Rapport général n° 164 (2015-2016) de M. Philippe DOMINATI , fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2015

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N° 164

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2015

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2016 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES

ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

( Seconde partie de la loi de finances )

ANNEXE N° 29 a

SÉCURITÉS
(GENDARMERIE NATIONALE ; POLICE NATIONALE)

Rapporteur spécial : M. Philippe DOMINATI

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André, présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung, vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc, secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 3096, 3110 à 3117 et T.A. 602

Sénat : 163 et 165 à 170 (2015-2016)

Le présent rapport a été rédigé avant le dépôt de l'amendement du Gouvernement visant à mettre en oeuvre les annonces faites par le Président de la République devant les parlementaires réunis en Congrès le lundi 16 novembre 2015, à la suite des attaques terroristes survenues à Paris le vendredi 13 novembre 2015.

Compte tenu de cet amendement, qui bouleverse la mission « Sécurités » en proposant une hausse des crédits de 340 millions d'euros en 2016, la commission des finances, réunie le jeudi 26 novembre 2015 sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Sécurités » tels que modifiés par cet amendement, auquel elle a donné un avis favorable.

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Les attaques terroristes de janvier 2015 ont bouleversé la hiérarchie des préoccupations des Français. Si le chômage reste mentionné comme le problème le plus préoccupant par 38,3 % de la société française (- 8,4 points sur un an), le terrorisme remplace la pauvreté (- 2,7 points sur un an) à la deuxième place (17,7 %, + 15,1 points sur un an), juste devant la délinquance. Il ne fait aucun doute que les attentats du 13 novembre 2015 vont faire de la lutte contre le terrorisme la principale préoccupation des Français.

2. Ce bouleversement se traduit par un surcroît important d'activité pour les forces de sécurité intérieure , qui sont confrontées à une hausse sans précédent de la menace terroriste et à une crise migratoire de grande ampleur. Votre rapporteur spécial tient à saluer le dévouement des policiers et gendarmes, qui ont fait face avec courage et détermination à ces défis nouveaux.

3. Dans ce contexte, un plan de lutte anti-terroriste et un plan « migrants » ont été annoncés, en complément du renforcement des effectifs prévu par la loi de programmation des finances publiques (LPFP). Au total, les forces de police et de gendarmerie devraient bénéficier en 2016 d'une hausse des crédits de paiement de 0,9 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015.

4. Cette hausse modérée montre que le Gouvernement n'a pas encore pleinement pris la mesure de la gravité de la situation. À titre de comparaison, la hausse des crédits de paiement en exécution était de 3,5 % en 2009, de 2,6 % en 2011 et de 2 % en 2013, alors même que ces exercices n'ont pas été marqués par un renforcement particulier du niveau de la menace.

5. Depuis 2012, le Gouvernement a fait le choix idéologique de concentrer l'effort budgétaire sur les créations d'emplois. Pourtant, les comparaisons internationales ne témoignent pas d'une sous-dotation des forces de sécurité intérieure de notre pays, bien au contraire. Parmi nos principaux voisins européens, un seul (l'Italie) a des effectifs supérieurs aux nôtres.

6. Si la menace terroriste, qui pèse de manière asymétrique sur notre pays, peut justifier un renforcement des effectifs, ces créations de postes masquent une « paupérisation » des deux forces, qui ne disposent plus des moyens en fonctionnement et en investissement pour assurer leurs missions. Une comparaison entre l'exécution budgétaire 2009 et les crédits demandés pour 2016 montre ainsi que pour des effectifs comparables, les moyens de fonctionnement et d'investissement sont inférieurs de 336 millions d'euros en 2016.

7. À titre d'illustration, le maintien du parc automobile en l'état nécessiterait l'achat de plus de 6 600 véhicules par an sur la période 2015-2017. Pourtant, le montant alloué à l'achat de véhicules dans chacun des deux programmes est de seulement 40 millions d'euros, ce qui ne permettra d'acquérir que 4 000 véhicules en 2016. Aucune mesure d'exception comparable à ce qui avait été réalisé en 2009 dans le cadre du plan de relance, avec l'achat de près de 9 000 véhicules, n'a été décidée. En la matière, il est regrettable que le Gouvernement actuel ne fasse pas preuve de la même réactivité en 2015, face à la crise sécuritaire, que son prédécesseur en 2009, face à la crise financière.

