années 2000, un léger ralentissement des dépenses de pensions des fonctionnaires civils et militaires est observé depuis 2011 (+ 4,7 % en 2011, + 3,8 % en 2012 et + 2,7 % en 2013). Cette décélération des dépenses de pensions n'empêche pas leur poids de croître au sein du budget de l'État, en raison des efforts de consolidation des dépenses publiques engagés depuis 2012.

II. LE RALENTISSEMENT DU BESOIN DE FINANCEMENT DU CAS « PENSIONS » SUR LA PÉRIODE 2015-2017

A. L'ÉQUILIBRE DU CAS « PENSIONS » EN 2015

1. Un solde cumulé qui atteindrait un niveau record fin 2015

L' article 21 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), prévoit que « en cours d'année le total des dépenses engagées ou ordonnancées au titre d'un compte d'affectation spéciale ne peut excéder le total des recettes constatées ». Ainsi, les dépenses du CAS « Pensions » doivent être strictement équilibrées par des recettes , provenant principalement des cotisations des salariés, des ministères employeurs et des transferts entre administrations publiques et régimes de retraite.

Pour l'année 2015, le présent projet de loi de finances respecte ce principe d'équilibre et prévoit un exercice excédentaire ; le solde du compte au titre de l'exercice 2015 s'élèverait à 727 millions d'euros en fin d'année .

Tableau n° 14 : Équilibre en recettes et en dépenses du CAS « Pensions » en 2015

(en millions d'euros)

Programmes

Recettes

Dépenses

Solde

2013

LFI 2014

PLF 2015

2013

LFI 2014

PLF 2015

2013

LFI 2014

PLF 2015

Programme n° 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité »

51 540

53 111

53 482

51 335

52 315

52 789

204

809

693

Programme n° 742

« Ouvriers des établissements industriels de l'État »

1 946

1 865

1 959

1 898

1 905

1 925

48

- 40

34

Programme n° 743

« Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions »

2 326

2 280

2 127

2 368

2 280

2 127

-42

0

0

Total

55 812

57 257

57 569

55 602

56 500

56 842

210

769

727

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du rapport annuel de performances pour 2013 et du projet annuel de performances pour 2015)

De plus, le niveau du fonds de roulement - aussi appelé solde cumulé - apparaît suffisant pour que le compte soit équilibré en cours d'année . Compte tenu des aléas importants de prévision de dépenses et de recettes du CAS « Pensions » (évolution des comportements de départs à la retraite, variation de l'inflation, évolution des assiettes des contributions des employeurs), le compte a besoin d'une trésorerie suffisante pour couvrir les éventuels écarts par rapport à la programmation initiale, en plus de la réserve minimale nécessaire pour faire face au décalage temporel entre les décaissements et les encaissements.

Au moment de sa création par la loi de finances initiale pour 2006, le CAS « Pensions » a été doté de 1 milliard d'euros de solde cumulé , ce qui correspond au niveau recommandé par le précédent rapporteur spécial de la commission des finances, Francis Delattre, et par la Cour des comptes.

Après avoir atteint un niveau critique en 2007, le fonds de roulement s'et peu à peu reconstitué. Fin 2013, le solde cumulé était proche de 1 milliard d'euros 16 ( * ) et devrait atteindre 1,5 milliard d'euros fin 2014. Fin 2015, le niveau du solde cumulé se situerait nettement au-dessus du seuil recommandé puisqu'il atteindrait 2,2 milliards d'euros en fin d'année .

Tableau n° 15 : Évolution du solde cumulé du CAS « Pensions » en fin d'année

(en milliards d'euros)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

(p)

2015 (p)

Solde cumulé du CAS Pensions

0,426

0,800

1,146

1,253

1,012

0,777

0,987

1,5

2,2

Source : service des retraites de l'État (réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial)

Observation n° 1 : le présent projet de loi de finances fixe des prévisions de recettes et de dépenses permettant de respecter le principe d'équilibre du CAS « Pensions ». Néanmoins, le niveau du fonds de roulement prévu fin 2015 (2,2 milliards d'euros) apparaît disproportionné au regard des besoins en cours d'exécution.

Selon les informations transmises à votre rapporteur spécial, le niveau élevé du solde cumulé du CAS « Pensions » résulte de la « conjonction de plusieurs évènements qui ont amélioré la situation financière du CAS « Pensions » , entre le moment où les taux de cotisation pour 2015 ont été déterminés pour les travaux de la procédure budgétaire (printemps 2014) et aujourd'hui ». Ces facteurs d'amélioration sont les suivants :

- la révision à la baisse des prévisions d'inflation pour 2014 et 2015 . Le programme de stabilité 2014-2017 prévoyait une inflation de 1,1 % en 2014 et de 1,5 % en 2015 ; ces prévisions ont été abaissées respectivement à 0,5 % et 0,9 % dans le cadre du présent projet de loi de finances. La moindre inflation entraînerait ainsi une réduction des dépenses de pensions de 80 millions d'euros en 2014 et de 400 millions d'euros en 2015 ;

- la censure par le Conseil constitutionnel de la réduction dégressive de cotisations salariales 17 ( * ) , proposée dans le cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité. Cette réduction, qui devait bénéficier à la fois aux salariés dont la rémunération est comprise entre 1 fois et 1,3 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) et aux fonctionnaires jusqu'à une rémunération équivalant à 1,5 fois le SMIC, devait porter sur les cotisations d'assurance vieillesse. Elle se serait traduite par une moindre recette de 170 millions d'euros par an à partir de 2015 pour le régime de retraite de l'État ;

- l'augmentation de l'assiette de cotisations au CAS « Pensions ». Après plusieurs années d'érosion, l'assiette tendrait à nouveau à croître en raison de la stabilisation des effectifs.

2. Une hausse modérée des dépenses (+ 0,6 %) par rapport à la programmation pour 2014

En 2015, tous programmes confondus, les dépenses retracées sur le CAS « Pensions » progresseraient de 0,6 % par rapport aux crédits prévus en loi de finances initiale pour 2014. Ce rythme de progression est proche de celui prévu pour l'année 2014 (+ 0,7 %). La dynamique des dépenses diffère néanmoins d'un programme à l'autre.

