Rapport général n° 164 (2015-2016) de M. Jean-Claude BOULARD , fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2015

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N° 164

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2015

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2016 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES

ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

( Seconde partie de la loi de finances )

ANNEXE N° 25

RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : PENSIONS

Rapporteur spécial : M. Jean-Claude BOULARD

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André, présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung, vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc, secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 3096, 3110 à 3117 et T.A. 602

Sénat : 163 et 165 à 170 (2015-2016)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Première partie - Mission « Régimes sociaux et de retraite »

1. Après avoir fortement augmenté entre 2006 et 2012, la tendance à la baisse, des concours de l'État au financement de la mission « Régimes sociaux et de retraite », déjà observée en 2015, se confirme en 2016 . Sous l'effet de la faible inflation et de la baisse du nombre de pensionnés dans les régimes « fermés », les subventions d'équilibre versées par l'État diminueraient de 1,5 % en 2016 par rapport à 2015 et de 2,9 % par rapport à l'exécution 2014, pour s'établir à 6,32 milliards d'euros .

2. Les subventions versées par l'État représentent 67 % des ressources des régimes spéciaux financés par la présente mission, soit une part qui demeure stable entre 2015 et 2016 . Même si le ratio démographique des régimes spéciaux est plus faible que dans les autres régimes, la situation tend à se stabiliser dans les régimes de la RATP et des marins tandis que les effectifs de cotisants diminuent de façon plus importante dans le régime de la SNCF.

3. Si l'âge de départ à la retraite dans les régimes spéciaux demeure significativement inférieur à celui observé dans le régime général (56 ans et 4 mois à la SNCF et 54 ans et 6 mois à la RATP en moyenne en 2014), les mesures de convergence, en particulier l'application à compter de 2017 de la réforme des retraites de 2010 , devraient permettre de réduire cet écart.

4. Comme les autres organismes de sécurité sociale, les caisses de retraite des régimes spéciaux sont incitées à participer à l'effort de maîtrise de la dépense publique. Dans le cadre des conventions d'objectifs et de gestion, elles se voient assigner des objectifs de réduction de l'ordre de 15 % de leurs dépenses de fonctionnement sur la période 2014-2017 et de leurs effectifs de 2 % à 2,5 % par an .

5. Le plafond de crédits fixé par la loi de programmation des finances publiques 2014-2019 est respecté. Le montant inscrit dans le présent projet de loi de finances est inférieur de 1,2 % au plafond du triennal , ce qui crédibilise l'objectif de stabilisation des dotations d'équilibre de l'État aux régimes spéciaux de retraite à l'horizon 2017.

6. Compte tenu de la diminution tendancielle du montant des subventions nécessaires pour équilibrer les régimes spéciaux, le besoin de financement des régimes financés par la mission est estimé à 153 milliards d'euros à l'horizon 2050 .

Deuxième partie - Compte d'affectation spéciale « Pensions »

1. Après une augmentation de 176 % entre 1990 et 2013, les dépenses de pensions de retraite des fonctionnaires civils et militaires de l'État tendent à ralentir. Conformément aux observations formulées l'année passée, ces dernières progresseraient seulement de 3,7 % entre 2013 et 2016 , pour s'établir à 53,9 milliards d'euros (hors pensions d'invalidité et prestations ne donnant pas lieu à cotisation).

2. Les contributions totales de l'État et de ses opérateurs au CAS « Pensions » s'élèvent à 46,1 milliards d'euros en 2016 (+ 0,7 par rapport à 2015) , conformément au plafond fixé dans le cadre du triennal pour 2015-2017. Elles représentent 15 % du budget général de l'État , soit une part qui demeure stable par rapport à l'année passée.

3. Les engagements financiers portés par l'État au titre des retraites de ses agents sont estimés à environ 1 560 milliards d'euros fin 2014, soit 75 % du produit intérieur brut (PIB) .

4. Après une exécution très proche de la prévision initiale en 2014, la programmation pour 2016 apparaît, comme en 2015, très prudente. Compte tenu des hypothèses de revalorisation (+ 0,6 % au 1 er octobre), d'évolution des effectifs (+ 1 %) et de progression des cotisations salariales (+ 0,4 point) retenues, les recettes du CAS « Pensions » s'élèveraient à près de 57,9 milliards d'euros et les dépenses à 57,2 milliards d'euros . À l'instar de la situation observée en 2015, l'obligation d'équilibre du compte est donc respectée (solde de + 670 millions d'euros fin 2016), sans augmentation des taux des contributions employeurs de l'État .

5. Le solde cumulé du CAS « Pensions » devrait atteindre 2,2 milliards d'euros fin 2015 et 2,9 milliards d'euros fin 2016 , soit un niveau trois fois plus élevé que nécessaire pour assurer l'équilibre du compte en cours d'exercice. Cette situation reflète le choix du Gouvernement de privilégier la stabilisation des taux des contributions employeurs jusque fin 2018 , date à laquelle le niveau du solde cumulé devrait revenir à 1 milliard d'euros.

6. Si l'évaluation du besoin de financement actualisé du régime des fonctionnaires civils et militaires de l'État - de l'ordre de - 80 milliards d'euros à l'horizon 2050, ce qui correspond à un excédent - tend à confirmer le niveau élevé des taux actuels de contributions employeurs au CAS « Pensions », l'entrée en vigueur des mesures de revalorisation des grilles salariales et de transformations de primes en points d'indice, prévues par l'accord relatif à l'avenir de la fonction publique, pourrait entraîner une nouvelle hausse des dépenses de pensions de retraite à moyen terme .

Les délais limites de réponse des ministères aux questionnaires budgétaires de votre rapporteur spécial étaient fixés au 10 octobre 2015 par l'article 49 de la LOLF. À cette date, 100 % des réponses avaient été transmises pour le questionnaire relatif au compte d'affectation spéciale « Pensions » et 74 % des réponses avaient été transmises s'agissant de la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Les deux taux de réponse étaient de 100 % au 16 octobre 2015.

PREMIÈRE PARTIE - MISSION « RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE »

La mission « Régimes sociaux et de retraite » retrace les subventions d'équilibre versées par l'État à dix régimes spéciaux de retraite . Aucune modification du périmètre et de la maquette budgétaire n'est prévue pour l'exercice 2016. La mission est donc composée de trois programmes :

- le programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres », qui comporte principalement les crédits destinés à assurer l'équilibre des caisses autonomes de retraite de la société nationale des chemins de fer français (SNCF) et de la régie autonome des transports parisiens (RATP) ;

- le programme 197 « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins », qui vise à financer, via l'établissement national des invalides de la marine (ENIM), le régime spécial de sécurité sociale des marins ;

- le programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la société d'exploitation industrielle des tabacs et des allumettes ( SEITA ) et divers », qui regroupe plusieurs régimes en rapide déclin démographique (caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines, régimes de retraite de la SEITA, des régies ferroviaires d'outre-mer et de l'Office de radiodiffusion et télévision française (ORTF)).

Répartition des crédits de la mission en 2016

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du projet annuel de performances pour 2016)

I. LE RECUL DES DOTATIONS AUX RÉGIMES SPÉCIAUX DE RETRAITE : UNE TENDANCE CONFIRMÉE EN 2016

A. DES CRÉDITS GLOBALEMENT EN DIMINUTION (- 1,5 %) POUR LA DEUXIÈME ANNÉE CONSÉCUTIVE

Pour l'année 2016, le projet de loi de finances initiale fixe le montant global des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » à 6,32 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiements (CP).

Les crédits de la mission diminuent ainsi de 1,5 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2015 et de 2,9 % par rapport aux crédits effectivement consommés en 2014 .

Hors contributions exceptionnelles au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » en 2011 et 2012, les dépenses de la mission avaient fortement augmenté entre 2006 et 2012 (+ 41 %). La budgétisation pour 2016 confirme en revanche la tendance à la baisse, déjà prévue en 2015, des subventions d'équilibre versées par l'État aux régimes de retraite en déséquilibre démographique, et devant faire appel à la solidarité nationale.

Évolution des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite »
(hors contributions au CAS « Pensions »)

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données des rapports et projets annuels de performances pour 2006 à 2016)

Répartition des crédits (1) par programme et action en 2016

(en millions d'euros)

Intitulé du programme et de l'action

Crédits de paiement

Variation

Exécution 2014

Ouverts en LFI pour 2015

Demandés pour 2016

PLF 2016 / Exécution 2014

PLF 2016 / LFI 2015

Programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres »

4 129

4 036

4 039

-2,2%

0,1%

03 - Régime de retraite du personnel de la SNCF

3 311

3 196

3 216

-2,9%

0,6%

04 - Régime de retraite du personnel de la RATP

619

643

653

5,4%

1,5%

05 - Autres régimes (2)

199

197

171

-14,5%

-13,2%

Programme 197 « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins »

820

853

825

0,6%

-3,3%

01 - Pensions de retraite des marins

820

853

825

0,6%

-3,3%

Programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers »

1 557

1 525

1 457

-6,4%

-4,5%

01 - Versements au Fonds spécial de retraite de la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines

1 386

1 357

1 293

-6,7%

-4,7%

02 - Régime de retraite de la SEITA

168

165

161

-4,2%

-2,8%

03 - Caisse des retraites de l'imprimerie nationale

0

0

0

0,0%

0,0%

04 - Caisse des retraites des régies ferroviaires d'outre-mer

3

3

2

-16,5%

-10,3%

07 - Versements liés à la liquidation de l'ORTF

0

0

0

-20,0%

-12,5%

TOTAL

6 506

6 414

6 320

-2,9%

-1,5%

(1) Les montants des crédits en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) sont identiques.

(2) Congés de fin d'activité et compléments de retraite dans le secteur du transport routier et pensions des anciens agents des chemins de fer d'Afrique du Nord et d'outre-mer et des anciens agents de certains chemins de fer secondaires.

Source : commission des finances du Sénat (à partir du rapport annuel de performances pour 2014 et du projet annuel de performances pour 2016)

La revalorisation des pensions en 2014 et 2015
et la réforme prévue à partir de 2016

Aux termes de la loi du 21 août 2003, le coefficient de revalorisation des pensions est égal à l'évolution prévisionnelle des prix hors tabac pour l'année N , corrigé, le cas échéant, de la révision de la prévision d'inflation de l'année N-1 telle que figurant dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances de l'année N.