8. Afin de dégager des marges de manoeuvre sur le plan budgétaire, une stratégie fondée sur la rationalisation des tâches et la mutualisation des moyens doit être poursuivie. En la matière, la dynamique engagée en 2009 avec le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur a été interrompue.

9. Les annonces de ces dernières semaines - « plan interne de simplification », nouveaux redéploiements des zones de compétences, etc. - témoignent d'une prise de conscience très tardive de ces enjeux. Il est particulièrement regrettable qu'une manifestation de plusieurs milliers de policiers sur la place Vendôme, à l'appel de l'ensemble des syndicats représentatifs, ait été nécessaire pour que le Gouvernement décide de s'engager dans cette voie.

10. Il est difficile de se prononcer sur l'évolution de la délinquance, en raison de l'existence de ruptures statistiques. Toutefois, les chiffres retraités par le nouveau service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) mettent en évidence une hausse de la délinquance au cours des derniers mois . Cette évolution doit être surveillée car elle pourrait être le signe d'une dégradation de la situation des services généralistes chargés de la lutte contre les formes classiques de délinquance, la hausse des effectifs et des moyens étant concentrée sur les services spécialisés (et notamment les quatre services concourant au renseignement intérieur).

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 100 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteur spécial.

ANALYSE GÉNÉRALE DE LA MISSION

I. UNE HAUSSE SYMBOLIQUE DES CRÉDITS QUI N'EST PAS À LA HAUTEUR DE LA GRAVITÉ DE LA SITUATION

A. UNE SITUATION DOUBLEMENT EXCEPTIONNELLE POUR LES FORCES DE SÉCURITÉ

Les attaques terroristes de janvier 2015 ont bouleversé la hiérarchie des préoccupations des Français. Si le chômage reste mentionné comme le problème le plus préoccupant par 38,3 % de la société française (- 8,4 points sur un an), le terrorisme remplace la pauvreté (- 2,7 points sur un an) à la deuxième place (17,7 %, + 15,1 points sur un an), juste devant la délinquance.

Proportion de personnes ayant cité le terrorisme comme le problème le plus préoccupant parmi la liste de 8 problèmes proposés

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données des enquêtes « Cadre
de vie et sécurité » 2007 à 2015, Insee-ONDRP)

Il ne fait aucun doute que les attentats du 13 novembre 2015 vont faire de la lutte contre le terrorisme la principale priorité des Français.

Ce bouleversement concerne également les forces de sécurité intérieure . De l'avis de l'ensemble des personnes entendues dans le cadre des auditions et des déplacements menés par votre rapporteur spécial, policiers et gendarmes sont confrontés depuis le début de l'année 2015 à une situation doublement exceptionnelle .

1. Une hausse sans précédent de la menace terroriste

Policiers et gendarmes sont d'abord confrontés à une hausse sans précédent de la menace terroriste.

Après les attentats de janvier 2015, 4 700 agents des forces de sécurité intérieure et 10 000 militaires ont ainsi été déployés , principalement dans le but d'assurer la protection des lieux sensibles 1 ( * ) . Le niveau d'alerte attentat du plan Vigipirate reste aujourd'hui en vigueur dans la région Île-de-France 2 ( * ) .

Les forces affectées aux gardes à domicile et à la protection de personnalités ont également été fortement mobilisées. À titre d'illustration, pour la direction centrale de la sécurité publique (DCSP), les heures fonctionnaires consacrées à ces activités au cours du premier semestre 2015 représentent 99,5 % du temps consacré à ces missions pour l'ensemble de l'année 2014 3 ( * ) . Dans ce contexte, plusieurs membres du service de la protection (SDLP), dont les 700 effectifs sont chargés de la protection d'environ 150 personnalités, ont récemment annoncé leur intention de porter plainte contre X pour dénoncer leur rythme de travail 4 ( * ) .