Tableau n° 16 : Évolution des crédits du compte d'affectation spéciale « Pensions » par programme et par action

(en millions d'euros)

Intitulé du programme ou de l'action

Crédits de paiement

Exécution 2013

Ouverts en LFI pour 2014

Demandés pour 2015

Variation 2015/2014

Programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité »

51 335,50

52 314,5

52 789,4

0,9 %

Action 1 « Fonctionnaires civils relevant du code des pensions civiles et militaires »

41 274,93

42 051,1

42 582,8

1,3 %

Action 2 « Militaires relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite »

9 917,42

10 119,0

10 062,5

-0,6 %

Action 3 « Allocations temporaires d'invalidité »

0,143

144,0

144,1

0,1 %

Programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État »

1 898,50

1 905,2

1 925,0

1,0 %

Action 1 « Prestation vieillesse et invalidité »

1 832,82

1 836,5

1 860,2

1,3 %

Action 3 « Autres dépenses spécifiques »

1,06

1,6

1,4

-12,5 %

Action 4 « Gestion du régime »

8,22

8,2

8,1

-1,2 %

Action 5 « Rentes accidents du travail des ouvriers civils des établissements militaires »

56,40

58,9

55,3

-6,1 %

Programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions »

2 368,38

2 280,5

2 127,6

-6,7 %

Action 1 « Reconnaissance de la Nation »

852,47

808,7

785,5

-2,9 %

Action 2 « Réparation »

1 470,72

1 426,0

1 295,5

-9,2 %

Action 3 « Pensions d'Alsace-Lorraine »

15,43

15,9

16,0

0,6 %

Action 4 « Allocations de reconnaissance des anciens supplétifs »

16,54

16,2

17,2

6,2 %

Action 5 « Pensions des anciens agents du chemin de fer franco-éthiopien »

0,07

0,06

0,06

0,0 %

Action 6 « Pensions des sapeurs-pompiers et anciens agents de la défense passive victimes d'accidents »

12 745,70

13,2

13,0

-1,4 %

Action 7 « Pensions de l'ORTF »

0,40

0,46

0,32

-30,4 %

Total du CAS « Pensions »

55 602,37

56 500,2

56 842,0

0,6 %

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du rapport annuel de performances pour 2013 et du projet annuel de performances pour 2015)

a) Le ralentissement des charges de pensions civiles et militaires (programme 741)

Le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité » est essentiellement consacré au régime spécial de retraite des fonctionnaires civils et militaires de l'État. Ses crédits progresseraient de 0,9 % en 2015 par rapport à la loi de finances initiale pour 2014.

S'agissant des dépenses de pensions civiles , leur montant est estimé à 41,9 milliards d'euros pour 2015 contre 41,3 milliards d'euros en 2014, soit une progression de + 1,4 % . L'évolution des dépenses de pensions militaires serait quant à elle de + 1,1 % en 2015, pour s'établir à 9,7 milliards d'euros .

Ces deux prévisions tiennent compte de :

- l'absence de revalorisation des pensions au 1 er octobre 2014 , décidée dans le cadre du plan d'économies du Gouvernement, et d' une revalorisation de + 0,9 % au 1 er octobre 2015 . En effet, l'article 4 de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites 18 ( * ) a reporté du 1 er avril au 1 er octobre la date de revalorisation des pensions en fonction de l'évolution des prix à la consommation hors tabac. Par conséquent, la revalorisation des pensions ne serait que de 0,22 % en moyenne annuelle pour 2015 ;

- des comportements de départs à la retraite observés en 2013 et sur les premiers mois de l'année 2014. Le nombre de départs à la retraite baisserait en 2015, tant pour les civils (49 280 départs en 2015 contre 54 100 en 2014) que pour les militaires (12 000 liquidations en 2015 contre 12 500 en 2014), principalement sous l'effet des mesures d'âge de la réforme des retraites de 2010 et de la mise en extinction du départ anticipé à la retraite pour les parents de trois enfants ou plus. De plus, les prévisions évaluent le nombre de sortants du régime à 51 700 parmi les fonctionnaires civils et à 18 700 parmi les militaires.

Le montant de la compensation démographique versée par le régime de retraite des fonctionnaires civils et militaires au profit de régimes en déséquilibre démographique devrait également diminuer en 2015 pour s'établir à 532 millions d'euros (contre 618 millions d'euros en 2015).

Par ailleurs, les crédits relatifs aux allocations temporaires d'invalidité - versées aux fonctionnaires en activité devenus partiellement invalides à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle - restent stables en 2015 ( 144 millions d'euros ).

La revalorisation des pensions en 2014 et 2015

Aux termes de la loi du 21 août 2003, le coefficient de revalorisation des pensions est égal à l'évolution prévisionnelle des prix hors tabac pour l'année N , corrigé, le cas échéant, de la révision de la prévision d'inflation de l'année N-1 telle que figurant dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances de l'année N.

Entre 2009 et 2013 , la revalorisation de l'ensemble des pensions est intervenue au 1 er avril de chaque année et non plus au 1 er janvier. La revalorisation pour l'année N est égale à la prévision d'inflation établie par la Commission économique de la Nation, ajustée sur la base de l'inflation définitive constatée pour N-1 (qui est connue en avril N de manière définitive).

En application de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites, la revalorisation de l'ensemble des pensions (hors minimum vieillesse et majoration pour tierce personne) doit désormais intervenir au 1 er octobre de chaque année . Ainsi, la revalorisation prévue pour 2014 (0 %) correspond à l'hypothèse d'inflation de 0,5 % retenue pour 2014, minorée de l'écart d'inflation (- 0,5 %) entre l'inflation réalisée en 2013 (+ 0,7 %) et la prévision qui avait été retenue en avril 2013 (+ 1,2 %). Enfin, les prévisions actuelles conduiraient à une revalorisation de 0,9 % au 1 er octobre 2015.

La loi du 8 août 2014 de financement rectificative de la sécurité sociale avait initialement prévu un gel de l'ensemble des pensions de retraite au 1 er octobre 2014, à l'exception des pensions inférieures à 1 200 euros qui devaient être revalorisées, au 1 er octobre, selon les critères habituels. L'inflation pour 2014 étant minorée d'autant au titre de l'erreur de prévision relative à l'inflation 2013 , les règles de revalorisation entraînent de fait une absence de revalorisation de l'ensemble des pensions hors minimum vieillesse au titre de l'année 2014.

En moyenne annuelle, les revalorisations de pensions seraient de 0,32 % en 2014 et de 0,22 % en 2015.