Entre 2009 et 2013 , la revalorisation de l'ensemble des pensions est intervenue au 1 er avril de chaque année et non plus au 1 er janvier. La revalorisation pour l'année N est égale à la prévision d'inflation établie par la Commission économique de la Nation, ajustée sur la base de l'inflation définitive constatée pour N-1 (qui est connue en avril N de manière définitive). En application de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites, la revalorisation de l'ensemble des pensions (hors minimum vieillesse et majoration pour tierce personne) doit désormais intervenir au 1 er octobre de chaque année . L'absence de revalorisation en 2014 résulte de l'hypothèse d'inflation de 0,5 % retenue initialement (0,5 %), minorée de l'écart d'inflation (- 0,5 %) entre l'inflation réalisée en 2012 (0,7 %) et la prévision qui avait été retenue en avril 2013 (1,2 %).

Compte tenu des prévisions d'inflation, les pensions de retraite devraient être revalorisées de 0,1 % au 1 er octobre 2015 , soit la prévision d'inflation pour 2015 telle que figurant dans le RESF annexé au projet de loi de finances pour 2016, car le gel initialement prévu lors de l'élaboration de la loi de financement rectificative pour la sécurité sociale de juillet 2014 conduit à ne pas retenir de correctif entre l'inflation prévisionnelle de 2014 et l'inflation définitive constatée.

En moyenne annuelle, la revalorisation des pensions serait de 0,03 % en 2015 et de 0,33 % en 2016, avant entrée en vigueur de la réforme prévue par les lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2016.

Détail du calcul de la revalorisation des pensions avant réforme

Les articles 33 du projet de loi de finances et 57 du projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoient d'harmoniser et de simplifier les règles de revalorisation de l'ensemble des prestations sociales, y compris des pensions de retraite. Ainsi, les pensions de retraite demeureront revalorisées au 1 er octobre de chaque année mais cette revalorisation se fondera désormais sur l'évolution des prix hors tabac constatée en moyenne annuelle sur les douze derniers mois disponibles . En cas d'évolution négative des prix, une règle de « bouclier » garantira le maintien des prestations à leur niveau antérieur. Compte tenu de ces nouvelles règles et de l'hypothèse d'inflation retenue dans le présent projet de loi de finances, les pensions de retraite devraient être revalorisées de 0,6 % au 1 er octobre 2016 .

Source : rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale (septembre 2015) et évaluation préalable de l'article 33 annexée au projet de loi de finances pour 2016

La révision à la baisse des crédits demandés pour 2016, par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2015, s'explique par trois facteurs principaux :

- la faible revalorisation du montant des pensions de retraite prévue en 2016 (+ 0,6 %) , compte tenu de la révision à la baisse de la prévision d'inflation (+ 1,0 %). Cette prévision tient compte de la réforme des modalités de revalorisation des prestations sociales, dont les retraites, inscrite dans les projets de loi de finances et de financements de la sécurité sociale pour 2016. À compter de 2016, la revalorisation des prestations de retraite s'effectuera en effet sur la base de l'évolution des prix hors tabac constatée sur les douze derniers mois, et non plus sur celle de l'inflation prévisionnelle à laquelle pouvait être appliqué un mécanisme correctif au titre de l'année précédente (cf. encadré supra ) ;

- la baisse du volume des prestations servies par les régimes dits « fermés » 1 ( * ) - tels que les régimes des mines, de la SEITA et des régies ferroviaires d'outre-mer - sous l'effet de la décroissance de leurs effectifs de pensionnés. Le régime des mines devrait notamment perdre environ 10 000 pensionnés entre 2015 et 2016. Le total des subventions aux régimes du programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers » prévues en 2016 baisse ainsi de 68 millions d'euros par rapport à la prévision pour 2015 et de 100 millions d'euros par rapport à l'exécution 2014.

- les effets de la réforme des retraites de janvier 2014 2 ( * ) , en particulier de la hausse progressive des parts salariale et patronale des cotisations d'assurance vieillesse de 0,30 point chacune entre 2014 et 2017, transposée aux régimes de retraite de la SNCF et de la RATP 3 ( * ) .

Par ailleurs, la réserve de précaution pour 2016 représente 8 % des crédits de la mission, soit 505 millions d'euros . Ce niveau est supérieur à celui fixé en 2015 (7 % soit 448,5 millions d'euros) et correspond au niveau maximal autorisé par la loi de programmation des finances publiques pour la période 2014-2019 4 ( * ) .

Observation n° 1 : après avoir fortement augmenté entre 2006 et 2012, la tendance à la baisse, des concours de l'État au financement de la mission « Régimes sociaux et de retraite », déjà observée en 2015, se confirme en 2016 . Sous l'effet de la faible inflation et de la baisse du nombre de pensionnés dans les régimes « fermés », les subventions d'équilibre versées par l'État diminueraient de 1,5 % en 2016 par rapport à 2015 et de 2,9 % par rapport à l'exécution 2014, pour s'établir à 6,32 milliards d'euros .

B. UN EFFORT DE 6,3 MILLIARDS D'EUROS PERMETTANT DE FINANCER LES DEUX TIERS DES PRESTATIONS DE RETRAITE PRÉVUES EN 2016

Malgré le léger recul de la participation de l'État en 2015 et en 2016, ses dotations continuent de représenter une part prépondérante des ressources des régimes spéciaux de la présente mission.

Au total, les subventions d'équilibre de l'État permettront de couvrir en moyenne 67 % des prestations de retraite versées par les principaux régimes spéciaux de la mission en 2016. Le poids de la subvention de l'État diffère cependant d'un régime à l'autre : il couvre quasiment la totalité des pensions versées par le régime de la SEITA - qui comptait seulement 64 cotisants actifs au 1 er janvier 2015 - et environ 60 % de celles versées par les caisses de retraite de la SNCF et de la RATP. Le régime de retraite des marins connaissant quant à lui une lente érosion du nombre de ses cotisants, le poids de la subvention de l'État se situe entre 75 % et 80 % depuis 2012.

Pour mémoire, l'État a l' obligation juridique d'équilibrer financièrement les régimes de retraite de la SNCF, de la RATP et de la SEITA. En revanche, les subventions d'équilibre aux régimes des mines et des marins sont versées au titre de la solidarité nationale et n'ont pas de caractère obligatoire.

Taux de couverture des prestations de retraite des principaux régimes spéciaux
par la subvention d'équilibre de l'État

(en millions d'euros)

Réalisé 2014

PLF 2015

PLF 2016

Régime des mines

Prestations vieillesse

1 646,6

1 590,7

1 528,2

Subvention de l'État

1 385,8

1 347,1

1 293,5

Ratio subvention / prestations

84,2%

84,7%

84,6%

Régime de la SEITA

Prestations vieillesse

170,6

165,6

161,3

Subvention de l'État

168,0

165,3

160,6

Ratio subvention / prestations

98,5%

99,8%

99,6%

Régime des marins

Prestations vieillesse

1 086,50

1 075,90

1 063,50

Subvention de l'État

825,50

853,00

824,80

Ratio subvention / prestations

76,0%

79,3%

77,6%

Régime de la SNCF

Prestations vieillesse

5 359,4

5 284,0

5 265,0

Subvention de l'État

3 341,6

3 196,0

3 216,0

Ratio subvention / prestations

62,4%

60,5%

61,1%

Régime de la RATP

Prestations vieillesse

1 063,9

1 082,0

1 099,0

Subvention de l'État

618,5

643,0

653,0

Ratio subvention / prestations

58,1%

59,4%

59,4%

Total

68%

67%

67%

Source : réponse de la direction du budget au questionnaire de votre rapporteur spécial

Les régimes spéciaux financés par la présente mission ont une situation démographique dégradée , qui se manifeste par un ratio entre cotisants et retraités plus faible que dans le régime général d'assurance vieillesse. Parmi les régimes encore ouverts, le régime des marins comptait en 2014 seulement 0,27 cotisant pour un retraité, le régime de la SNCF 0,68 5 ( * ) cotisant pour un pensionné et le régime de la RATP 0,88 tandis que le ratio démographique est de 1,30 dans le régime général.

Évolution du rapport démographique * dans les principaux régimes de retraite

* Rapport cotisants / bénéficiaires vieillesse. Pour la SNCF, le ratio est pondéré des pensions de réversion.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du projet annuel de performances pour 2016, du rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2015, du recueil statistiques de la Caisse nationale d'assurance vieillesse 2013 et du rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2015)

Observation n° 2 : les subventions versées par l'État représentent 67 % des ressources des régimes spéciaux financés par la présente mission, soit une part qui demeure stable entre 2015 et 2016 . Même si le ratio démographique des régimes spéciaux est plus faible que dans les autres régimes, la situation tend à se stabiliser dans les régimes de la RATP et des marins tandis que les effectifs de cotisants diminuent de façon plus importante dans le régime de la SNCF.

Néanmoins, le besoin de financement de ces régimes ne s'explique pas uniquement par leur situation démographique . Comme votre rapporteur spécial s'était attaché à le montrer l'année passée, le fait que les régimes de retraite de la RATP et de la SNCF ait la qualité de contributeurs au mécanisme de « compensation généralisée vieillesse » indique que leur déséquilibre provient également pour une large part de leurs règles spécifiques . La compensation généralisée vieillesse est en effet calculée de façon à apprécier la situation démographique comparée des régimes et leurs disparités de capacité contributive, en neutralisant l'impact de la diversité des règles de liquidation des pensions. Or depuis 2013, le régime de la SNCF est devenu contributeur au titre de ce mécanisme : il devrait ainsi verser 9,6 millions d'euros de compensation en 2015 et près de 11 millions d'euros en 2016. Le montant de compensation généralisée vieillesse versée par le régime de la RATP tend par ailleurs à s'accroître : elle devrait passer de 24,6 millions d'euros en 2013 à 28,5 millions d'euros en 2016. Les principaux régimes bénéficiaires de la compensation généralisée vieillesse sont les régimes de retraite des salariés et des exploitants agricoles (Mutualité sociale agricole), le régime social des indépendants, le régime des mines et le régime des marins.

Les principales règles dérogatoires applicables aux régimes spéciaux de retraite

Les trois principaux régimes de retraite « ouverts » subventionnés par la mission, à savoir les régimes des retraites des personnels de la SNCF, de la RATP et des marins se caractérisent par des règles plus avantageuses que celles du régime général en matière d'âge de départ à la retraite et de liquidation.

Parmi les règles dérogatoires applicables au régime des marins , on peut citer :

- l'âge légal d'ouverture des droits à la retraite fixé à 55 ans (contre 62 ans pour le régime général) ;

- la liquidation de la pension de retraite sur la base des trois dernières années (en fonction du salaire forfaitaire) ;

- l' absence de mécanisme de décote et de surcote .

Les régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP se distinguent quant à eux du régime général par :

- un âge légal d'ouverture des droits de 52 ans progressivement porté à 57 ans pour le personnel roulant des deux entreprises. L'âge légal d'ouverture des droits est de 57 ans pour les autres catégories de personnels de la SNCF et de 60 ans (progressivement porté à 62 ans) pour ceux de la RATP ;

- un mécanisme de bonifications (validations gratuites de trimestres) pour les personnels recrutés avant la réforme de 2008 ;

- une liquidation de la pension sur la base des six derniers mois de salaires .