Pour les agents des services de renseignement, le défi est d'autant plus important que la menace terroriste pèse de manière asymétrique sur la France.

À titre l'illustration, d'après les données du Centre international pour l'étude de la radicalisation et de la Conférence sur la sécurité de Munich, notre pays est deux fois plus touché par le phénomène des combattants étrangers que le Royaume-Uni et l'Allemagne et près de dix fois plus que l'Espagne et l'Italie 5 ( * ) .

Nombre de combattants étrangers pour un million d'habitants

Pays

Combattants étrangers pour un million d'habitants

Belgique

40

Danemark

27

Suède

19

France

18

Autriche

17

Pays-Bas

14,5

Finlande

13

Norvège

12

Royaume-Uni

9,5

Allemagne

7,5

Irlande

7

Suisse

5

Espagne

2

Italie

1,5

Note de lecture : depuis le début de l'année 2015, le nombre de combattants étrangers serait passé de 1 200 à 1 700 pour la France, soit désormais 26 combattants pour un million d'habitants.

Source : ICSR

Or le nombre de combattants de retour dans leur pays d'origine apparaît en nette hausse. Ainsi, au sein d'un échantillon récemment étudié par le Centre international pour l'étude de la radicalisation, 60 % des cas de retour ont été enregistrés au cours des huit premiers mois de l'année 2015 et près d'un tiers lors du dernier trimestre d'observation 6 ( * ) .

Pour les services, cette augmentation de la menace terroriste se traduit par un surcroit d'activité important. Ainsi, lors d'un séminaire récemment organisé par l'ONU sur les moyens de traduire les terroristes en justice, les experts ont mis en évidence que le nombre d'affaires de terrorisme liées au conflit en Syrie a connu une augmentation de 200 % en moins d'un an en France 7 ( * ) .

En parallèle, les forces de police et de gendarmerie sont également confrontées à une crise migratoire de grande ampleur.

2. Une crise migratoire de grande ampleur

L'Union européenne fait face à une arrivée massive de demandeurs d'asile en provenance de Syrie, d'Irak, d'Afghanistan, d'Érythrée et du Kosovo.

L'Agence Frontex estime ainsi que plus de 710 000 migrants sont entrés en Europe au cours des neuf premiers mois de 2015, contre 282 000 pour la totalité de l'année 2014 . Pour sa part, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) indique que 590 000 personnes sont arrivées clandestinement par la mer en Europe au cours de la même période.

Si la situation de la France n'a rien de comparable avec celle des pays de première entrée, le ministère de l'intérieur est chargé de mettre en oeuvre les mesures d'accueil de 30 783 demandeurs d'asile en France, conformément aux décisions du Conseil européen de septembre 2015.

Surtout, la sécurisation de certains points de passage (Calais et Vintimille principalement) et le démantèlement des filières nécessitent une mobilisation croissante des forces de sécurité intérieure.

Évolution du nombre de migrants dans la ville de Calais et ses environs

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de la Préfecture du
Pas-de-Calais, du ministère de l'intérieur et les sources ouvertes disponibles)

Ainsi, le nombre de migrants à Calais a été multiplié par quinze entre avril 2014 (400) et octobre 2015 (6 000).

Pour faire face à cette situation, les effectifs des forces mobiles à Calais ont été considérablement renforcés, témoignant du caractère exceptionnel de la situation. Dans un premier temps, 225 gendarmes mobiles et 440 CRS ont été mobilisés. Compte tenu de la dégradation de la situation en octobre, avec un doublement du nombre de migrants en quelques semaines, l'arrivée de 300 gendarmes mobiles et 160 CRS supplémentaires a été décidée, portant ainsi à 1 125 les effectifs des unités de forces mobiles présentes sur la zone, en complément des effectifs locaux 8 ( * ) . D'après les dernières informations disponibles 9 ( * ) , cette mobilisation aurait contribué à la diminution de 6 000 à 4 500 du nombre de migrants observée début novembre.

