EXAMEN EN COMMISSION

La commission s'est réunie le jeudi 27 novembre 2014 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par le rapporteur M. Michel Billout, le débat suivant s'est engagé :

M. Jean Bizet , président . - Merci au rapporteur de s'être penché sur cette question et de nous ouvrir une réflexion qui va nous occuper quelques temps. Apparemment, les accords négociés avec le Canada et les États-Unis devraient plutôt être qualifiés d'accords mixtes, mais, en tout état de cause, leur implication sociétale appelle un nécessaire contrôle des parlements nationaux, même s'il n'y a pas d'obligation écrite en la matière.

Après avoir entendu l'exposé de ce rapport, il apparaît qu'un accord prévoyant le recours à l'arbitrage privé est largement irrationnel dans des États de droit. La seule certitude est que le travail des cabinets d'avocats américains va se développer. J'adhère à la proposition qui nous est faite de nous inspirer de l'Organe de règlement des différends de l'OMC qui fonctionne plutôt bien et offre la garantie d'un appel. En matière de transparence de l'arbitrage, je conviens également que le secret des affaires ne doit pas servir de paravent. Enfin, la demande qui est faite d'un rapport gouvernemental sur la politique en matière d'accords commerciaux et d'investissements me semble nécessaire. Il ne s'agit pas d'un rapport de plus. Je me souviens avoir plaidé auprès de Gérard Larcher, alors président de la commission des affaires économiques, pour un débat au Parlement sur les négociations commerciales multilatérales menées à l'OMC car nous autres sénateurs sommes interpellés sur le terrain à ce sujet.

M. Daniel Raoul . - Je remercie le rapporteur pour ce texte qui me paraît particulièrement important, dans la mesure où l'ISDS constitue pour moi un point dur dans la négociation transatlantique, surtout quand on connaît la culture anglo-saxonne en matière de contentieux. Je m'interroge toutefois sur notre marge de manoeuvre concernant l'accord CETA. Je me suis rendu au Canada en septembre, et j'ai été impressionné par le pouvoir et l'autonomie des provinces, entre lesquelles le libre-échange n'est même pas complètement assuré. Je me demande d'ailleurs comment s'organise la négociation côté canadien et si l'accord est qualifié de mixte là-bas. Je souhaiterais également avoir quelques éléments de calendrier sur la négociation du partenariat transatlantique.

M. Jean-Yves Leconte . - Je suis totalement en phase avec le texte qui nous est proposé. Permettre le recours à l'arbitrage privé donne des garanties aux investisseurs envers des États qui sont pourtant des États de droit : dans la façon même où nous abordons la négociation transatlantique, nous sommes déjà en train de négocier l'État de droit, ce qui est pour moi inacceptable. Je suis particulièrement inquiet quant à la possibilité pour l'Union européenne de tenir les choix politiques qui sont les siens. Par exemple, la reprise économique que l'on constate aux États-Unis repose largement sur l'exploitation du gaz de schiste, exploitation dans laquelle l'Union européenne a choisi de ne pas s'engager aujourd'hui. Si nous étions exposés à un arbitrage privé sur un tel sujet, je crains un tsunami.

En même temps, il me semble qu'existe un lien pour les entreprises européennes entre la possibilité de recours à un mécanisme de règlement des différends investisseurs/États et l'universalité des lois américaines.

M. Yves Pozzo di Borgo . - Je maîtrise moins le dossier que d'autres de mes collègues, mais je voudrais faire observer que, en matière d'arbitrage, Paris est une place importante. La finance représente la deuxième économie parisienne et Paris a déjà souffert du transfert d'Euronext vers le Royaume-Uni. Il ne faudrait pas que l'arbitrage nous échappe aussi. J'approuve complètement la rédaction de l'alinéa 17 de la résolution : il ne faut pas annihiler la compétence arbitrale mais bien l'entourer de garanties. Nous devons rester vigilants particulièrement du fait que la puissance de certaines entreprises américaines l'emporte sur certains États d'Europe. Enfin, je crois aussi qu'il serait profitable de pouvoir disposer d'un rapport annuel qui se fasse l'écho, notamment, des cas d'arbitrage.