Source : rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale (septembre 2014)

b) La progression de 1 % des dépenses du régime spécial des ouvriers d'État (programme 742)

Plus de 96 % des crédits du programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État » sont destinés au financement des pensions de retraite et d'invalidité des ouvriers d'État, ce qui correspond à 1,86 milliard d'euros au titre de l'exercice 2015 (+ 1,3 % par rapport à 2014).

Cette prévision tient compte des effets du décalage de la revalorisation des pensions du 1 er avril au 1 er octobre ainsi que de la hausse de 10 % (+ 126 millions d'euros) de la subvention au Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État (FSPOEIE) , gestionnaire du régime, afin de reconstituer le fonds de roulement de la section correspondante du CAS « Pensions ».

Le nombre de pensionnés de ce régime spécial devrait diminuer en 2015, pour s'établir à environ 103 000 fin 2015 , soit une baisse de 1 % par rapport à 2014.

Par ailleurs, le régime des ouvriers d'État recevrait 51 millions d'euros en 2015 des autres régimes de retraite, au titre de la compensation démographique.

c) La baisse des crédits dévolus aux pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (programme 743)

Le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions » finance principalement des régimes de retraite « éteints » , qui ne comptent plus aucun actif (pensions des ministres des cultes d'Alsace Moselle, régime des chemins de fer franco-éthiopiens, etc.) et des prestations ne donnant lieu à aucune cotisation (pensions d'anciens combattants, traitements rattachés à la Légion d'honneur et à la médaille militaire, pensions de victimes de guerre ou d'actes de terrorisme) 19 ( * ) .

Dans l'ensemble, les crédits de ce programme baissent de 6,7 % en 2015 par rapport à la programmation pour 2014. Cette évolution marque une accélération par rapport à la tendance observée ces dernières années : entre 2011 et 2014, les dépenses du programme 743 sont passées de 2,54 milliards d'euros à 2,28 milliards d'euros, soit une diminution de 10,2 % sur la période.

Cette diminution reflète l'évolution des dépenses de pensions de réparation , accordées à des militaires victimes d'accidents imputables au service ou à des faits de guerre, qui représentent environ 60 % des crédits du programme. Les dépenses prévues pour 2015 s'élèvent à 1,30 milliard d'euros, ce qui correspond à une baisse de 9,2 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Le nombre de pensions militaires d'invalidité en paiement s'élevait à environ 267 000 fin 2013 contre 280 000 un an plus tôt.

3. Des recettes en hausse de 0,5 %

À l'exception du programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions », qui est financé par des subventions inscrites en dépenses dans les divers programmes du budget de l'État concernés, le CAS « Pensions » repose largement sur une logique contributive. Les contributions employeurs acquittées par les différentes entités employant des fonctionnaires civils ou militaires (État, établissements publics, La Poste, Orange...) constituent les principales recettes du CAS « Pensions », avec les cotisations salariales acquittées par les agents.

a) La stabilisation des taux des contributions employeurs de l'État

Afin de maintenir le CAS « Pensions » à l'équilibre, les contributions employeurs à la charge de l'État sont calculées chaque année de façon à ajuster les recettes du compte au besoin de financement du régime des fonctionnaires de l'État.

Il existe trois taux de contributions employeurs de l'État : un taux pour les pensions civiles, un taux pour les pensions militaires et un autre pour les allocations temporaires d'invalidité (ATI).

Après une augmentation de 25 % entre 2006 et 2013, les taux des contributions tendent à se stabiliser. Pour 2015, les taux de contributions seraient identiques à ceux des deux années précédentes , soit 74,28 % du traitement indiciaire brut et des primes ouvrant droit à pension pour les civils et 126,07 % de la solde indiciaire brute pour les militaires 20 ( * ) .

Tableau n° 17 : Évolution des taux des contributions employeurs de l'État

2006

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Au titre des pensions civiles

49,90 %

62,14 %

65,39 %

68,59 %

71,78 % (1)

74,28 %

74,28 %

Au titre des pensions militaires

100,00 %

108,63 %

114,14 %

121,55 %

126,07 %

126,07 %

126,07 %

Au titre des ATI

0,30 %

0,33 %

0,33 %

0,33 %

0,32 %

0,32 %

0,32 %

(1) Le taux pour 2013 est présenté en moyenne annuelle (74,28 % sur les onze premiers mois et 40,28 % en décembre).

Source : projet annuel de performances pour 2015

Une fois fixés, les taux des contributions employeurs sont ensuite appliqués à une partie de la masse salariale de chaque ministère et imputés sur les programmes des ministères employeurs en tant que dépenses de titre 2 . Le tableau ci-après indique les montants des contributions employeurs par ministère et par mission versés en 2013 et 2014 et prévus pour 2015. Par exemple, les contributions au CAS « Pensions » de la mission « Enseignement scolaire » s'établiront à 18,9 milliards d'euros, soit près de la moitié du montant total des contributions ministérielles. Le deuxième plus important contributeur au CAS « Pensions » est le ministère de la défense (7,8 milliards d'euros) et le troisième le ministère de l'intérieur (6,7 milliards d'euros).

Au vu des moindres dépenses de pensions constatées sur les onze premiers mois de l'année 2013 (- 0,9 % par rapport à la prévision initiale), le taux de la contribution employeur de l'État au titre des pensions civiles a été abaissé ponctuellement de 30 points (de 74,28 % à 44,28 %) en décembre 2013 . Cet ajustement a permis d'alléger de 968 millions d'euros les contributions des ministères employeurs au CAS « Pensions » en 2013.

Aucun ajustement des taux des contributions employeurs de l'État n'est prévu fin 2014. Néanmoins, la révision à la baisse de la prévision d'inflation et la censure de la réduction dégressive de cotisations salariales par le Conseil constitutionnel n'ayant pas pu être pris en compte pour la programmation 2015 ( cf . supra ), une baisse des taux des contributions employeurs de l'État en fin d'année 2015 semble probable.

Observation n° 2 : conformément à leurs rôles de « variables d'ajustement », les taux des contributions employeurs de l'État - stabilisés en 2015 - pourraient être revus à la baisse en fin d'année , si les prévisions en matière d'inflation et de comportements de départs à la retraite se confirment . Cet ajustement permettrait d'alléger le poids des dépenses de pensions dans le budget général, tout en respectant les règles de fonctionnement du CAS « Pensions ».

Tableau n° 18 : Contributions employeurs au CAS « Pensions »
par mission et par ministère

(en millions d'euros)

Champ : Ensemble des contributions employeurs du budget général et des budgets annexes au CAS « Pensions ». Les données sont présentées sur des périmètres différents en fonction des années (reprises des périmètres des documents budgétaires : périmètre de l'exécution sur 2013 ; périmètre de la LFI sur 2014 ; périmètre du PLF sur 2015).