Face à cette situation exceptionnelle, deux plans spécifiques ont été annoncés en janvier et en septembre 2015 pour renforcer les effectifs et les moyens des deux forces.

B. FACE À CE DÉFI, UN BUDGET « USUEL »

1. La mise en oeuvre du plan de lutte anti-terroriste et du plan « migrants »

Tout d'abord, les forces de police et de gendarmerie bénéficieront de la majorité des moyens supplémentaires annoncés par le Premier ministre le 21 janvier 2015 dans le cadre du plan de lutte anti-terroriste (PLAT).

Le ministère de l'intérieur doit bénéficier entre 2015 et 2017 de 1 400 créations d'emplois additionnelles , dont 1 100 au sein des services de renseignement, ainsi que de 233 millions d'euros supplémentaires pour les dépenses d'investissement et de fonctionnement , pour un montant total de 340 millions d'euros entre 2015 et 2017.

Pour les seuls programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale », 945 créations d'emplois et 126 millions d'euros de crédits de fonctionnement et d'investissement sont prévus pour 2015 et 2016.

État de mise en oeuvre du PLAT au sein des deux programmes

(en ETP et millions d'euros)

2015

2016

Total

Créations d'emplois

500

445

945

Dépenses de personnel

25,8

36,1

61,9

Crédits de fonctionnement et investissement

84,5

47,6

132,1

Note : les montants indiqués en 2015 correspondent aux crédits ouverts par le décret n° 2015-402 du 9 avril 2015 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

La mise en oeuvre du PLAT explique l'essentiel de l'écart entre les crédits initialement demandés et la trajectoire pluriannuelle définie dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques (LPFP).

Écart entre la LPFP et les crédits de paiement demandés dans le PLF 2016

(en millions d'euros)

LPFP

PLF 2016

Écart

Police nationale

Dépenses de personnel HCAS

5 847,5

5 878,2

30,7

Autres dépenses

965,2

981,7

16,5

Gendarmerie nationale

Dépenses de personnel HCAS

3 710,7

3 726,4

15,7

Autres dépenses

1 220,5

1 225,7

5,2

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses du ministère de l'intérieur au questionnaire)

Une partie de l'écart constatée sur les dépenses de personnel peut toutefois être expliquée par des mesures catégorielles non prévues par la LPFP. Il s'agit principalement de la revalorisation de l'indemnité journalière d'absence temporaire des forces mobiles (8,5 millions d'euros) et du rattrapage du nouvel espace statutaire concernant les catégories B de la fonction publique (7,3 millions d'euros).

Au total, une hausse de 0,8 % des crédits de paiement était ainsi prévue en 2016 pour les deux programmes.

Évolution des autorisations d'engagement et des crédits de paiement
des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale »

(en millions d'euros)

Action

LFI 2015

PLF 2016

Variation

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Police nationale

01 - Ordre public et protection de la souveraineté

1 145

1 145

1 152

1 152

0,6 %

0,6 %

02 - Sécurité et paix publiques

3 092

3 092

2 999

2 999

- 3 %

- 3 %

03 - Sécurité routière

501

501

461

461

- 8,1 %

- 8,1 %

04 - Police des étrangers et sûreté des transports internationaux

650

650

727

727

11,9 %

11,9 %

05 - Missions de police judiciaire et concours à la justice

2 463

2 463

2 514

2 514

2,1 %

2,1 %

06 - Commandement, ressources humaines et logistique

1 805

1 839

1 916

1 919

6,2 %

4,3 %

Sous-total

9 656

9 690

9 770

9 772

1,2 %

0,9 %

Gendarmerie nationale

01 - Ordre et sécurité publics

3 192

3 192

3 145

3 145

- 1,4 %

- 1,4 %

02 - Sécurité routière

767

767

745

745

- 3 %

- 3 %

03 - Missions de police judiciaire et concours à la justice

1 779

1 779

1 896

1 896

6,6 %

6,6 %

04 - Commandement, ressources humaines et logistique

2 180

2 163

2 350

2 202

7,8 %

1,8 %

05 - Exercice des missions militaires

157

157

133

133

- 15 %

- 15 %

Sous-total

8 074

8 058

8 270

8 122

2,4 %

0,8 %

Total

17 730

17 748

18 040

17 894

1,7 %

0,8 %

Source : commission des finances (d'après les documents budgétaires)

Compte tenu de l'évolution de la situation migratoire en Europe, la mise en oeuvre d'un plan « migrants » a également été annoncée par le Premier ministre le 16 septembre 2015.