II. DES RÉGIMES SPÉCIAUX « OUVERTS » EN VOIE DE NORMALISATION ?

A. UN RAPPROCHEMENT CROISSANT AVEC LES RÈGLES DE DROIT COMMUN

1. L'application à compter de 2017 du relèvement de l'âge de départ à la retraite prévu par la réforme de 2010

Les régimes de retraite des mines, de la SEITA ainsi que les autres régimes de retraite « fermés » ont été exclus de la réforme des retraites de 2010 6 ( * ) , dans la mesure où la réforme des droits des affiliés cotisants aurait eu un impact très faible voire nul. Le régime de retraite des marins est également resté à l'écart de cette réforme, compte tenu de la forte pénibilité d'une large part des professions affiliées et des difficultés économiques touchant particulièrement le secteur de la pêche.

En revanche, la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a été transposée par voie réglementaire aux régimes spéciaux de retraite de la SNCF et de la RATP 7 ( * ) . À l'issue de l'achèvement du processus de convergence avec le régime de la fonction publique, soit à partir de 2017, l'âge légal de départ à la retraite sera ainsi progressivement relevé de quatre mois par an à partir de 2017 afin d'atteindre 57 ans pour le personnel roulant et 62 ans pour les autres catégories de personnel. Ce processus de convergence avec les règles d'âge applicables dans la fonction publique 8 ( * ) s'achèvera en 2021 .

Selon les informations transmises par le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie (MEDDE), cette convergence devrait notamment permettre de réaliser environ 45 millions d'euros d'économies sur les prestations versées par la caisse de retraite de la RATP en 2020 9 ( * ) .

2. Les premiers effets de la réforme des retraites de 2014

Les principales mesures de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système des retraites ont également été transposées par décret aux régimes spéciaux de retraite de la SNCF et de la RATP 10 ( * ) , en particulier :

- l'augmentation progressive, à compter du 1 er juillet 2019, de la durée d'assurance requise pour bénéficier d'une pension de retraite à taux plein de 167 trimestres (soit 41 ans et trois trimestres) pour les agents de la SNCF nés entre 1964 et 1965 et pour ceux de la RATP nés entre 1959 et 1960, à 172 trimestres (43 ans) pour les assurés nés à partir du 1 er janvier 1978 à la SNCF et à partir du 1 er janvier 1973 à la RATP. La durée d'assurance sera ainsi identique à celle en vigueur dans le régime général, même si son application sera plus tardive dans le régime de la SNCF ;

- la hausse des taux de cotisations salariales et patronales de 0,30 point chacun entre 2014 et 2017 , en plus des hausses déjà prévues dans le cadre de la réforme de 2008. Par conséquent, les taux de cotisation applicables dans les régimes de retraite de la RATP et de la SNCF augmenteront dans la même proportion que ceux applicables dans le régime général d'assurance vieillesse. Après avoir progressé de 4 % en 2014, le montant des cotisations devrait ainsi continuer de progresser dans le régime de la RATP en 2015 (+ 1,2 %) et en 2016 (+ 1,6 %). En revanche, dans le régime de la SNCF, les effets de la hausse des taux de cotisations seraient atténués par la baisse du nombre de cotisants. Les cotisations sociales n'y progresseraient que de 1 % en 2015 et de 0,3 % en 2016.

En outre, l'ensemble des régimes, y compris les régimes « fermés », se sont vus appliquer le report de la date de revalorisation des pensions de retraite du 1 er avril au 1 er octobre .

Au total, la réforme de 2014 sur les régimes spéciaux de retraite devrait permettre de réduire de 800 millions d'euros le déficit global de ces régimes d'ici 2020 11 ( * ) .

Taux de cotisations d'assurance vieillesse dans les régimes de la SNCF et de la RATP et dans le régime général

2013

2014

2015

2016

SNCF

Taux de cotisations salariales

7,85%

8,05%

8,15%

8,20%

Taux de cotisations patronales

34,46%

35,18%

35,58%

35,84%

dont taux T1*

23,11%

23,60%

23,86%

24,03%

dont taux T2*

11,35%

11,58%

11,72%

11,81%

RATP

Taux de cotisations salariales*

12%

12,20%

12,30%

12,35%

Taux de cotisations patronales

18,06%

18,45%

18,71%

18,76%

Régime général

Taux de cotisation salariale**

6,85%

7,05%

7,15%

7,25%

Taux de cotisation patronale***

10,00%

10,20%

10,30%

10,40%

* Le taux de cotisation à la charge de la SNCF en tant qu'employeur est la somme de deux composantes : le taux T1 est déterminé afin de couvrir, déduction faire des cotisations salariales, le montant qui serait dû si les salariés relevaient du régime général et des régimes de retraite complémentaires obligatoires ; le taux T2 est destiné à contribuer forfaitairement au financement des droits spécifiques de retraite du régime spécial.

** Cotisations plafonnée et déplafonnées au régime de base (hors Arrco).

*** Cotisations base + cotisations de l'association de retraite pour le régime de retraite complémentaire des salariés (Arrco).

Source : rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale (septembre 2015)

3. L'observation d'un recul de l'âge moyen de départ à la retraite

La montée en charge des réformes intervenues depuis 2008 conduisent à une augmentation progressive de l'âge moyen de départ à la retraite, y compris dans les régimes spéciaux.

Ainsi, les agents de la SNCF , tous personnels confondus, sont partis en moyenne à 56 ans et 4 mois en 2014 , soit environ trois mois plus tard qu'en 2013 . Il existe toutefois un écart entre le personnel roulant, dont l'âge de départ moyen se situait à 52 ans et 4 mois, et les autres agents, partis en moyenne à 56 ans et 7 mois. Les assurés de l' ENIM ont quant à eux liquidé leur pension de retraite en moyenne à 58 ans et demi ; ce régime compte toutefois un grand nombre de poly-pensionnés.

Le régime de retraite de la RATP demeure celui dans lequel l'âge de départ à la retraite est le plus précoce puisqu'il était de 54 ans et 6 mois en 2014 . Celui-ci a même régressé de quatre mois par rapport à 2013.

Âge moyen de départ à la retraite dans les principaux régimes spéciaux

(en années)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données des rapports annuels de performances de la mission « Régimes sociaux et de retraite » annexés aux PLF 2013 à 2016)

Compte tenu de la spécificité de leurs règles, l'âge de départ à la retraite observé dans les régimes spéciaux demeure significativement inférieur à celui observé dans le régime général ( 63 ans en moyenne en 2014 ) et dans la fonction publique de l'État ( 61,1 ans en moyenne en 2014 ). Toutefois, il apparaît proche de l'âge de liquidation observé chez les fonctionnaires appartenant aux catégories dites « actives » de la fonction publique (par exemple, les policiers, les surveillants de l'administration pénitentiaire, des douanes ou encore les infirmiers n'ayant pas opté pour la catégorie A), qui en raison de leurs conditions spécifiques de travail bénéficient de règles d'âge plus favorables. Ces derniers ont liquidé en moyenne leur pension de retraite à 57 ans et 8 mois dans la fonction publique d'État en 2013, contre 62 ans et 5 mois pour les fonctionnaires dits « sédentaires ».

Observation n° 3 : si l'âge de départ à la retraite dans les régimes spéciaux (56 ans et 4 mois à la SNCF et 54 ans et 6 mois à la RATP en moyenne en 2014) demeure significativement inférieur à celui observé dans le régime général, les mesures de convergence, en particulier l'application à compter de 2017 de la réforme des retraites de 2010 , devraient permettre de réduire cet écart.

B. LA PARTICIPATION DES CAISSES DES RÉGIMES SPÉCIAUX AUX EFFORTS DE MAÎTRISE DE LA DÉPENSE

1. Des objectifs de diminution des frais de fonctionnement et des effectifs

En contrepartie du financement par la solidarité nationale des déficits structurels des régimes spéciaux, le Gouvernement a renforcé l'encadrement des frais de gestion des différentes caisses dans le cadre des conventions d'objectifs et de gestion (COG). Il est ainsi demandé à l'ensemble des organismes de sécurité sociale, dont les caisses gestionnaires de régimes spéciaux, de réduire de 15 % leurs frais de fonctionnement sur quatre ans et de 2 % à 2,5 % leurs effectifs par an .

S'agissant de la caisse de retraite du personnel de la SNCF , la COG 2014-2017 prévoit une baisse d'environ 2 millions d'euros des dépenses de fonctionnement (hors personnel) sur la période. Le projet annuel de performances de la mission « Régimes sociaux et de retraite » fixe ainsi un objectif de diminution du ratio mesurant les dépenses de gestion pour un euro de prestations servies de 0,47 centime en 2015 à 0,43 centime en 2017. Toutefois, la prévision actualisée indique que les coûts de gestion, y compris charges de personnel, devraient augmenter en 2015 en raison de la hausse du coût moyen par agent.

Après une augmentation en raison de la réalisation d'investissements informatiques et de la mise en place d'une plate-forme téléphonique, les coûts de gestion de la caisse de retraite du personnel de la RATP devraient diminuer d'environ 3,8 % en 2016 pour s'établir à 6,4 millions d'euros , soit un ratio de 0,59 centime par euro de prestation servie. En 2014, la dématérialisation du bulletin de pension et la diminution du nombre d'agents recrutés sous le statut de la RATP avaient déjà permis de limiter la progression des dépenses de fonctionnement.

En tant qu'opérateur de l'État, l' ENIM est également soumis à un encadrement de ses dépenses de fonctionnement. Ces dernières années, en parallèle de la modernisation du régime, à travers la réalisation d'investissements informatiques, les efforts ont principalement porté sur les effectifs qui ont diminué de 16 % depuis 2011 (344 équivalents temps pleins en 2015). Une suppression de 8 équivalents temps plein travaillés (ETPT) est à nouveau prévue en 2016. La masse salariale continue toutefois d'augmenter en raison de la proportion plus importante de cadres de catégorie A, qui assurent de nouvelles missions développées par la caisse (relation précontentieuse, maîtrise des risques, lutte contre la fraude). La subvention pour charges de service public versée à l'ENIM devrait s'élever à 9,85 millions d'euros en 2016 en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, soit une baisse de 4 % par rapport à l'exercice 2015.

Par ailleurs, la gestion des prestations d'assurance vieillesse du régime des mines est déléguée à la Caisse des dépôts et consignations, qui est rémunérée à ce titre par la Caisse autonome de sécurité sociale dans les mines (CASSM). La dernière COG entre la Caisse des dépôts et consignations et l'État prévoit une diminution des frais de gestion de 13 % entre 2011 et 2015. La gestion du régime de la SEITA est quant à elle déléguée à l'association pour la prévoyance collective (APC) depuis 1995.