M. André Gattolin . - La multiplication des accords commerciaux et des accords de protection des investissements doit nous interroger sur le modèle européen. Je suis personnellement partisan d'un fédéralisme européen, car le fédéralisme protège en fait les compétences des États en assurant une répartition claire de leurs compétences entre les différents niveaux. Or, actuellement, la Commission européenne se voit confier un mandat unique de négociations alors même que le mode de désignation des commissaires soulève des interrogations en termes de légitimité. Notre collègue Daniel Raoul a raison de souligner le pouvoir des provinces canadiennes mais j'insiste aussi sur le pouvoir des États et des grandes agglomérations au Canada. Depuis l'ouverture des négociations avec l'Union européenne il y a quelques années, le Canada a effectué une consultation préalable de tous ses différents niveaux d'administration. Un aller-retour avec les provinces a même été opéré juste avant la publication de l'accord consolidé. Un tel travail en amont n'a pas été effectué chez nous.

L'Union européenne n'évolue pas vers le fédéralisme mais vers le centralisme. Cela doit nous amener à réfléchir ! L'Union européenne intègre-t-elle la capacité d'intervention que doivent garder les États ? Ainsi, comment justifier que l'Union européenne refuse, sauf éventuellement en matière d'exception culturelle, la mise en place de crédits d'impôt sectoriels, c'est-à-dire verticaux et non pas horizontaux, alors même que la réindustrialisation américaine repose largement sur de tels crédits d'impôt ? L'Union européenne s'auto-condamne.

Nous devons aussi mesurer les conséquences d'un accord transatlantique sur les ressources propres : l'Union européenne n'en a déjà presque plus au sens étroit, à savoir droits de douane et taxes sur le sucre. La négociation du TTIP et du CETA va encore les réduire et accroître en conséquence le pouvoir des gros États contributeurs nets au budget européen. Certes, il y a la velléité de créer une taxe sur les transactions financières, mais son montant sera faible et elle ne couvrirait que les États parties à la coopération renforcée. Réfléchissons à ce qui est en train d'advenir dans l'Union européenne : on renationalise les budgets en même temps qu'on centralise les décisions industrielles et commerciales. C'est de la folie !

M. Philippe Bonnecarrère . - Je remercie le rapporteur pour son analyse technique qui permet d'objectiver le sujet. Je ne partage pas quelques points fondamentaux de son raisonnement, même si je me range aux mêmes conclusions. Je souligne à mon tour que Paris est historiquement la première place mondiale de l'arbitrage et que mener un assaut contre l'arbitrage serait contreproductif pour la place de Paris. Par ailleurs, cela ne me choque pas qu'un État puisse être exposé à l'arbitrage contre une entreprise. Je rappelle à ce sujet que le Conseil d'État avait il y a quelques années consacré son rapport annuel à l'arbitrage en encourageant les autorités publiques à y recourir. J'entends le problème de principe que cela peut constituer au regard de la souveraineté mais il importe que l'État soit loyal avec les acteurs économiques et puisse de ce fait être attaqué sur ses décisions. L'image de l'État français est déjà assez négative pour que nous refusions de soumettre ses décisions à arbitrage.

Se posent à mes yeux deux questions fondamentales. D'une part, je m'inquiète de l'équilibre économique entre les deux partenaires du TTIP : est-ce que les entreprises européennes oseront attaquer la première puissance économique mondiale ? Souvenons-nous qu'Airbus avait remporté l'appel d'offres lancé par les États-Unis et que Boeing ayant attaqué cette décision a fini par l'emporter. Airbus a fait le choix politique de ne pas contester cette décision émanant de la première puissance mondiale.

D'autre part, je suspecte une forme de déséquilibre juridique entre l'Union européenne et les États-Unis. Les sanctions infligées par les États-Unis à la BNP m'ont marqué : même si la BNP a sans doute commis des fautes, elle a été clouée au pilori et l'amende faramineuse payée par tous les Français. L'Union européenne pourrait-elle sanctionner financièrement une banque américaine dans les mêmes proportions ? Monsieur le Président, la commission a-t-elle déjà travaillé sur cette question de l'égalité des armes et des sanctions entre les deux rives de l'Atlantique ? Je me souviens d'une sanction importante de Microsoft au titre d'infractions aux règles de la concurrence en Europe mais je me demande si d'autres types d'infractions, comme par exemple la fraude fiscale, pourraient être sanctionnés et à quelle hauteur. Au bout du raisonnement, je pense donc moi aussi que l'Union européenne ne pourrait valablement accepter l'ISDS dans l'accord transatlantique que si un équilibre économique et juridique était établi entre les partenaires de la négociation.