Source : direction du budget

b) L'augmentation des taux de cotisations salariales, sous l'effet des réforme de 2010 et de 2014

Les cotisations salariales , retenues sur le traitement indiciaire brut des fonctionnaires civils, militaires et des ouvriers de l'État, représentent environ 10 % des recettes du CAS « Pensions » .

Malgré le ralentissement de la masse salariale publique observé ces dernières années, en raison du gel du point d'indice et de la baisse des effectifs (- 0,9 % en 2013), le produit des cotisations d'assurance vieillesse des fonctionnaires progresse de façon significative. Plusieurs hausses de taux de cotisations ont en effet été adoptées depuis 2010 :

- les textes d'application 21 ( * ) de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites prévoient un alignement progressif du taux de cotisation salariale des fonctionnaires sur celui du secteur privé. Celui-ci est relevé de 0,27 point chaque année afin d'atteindre 10,55 % en 2020 ;

- le décret du 2 juillet 2012 relatif à l'âge d'ouverture des droits à pension de vieillesse 22 ( * ) (dit décret « carrières longues) a relevé le taux de cotisation d'assurance vieillesse pour l'ensemble des assurés, y compris les fonctionnaires, de 0,10 point au 1 er novembre 2012 et prévoit une hausse de 0,5 point en 2014 et 2015 ;

- enfin, le décret du 27 décembre 2013 23 ( * ) , adopté dans le cadre de la réforme des retraites débattue à l'automne 2013, a augmenté de 0,06 point le taux de cotisation salariale des fonctionnaires au 1 er janvier 2014. Conformément aux annonces du Gouvernement, une augmentation supplémentaire de 0,08 point est prévue le 1 er janvier 2015 et les deux années suivantes.

En définitive, le taux de cotisation d'assurance vieillesse des fonctionnaires , qui était de 9,14 % en 2014, augmentera de 0,40 point au 1 er janvier 2015, pour atteindre 9,54 % .

Tableau n° 19 : Évolution du taux de cotisation salariale
dans la fonction publique d'État

2012

2012

2014

2015

2020

Taux de cotisation salariale

8,39 %

8,76 %

9,14 %

9,54 %

11,10 %

Dont effet réforme 2010

0,27 %

0,27 %

0,27 %

0,27 %

0,27 %

Dont effet décret de juillet 2012

0,10 %

0,05 %

0,05 %

Dont effet réforme 2014

0,06 %

0,08 %

Source : rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale (septembre 2014)

Les différentes hausses de taux ont entraîné une augmentation de 500 millions d'euros du produit des cotisations salariales (+ 3,6 %) en 2013. Selon les prévisions, leur montant progresserait de 800 millions d'euros en 2014 et de 1 milliard d'euros (+ 4,8 %) en 2015 .

B. LA PROGRAMMATION DES DÉPENSES ET DES CONTRIBUTIONS AU CAS « PENSIONS » POUR LA PÉRIODE 2015-2017

L'équilibre du CAS « Pensions » s'inscrit à la fois dans un cadre annuel et dans une perspective pluriannuelle. Les lois de programmation des finances publiques (LPFP) fixent en effet des prévisions d'évolution des contributions employeurs au CAS « Pensions » .

Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 prévoit une progression des contributions au CAS « Pensions » de 5,7 % sur le triennal 2015-2017 . L'ensemble des contributions employeurs de l'État (dépenses de personnel de titre 2) et des opérateurs (dépenses de fonctionnement de titre 3) passerait ainsi de 45,8 milliards d'euros en 2015 à 48,40 milliards d'euros en 2017 . On peut noter que le niveau des contributions prévues en 2015 est en deçà des 48,3 milliards d'euros prévus au titre des contributions de la dernière année du triennal 2013-2015, telle que fixé par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

Tableau n° 20 : Programmation triennale 2015-2017
des contributions et des dépenses du CAS « Pensions »

(en milliards d'euros)

2015

2016

2017

Evolution 2017/2015

Contributions employeurs (T2+T3)

45,80

46,19

48,40

5,7 %

Dépenses

56,84

57,87

59,14

4,0 %

Source : réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

S'agissant des dépenses du CAS « Pensions », celles-ci ne figurent pas explicitement dans la budgétisation triennale dans la mesure où il ne s'agit pas d'une mission du budget général de l'État. Ces montants ont été transmis à votre rapporteur spécial en réponse au questionnaire budgétaire. Il apparaît néanmoins regrettable de ne pas faire figurer ces informations dans le projet annuel de performances , comme pour les missions du budget général de l'État.

Sur la période 2015-2017, le projet de loi de programmation des finances publiques retient une faible progression des dépenses de pensions des fonctionnaires civils et militaires : + 4 % sur le triennal, soit + 1,3 % par an . Le montant de dépenses du CAS « Pensions » prévu pour 2015 est d'ailleurs inférieur au montant programmé dans le cadre du triennal 2013-2015 (59,07 milliards d'euros).

Comme pour la programmation de la présente loi de finances, le moindre dynamisme des dépenses de pensions, par rapport au taux d'évolution moyen de + 4,5 % observé sur la période 1990-2012, s'expliquerait principalement par le faible niveau de l'inflation . Toutefois, selon les prévisions du service des retraites de l'État, le nombre de liquidations de pensions de fonctionnaires civils, revu à la baisse pour 2015 (environ 49 300 départs), progresserait à nouveau les années suivantes (54 500 départs en 2016 et 59 500 départs en 2017). Le nombre de nouvelles liquidations de pensions militaires oscillerait quant à lui entre 12 500 et 13 000 par an sur la période.

Observation n° 3 : la programmation du triennal 2015-2017 se caractérise par la faible progression des contributions au CAS « Pensions » (+ 5,7 % sur l'ensemble de la période). Toutefois, les économies prévues sur les autres dépenses entraîneront une hausse du poids des contributions de l'État employeur et de ses opérateurs dans le budget de l'État de 15,8 % en 2014 à 17,6 % en 2018 .