Évolution des dépenses de gestion des principaux régimes spéciaux de retraite

(coûts de gestion en millions d'euros)

(ratio de coûts de gestion en centimes d'euros)

2013

2014

Prévision 2015

Prévision 2016

Cible 2017

SNCF

Coûts de gestion

23,6

22,5

24,7

23,1

< 23,8

Ratio*

0,44

0,42

0,47

0,43

< 0,43

RATP

Coûts de gestion

5,59

5,54

6,71

6,45

< 6,453

Ratio*

0,54

0,53

0,62

0,59

< 0,56

ENIM

Coûts de gestion

9,2

8,9

9,7

9,4

9,0

Ratio*

0,84

0,81

0,91

0,89

0,84

Mines**

Coûts de gestion

21,0

20,5

19,8

19,0

18,3

Ratio*

1,25

1,27

1,27

1,26

1,23

SEITA***

Coûts de gestion

0,34

0,30

0,27

0,27

0,34

Ratio*

0,20

0,18

0,16

0,17

0,20

* Ratio : dépenses de gestion pour un euro de prestations servies

** Rémunération versée à la Caisse des dépôts et consignations pour la gestion

*** Rémunération versée à l'Association pour la prévoyance collective pour la gestion

Source : projet annuel de performances pour 2016

Dans l'ensemble, les résultats observés ces dernières années dans les différentes caisses illustrent la difficulté de ces régimes à concilier maîtrise des coûts de gestion et amélioration de la qualité du service rendu aux assurés. Néanmoins, si l'on considère les principaux régimes spéciaux de la mission, un objectif ambitieux de réduction de 4,8 % de l'ensemble des dépenses de fonctionnement est fixé pour 2016. Le coût total de la gestion des régimes de la SNCF, de la RATP, des marins, des mines et de la SEITA passerait ainsi de 61,2 millions d'euros en 2015 à 58,2 millions en 2016 pour une masse totale de prestations versées d'environ 9,2 milliards d'euros . Au-delà de cet objectif, un suivi attentif de la mise en oeuvre des COG s'avère donc nécessaire.

2. Le changement des modalités de versement des pensions de la SNCF

Selon les règles actuellement en vigueur, les pensions de retraite du régime de la SNCF font l'objet d'un versement trimestriel, au premier jour ouvrable de chaque trimestre civil. En cas de décès d'un assuré, les montants de pension versés ne donnent pas lieu à restitution. L'application de cette règle dans le cadre de versements par trimestre d'avance entraîne un surcroît de dépenses important pour le régime.

À compter du 1 er janvier 2016, le décret n° 2015-539 du 15 mai 2015 prévoit la mise en place d'un versement mensuel des pensions par la caisse de retraite du personnel de la SNCF . Cette mesure devrait permettre de réaliser 15 millions d'euros d'économies.

Observation n° 4 : comme les autres organismes de sécurité sociale, les caisses de retraite des régimes spéciaux sont incitées à participer à l'effort de maîtrise de la dépense publique. Dans le cadre des conventions d'objectifs et de gestion, elles se voient assigner des objectifs de réduction de l'ordre de 15 % de leurs dépenses de fonctionnement sur la période 2014-2017 et de leurs effectifs de 2 % à 2,5 % par an .

III. DES PERSPECTIVES DE STABILISATION À COURT TERME ET DE DIMINUTION DU BESOIN DE FINANCEMENT À MOYEN TERME

A. UNE BUDGÉTISATION RESPECTANT LA PRÉVISION DE STABILISATION DU TRIENNAL 2015-2017

Les crédits demandés en 2016 au titre de la mission « Régimes sociaux et de retraite » respectent le plafond fixé à 6,396 milliards d'euros par la loi de programmation des finances publiques couvrant la période 2014-2019. Cette dernière prévoit en effet une baisse de 0,3 % des crédits de la mission sur le triennal 2015-2017.

L'écart de 1,2 % entre le plafond prévu par la loi de programmation et le montant inscrit dans le projet de loi de finances pour 2016 provient principalement de la différence entre les niveaux d'inflation retenus lors de l'élaboration du triennal (+ 1,75 %) et l'inflation désormais attendue en 2016 (+ 1 %).

Dépassement et respect des dernières lois de programmation

(en millions d'euros de crédits de paiement)

2013

2014

2015

2016

2017

Triennal 2013-2015*

6 540

6 755

6 840

Au format 2014

6 755

Triennal 2015-2017*

6 414

6 396

6 396

Exécution 2013

6 438

Exécution 2014

6 506

LFI 2015

6 414

PLF 2016

6 320

* Programmation initiale, à périmètre courant.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données des rapports annuels de performances pour 2013 et 2014, des lois de programmation pour 2012-2017 et pour 2014-2019 et du projet de loi de finances pour 2016)

Observation n° 5 : le plafond de crédits fixé par la loi de programmation des finances publiques 2014-2019 est respecté. Le montant inscrit dans le présent projet de loi de finances est inférieur de 1,2 % au plafond du triennal , ce qui crédibilise l'objectif de stabilisation des dotations d'équilibre de l'État aux régimes spéciaux de retraite à l'horizon 2017.

B. LA BAISSE GRADUELLE DU BESOIN DE FINANCEMENT DES RÉGIMES SPÉCIAUX

Dans le cadre de l'évaluation du « hors bilan » du compte général de l'État, des simulations du besoin de financement actualisé des régimes spéciaux subventionnés (SNCF, RATP, mines, marins et SEITA) sont réalisées chaque année. Ces simulations intègrent les effets conjugués des réformes de 2008, 2010 et 2014, y compris l'augmentation de la durée d'assurance requise pour un départ à taux plein.

Le graphique ci-dessous présente l'évolution des cotisations salariales et patronales à droit constant et le besoin de financement supplémentaire annuel, compte tenu de l'évolution des prestations. On observe une diminution d'environ 2 milliards d'euros au total du besoin de financement des régimes spéciaux à l'horizon 2030 . Le besoin de financement continuerait à se réduire jusqu'en 2070 pour ensuite se stabiliser.

Financement des retraites des régimes spéciaux subventionnés

Source : compte général de l'État annexé au projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour 2014

En dépit de la diminution progressive du besoin de financement annuel, les engagements de l'État au titre de ces régimes spéciaux de retraite demeurent importants. Le besoin de financement actualisé - qui correspond aux ressources qui seraient en théorie nécessaires aujourd'hui, en étant placés au taux d'intérêt du marché, pour faire face aux déficits anticipés - est estimé à 153 milliards d'euros à l'horizon 2050 et à 274 milliards d'euros en 2114 (avec un taux d'actualisation de 0,17 %).

La différence avec l'évaluation retenue dans le cadre du compte général de l'État 2013 - 137 milliards d'euros en 2050 et 198 milliards d'euros en 2113 - correspond essentiellement à l'hypothèse de taux d'actualisation retenue (1,08 % en 2013).

Observation n° 6 : compte tenu de la diminution tendancielle du montant des subventions nécessaires pour équilibrer les régimes spéciaux, le besoin de financement des régimes financés par la mission est estimé à 153 milliards d'euros à l'horizon 2050 .

DEUXIÈME PARTIE - COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PENSIONS »

Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » retrace les opérations relatives aux pensions civiles et militaires de retraite et d'invalidité des agents de l'État . Représentant 57,2 milliards d'euros 12 ( * ) en 2015, il est structuré en trois programmes, représentant chacun une section du compte spécial :

- le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité » est consacré aux régimes de retraite et d'invalidité des fonctionnaires civils et militaires de l'État, gérés par le service des retraites de l'État ( SRE ), créé en 2009. Il représente 93 % des crédits du CAS ;

- le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État » retrace les opérations du fonds spécial des pensions des établissements industriels de l'État (FSPOEIE) et du fonds gérant les rentes d'accident du travail des ouvriers civils des établissements militaires (RATOCEM), tous deux gérés par la Caisse des dépôts et consignations. Ils représentent 3 % des crédits du CAS ;

- le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions » regroupe les pensions dues au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (PMIVG) ainsi que des pensions financées par l'État au titre d'engagements historiques et de reconnaissance de la Nation. Sa part dans les crédits du CAS « Pensions » tend à diminuer (3,5 % en 2016).

Aucune modification du périmètre ou de la maquette du CAS « Pensions » n'est prévue pour l'année 2016.

Répartition des crédits du CAS « Pensions » en 2016

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du projet annuel de performances pour 2016)

I. DES CHARGES DE PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES PESANT PRÈS DE 15 % DU BUDGET GÉNÉRAL

A. DES DÉPENSES TOUJOURS EN PROGRESSION, EN DÉPIT D'UN RÉCENT RALENTISSEMENT

Les dépenses de pensions des fonctionnaires civils et militaires de l'État et de ses opérateurs ont très fortement augmenté au cours des vingt-cinq dernières années, sous l'effet des départs à la retraite des générations issues du baby boom . Au total, en tenant compte des pensions de retraite des ouvriers d'État, les prestations versées sont passées de 19,1 milliards d'euros en 1990 à 52,7 milliards d'euros en 2014 , soit une augmentation de 176 % . Selon les prévisions du projet de loi de finances pour 2016, ces dépenses attendraient 53,9 milliards d'euros en 2016 .

Ces montants tiennent compte uniquement des pensions de retraite , ce qui explique la différence de périmètre avec les dépenses retracées dans le CAS « Pensions », qui comprennent également des allocations d'invalidité, des compensations versées à d'autres régimes ou encore des prestations ne donnant lieu à aucune cotisation 13 ( * ) .

Évolution des dépenses de pensions de retraite civiles et militaires
et des ouvriers d'État depuis 1990

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2015 et du projet annuel de performances pour 2016)

Un ralentissement de la progression des dépenses de pensions de retraite des fonctionnaires peut être observé depuis quelques années, dans un contexte de faible inflation. Entre 2013 et 2016, les dépenses ne devraient progresser que de 3,7 % après avoir enregistré une croissance de 12 % entre 2009 et 2012 et de 16 % entre 2005 et 2008.

Par comparaison, selon les données présentées à la commission des comptes de la sécurité sociale en septembre dernier, les prestations servies 14 ( * ) par la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) s'élèveraient à 113,5 milliards d'euros en 2016, soit une hausse de près de 7,5 % par rapport à 2013.

Observation n° 1 : après une augmentation de 176 % entre 1990 et 2013, les dépenses de pensions de retraite des fonctionnaires civils et militaires de l'État tendent à ralentir. Conformément aux observations formulées l'année passée, ces dernières progresseraient seulement de 3,7 % entre 2013 et 2016 , pour s'établir à 53,9 milliards d'euros (hors pensions d'invalidité et prestations ne donnant pas lieu à cotisation).