Pour les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale », ce plan doit se traduire par la création de 900 emplois supplémentaires en 2016, dont 190 pour la préfecture de police de Paris, 300 pour les CRS, 40 pour la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF) et 370 pour les gendarmes mobiles.

Afin de financer ces créations d'emplois, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du rapporteur spécial, l'amendement n° 228 du Gouvernement, qui prévoit un abondement supplémentaire de 42,5 millions d'euros pour les deux programmes :

- le programme 176 « Police nationale » bénéficie de 22,6 millions d'euros en AE et en CP, dont 16 millions d'euros en titre 2 ;

- le programme 152 « Gendarmerie nationale » bénéficie de 19,9 millions d'euros en AE et en CP, dont 12,7 millions d'euros en titre 2.

2. Une hausse des crédits de 0,9 % loin d'être exceptionnelle

Au cours d'une seconde délibération, l'Assemblée nationale a toutefois adopté, avec l'avis favorable de la rapporteure générale, l'amendement n° 18 du Gouvernement, qui prévoit une baisse de 20 millions d'euros des crédits des deux programmes afin de contribuer au respect de la norme de dépenses en valeur de l'État :

- la baisse s'élève à 12,67 millions d'euros en AE et CP pour le programme 176 « Police nationale » (dont 4,67 millions d'euros en titre 2) ;

- la baisse s'élève à 6,85 millions d'euros en AE et CP pour le programme 152 « Gendarmerie nationale » (baisse de 7 millions d'euros hors titre 2 et hausse de 150 000 euros des dépenses de personnel au titre du protocole relatif à l'avenir de la fonction publique).

Au total, la hausse des crédits demandés pour 2016 s'élève à 0,9 % pour les deux programmes , contre 0,8 % avant adoption des deux amendements.

Évolution des crédits de paiement des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » entre 2015 et 2016

(en millions d'euros)

2015 (LFI)

2016 (initial)

2016 (après amendement plan "migrants")

2016 (après la seconde délibération)

Dépenses de personnel

15 567

15 682

15 710

15 705

Dépenses de fonctionnement, d'investissement et d'intervention

2 181

2 212

2 226

2 211

Dépenses de personnel / Total des dépenses

87,7 %

87,6 %

87,6 %

87,7 %

Total des dépenses

17 748

17 894

17 936

17 916

Variation par rapport à la LFI 2015

0,8 %

1,1 %

0,9 %

Note de lecture : les données de la colonne « 2016 » prennent en compte l'amendement n° II-228 adopté par l'Assemblée nationale

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Cette hausse modérée ne constitue pas un effort particulièrement notable, en dépit du caractère doublement exceptionnel de la situation .

À titre de comparaison, la hausse des crédits de paiement en exécution était de 3,5 % en 2009, de 2,6 % en 2011 et de 2 % en 2013 , alors même que ces exercices n'ont pas été marqués par un renforcement particulier du niveau de la menace.

Par ailleurs, cette hausse modérée des crédits demandés masque une véritable « paupérisation » des forces de police et de gendarmerie.

II. UNE « PAUPÉRISATION » DES FORCES DE SÉCURITÉ QUI APPELLE LA MISE EN PLACE D'UNE STRATÉGIE RENOUVELÉE FONDÉE SUR LA RATIONALISATION DES TÂCHES ET LA MUTUALISATION DES MOYENS

A. UNE « PAUPÉRISATION » DES FORCES DE SÉCURITÉ, QUI NE DISPOSENT PLUS DES MOYENS NÉCESSAIRES POUR ASSURER LEURS MISSIONS

1. Un choix idéologique de concentrer l'effort budgétaire sur les créations d'emplois

Depuis 2012, le Gouvernement a fait le choix de concentrer l'effort budgétaire sur les créations d'emplois .