M. Didier Marie . - Le recours à l'arbitrage privé dans le TTIP et le CETA soulève effectivement des questions de légitimité et de souveraineté. Le débat sur la transparence est très important. Il faut en finir avec l'impression d'une négociation en cercle fermé. Le Gouvernement français a pris fin octobre des décisions importantes en la matière. Je sais que des députés participent au comité de suivi stratégique mis en place par le ministre en charge du commerce extérieur ; j'ignore si ce comité compte également des sénateurs parmi ses membres. À l'échelon européen, la Commission a également fait des annonces décisives hier, promettant une meilleure information des parlementaires européens. Je relève tout de même que la publication de documents américains ne sera possible que sous réserve de l'accord des États-Unis, ce qui représente tout de même une difficulté. Sur l'arbitrage, il me semble que le rapporteur n'a pas remis en cause la notion même, mais le processus spécifique qui place États et entreprises sur un même pied et risque de dissuader toute législation. Pourrait-on par exemple envisager que les entreprises américaines attaquent l'interdiction de la fracturation hydraulique ? Je crois que nous devons laisser absolument la justice dans la sphère publique. Par ailleurs, est-il prévu d'informer la Représentation nationale des négociations de l'accord et de lui soumettre in fine cet accord ?

Mme Colette Mélot . - Je remercie le rapporteur de nous amener à réfléchir sur ce sujet important pour tous les domaines, y compris l'Internet, la culture... Je m'interroge toutefois sur l'impact que peut avoir une telle résolution sur un traité déjà conclu comme celui avec le Canada.

M. André Reichardt . - J'ai présidé jusqu'à récemment un organisme de prospection des investissements internationaux dans ma région, et j'ai pu constater la grande difficulté que rencontre notre pays à attirer des investisseurs. Tous les critères d'une implantation sont passés au crible par les investisseurs et la protection des investissements joue un rôle fondamental. Je remercie le rapporteur d'avoir posé le problème mais nous ne devons pas l'aborder à la hussarde car il est extrêmement important pour nos régions, notre pays et l'Union européenne qui ont besoin d'investissements internationaux. Les entreprises qui investissent à l'étranger prennent des risques ; il n'est donc pas choquant qu'elles soient dédommagées si elles sont confrontées à des décisions étatiques qui contrecarrent leurs objectifs initiaux. Ce mécanisme ne me choque pas s'il est prévu dès le départ, ce qui n'empêche pas effectivement de mieux encadrer le recours à l'arbitrage.

M. Michel Billout . - En réponse à toutes ces interventions intéressantes, j'insiste sur le fait qu'à mes yeux, introduire un tel mécanisme de justice privée entre des pays du Nord dotés d'institutions judiciaires solides représenterait un mauvais signal à l'égard du citoyen. J'ai bien conscience que la proposition de résolution européenne ne traite pas du fond de l'accord.

L'arbitrage d'investissements est né en 1965 mais il a longtemps été éclipsé par l'arbitrage commercial, dont Paris est effectivement une place majeure. Le secrétaire général de la Cour internationale d'arbitrage, que j'ai rencontré, m'a confirmé que Paris était plus spécialisée en arbitrage commercial qu'en arbitrage d'investissements. Tous les arbitres internationaux ne sont pas nécessairement armés pour traiter des différends entreprises/États. En tout cas, à l'intention de M. Pozzo di Borgo, je confirme que l'objectif du texte que je vous soumets n'est absolument pas d'annihiler la place d'arbitrage que constitue Paris.

Je ne suis pas nécessairement opposé à des accords de protection des investissements qui incluent des ISDS avec les États du Sud mais il me semble que la solution d'un mécanisme interétatique de résolution des conflits inspiré de l'Organe de règlement des différends de l'OMC est moins problématique et risque moins de dissuader les entreprises de légiférer. Nous devons prêter particulièrement attention à l'accord transatlantique dans la mesure où nous avons compris que, s'il était conclu, il deviendrait le maître étalon pour d'autres traités. C'est pourquoi il faut se préoccuper de près des questions de procédure, sans remettre en cause l'arbitrage. Peut-être les États-Unis devraient-ils également faire très attention à l'ISDS.

Je reviens sur la nécessité de la transparence et, comme MM. Gattolin et Bonnecarrère, j'insiste sur l'importance que nous soyons informés. Et je partage complètement la position exprimée par M. Leconte.