B. UNE CONTRIBUTION DE 46,1 MILLIARDS D'EUROS DE L'ETAT ET DE SES OPÉRATEURS EN 2016

En tant qu'employeurs, l'État et ses opérateurs participent pour une large part au financement des dépenses de pensions des fonctionnaires. En 2014, l'État a ainsi consacré 13,1 % du budget général 15 ( * ) , soit environ 39,7 milliards d'euros , au CAS « Pensions », tandis que le financement des dépenses de pensions civiles et militaires ne représentait que 8 % du budget de l'État en 1990.

À la contribution de l'État, s'ajoutent les contributions des opérateurs , au titre des fonctionnaires qu'ils emploient. Depuis 2013, ces contributions sont isolées au sein de la subvention pour charges de service public qui leur est versée par l'État, ce qui permet un meilleur suivi. En 2014 , elles se sont élevées à 5,3 milliards d'euros , soit 1,7 % du budget général .

Évolution du montant des contributions employeurs de l'État (T2 CAS)
et des opérateurs (T3 CAS) au CAS « Pensions »

(en milliards d'euros)

Note de lecture : la colonne gris clair correspond à l'ensemble des contributions de l'Etat et des opérateurs au CAS « Pensions » (T2 + T3 CAS) et la colonne plus foncée correspond au montant de la contribution de l'État employeur (T2 CAS).

Source : commission des finances du Sénat (à partir des réponses de la direction du budget au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial)

Au total, les contributions de l'État et des opérateurs au CAS « Pensions » se sont élevées à 45 milliards d'euros en 2014 , soit 414 millions d'euros en-deçà du montant inscrit dans la loi de finances initiale pour 2014. Elles atteindraient 45,8 milliards d'euros en 2015 et 46,1 milliards d'euros en 2016 , soit environ 15 % du budget général .

Le montant de contributions au CAS « Pensions » inscrit dans le projet de loi de finances pour 2016 (46,1 milliards d'euros) respecte le plafond du triennal 2015-2017 , fixé à 46,2 milliards d'euros pour 2016 par la loi de programmation des finances publiques 2014-2019.

Observation n° 2 : les contributions totales de l'État et de ses opérateurs au CAS « Pensions » s'élèvent à 46,1 milliards d'euros en 2016 (+ 0,7 par rapport à 2015), conformément au plafond fixé dans le cadre du triennal pour 2015-2017. Elles représentent 15 % du budget général de l'État , soit une part qui demeure stable par rapport à l'année passée.

C. DES ENGAGEMENTS DE RETRAITE ESTIMÉS À ENVIRON 1560 MILLIARDS D'EUROS FIN 2014

Au-delà de l'appréciation de la charge annuelle que représentent des pensions civiles et militaires de retraite dans le budget général, l'évaluation des engagements en matière de retraite permet de se représenter l' effort financier que devra consentir l'État pour honorer les droits à retraite déjà constitués . Publiée chaque année dans le « hors bilan » du compte général de l'État, cette évaluation consiste à estimer, à législation constante, la valeur actualisée des pensions qui seront versées aux retraités et aux actifs présents dans le régime à la date d'évaluation 16 ( * ) . Les pensions futures des actifs sont prises en compte au prorata des années de service effectuées à la date de l'évaluation, sans préjuger des recrutements futurs.

L'estimation des engagements de retraite à un moment t dépend fortement du taux d'actualisation retenu, en plus des facteurs relatifs à la démographie et aux règles du régime de retraite, et ne constitue donc qu'un ordre de grandeur. Le taux d'actualisation est choisi par référence au taux des emprunts de l'État. La présentation des résultats avec des variantes de taux d'actualisation permet d'apprécier leur sensibilité à l'hypothèse de taux d'actualisation.

Avec un taux d'actualisation de 0,17 % net d'inflation, retenu comme hypothèse centrale dans le compte général de l'État 2014, le montant total des engagements directs de l'État est estimé à 1 561 milliards d'euros au 31 décembre 2014 . Une première projection au 31 décembre 2015, évalue ces engagements à la baisse, à 1 557 milliards d'euros. La différence avec l'évaluation de 1 302 milliards d'euros au 31 décembre 2013 effectuée l'année passée tient principalement à l'écart de taux d'actualisation. En retenant un taux d'actualisation identique à celui utilisé en 2013 - soit 1,08 % - le montant des engagements est estimé à 1 305 milliards d'euros fin 2014.

Montant des engagements de retraite de l'État au 31 décembre 2014

(en milliards d'euros 2014)

Taux d'actualisation

0,17 %

0,50 %

1,00 %

1,50 %

Retraités

1 004

952

882

820

Actifs

557

507

442

388

Total

1 561

1 459

1 325

1 208

Source : compte général de l'État annexé au projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour 2014

Environ 64 % des engagements de l'État en matière de retraite concernent des agents déjà à la retraite au 31 décembre 2014. Les mesures adoptées dans le cadre des réformes de 2010 et 2014 ont donc un impact uniquement sur les 36 % d'engagements restants.

Observation n° 3 : les engagements financiers portés par l'État au titre des retraites de ses agents sont estimés à environ 1 560 milliards d'euros fin 2014, soit 75 % du produit intérieur brut (PIB) .

II. UNE BUDGÉTISATION PRUDENTE DU CAS « PENSIONS » EN 2016

A. UN COMPTE EN EXCÉDENT DE 670 MILLIONS D'EUROS, SANS MODIFICATION DES TAUX DE CONTRIBUTIONS EMPLOYEURS

Le II de l'article 21 de la loi organique relative aux lois de finances 17 ( * ) fixe une obligation d'équilibre pour tout compte d'affectation spéciale. Par conséquent, les dépenses du CAS « Pensions » doivent être strictement équilibrées par des recettes, provenant principalement des cotisations des employeurs, des salariés et des transferts entre administrations publiques et régimes de retraite.

Le projet de loi de finances pour 2016 respecte ce principe d'équilibre pour l'année 2016 et prévoit un solde en excédent de 670 millions d'euros en fin d'exercice . Ce résultat est proche du niveau d'exécution atteint en 2014 (+ 634 millions d'euros).

Équilibre en recettes et en dépenses du CAS « Pensions » en 2016

(en millions d'euros)

Programmes

Recettes

Dépenses

Solde

2014

LFI 2015

PLF 2016

2014

LFI 2015

PLF 2016

2014

LFI 2015

PLF 2016

Programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité »

52 785

53 482

54 011

52 147

52 789

53 297

638

693

713

Programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État »

1 865

1 959

1 873

1 909

1 925

1 916

-44

34

-43

Programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions »

2 263

2 128

1 991

2 224

2 128

1 991

40

0

0

Total

56 913

57 569

57 875

56 279

56 842

57 205

634

727

670

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du rapport annuel de performances pour 2014 et du projet annuel de performances pour 2016)

1. Des dépenses en faible progression (+ 0,6 %) par rapport à 2015

Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit une progression de 0,6 % des dépenses du CAS « Pensions » par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2015. Il s'agit d'une hausse équivalente à celle prévue en 2015 par rapport à 2014. Les crédits demandés pour 2016 s'élèvent ainsi à 57,2 milliards d'euros contre 56,8 milliards d'euros en 2015.

Évolution des crédits du compte d'affectation spéciale « Pensions »
par programme et par action

(en millions d'euros)

Intitulé du programme ou de l'action

Crédits de paiement

Exécution 2014

Ouverts en LFI pour 2015

Demandés pour 2016

Variation 2016/2015

Programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité »

52 146,62

52 789,40

53 297,30

1,0%

Action 1 « Fonctionnaires civils relevant du code des pensions civiles et militaires »

42 038,88

42 582,80

43 181,70

1,4%

Action 2 « Militaires relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite »

9 964,51

10 062,50

9 972,50

-0,9%

Action 3 « Allocations temporaires d'invalidité »

143,10

144,10

143,10

-0,7%

Programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État »

1 908,64

1 925,03

1 916,19

-0,5%

Action 1 « Prestation vieillesse et invalidité »

1 842,79

1 860,20

1 850,90

-0,5%

Action 3 « Autres dépenses spécifiques »

0,44

1,41

1,25

-11,3%

Action 4 « Gestion du régime »

8,00

8,10

7,90

-2,5%

Action 5 « Rentes accidents du travail des ouvriers civils des établissements militaires »

57,41

55,32

56,14

1,5%

Programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions »

2 223,77

2 127,58

1 991,16

-6,4%

Action 1 « Reconnaissance de la Nation »

813,98

785,46

757,36

-3,6%

Action 2 « Réparation »

1 364,98

1 295,55

1 189,72

-8,2%

Action 3 « Pensions d'Alsace-Lorraine »

15,33

16,00

16,00

0,0%

Action 4 « Allocations de reconnaissance des anciens supplétifs »

16,43

17,20

15,30

-11,0%

Action 5 « Pensions des anciens agents du chemin de fer franco-éthiopien »

0,07

0,06

0,06

0,0%

Action 6 « Pensions des sapeurs-pompiers et anciens agents de la défense passive victimes d'accidents »

12,62

12,99

12,44

-4,2%

Action 7 « Pensions de l'ORTF »

0,36

0,32

0,28

-12,5%

Total du CAS « Pensions »

56 279,03

56 842,01

57 204,65

0,6%

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du rapport annuel de performances pour 2014 et du projet annuel de performances pour 2016)

La prévision pour 2016 repose sur les hypothèses suivantes :

- une revalorisation de 0,6 % des pensions de retraite au 1 er octobre 2016 et de 0,2 % des pensions d'invalidité au 1 er avril 2016 , compte tenu de l'hypothèse d'inflation de 1 % retenue par le Gouvernement en 2016 (+ 0,1 % en 2015) et de la réforme des modalités de revalorisation des prestations sociales prévue par les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2016. À partir de 2016, le coefficient de revalorisation des pensions de retraite ne se fondera plus sur l'inflation prévisionnelle, corrigée de l'écart entre la prévision et la réalisation de l'année précédente, mais sur la moyenne annuelle de l'évolution des prix à la consommation hors tabac constatée sur les douze derniers mois 18 ( * ) ( cf . encadré supra ). La date de revalorisation demeure fixée au 1 er octobre pour les pensions de retraite et au 1 er avril pour les pensions d'invalidité et l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA). Selon l'évaluation préalable de l'article 33 du projet de loi de finances pour 2016, cette nouvelle modalité de revalorisation aurait un impact à la baisse de 50 millions d'euros sur les dépenses du CAS « Pensions ». Par ailleurs, le présent projet de loi de finances retient une hypothèse de gel du point d'indice de la fonction publique en 2016 ;

- un nombre de départs à la retraite identique au niveau observé en 2014 , soit environ 54 500 nouvelles liquidations de pensions de droit direct parmi les fonctionnaires civils et 11 500 parmi les militaires . Le nombre de départs serait ainsi supérieur aux départs prévus en 2015, notamment dans l'Éducation nationale. L'obligation des professeurs de premier degré de terminer l'année scolaire avant de demander la liquidation de leur pension a en effet conduit à des reports de 2015 à 2016.