III. LES PERSPECTIVES FINANCIÈRES DE MOYEN ET DE LONG TERMES DU RÉGIME DES FONCTIONNAIRES CIVILS ET MILITAIRES DE L'ÉTAT

A. DES ENGAGEMENTS DE RETRAITE DE L'ORDRE DE 1 300 MILLIARDS D'EUROS FIN 2013

L'évaluation des engagements de l'État en matière de retraite consiste à estimer, à législation constante, la valeur actualisée des pensions qui seront versées aux retraités et aux actifs présents dans le régime à la date d'évaluation 24 ( * ) . Les pensions futures des actifs sont prises en compte au prorata des années de service effectuées à la date de l'évaluation, sans préjuger des recrutements futurs.

Publiée chaque année dans le « hors-bilan » du compte général de l'État, la mesure des engagements de retraite de l'État permet d' estimer l'effort financier de long terme que l'État devra fournir pour couvrir les dépenses de retraite futures déjà engagées.

L'estimation des engagements de retraite en un temps T dépend fortement du taux d'actualisation retenu , en plus de facteurs relatifs au régime de retraite (acquisition de nouveaux droits par les actifs présents au cours de l'année N et les actifs recrutés au cours de l'année N, paiement des pensions au cours de l'année écoulée). Le taux d'actualisation est choisi par référence au taux des emprunts de l'État 25 ( * ) . La présentation des résultats avec des variantes de taux d'actualisation permet d'apprécier leur sensibilité à l'hypothèse de taux d'actualisation.

Avec le taux d'actualisation de 1,08 % net d'inflation, le montant total des engagements directs de l'État s'élève à 1 302 milliards d'euros au 31 décembre 2013 . La baisse de 196 milliards d'euros du niveau des engagements par rapport à l'évaluation des engagements réalisée l'année précédente s'explique principalement par la forte hausse du taux d'actualisation retenu (un taux de 0,35 % avait été retenu en 2013). En outre, l'impact de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites permettrait de diminuer de 5 milliards d'euros le montant de ces engagements.

Tableau n° 21 : Montant des engagements de retraite de l'État au 31 décembre 2013

(en milliards d'euros 2013)

Taux d'actualisation

1,08 %

0,50 %

1,00 %

1,50 %

Retraités

871

952

881

818

Actifs

431

505

440

386

Total

1 302

1 457

1 321

1 204

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2015

Sur ces 1 302 milliards d'euros d'engagements de retraite, 67 % concernent des agents déjà à la retraite au 31 décembre 2013 . Par conséquent, les mesures adoptées dans le cadre des réformes des retraites de 2010 et de 2014 ont un impact uniquement sur les 33 % de droits acquis par les actifs. L'effet des modifications des paramètres du régime de retraite est donc moins visible avec cette méthode d'évaluation que dans le cadre d'une estimation du besoin de financement futur du régime.

Une première projection au 31 décembre 2014 indique que le montant des engagements de retraite de l'État s'élèverait à 1 306 milliards d'euros.

Si cette évaluation des engagements de retraite ne constitue qu'un ordre de grandeur, elle permet de mieux se représenter l'effort financier que devra consentir l'État pour honorer les droits à retraite déjà constitués.

Observation n° 4 : en dépit d'une baisse de 196 milliards d'euros par rapport à 2012, les engagements portés par l'État au titre des retraites de ses agents correspondaient à 69 % du produit intérieur brut (PIB) fin 2013 , soit 1 302 milliards d'euros.

B. UN EXCÉDENT DE FINANCEMENT D'ENVIRON 67 MILLIARDS D'EUROS À L'HORIZON 2050 ?

L'évaluation du « besoin de financement actualisé » permet de compléter l'information concernant les perspectives financières de moyen et long termes du régime de retraite de la fonction publique d'État. Cette approche consiste à appréhender les crédits qui seraient en théorie nécessaires pour combler l'ensemble des déficits anticipés , en étant placé au taux d'intérêt du marché. Il permet ainsi de mesurer les efforts supplémentaires à réaliser pour faire revenir le régime à l'équilibre.

Les hypothèses démographiques et macroéconomiques retenues sont similaires à celles utilisées par le Conseil d'orientation des retraites (COR) mais l'horizon de projection est plus élevé (2113 contre 2060 dans le cadre des travaux du COR). Comme pour les engagements de l'État, la valeur du besoin de financement actualisé est très sensible au taux d'actualisation retenu.

Tableau n° 22 : Évaluation du besoin de financement actualisé
du régime de la fonction publique d'État

(en milliards d'euros 2013)

Taux d'actualisation

1,08 %

1,00 %

1,50 %

Horizon 2113

Horizon 2050

Horizon 2113

Horizon 2050

Horizon 2113

Horizon 2050

- 161

- 67

- 167

- 68

- 134

- 62

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2015

Sur la base d'un taux d'actualisation de 1,08 %, le besoin de financement (actualisé à cent ans 26 ( * ) au 31 décembre 2013) est négatif ; ceci signifie qu' à l'horizon 2113 un excédent de financement de 161 milliards d'euros serait constaté . À l'horizon 2050, cet excédent s'élèverait à 67 milliards d'euros . Le graphique ci-après illustre le niveau des excédents prévus chaque année, compte tenu des taux actuels de contributions employeurs (maintenus constants sur toute la durée de projection) et de la hausse programmée des taux de cotisations salariales, ainsi que l'excédent de financement cumulé. Dès 2020, un excédent de financement de 5 milliards d'euros serait constaté.

Graphique n° 23 : Besoin de financement actualisé des retraites
du régime des fonctionnaires civils et militaires de l'État

Source : compte général de l'État (2013)

Pour mémoire, des besoins de financement de 190 milliards d'euros à l'horizon 2050 et de 431 milliards d'euros à l'horizon 2112 étaient prévus au 31 décembre 2012 (avec un taux d'actualisation de 0,35 %). Ces estimations s'inscrivaient déjà en baisse (- 74 milliards d'euros) par rapport à celles réalisées au 31 décembre 2011. La diminution du besoin de financement actualisé avait alors été expliquée par les effets de la hausse du taux de la contribution employeur de l'État, de 68,9 % en 2012 à 74,28 % en 2013.

Le retour à l'équilibre prévisionnel du régime des fonctionnaires civils et militaires de l'État à compter de 2014 s'explique par les facteurs suivants :

- le maintien de taux de contributions employeurs élevés. Entre 2012 et 2013, la hausse de plus de 6 points de la contribution employeur de l'Etat pour les pensions civiles et de 4 points pour les pensions militaires aurait un impact à la baisse de 260 milliards d'euros sur le besoin de financement actualisé des cent prochaines années ;

- l'augmentation des taux de cotisations salariales ;

- et enfin la montée en charge des réformes des retraites engagées depuis 2003. En particulier, selon les informations transmises à votre rapporteur spécial, la réforme des retraites de 2010 permettrait de réaliser environ 90 milliards d'euros d'économies sur les dépenses de pensions des fonctionnaires en 2015, 1,2 milliard d'euros en 2016 et 1,5 milliard d'euros en 2017.