Concernant notre marge de manoeuvre à l'égard du projet de traité CETA, nous avons examiné les choses de près et il nous semble qu'il n'est pas impossible de faire évoluer le texte. La direction générale du commerce de la Commission européenne soutient que la négociation est close, ce qui ne peut manquer de nous interroger au regard de la légitimité démocratique des négociateurs. Le paraphe lui-même de l'accord engage le négociateur à faire son possible pour que soit ratifié l'accord mais ne constitue pas une obligation de bonne fin : c'est ce que nous a formellement indiqué M. Carl, ancien directeur général de la DG commerce. Quel rôle jouent les parlements Européen et nationaux dans ce cadre ? Je pense que ce sont des arguments dont certains pourraient s'emparer pour mettre l'Europe par terre. Nous devons donc tenter de revoir le traité à la marge, surtout que l'investissement ne m'apparaît pas comme la clef de voûte de l'accord CETA et pourrait d'ailleurs même faire l'objet d'un accord séparé. C'est pourquoi nous devons proposer des améliorations substantielles, même s'il est peu probable qu'un mécanisme d'appel soit mis en place. Notre résolution vise à ce que la France tire la sonnette d'alarme, même si la moitié des États au Conseil viennent d'adresser une lettre à la Commission pour maintenir l'ISDS dans l'accord transatlantique. Peut-être sont-ils motivés par le souci d'attirer des investissements, mais je ne suis pas sûr que ce soit un critère déterminant. M. Pierre Defraigne, chef de cabinet de l'ancien commissaire européen en charge du commerce Pascal Lamy, nous a même encouragés à nous opposer fermement à tout ISDS.

Concernant le pouvoir des provinces canadiennes et la nature mixte ou non de l'accord de ce côté-là de l'Atlantique, j'avoue ne pas pouvoir vous renseigner dans l'immédiat.

Aux interrogations qui ont été exprimées au sujet du calendrier de négociations du TTIP, je pourrais répondre en indiquant que, selon moi, la négociation va encore durer quelques années, même si la majorité républicaine au Congrès semble vouloir l'accélérer.

En écho aux propos de M. Gattolin, je conviens que tout ceci doit nous amener à nous interroger sur le comportement de l'Union européenne par rapport aux États membres. Nous ne pouvons attendre d'avoir la copie finale de ces accords commerciaux pour avoir le droit de nous en préoccuper. Les consultations de la Commission sont également un exercice très particulier qui soulève des questions : disposer de 90 minutes pour prendre connaissance du questionnaire et y répondre, est-ce suffisant ? La consultation sur l'ISDS a reçu 150 000 réponses malgré ces conditions de mise en oeuvre peu satisfaisantes.

Je reconnais avoir quelques désaccords avec M. Bonnecarrère, ce qui est tout à fait normal, mais j'insiste sur le fait que je remets moins en cause l'arbitrage entre sociétés qu'entre sociétés et États. Sur les deux questions soulevées par notre collègue, il m'apparaît que seule la transparence permettrait d'être fixé. Je dois avouer que j'ai également été choqué par les sanctions infligées à la BNP, même si je ne suis pas un fervent défenseur des banques.

M. Jean Bizet , président . - Nous allons procéder maintenant à l'examen de la résolution européenne.

M. André Gattolin . - Je propose dans l'alinéa 13 de distinguer entre la transparence du processus de négociation et la transparence sur l'impact de l'accord.

M. Michel Billout . - Effectivement, cette distinction est importante et justifie l'alinéa 11.

M. André Gattolin . - La formulation de cet alinéa 11 ne me semble pas assez ferme puisque le Gouvernement français n'a jamais fourni l'étude réclamée sur l'impact sectoriel du TTIP pour la France.

M. Michel Billout . - Nous pourrions alors compléter l'alinéa 11 pour insister sur le fait que cette étude réclamée en 2013 n'a toujours pas été adressée au parlement.

Permettez-moi par ailleurs de vous soumettre deux petits aménagements au texte qui vous a été distribué, que les événements de ces dernières 48 heures m'amènent à proposer.

La Commission européenne a adopté avant-hier une communication définissant de nouvelles règles sur l'accès aux documents du TTIP, comme l'a évoqué M. Leconte : tous les textes de négociation que l'Union européenne partage déjà avec les États membres et le Parlement seront rendus publics, sous réserve de l'accord explicite des États-Unis pour ce qui concerne toute publication de documents « américains » ou «communs ». La Commission est également prête à partager avec tous les eurodéputés des documents qui sont aujourd'hui d'accès restreint, en vertu de certaines règles pour garantir la confidentialité de l'information fournie. Je pense qu'il serait utile que le Gouvernement nous assure à nous, parlementaires nationaux, le même degré de publicité, et vous suggère donc d'ajouter à cette fin un nouvel alinéa après l'alinéa 13.

M. André Reichardt . - Il me semble que nous irions trop loin en proposant de renoncer complètement au volet consacré à la protection des investissements dans l'accord CETA.

M. Michel Billout . - Je rappelle quand même que l'option de la renonciation n'est qu'une option par défaut, si nous n'arrivons pas à obtenir les améliorations importantes que nous avons identifiées et que nous demandons.