Compte tenu de la prévision du nombre de « sortants » du régime (52 300 parmi les civils et 18 800 parmi les militaires), principalement pour cause de décès, et du recul progressif de l'âge légal de départ à la retraite prévu par la réforme de 2010, les effectifs de retraités continueraient de progresser faiblement (+ 1 %) . Dans le régime des pensions civiles et militaires comme dans le régime général, les flux de départs à la retraite sont heurtés et difficiles à anticiper. La montée en charge du relèvement de l'âge légal conduit en effet à des reports importants de départ d'une année sur l'autre tandis que les effets de la crise économique tendent à modifier les comportements. Malgré certaines fluctuations, l'âge moyen de départ à la retraite tend à augmenter : en 2014, les fonctionnaires civils ont été radiés des cadres à 61,1 ans en moyenne, soit deux mois plus tard qu'en 2013. Pour les personnels militaires, l'âge moyen de départ s'est établi à 47 et 5 mois en 2014.

Les deux facteurs présentés ci-dessous - faible revalorisation et flux de départs modéré - expliquent principalement l'évolution des dépenses du programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité » et du programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État ». La baisse des dépenses de pensions militaires et de pensions vieillesse et invalidité des ouvriers de l'État entre 2015 et 2016 ne serait qu'apparente dans la mesure où la prévision d'exécution pour 2015 est moins élevée que celle prévue en loi de finances initiale. Un nombre moins important de nouveaux retraités et la révision à la baisse de l'hypothèse de revalorisation (+ 0,9 % en loi de finances initiale contre + 0,1 % désormais prévu au 1 er octobre 2015) expliquent ce phénomène.

S'agissant du programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions » 19 ( * ) , ses dépenses diminueraient de 6,4 % en 2016 pour s'élever à environ 2 milliards d'euros. Les pensions pour réparation, qui représentent 60 % des dépenses du programme, tendent à diminuer en raison de la baisse du nombre de bénéficiaires.

2. Des recettes soutenues par la hausse des taux de cotisations salariales et une stabilisation des taux de contributions employeurs

Le présent projet de loi de finances prévoit une hausse des recettes du CAS « Pensions » de 0,5 % en 2016 par rapport à la loi de finances initiale pour 2015 ; les recettes s'élèveraient ainsi à 57,9 milliards d'euros . Cette prévision est réalisée par la direction du budget, compte tenu de l'évolution des assiettes de cotisation, auxquelles les taux de contributions employeurs et de cotisations salariales sont appliqués.

Depuis le début des années 2000, la masse salariale progresse peu sous l'effet du gel du point de la fonction publique et de la baisse des effectifs de cotisants. Néanmoins, le montant des cotisations salariales , retenues sur le traitement indiciaire brut des fonctionnaires civils, militaires et des ouvriers de l'État 20 ( * ) , devraient augmenter de 4,7 % en 2016 par rapport à 2015, pour s'établir à près de 5,9 milliards d'euros . La hausse des taux de cotisations salariales, amorcée en 2010 21 ( * ) afin de converger vers les taux de droit commun des cotisants du régime général (CNAV et régime complémentaire de l'Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés - Arrco), doit se poursuivre jusqu'en 2020. En outre, le décret du 2 juillet 2012 élargissant les droits au départ anticipé pour carrière longue 22 ( * ) conduit à un relèvement supplémentaire de 0,25 point entre 2012 et 2012. Enfin, une hausse de 0,3 point entre 2014 et 2017 est mise en oeuvre dans le cadre de la réforme des retraites de 2014 23 ( * ) . Au total, les cotisations salariales des fonctionnaires civils et militaires augmenteront donc de 0,4 point en 2016 , ce qui correspond à environ 530 millions d'euros de recettes supplémentaires.

Évolution du taux de cotisation salariale dans la fonction publique d'État

2012

2013

2014

2015

2016

2020

Taux de cotisation salariale

8,39 %

8,76 %

9,14 %

9,54 %

9,94 %

11,10 %

Dont effet réforme 2010

0,27 %

0,27 %

0,27 %

0,27 %

0,27 %

0,27 %

Dont effet décret de juillet 2012

0,10 %

0,05 %

0,05 %

0,05 %

Dont effet réforme 2014

0,06 %

0,08 %

0,08 %

Source : rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale (septembre 2015)

Hormis les versements de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales (CNRACL) 24 ( * ) , les contributions employeurs acquittées par les différentes entités employant des fonctionnaires civils et militaires (État, établissements publics, La Poste, Orange) constituent près de 90 % des recettes du CAS « Pensions ». Afin de maintenir le CAS « Pensions » à l'équilibre, les contributions à la charge de l'État sont en principe calculées chaque année de façon à ajuster les recettes du compte au besoin de financement du régime . Le rôle d' « équilibrage » des contributions employeurs explique leurs taux élevés, compte tenu de la situation démographique et des règles spécifiques du régime.

Il existe trois taux de contributions employeurs de l'État : un taux pour les pensions civiles, un pour les pensions militaires et un autre pour les allocations temporaires d'invalidité (ATI). Depuis 2013, ces taux sont stabilisés à un niveau élevé - une mesure exceptionnelle de baisse du taux de la contribution au titre des pensions civiles de 74,28 % à 40,28 % doit toutefois être signalée en décembre 2013. En raison de la faible progression des dépenses, les taux de contributions pour 2016 seraient donc identiques à ceux des années précédentes, soit 74,28 % du traitement indiciaire brut et des primes ouvrant droit à pension pour les civils et 126,06 % pour les militaires .

Évolution des taux des contributions employeurs de l'État

2006

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Au titre des pensions civiles

49,90 %

62,14 %

65,39 %

68,59 %

71,78 % (1)

74,28 %

74,28 %

74,28 %

Au titre des pensions militaires

100,00 %

108,63 %

114,14 %

121,55 %

126,07 %

126,07 %

126,07 %

126,07 %

Au titre des ATI

0,30 %

0,33 %

0,33 %

0,33 %

0,32 %

0,32 %

0,32 %

0,32 %

(1) Le taux pour 2013 est présenté en moyenne annuelle (74,28 % sur les onze premiers mois et 40,28 % en décembre).

Source : projet annuel de performances pour 2016

Ces taux de contributions employeurs sont ensuite appliqués à la masse salariale de chaque ministère et imputés sur les programmes des ministères employeurs en tant que dépenses de titre 2 . Le tableau ci-après indique les montants des contributions employeurs versées par chaque ministère au service des retraites de l'État (SRE) en 2014 et prévus en 2015 et 2016.

Contributions employeurs versées au CAS « Pensions »

(en millions d'euros)

Exécution 2014

LFI 2015

Prévision 2016

Affaires étrangères

165

169

166

Travail, emploi, santé

392

392

389

Agriculture

534

544

542

Culture

197

200

200

Défense

7 758

7 788

7 860

Écologie et logement

876

898

880

Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche

18 372

18 895

19 080

Finances et comptes publics

2 987

2 980

2 945

Intérieur et outre-mer

6 635

6 722

6 779

Justice

1 511

1 564

1 597

Services du Premier ministre

191

217

221

Total

39 618

40 369

40 657

Source : service des retraites de l'État (direction générale des finances publiques) et direction du budget

Observation n° 4 : après une exécution très proche de la prévision initiale en 2014, la programmation pour 2016 apparaît, comme en 2015, très prudente. Compte tenu des hypothèses de revalorisation (+ 0,6 % au 1 er octobre), d'évolution des effectifs (+ 1 %) et de progression des cotisations salariales (+ 0,4 point) retenues, les recettes du CAS « Pensions » s'élèveraient à près de 57,9 milliards d'euros et les dépenses à 57,2 milliards d'euros . À l'instar de la situation observée en 2015, l'obligation d'équilibre du compte est donc respectée (solde de + 670 millions d'euros fin 2016), sans augmentation des taux des contributions employeurs de l'État .

B. UN SOLDE CUMULÉ RECORD DE 2,9 MILLIARDS D'EUROS FIN 2016

Lors de sa création par la loi de finances initiale pour 2006, le CAS « Pensions » a été doté d'un fonds de roulement de 1 milliard d'euros . En raison des aléas de dépenses et de recettes (évolution des comportements de départ à la retraite, variation de l'inflation, évolution des assiettes des contributions et cotisations), le compte a besoin d'une trésorerie suffisante pour couvrir les éventuels écarts par rapport à la programmation initiale, en plus de la réserve minimale pour faire face au décalage temporel entre les décaissements et les encaissements.

Fin 2014, le solde cumulé a atteint 1,6 milliard d'euros , soit un niveau nettement au-dessus de celui recommandé par les précédents rapporteurs spéciaux de la commission des finances du Sénat et par la Cour des comptes. Au regard des prévisions d'exécution, le solde cumulé s'élèverait à 2,2 milliards d'euros fin 2015 et à 2,9 milliards d'euros fin 2016 .

Évolution du solde cumulé du CAS « Pensions » en fin d'année

(en milliards d'euros)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015 (p)

2016 (p)

Solde cumulé du CAS « Pensions »

0,80

1,15

1,25

1,01

0,78

0,99

1,6

2,2

2,9

Source : projet annuel de performances pour 2016

Selon les informations transmises par le service des retraites de l'État et la direction du budget, l'amélioration de la situation financière du CAS « Pensions » résulte à la fois de motifs conjoncturels et de motifs structurels :

- parmi les raisons conjoncturelles, la faible inflation , des départs à la retraite moins nombreux qu'anticipé et la censure de la réduction dégressive du taux de cotisations salariales vieillesse par le Conseil constitutionnel en août 2014 25 ( * ) sont invoqués. L'impact financier de la révision à la baisse des prévisions d'inflation pour 2014 et 2015 est notamment évalué à - 400 millions d'euros.

- parmi les raisons structurelles sont cités la montée en charge des différentes réformes des retraites ainsi que le fait que les taux de contributions employeurs au CAS « Pensions » aient été fixés « relativement haut à une période de la procédure budgétaire où les anticipations de dépenses étaient moins favorables » 26 ( * ) .