Observation n° 5 : compte tenu des niveaux actuels des taux de contributions employeurs de l'État, de la hausse progressive des taux de cotisations salariales et des effets des réformes déjà engagées , le régime de retraite des fonctionnaires de l'État serait en excédent (+ 67 milliards d'euros) à l'horizon 2050 . Sous réserve de l'absence de modification significative des prévisions d'inflation, les taux des contributions employeurs de l'État - qui ont déjà augmenté de 25 % entre 2006 et 2013 - semblent donc avoir atteint un niveau plafond.

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

ARTICLE 65 (nouveau) (Art. 30 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, art. 150 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006) - Suppression de l'établissement public national de financement des retraites de La Poste (EPNFRLP)

Commentaire : le présent article a pour objet de supprimer l'établissement public national de financement des retraites de la Poste (EPNFRLP), disposant de la capacité de conclure des conventions financières avec le régime général d'assurance vieillesse, en vue d'un éventuel adossement au régime général, et chargé de recueillir les cotisations et contributions versées par La Poste au titre de ses salariés ayant le statut de fonctionnaire de l'État. Ces recettes seront désormais directement versées au CAS « Pensions ».

I. LE DROIT EXISTANT

L' établissement public national de financement des retraites de La Poste a été créé par l'article 150 de la loi du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 27 ( * ) dans le cadre de la modification des modalités de gestion des cotisations et prestations de retraite des fonctionnaires de La Poste.

Afin de placer La Poste dans une situation d'« équité concurrentielle », la loi de finances rectificative pour 2006 a prévu de soumettre l'entreprise publique à un taux de contribution retraite équivalent à celui qui résulterait de l'application du droit commun (contribution employeur libératoire à un taux dit d' « équité concurrentielle « ) afin de libérer l'entreprise publique des engagements de retraite qu'elle aurait été dans l'obligation de provisionner en 2007 pour satisfaire aux normes comptables internationales. En contrepartie, la loi précitée a prévu le versement par La Poste d'une contribution exceptionnelle de 2 milliards d'euros, échelonnée sur plusieurs années.

L'établissement public national de financement des retraites de La Poste a ainsi été créé dans deux buts :

- recueillir auprès de La Poste la contribution forfaitaire exceptionnelle, la contribution employeur libératoire et les cotisations salariales des fonctionnaires afin de les reverser chaque mois à l'État sur le CAS « Pensions ». Le montant global des versements de cotisations et contribution employeur prévu pour 2015 est de 1,3 milliard d'euros 28 ( * ) ;

- prévoir un éventuel adossement du régime des fonctionnaires de La Poste à la Caisse nationale d'assurance vieillesse ( CNAV ). L'article 150 de la loi précitée donne en effet la capacité à l'établissement public de conclure des conventions financières avec les régimes de retraite de droit commun.

Sur la base d'un taux d'actualisation de 1,08 %, les engagements de retraite portés par l'État au titre des fonctionnaires de La Poste sont estimés à 110 milliards d'euros 29 ( * ) .

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le I du présent article prévoit de modifier l'article 30 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public et des télécommunications afin que La Poste verse les cotisations salariales d'assurance vieillesse et les contributions employeurs à caractère libératoire , dues au titre de de ses agents ayant le statut de fonctionnaire de l'État, directement au CAS « Pensions » ; celles-ci ne transiteront plus par l'établissement public national de financement des retraites de La Poste.

Par conséquent, le II du présent article propose l'abrogation de l'article 150 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 relatif aux missions de l'établissement public national de financement des retraites de La Poste .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

La suppression de l'établissement public national de financement des retraites de La Poste est présentée par le Gouvernement comme une mesure de simplification . Le versement des cotisations et contributions dues par La Poste directement à l'État, via le CAS « Pensions », simplifiera en effet le recouvrement de ces recettes. Cette modalité de versement direct est d'ailleurs déjà utilisée par l'entreprise Orange société anonyme (SA).

La fermeture de l'établissement public national de financement des retraites de La Poste marque surtout l'abandon du projet d'adossement au régime général du régime des fonctionnaires de La Poste . Dès 2006, la complexité de ce projet, visant à intégrer un groupe de fonctionnaires au régime général, avait été soulignée. Aussi, les négociations entre l'État, La Poste et le régime général n'ont pas abouti à ce jour.

L'opération d'adossement devant respecter le principe de neutralité financière, posé par l'article L 222-7 du code de la sécurité sociale, un adossement nécessiterait le versement par l'État d'une soulte au régime général. Le montant de cette soulte avait été estimé à environ 10 milliards d'euros en 2006 . Or la situation démographique des agents de La Poste dans leur ensemble étant moins défavorable que celle du régime général et le régime général enregistrant des excédents grâce aux salariés de droit privé de La Poste, l'État aurait peu d'intérêt à verser une compensation calculée strictement en référence au groupe de fonctionnaires postaux. De surcroît, le contexte budgétaire actuel semble peu propice à cette opération d'adossement.

Enfin, la montée en charge du processus de convergence entre systèmes de retraite public et privé - notamment en matière de règles d'âge et de taux de cotisations salariales - a rendu moins pertinent le recours à l'adossement des retraites des fonctionnaires de La Poste au régime général.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

À l'initiative du Gouvernement, avec un avis favorable de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, l'Assemblée nationale a introduit un article 65 rattaché au CAS « Pensions » tendant à supprimer l'Établissement public national de financement des retraites de La Poste (EPNFRLP). Cet article additionnel est commenté ci-dessus, dans la partie relative à l' « Examen des articles rattachés ».

L'Assemblée nationale a adopté sans modification les crédits de la mission « Régime sociaux et de retraite » et du CAS « Pensions ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 19 novembre 2014, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Claude Boulard, rapporteur spécial, sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte d'affectation spéciale « Pensions » (et article 65) .