M. Jean Bizet , président . - Effectivement, il s'agit d'une option de dernier recours.

M. Yves Pozzo di Borgo . - Sur les conditions d'impartialité des arbitres, la mention d'un critère spécifique n'est pas satisfaisante. Il y a bien d'autres considérations à prendre en compte pour assurer l'impartialité des arbitres.

M. Jean Bizet , président . - En effet. Nous pouvons sans dommage nous en tenir à une formulation plus générale.

M. Yves Pozzo di Borgo . - Je me demandais s'il ne serait pas plus léger de remplacer « tout mécanisme de règlement des différends en matière d'investissements avec le Canada » par « ce mécanisme ».

M. Michel Billout . - Je crains que cela nuise à la clarté de l'alinéa et que cela crée une confusion avec l'Organe de règlement des différends de l'OMC.

Je souhaite aussi ajouter un nouvel alinéa. J'ai appris dernièrement que les dispositions de l'accord UE-Singapour, dont le chapitre relatif à la protection des investissements a été paraphé mi-octobre mais dont on parle moins, sont très proches de celles contenues dans l'accord Canada. On me signale juste certaines différences, notamment dans les secteurs totalement ou partiellement exemptés, comme l'immobilier notamment, sujet très sensible pour la Cité-État de Singapour. Ces dispositions pourraient utilement être exploitées par des filiales de multinationales américaines à Singapour, et il y en a de nombreuses. Je propose donc d'y faire référence en ajoutant un alinéa qui invite notre Gouvernement à adopter la même attitude sur cet accord UE-Singapour.

Enfin, sur la suggestion du président Bizet, je voudrais soumettre deux autres modifications au texte qui vous a été distribué.

La première vise à insister sur la nécessité d'obtenir des États-Unis la reconnaissance de la politique européenne de valorisation des produits agricoles et alimentaires de qualité, et plus spécifiquement la reconnaissance de nos indications géographiques protégées.

M. Jean Bizet , président . - J'insiste en effet sur ce sujet très important pour la valorisation des filières. Il concerne aussi bien le camembert de Normandie que le pruneau d'Agen...

M. Michel Billout . - La seconde modification tend à rétablir une forme de symétrie dans nos propositions concernant le dossier Canada et l'accord avec les États-Unis : il s'agit donc de proposer dans l'accord transatlantique le recours à un mécanisme de règlement interétatique des différends en matière d'investissements, inspiré de l'Organe de règlement des différends de l'OMC, ou, à défaut, de demander l'abandon de tout mécanisme de règlement des différends.

M. Yves Pozzo di Borgo . - Je connais mal cet organe de l'OMC. Pouvez-vous nous en dire un mot ?

M. Michel Billout . - L'ORD fonctionne en fait sur le même principe d'arbitrage mais le plaignant comme le défenseur sont des États. L'État devient en quelque sorte avocat de l'entreprise plaignante.

M. Jean Bizet , président . - En outre, l'ORD offre la possibilité de faire appel devant un tribunal permanent.

Je vous rappelle que cette proposition de résolution européenne va être envoyée à la commission compétente au fond. Pour revenir sur notre débat, je dois reconnaître que l'Union européenne s'auto-condamne effectivement. J'entends d'ailleurs évoquer cette question lors de la rencontre que le président du Sénat et moi-même aurons avec le président Juncker, sous deux aspects : d'une part, nous nous interrogeons sur le fait que la concurrence soit une compétence exclusive qui est entièrement laissée aux mains de la Commission européenne ; d'autre part, la réciprocité doit absolument présider à notre politique commerciale et les accords bilatéraux, si nous devons y recourir, ne doivent pas être négociés en opposition avec l'esprit du multilatéralisme. L'extraterritorialité des lois américaines constitue un vrai sujet, sur lequel pourra se pencher le groupe de travail que nous allons constituer avec la commission des affaires économiques sur le traité transatlantique. Pourquoi ne pas envisager un parallélisme en instaurant une extraterritorialité des règles européennes ?

Je conviens en tout cas qu'il est difficile de se heurter à la première économie mondiale, ce qui plaide à mon sens pour la solution interétatique de type ORD. Enfin, s'agissant de la possibilité pour l'Europe d'intervenir à l'égard des banques américaines, nous aurons l'occasion d'aborder cette question avec la Banque centrale européenne quand nous nous y rendrons.

À l'issue de ce débat, la commission adopte à l'unanimité le rapport de M. Michel Billout et la proposition de résolution européenne ainsi modifiée :

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