En principe, au regard du niveau élevé du solde cumulé prévu fin 2015, les taux des contributions employeurs pourraient donc être baissés, soit ponctuellement en fin d'année comme cela a été fait en décembre 2013, soit pour toute l'année 2016. Une telle opération permettrait au Gouvernement d'alléger temporairement les dépenses de personnel des ministères et des opérateurs. Le projet annuel de performances indique toutefois qu'« il n'apparaît pas souhaitable de modifier, par à-coups, le niveau des taux de contribution au CAS Pensions en budgétisation ou en cours d'année , dans la mesure où la dynamique spontanée des dépenses de pension ramènera mécaniquement le niveau du solde cumulé du CAS Pensions autour de 1 milliard d'euros . Une stabilisation des taux est donc privilégiée, de manière à atteindre ce niveau aux alentours de 2018 , en l'état actuel des dernières prévisions, sous l'effet de la croissance tendancielle de la dépense de pensions ».

Observation n° 5 : le solde cumulé du CAS « Pensions » devrait atteindre 2,2 milliards d'euros fin 2015 et 2,9 milliards d'euros fin 2016 , soit un niveau trois fois plus élevé que nécessaire pour assurer l'équilibre du compte en cours d'exercice. Cette situation reflète le choix du Gouvernement de privilégier la stabilisation des taux des contributions employeurs jusque fin 2018 , date à laquelle le niveau du solde cumulé devrait revenir à 1 milliard d'euros.

III. DES PERSPECTIVES FINANCIÈRES DE MOYEN ET LONG TERME SOUMISES À UNE INCONNUE

A. LA PRÉVISION D'UN EXCÉDENT DE FINANCEMENT À L'HORIZON 2050

L'évaluation du « besoin de financement actualisé » permet de compléter l'information concernant les perspectives financières de moyen et long termes du régime des pensions civiles et militaires de retraite. Cette approche consiste à mesurer les crédits qui seraient en théorie nécessaires aujourd'hui , en étant placés au taux d'intérêt du marché et en maintenant les taux de contributions employeurs au même niveau que celui de 2014, pour combler l'ensemble des déficits anticipés . Comme pour les engagements de l'État, cet exercice fournit principalement un ordre de grandeur dans la mesure où le résultat est très sensible au taux d'actualisation retenu.

Besoin de financement actualisé des retraites du régime
des fonctionnaires civils et militaires de l'État

Note : le solde projeté intègre uniquement les éléments techniques du régime (cotisations, contributions et prestations), sans tenir compte des compensations démographiques et des autres transferts financiers, ce qui explique que le besoin de financement cumulé ne soit pas égal à zéro en 2014.

Source : compte général de l'État annexé au projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour 2014

Sur la base d'un taux d'actualisation de 0,17 %, le besoin de financement cumulé à l'horizon 2050 est négatif : un excédent de financement de 80 milliards d'euros serait constaté . Le graphique ci-avant illustre le niveau des excédents prévus chaque année, compte tenu des taux actuels de contributions employeurs et de la hausse programmée des taux de cotisations salariales, ainsi que l'excédent de financement cumulé. Au 31 décembre 2013, avec un taux d'actualisation de 1,08 %, cet excédent était estimé à 67 milliards d'euros.

Même si elle demeure sujette à caution, cette évaluation tend à confirmer le caractère élevé des taux de contributions employeurs de l'État au CAS « Pensions », qui devraient s'avérer suffisants pour équilibrer le régime à moyen et long termes. Elle confirme également les effets sensibles de la montée en charge des réformes des retraites engagées depuis 2003 . Selon les dernières projections actualisées transmises par le service des retraites de l'État et la direction du budget, les mesures de la réforme de 2010 permettraient de diminuer de 1,71 milliard d'euros en 2015 (910 millions d'euros en dépenses et 800 millions d'euros en recettes) et de 2,17 milliards d'euros en 2016 (1,20 milliard d'euros en dépenses et 970 millions d'euros en recettes) le besoin de financement du régime des pensions civiles et militaires de retraite. Toutefois, une inconnue subsiste s'agissant de l'impact des mesures de refonte des grilles salariales et de transformation de certaines primes en points d'indices, prévues par l'accord relatif à l'avenir de la fonction publique.

B. L'ACCORD RELATIF À L'AVENIR DE LA FONCTION PUBLIQUE : QUEL IMPACT SUR LES DÉPENSES DE PENSIONS DE RETRAITE À MOYEN TERME ?

Le 30 septembre 2015, le Premier ministre, Manuel Valls, a annoncé la décision du Gouvernement de mettre en oeuvre l'accord sur la modernisation des parcours professionnels, des carrières et des rémunérations (PPCR) dans la fonction publique, en dépit de l'absence de majorité syndicale sur ce texte. Négocié depuis plus d'un an, cet accord a été signé par six organisations syndicales 27 ( * ) ne représentant que 49 % des fonctionnaires, ce qui est insuffisant pour le rendre valide, au regard des règles prévues par le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et devoirs des fonctionnaires, en cours d'examen par le Parlement.

Or un ensemble de mesures prévues par cet accord devraient avoir des répercussions sur les nouvelles pensions liquidées à moyen terme, en particulier :

- la refonte et la revalorisation des grilles de rémunération des fonctionnaires entre 2017 et 2020 dans le but de « renforcer l'attractivité des carrières de la fonction publique dans la durée et de mieux reconnaître les niveaux de qualification » 28 ( * ) ;

- la transformation de certaines primes en points d'indices afin d'amorcer « un rééquilibrage en faveur du point d'indice ». Aux termes de l'accord, « pour les fonctionnaires ne percevant actuellement que de très faibles primes ou aucune prime, cette transformation se traduira par une augmentation du traitement indiciaire et une augmentation de leur pouvoir d'achat. Pour ceux faisant valoir leur droit à la retraite, cette mesure permettra une augmentation de leur pension et de leur pouvoir d'achat » 29 ( * ) . Or les régimes de retraite de la fonction publique ne prennent en compte que le traitement indiciaire de base comme assiette de liquidation de la pension. Les primes et indemnités - qui représentent entre 20 % à 25 % des rémunérations moyennes totales de fonctionnaires - ne sont en principe pas intégrées 30 ( * ) .

Le périmètre définitif et les modalités d'application de la réforme demeurant incertains, il n'existe aujourd'hui aucune estimation du coût potentiel de ces mesures à court terme, ni aucune évaluation de leur impact sur les dépenses de pensions de retraite. En théorie, la revalorisation des grilles de rémunération et le basculement entre régime indemnitaire et indiciaire entraînerait, d'une part, une hausse des recettes de cotisations et de contributions employeurs à court terme , pour les agents actifs concernés, et, d'autre part, une augmentation à moyen terme du montant des pensions liquidées par les nouveaux flux d'agents partant à la retraite après l'entrée en vigueur de ces dispositions.

Il s'agit néanmoins d'une réforme à suivre avec attention, d'autant plus que cette dernière aura un impact non seulement sur le budget de l'État, mais aussi sur celui des établissements hospitaliers, des collectivités territoriales et de la CNRACL.

Observation n° 6 : si l'évaluation du besoin de financement actualisé du régime des fonctionnaires civils et militaires de l'État - de l'ordre de - 80 milliards d'euros à l'horizon 2050, ce qui correspond à un excédent - tend à confirmer le niveau élevé des taux actuels de contributions employeurs au CAS « Pensions », l'entrée en vigueur des mesures de revalorisation des grilles salariales et de transformations de primes en points d'indice, prévues par l'accord relatif à l'avenir de la fonction publique, pourrait entraîner une nouvelle hausse des dépenses de pensions de retraite à moyen terme .

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 20 octobre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Claude Boulard, rapporteur spécial, sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte d'affectation spéciale « Pensions ».

M. Jean-Claude Boulard , rapporteur spécial . - Je pourrais me contenter de répéter ce que j'avais dit l'année dernière sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » et sur le compte d'affectation spéciale « Pensions ». Notre rapport et nos conclusions quant à la stabilisation, voire à la baisse, du besoin de financement des régimes spéciaux et de la fonction publique se sont révélées exactes. L'année dernière, les concours de l'État au financement des régimes spéciaux avaient légèrement décru : en 2016, ils diminueront encore de 1,5 % par rapport à 2015, pour s'établir à 6,3 milliards d'euros. C'est le résultat d'une faible inflation, des réformes entreprises et notamment de la convergence des règles d'âges de départ à la retraite - je dis bien convergence et non alignement sur le régime général ou le régime de la fonction publique. Cette esquisse annoncée en 2015 se confirme pour 2016.

La contribution de l'État au CAS « Pensions », qui finance le régime de retraite des fonctionnaires civils et militaires de l'État, suit une progression extrêmement modérée de 0,7 % par rapport à 2015, après une période de progression très forte dans les années 1990 et 2000.

Nous regardons la plupart du temps l'indicateur de la dette par rapport à la richesse nationale, mais les engagements de l'État en matière de retraite des fonctionnaires représentent 75 % du produit intérieur brut (PIB) ! Seul le retour à la croissance garantira l'avenir des retraites.

Ma deuxième remarque porte sur le niveau des recettes affectées au CAS en 2016. Il est assez rare de disposer de crédits supérieurs aux besoins. Fin 2015, le solde cumulé du CAS « Pensions » s'élèvera à 2,2 milliards d'euros et à 2,9 milliards d'euros fin 2016, alors qu'un fonds de roulement de 1 milliard d'euros serait suffisant. On pourrait utiliser le surplus pour réaliser des ajustements budgétaires - j'avais d'ailleurs proposé l'an dernier qu'on prélève 1 milliard d'euros au bénéfice des collectivités territoriales - sans remettre en cause l'équilibre général.

S'agissant des récentes négociations sur les carrières de la fonction publique, je souligne que l'intégration de certaines indemnités dans le traitement indiciaire aura des conséquences sur les régimes de retraite de la fonction publique, tant au niveau de l'État que des collectivités territoriales. Aucune évaluation chiffrée n'est disponible à l'heure actuelle. Même si le dispositif est renvoyé à 2017, il est légitime de demander des précisions sur le coût de ces futures mesures.

Pour conclure, l'inscription budgétaire est sincère, la tendance à la stabilisation se confirme voire accuse un léger repli : comme l'année dernière, je vous propose donc l'adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du CAS « Pensions ».

Mme Agnès Canayer , rapporteure pour avis . - La commission des affaires sociales adoptera son rapport le 18 novembre prochain. Cette année, notre travail se focalise sur le régime social des marins. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 comporte en effet plusieurs dispositions susceptibles de présenter un impact sur son équilibre financier.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - La situation est paradoxale : alors que le solde du CAS « Pensions » est de plus en plus excédentaire - 2,2 milliards d'euros fin 2015, quand la Cour des comptes préconise 1 milliard d'euros -, les besoins de financement des régimes spéciaux sont estimés, en cumulé, à 163 milliards d'euros à l'horizon 2050. Cette présentation budgétaire est-elle toujours sincère ? La situation était déjà connue en 2013 et en 2014. En projet de loi de finances rectificative pour 2013, le Gouvernement avait en effet réduit le taux de la contribution employeur de l'État sur le mois de décembre 2013, soit une baisse de 873 millions d'euros. Ne devrions-nous pas en tirer les conséquences ? Voyez le paradoxe : nos régimes spéciaux sont loin d'être équilibrés, l'âge de départ en retraite reste très inférieur à celui des salariés du privé et du public, or le CAS relatif aux pensions civiles et militaires est très excédentaire...