Créations d'emplois prévues et réalisées depuis 2013

(en ETP)

2013

2014

2015

2016

Variation 2013-2016

Police nationale

Prévision

288

243

643

1 078

2 252

Exécution

- 197

822

Gendarmerie nationale

Prévision

192

162

262

554

1 170

Exécution

192

173

Total

Prévision

480

405

905

1 632

3 422

Exécution

- 5

995

Note de lecture : les données des schémas d'emplois ont été retraitées pour 2015 et 2016 afin d'inclure les effectifs supplémentaires prévus au titre du PLAT et du plan « migrants »

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Entre 2013 et 2014, 990 emplois ont ainsi été créés au sein des deux programmes, auxquels devraient s'ajouter 905 emplois supplémentaires en 2015 et 1 632 en 2016.

Toutefois, les comparaisons internationales fournies par le ministère de l'intérieur ne témoignent pas d'une sous-dotation des forces de sécurité intérieure de notre pays, bien au contraire.

Comparaison des effectifs des forces de sécurité intérieure en Europe

Pays

Effectifs

Ratio effectifs / population

Allemagne

250 000

1 / 320

Espagne

179 082

1 / 261

France

257 000

1 / 248

Italie

262 400

1 / 227

Royaume-Uni

207 140

1 / 270

Source : ministère de l'intérieur

Parmi nos principaux voisins européens, un seul (l'Italie) a des effectifs supérieurs aux nôtres, alors même que les effectifs français ne tiennent pas compte des 7 000 militaires mobilisés dans le cadre de l'opération « Sentinelle » depuis les attentats de janvier 2015 pour assurer des missions de sécurité intérieure.

Si la menace terroriste, qui pèse de manière asymétrique sur notre pays, peut justifier un renforcement des effectifs, ces créations de postes masquent une « paupérisation » des deux forces, qui ne disposent plus des moyens en fonctionnement et en investissement pour assurer leurs missions.

2. En conséquence, une « paupérisation » des forces de l'ordre

En première analyse, ce constat peut sembler surprenant, compte tenu de la succession récente d'annonces en matière d'investissement et de fonctionnement :

- plan de lutte anti-terroriste (Premier ministre, 21 janvier 2015) ;

- plan « migrants » (Premier ministre, 16 septembre 2015) ;

- levée anticipée de la mise en réserve dès le début de l'année 2016 « afin que les véhicules, armements modernisés et équipements de protection efficaces soient commandés sans délai, livrés dans les services et unités avant l'été prochain » (Président de la République, 22 octobre 2015) 10 ( * ) ;

- généralisation des caméras-piétons (Premier ministre, 26 octobre 2015) ;

- plan de renforcement des équipements des brigades anti-criminalité (BAC) de la police et des pelotons de surveillance et d'intervention (PSIG) de la gendarmerie (ministre de l'intérieur, 30 octobre 2015).

En dépit de ces annonces foisonnantes, une comparaison entre l'exécution budgétaire 2009 et les crédits demandés pour 2016 met en évidence une véritable « paupérisation » des forces de l'ordre : pour des effectifs comparables, les moyens de fonctionnement et d'investissement sont inférieurs de 336 millions d'euros en 2016 par rapport à 2009.

Comparaison des équivalents temps plein annuel travaillé (ETPT) et des crédits hors titre 2 en 2009 et 2016

(en ETPT, en millions d'euros)

2009

2016

Écart

ETPT

244 304

244 420

116

Moyens de fonctionnement, d'investissement et d'intervention

2 562

2 226

- 336

Dépenses de personnel / Total des dépenses

84,4 %

87,6 %

3,2 pts

Note de lecture : les effectifs pour 2016 correspondent au plafond d'emplois prévu dans le bleu budgétaire, augmenté des 900 créations de postes financées par l'amendement gouvernemental déposé à l'Assemblée nationale

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

La part des dépenses de personnel au sein des deux programmes atteint ainsi un niveau critique (87,6 %) qui ne permet pas de garantir la capacité opérationnelle des policiers et gendarmes.