M. Jean-Claude Boulard , rapporteur spécial . - L'examen des crédits de la mission « Régime sociaux et de retraite » invite à un voyage au coeur du corporatisme français. Les régimes spéciaux ont des sources très anciennes : on peut citer en particulier la création par Colbert en 1673 de l'établissement national des invalides de la marine (ENIM). Les spécificités de ces régimes étaient alors justifiées par les circonstances économiques : c'était le temps de la vapeur et de la voile. Les circonstances ont changé, les droits ont perduré, au nom du droit acquis, principe de base du corporatisme français. Les efforts pour faire évoluer ces régimes n'ont pas toujours abouti - Alain Juppé s'en souvient... J'en appelle donc à la prudence de tous ceux qui auraient des ambitions réformatrices.

Après avoir fortement augmenté entre 2006 et 2012, les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » se stabilisent en 2015 à 6,4 milliards et connaissent même une baisse de 1,5 %, grâce à l'harmonisation progressive des taux de cotisations, à une moindre inflation et à l'allongement de la durée de cotisation. Les déficits sont liés essentiellement aux règles spécifiques de calcul des pensions et à l'âge de départ à la retraite. Certes, le facteur démographique joue dans certains cas : chez les marins, le rapport entre cotisants et retraités est de 0,2 cotisant pour un retraité ; la situation est meilleure à la RATP et à la SNCF, où le nombre de cotisant par retraité se rapproche de 1. La tendance, enfin, est à la stabilisation des subventions d'équilibre versées par l'État entre 2015 et 2017 : la dérive financière semble aujourd'hui maîtrisée et les perspectives assainies grâce à ces réformes partielles.

Les crédits du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » atteignent 56,8 milliards d'euros en 2015. Ils ont augmenté entre 1990 et 2013 de 18 à plus de 50 milliards d'euros. La progression des dépenses n'est que de 0,6 % en 2015 grâce au décalage de la date de revalorisation du 1 er avril au 1 er octobre, à la baisse de l'indexation et de l'inflation, à l'allongement des durées de cotisations et enfin aux départs différés. Les fonctionnaires utilisent largement la possibilité qui leur est donnée de travailler plus longtemps, à l'exemple d'un certain conseiller d'État qui, lorsque l'âge de la retraite de ce corps a été ramené de 75 à 70 ans, s'est exclamé : « On vient de briser ma carrière ! ».

Ce ralentissement de la hausse des crédits entre 2015 et 2017 permettra de dégager un fonds de roulement plus important. Fixé à 1 milliard d'euros lors de la création du CAS, il s'élèverait à 2,2 milliards d'euros fin 2015, alors même que les aléas seront certainement très réduits. Enfin, malgré l'idée reçue de la dérive du système, les projections font apparaître un excédent de l'ordre de 67 milliards d'euros en 2050. L'inscription des crédits est plus que sincère : excessive. Or on cherche 1 milliard d'euros pour étaler la baisse des dotations de l'État aux collectivités locales...

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Si le régime général semble se stabiliser, ce n'est pas le cas des principaux régimes spéciaux des mines, de la RATP, de la marine et de la SNCF : leur financement nécessitera 137 milliards d'euros en 2050. Les âges moyens de départ posent problème : justifiés sur certains postes particulièrement exposés à la pénibilité, ils ne le sont pas pour les postes administratifs. La secrétaire du président de la RATP doit-elle vraiment prendre sa retraite à 55 ans ?

M. Dominique de Legge . - Les dépenses liées aux départs à la retraite des militaires auraient apparemment tendance à diminuer. Or le budget des armées, que j'aurai l'honneur de rapporter cet après-midi, prévoit une réduction d'effectifs de 7 500 en 2105, « dont une proportion importante d'officiers qui feront valoir leurs droits à la retraite » affirme le ministère de la défense. Cela ne contredit-il pas ce que notre collègue indique du comportement des fonctionnaires en fin de carrière ?

M. Éric Bocquet . - Les départs plus tardifs dans la fonction publique ne résultent-ils pas de l'effet dissuasif des décotes ? Il y a de plus en plus de retraités pauvres en France. Si les conditions de travail de certaines corporations ont évolué, de nouvelles catégories exposées apparaissent : ainsi dans le bâtiment et les travaux publics ou le hard discount , qui impose aux salariés une polyvalence absolue sur des horaires très étendus. Nous devrons bien, dans les années à venir, consacrer une plus grande part de la richesse produite à notre système de retraite.

M. Marc Laménie . - Le rapporteur spécial dispose-t-il d'une projection de la masse financière représentée par les retraites de la SNCF dans les années à venir ?

M. Jean Germain . - La tentative de réforme des régimes spéciaux en 2007 n'a pas fait économiser grand-chose : l'alignement sur la durée de cotisation du régime général a été compensé par la concession d'un échelon d'ancienneté supplémentaire, l'élargissement de l'assiette du salaire liquidable, l'intégration de la prime de travail à la prime de fin d'année, et, excusez du peu, l'extension aux hommes des droits à la retraite anticipée au titre de trois enfants. Or, qui a fait cette réforme ? Un ministre laxiste de gauche ? Non : le responsable de ces mesures est Xavier Bertrand.

M. Jean-Claude Boulard , rapporteur spécial . - Des réformes courageuses ont été conduites depuis, et nous bénéficierons bientôt de leurs effets. Les crédits nécessaires à la SNCF baissent de 4,4 % en 2015 ; l'âge de départ des agents administratifs de la RATP passe de 60 à 62 ans : les régimes spéciaux évoluent donc bel et bien même si des écarts importants demeurent. Quant à aller plus loin, la prudence me semble partagée, au-delà des clivages politiques.

M. Jean-Claude Requier . - Le rapport mentionne un certain nombre de régimes de retraite éteints, comme le régime des chemins de fer franco-éthiopiens ou celui des ministres du culte en Alsace-Moselle. Le Concordat y est encore en vigueur. Ces personnes sont rémunérées par l'État mais doivent-elles s'acquitter de leurs cotisations pour la pension ?

M. Jean-Claude Boulard , rapporteur spécial . - Il y a aussi le régime des anciens marins du métro, ou celui des marines de guerre, célèbre dans l'entre-deux guerres.

M. Gérard Longuet . - Au moment du retour de l'Alsace et de la Moselle à la France, en 1918, le Concordat a été maintenu. L'État paye les salaires des ministres du culte, qui sont curieusement alignés sur ceux de la hiérarchie militaire. Un évêque perçoit un traitement équivalent à celui du colonel. C'est un budget du ministère de l'Intérieur. Le régime de retraites des ministres du culte concerne les anciens d'avant 1918, aujourd'hui disparus. Comme ils n'ont pas de veuves, il n'y a pas lieu de le maintenir.