M. Roger Karoutchi . - Il y a quelques jours, le Président de la République a déclaré que l'équilibre de notre système de retraite serait préservé et sauvegardé « au moins jusqu'en 2030 » - ce sont ses mots. En même temps, les difficultés des régimes de retraite complémentaires nécessitent des mesures pour les préserver. Au vu des derniers décomptes, pensez-vous que notre système de retraites puisse être sauvegardé pour les quinze prochaines années sans mesures supplémentaires ?

M. Michel Bouvard . - Nous pouvons réaliser des économies sur la gestion des régimes spéciaux. L'année dernière, quelques-uns ont été regroupés : ainsi, le régime de retraite des mines est désormais géré par la Caisse des dépôts et consignations. Certains régimes spéciaux ont des frais exorbitants et, malgré les rapports de la Cour des comptes, ne réussissent pas à se transformer et à mutualiser leurs moyens. L'Établissement national des invalides de la marine (ENIM), par exemple, a des frais de gestion très élevés. Comment faire bouger les choses ? En déposant des amendements ? La mutualisation ne porterait préjudice à personne et permettrait de réaliser des économies substantielles pour le bénéfice de la collectivité.

M. Jean-Claude Boulard , rapporteur spécial . - En tant qu'ancien secrétaire général de la marine marchande, il m'est difficile de répondre, car j'ai défendu ce régime pendant des années...

M. Michel Bouvard . - Vous n'étiez pas visé !

M. Jean-Claude Boulard , rapporteur spécial . - Tous ces régimes devraient réduire leurs frais de fonctionnement en 2016. Continuons à envoyer ce message : il est essentiel de poursuivre les regroupements et d'avoir une meilleure articulation pour maîtriser les dépenses de fonctionnement.

Le rapporteur général a raison s'agissant du fonds de roulement du CAS « Pensions » qui a un excédent de 2,9 milliards d'euros, au-delà des besoins. Nous avions déjà soulevé cette question l'année dernière. Faut-il réajuster, redéployer, demander un geste sur une autre mission ? Nous avons une marge, c'est le seul endroit du budget où il y un excédent !

La question de la viabilité des régimes vaut pour tous les régimes de retraite. Les écarts d'âge de départ à la retraite sont importants : entre 54 ans et 56 ans pour la Régie autonome des transports parisiens (RATP) et la société nationale des chemins de fer (SNCF), 63 ans en moyenne pour le régime général et 61 ans pour la fonction publique d'État. Cela continuera à faire débat au sein de la société. Notre pays est corporatiste, il a créé des régimes de retraite profession par profession. Pourquoi ne pas considérer qu'exception faite des métiers pénibles, les mêmes droits et les mêmes contributions aboutissent aux mêmes avantages ? Nous pourrions cheminer sur cette voie, de la même manière que nous avons supprimé le privilège des bouilleurs de cru : ceux qui bénéficient du régime le conservent, ceux qui entrent dans le nouveau régime se voient appliquer la réforme. Si nous l'avions fait il y a trente ans, nous aurions résorbé les différences tout en conservant les droits acquis.

Les engagements de retraite de l'État représentent 75 % du PIB, il faut le rappeler ! Dans un régime de répartition, le financement des pensions repose sur la création de richesse. Si la croissance ne repart pas, les niveaux de pension seront remis en cause. Sans croissance, point de salut. La convergence progressive est pertinente. Je propose un avis favorable sur la mission et le CAS car les chiffres sont sincères et la tendance à la stabilisation se confirme.

M. Daniel Raoul . - Parfait.

M. Francis Delattre . - Agnès Canayer citait le régime des marins - sur lequel j'ai rédigé un rapport il y a 18 mois. L'ingénierie informatique de ce régime s'est récemment rapprochée de celle du régime général de la sécurité sociale. Dans les ports français, au sein des quartiers des affaires maritimes, la personne en charge traite de multiples sujets ; la sécurité sociale et le régime de retraite des marins est le cadet de ses soucis. C'est pourquoi les armateurs se rendent dans les îles anglo-normandes : en quarante-huit heures, tout est réglé ! Cela explique le grand écart entre le nombre de cotisants et le nombre de bénéficiaires.

M. Michel Bouvard . - Cela explique la voie d'eau !

M. Francis Delattre . - Cela a été largement compensé. Désormais, quatre centres gèrent l'ensemble.

M. Michel Bouvard . - C'est trois de trop !

M. Francis Delattre . - Le problème est que lorsqu'un magnifique navire quitte Saint-Nazaire, seuls 10 % des mille marins sont affiliés au régime social français.

M. André Gattolin . - Pardonnez une question de béotien : je m'étonne du poids des pensions militaires dans le total : est-il lié à l'évolution démographique, à un départ en retraite plus précoce, à l'évolution des effectifs ?

M. Jean-Claude Boulard , rapporteur spécial . - C'est lié à un départ à la retraite très précoce, vers 47 ans en moyenne, autorisé par le statut militaire, ainsi qu'à la possibilité de cumul de la pension avec un emploi. On comprend qu'il puisse y avoir une vie civile après la vie militaire...

M. André Gattolin . - C'est donc structurel.

M. Daniel Raoul . - L'avancement de grade automatique six mois avant la retraite est-il toujours de mise ?

M. Jean-Claude Boulard , rapporteur spécial . - Les fameux généraux « quart-de-place »... Le vieux colbertiste que je suis plaide plutôt pour la sauvegarde de l'ENIM, qui fait partie de notre histoire ! M. Michel Bouvard . - Depuis les demi-soldes, on est devenu prudent.

M. Georges Patient , président . - Nous allons procéder au vote.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je m'abstiendrai, non pas par méfiance envers le rapporteur, mais parce qu'un travail reste à faire sur les régimes spéciaux - le personnel roulant de la SNCF part à la retraite à 52 ans et 4 mois ! Le CAS « Pensions » a de plus des moyens largement supérieurs à ses besoins de financement ; le Gouvernement déposera probablement un amendement à ce sujet lors du collectif budgétaire. Fin 2013, il avait réduit les crédits du CAS de 873 millions d'euros ! On pourrait utiliser l'excédent pour réduire les contributions patronales plutôt que de sur-prélever les collectivités locales.

M. Roger Karoutchi . - Nous suivons le rapporteur général.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».


* 1 Un régime de retraite est dit « fermé » lorsqu'il n'accueille plus aucun nouvel affilié.

* 2 Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.

* 3 Décrets n° 2014-668 du 23 juin 2014 relatif au régime spécial de retraite de la RATP et n° 2014-772 du 27 juin 2014 relatif au régime spécial de retraite du personnel de la SNCF.

* 4 Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

* 5 Ratio pondéré des pensions de réversion.

* 6 Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

* 7 Décrets n° 2011-292 relatif au régime spécial de retraite du personnel de la RATP et n° 2011-291 du 18 mars 2011 relatif au régime spécial de retraite du personnel de la SNCF.

* 8 Comme dans la fonction publique, les régimes de retraite de la RATP et de la SNCF prévoient des conditions de départ à la retraite spécifiques plus favorables pour les personnels dits « actifs » exerçant des activités considérées comme pénibles.

* 9 En tenant compte des effets cumulés de la réforme des régimes spéciaux de 2008 et de la réforme de 2010.

* 10 Décret n° 2014-712 du 27 juin 2014 relatif au régime spécial de retraite du personnel de la SNCF et décret n° 2014-668 du 23 juin 2014 relatif au régime spécial de retraite du personnel de la RATP.

* 11 Étude d'impact annexée au projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.

* 12 En autorisations d'engagement (AE) = crédits de paiement (CP).

* 13 Traitements attachés à la Légion d'honneur et à la médaille militaire, pensions du régime des cultes d'Alsace-Lorraine, allocations de reconnaissance des anciens supplétifs d'Algérie etc.

* 14 Ensemble des prestations légales nettes « vieillesse » (droits propres et droits dérivés), y compris le minimum vieillesse.

* 15 Dépenses du budget général nettes des remboursements et dégrèvements, hors prélèvements sur recettes.

* 16 Plus précisément, la méthode dite des unités de crédits projetés est utilisée pour évaluer les engagements de retraite de l'État. Cette méthode, validée par le comité des normes, est préconisée par la norme comptable IAS 19 pour estimer les avantages de personnel et en particulier les avantages de retraite à prestations définies.

* 17 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 18 En partant de l'avant dernier mois qui précède la date de revalorisation des prestations concernées.

* 19 Pour mémoire, il s'agit d'un « programme miroir » : à chacune de ses actions correspond une dépense inscrite sur un « programme support » du budget général.

* 20 Hors cotisations salariales des agents d'Orange société anonyme (SA) et de La Poste.

* 21 Article 42 de la loi n° 210-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites et décret d'application n° 2010-1749 du 30 décembre 2010.

* 22 Décret n° 2012-847 du 2 juillet 2012 relatif à l'âge d'ouverture du droit à pension de vieillesse.

* 23 Décret n° 2013-1290 du 27 décembre 2013 modifiant les taux des cotisations d'assurance vieillesse de divers régimes de sécurité sociale et des cotisations d'allocations familiales.

* 24 La CNRACL reverse chaque année, au régime des pensions civiles et militaires, les cotisations et contributions perçues au titre des fonctionnaires de l'État ayant intégré la fonction publique territoriale. Ce versement tend à diminuer en raison de la baisse du nombre de cotisations. Il s'élèverait à 554,8 millions d'euros en 2016 contre 581,3 millions d'euros en 2014.

* 25 Décision n° 2014-698 DC du 6 août 2014 (loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014).

* 26 Réponse du service des retraites de l'État et de la direction du budget au questionnaire de votre rapporteur spécial.

* 27 La CFDT, l'UNSA, la FSU, la CFE-CGC, la CFTC et la FA-FP ont signé l'accord, tandis que la CGT, FO et Solidaires ont refusé de le signer.

* 28 Accord relatif à l'avenir de la fonction publique : la modernisation des parcours professionnels, des carrières et des rémunérations, page 10.

* 29 Ibid ., page 8.

* 30 En revanche, les primes et indemnités donnent lieu à une cotisation au régime additionnel de la fonction publique (RAFP).

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