Pour illustrer ce point, l'exemple du vieillissement du parc automobile est particulièrement éclairant.

En dépit des annonces des derniers mois, les crédits prévus ne permettent pas un renouvellement du parc conforme aux besoins.

D'après les informations transmises par la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), le respect des critères de réforme nécessiterait « l'acquisition de 3 000 véhicules par an (hors véhicules spécifiques tels que les poids lourds), soit un besoin annuel d'environ 60 millions d'euros » pour le programme « Gendarmerie nationale ». S'agissant de la police, la direction générale de la police nationale (DGPN) indique que « sur la période 2015-2017, 10 896 véhicules ayant atteint les critères de réforme devraient être renouvelés », soit 3 632 par an.

Au total, le maintien du parc automobile en l'état nécessiterait donc l'achat de plus de 6 600 véhicules par an sur la période 2015-2017. Pourtant, le montant alloué à l'achat de véhicules dans chacun des deux programmes est de seulement 40 millions d'euros, ce qui ne permettra d'acquérir que 4 000 véhicules en 2016.

Aussi, le vieillissement du parc devrait se poursuivre, au détriment de la capacité opérationnelle des forces et du coût de maintenance des véhicules. À titre d'illustration, les 1 300 véhicules les plus anciens du parc de la police affichent déjà une moyenne d'âge de 16,9 ans, alors même que le critère de réforme est de 10 ans.

Face à ce risque, aucune mesure d'exception comparable à ce qui avait été réalisé en 2009 dans le cadre du plan de relance n'a été décidée par le Gouvernement, en dépit des nombreuses annonces. En 2009, ce sont ainsi près de 9 000 véhicules qui avaient été achetés.

Nombre de véhicules achetés

(en nombre)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Police

3 025

2 809

4757

1320

1303

2165

2181

2266

Gendarmerie

1587

1 282

4092

2264

1273

916

1357

1444

Total

4 612

4 091

8 849

3 584

2 576

3 081

3 538

3 710

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses du ministère de l'intérieur au questionnaire)

En la matière, il est regrettable que le Gouvernement actuel ne fasse pas preuve de la même réactivité en 2015, face à la crise sécuritaire, que son prédécesseur en 2009, face à la crise financière.

Compte tenu de l'impasse dans laquelle nous mène la politique actuelle, une autre stratégie fondée sur la rationalisation des tâches et la mutualisation des moyens doit être poursuivie.

B. UNE AUTRE STRATÉGIE FONDÉE SUR LA RATIONALISATION DES TÂCHES ET LA MUTUALISATION DES MOYENS EST POSSIBLE

1. Trois principaux leviers permettent d'augmenter la présence sur le terrain et la capacité opérationnelle des deux forces à effectifs et moyens constants

Il est possible d'augmenter la présence sur le terrain et la capacité opérationnelle des deux forces à effectifs et moyens constants en mobilisant principalement trois leviers :

- la diminution des « tâches indues » qui incombent aux policiers et aux gendarmes, afin de libérer du temps pour les missions de terrain ;

- l'augmentation du temps de travail des forces de police et de gendarmerie ;

- la recherche d'une meilleure complémentarité entre les forces de police et de gendarmerie.

S'agissant du premier levier, un chantier important avait été engagé en 2010 avec la décision de confier à l'administration pénitentiaire l'intégralité des missions de transfèrements, d'extractions judiciaires, d'escortes et de garde des détenus hospitalisés.

S'agissant du deuxième levier, le ministère de l'intérieur avait mis en place entre juillet 2011 et juin 2012, dans le cadre du « plan de mobilisation des forces », un système permettant la rémunération des gardiens de la paix et gradés de la police au titre des services supplémentaires non susceptibles de donner lieu à récupération , pour les inciter à réaliser des heures supplémentaires. Dans son rapport de 2013 sur les dépenses de rémunération et le temps de travail dans la police et la gendarmerie, la Cour des comptes recommandait d'ailleurs d'offrir aux gradés et gardiens « le choix entre la compensation des heures supplémentaires par l'octroi de temps de repos et le versement d'indemnités dont le taux (...) serait à la fois acceptable par les intéressés et compatible avec la maitrise des dépenses de rémunération » 11 ( * ) .