M. Jean-Claude Boulard , rapporteur spécial . - On comptait en 2013 871 bénéficiaires du régime des ministres du culte d'Alsace-Moselle. Il n'existe pas de cotisations patronales ou salariales ; leur régime étant entièrement subventionné par l'État. Quant aux veuves des marines de guerre, c'est une association qui a été créée entre les deux guerres pour lutter contre la suppression de la pension aux veuves lorsqu'elles se remariaient - ce qui favorisait le concubinage. Voilà pourquoi cette pension a été maintenue. Je pourrais vous en dire beaucoup sur l'établissement national de la marine dont j'ai assuré la gestion, au cours de ma carrière.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».

Elle a également décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 65.

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 20 novembre 2014, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a décidé de confirmer sa décision de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions » ainsi que l'adoption, sans modification, de l'article 65.


* 1 Décret n° 2012-847 du 2 juillet 2012 relatif à l'âge d'ouverture du droit à pension de vieillesse.

* 2 Afin de permettre à la caisse de retraite des fonctionnaires et agents publics de Mayotte de continuer à assurer le versement des pensions, un dispositif de financement transitoire avait été mis en place jusqu'au transfert effectif des personnes concernées dans les corps et cadres d'emplois des trois fonctions publiques. En mai 2013, après la reprise par la CNRACL des pensions rattachées au régime de Mayotte, cette dernière a remboursé à l'État les pensions payées à partir du programme 195 entre avril 2011 et avril 2013, soit 13,2 millions d'euros.

* 3 L'article 12 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 prévoit de porter le taux minimal de mise en réserve de 5 % à 6 % hors dépenses de personnel de titre 2. À l'initiative de la commission des finances du Sénat, un taux maximal de mise en réserve de 8 % a été fixé.

* 4 Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites. Le décret n° 2013-1290 du 27 décembre 2013 modifiant les taux des cotisations d'assurance vieillesse de divers régimes de sécurité sociale et des cotisations d'allocations familiales a augmenté de 0,15 point les parts salariale et patronale des cotisations déplafonnées d'assurance vieillesse dans le régime général et dans les régimes spéciaux, soit une hausse de 0,30 point au 1 er janvier 2014. Une hausse de 0,10 point , partagée entre les salariés et les employeurs, est prévue en 2015, 2016 et 2017 .

* 5 Le fonds de roulement de l'ENIM devrait ainsi s'élever à 108 millions d'euros fin 2015 contre 114 millions d'euros fin 2014.

* 6 Cf . encadré infra dans la partie relative au CAS « Pensions ».

* 7 Les régimes de retraite de l'Imprimerie nationale, de la caisse de retraite des régies ferroviaires d'outre-mer et de l'Office de radiodiffusion et télévision française (ORTF) sont considérés comme quasiment « éteints » puisqu'ils n'enregistrent que quelques centaines, voire quelques dizaines, de bénéficiaires (on compterait ainsi, en 2014, 173 bénéficiaires de la caisse de retraite des régies ferroviaires d'outre-mer et 186 bénéficiaires du régime de l'ORTF).

* 8 Loi n° 74-1094 du 24 décembre 1974 relative à la protection sociale commune à tous les Français et instituant une compensation entre régimes de base de sécurité sociale obligatoire.

* 9 Loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

* 10 Hors part de la subvention de l'État versée au titre de l'action sociale de l'ENIM (8 millions d'euros).

* 11 L'estimation du besoin de financement actualisé est très sensible au taux d'actualisation retenu.

* 12 En autorisations d'engagement (AE) = crédits de paiement (CP).

* 13 Est ici considéré le total des dépenses de l'État, hors charge de la dette et pensions, soit un périmètre plus large que les seules dépenses du budget général.

* 14 Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2015.

* 15 Loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités.

* 16 En dépit d'un résultat moins élevé que prévu du CAS « Pensions » enregistré en 2013 (+ 210 millions d'euros contre + 659 millions d'euros prévus initialement). Le Gouvernement avait en effet fait le choix de baisser fortement le taux de la contribution de l'État-employeur en décembre 2013.

* 17 Décision n° 2014-698 DC du 06 août 2014 (loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014). Le Conseil constitutionnel a déclaré que la réduction dégressive de cotisations salariales de sécurité méconnaissait le principe d'égalité dans la mesure où « un même régime de sécurité sociale continuerait, en application des dispositions contestées à financer, pour l'ensemble de ses assurés, les mêmes prestations malgré l'absence de versement, par près d'un tiers de ceux-ci, de la totalité des cotisations salariales ouvrant droit aux prestations servies par ce régime » et que « dès lors, le législateur a [vait] institué une différence de traitement, qui ne repose pas sur une différence de situation entre les assurés d'un même régime de sécurité sociale, sans rapport avec l'objet des cotisations salariales de sécurité sociale ».

* 18 Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.

* 19 Le financement de ces pensions et allocations provient de versements de différents programmes du budget général, en particulier du programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » et du programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers ».

* 20 La mise en place de taux de contributions employeurs différenciés s'explique par le coût sensiblement différent de liquidation des retraites servies aux personnels militaires.

* 21 Décret n° 2010-1749 du 30 décembre 2010 portant relèvement du taux de cotisation des fonctionnaires, des militaires et des ouvriers des établissements industriels de l'État.

* 22 Décret n° 2012-847 du 2 juillet 2012 relatif à l'âge d'ouverture du droit à pension de vieillesse.

* 23 Décret n° 2013-1290 du 27 décembre 2013 modifiant les taux des cotisations d'assurance vieillesse de divers régimes de sécurité sociale et des cotisations d'allocations familiales.

* 24 Plus précisément, la méthode dite des unités de crédits projetés est utilisée pour évaluer les engagements de retraite de l'État. Cette méthode, validée par le comité des normes, est préconisée par la norme comptable IAS 19 pour estimer les avantages de personnel et en particulier les avantages de retraite à prestations définies.

* 25 Pour l'évaluation des engagements fin 2013, l'obligation d'État OAT€i 2032, indexée sur l'inflation de la zone euro, a été choisie.

* 26 Par hypothèse, l'horizon de l'évaluation découle de la date maximale présumée au décès du plus jeune ayant cause participant au système actuel (soit 100 ans).

* 27 Loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006.

* 28 Le taux d'équité concurrentielle prévu pour 2015 est de 36,30 %.

* 29 Cf . Annexe au compte général de l'État, 2013.

Page mise à jour le

Partager cette page