S'agissant du troisième levier, le précédent quinquennat avait permis d'engager une dynamique de mutualisation et de rationalisation très ambitieuse , avec notamment :

- le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur au 1 er janvier 2009 ;

- la rationalisation des zones de compétences des deux forces engagée en 2011 , marquée par l'extension de la zone de compétence de la police nationale aux plaques urbaines de Bordeaux, Lille, Lyon et Marseille ainsi que la suppression du régime de la police d'État dans les circonscriptions de police isolées ;

- la mutualisation de la maintenance automobile dans des ateliers communs ;

- la création d'un service commun aux deux forces dans le domaine des transmissions et des systèmes d'information, le service des technologies et des systèmes d'information de la sécurité intérieure.

En dépit des gisements de productivité qui demeurent, force est de constater que cette dynamique a été rompue à partir de 2012.

2. L'absence de recherche de nouveaux gisements de productivité depuis 2012

Aucun chantier majeur n'a été engagé depuis 2012 sur les deux premiers leviers, en dépit des constats sévères dressés tant par la Cour des comptes, concernant le temps de travail 12 ( * ) , que par les syndicats, concernant les tâches indues 13 ( * ) .

À titre d'illustration, le traitement des procurations par les forces de police et de gendarmerie a mobilisé 737 ETPT en 2012. La dématérialisation permettrait de soulager les forces de sécurité de cette tâche. Pourtant, l'inspection générale de l'administration (IGA) indique dans un rapport d'octobre 2014 que le projet de dématérialisation totale lancé en 2013 « paraît enlisé » et même « à l'arrêt » 14 ( * ) .

S'agissant du temps de travail, certaines décisions prises depuis 2012 ont même aggravé la situation. D'après les données transmises par le ministère de l'intérieur, une multiplication par 2,5 des congés maladie d'une journée a ainsi été observée entre 2013 et 2014, en raison de l'abandon du jour de carence au 1 er janvier 2014. Le coût annuel de l'absentéisme médical représente désormais près de 12 000 ETPT pour la police nationale.

En matière de mutualisation, les réformes mises en oeuvre sont de faible ampleur.

Bien souvent, elles ne constituent qu'un simple prolongement, au niveau du ministère, d'initiatives lancées au sein des deux forces dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP). C'est notamment le cas de la mise en place des secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur (SGAMI) ou encore de la création du service de l'achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure (SAELSI).

Concernant la rationalisation des zones de compétences, aucun chantier significatif n'a été engagé depuis 2013.

De façon plus préoccupante, les domaines où des marges de progrès importantes ont été identifiées par la Cour des comptes - on peut notamment mentionner la complémentarité des laboratoires 15 ( * ) - n'ont pas connu d'évolution majeure .

L'exemple de la réorganisation du renseignement intérieur témoigne même d'un véritable « retour en arrière ». La sous-direction de l'information générale (SDIG), née de la réforme de 2008, devait bénéficier d'un monopole sur le renseignement de proximité et constituer à ce titre un laboratoire du rapprochement entre police et gendarmerie via le détachement par la gendarmerie d'un militaire au sein de chaque service départemental. En 2014, il a pourtant été décidé de créer un service dédié concurrent au sein de la gendarmerie, faisant ainsi passer le nombre de services de renseignement intérieur de 3 à 4.

Les décisions prises ces dernières semaines témoignent d'une prise de conscience très tardive de ces enjeux , avec l'annonce :

- de mesures de simplification de la procédure pénale 16 ( * ) ;

- d'un « plan interne de simplification » visant à réduire les tâches indues, à l'issue de la rencontre entre le Président de la République, les syndicats de police et le conseil de la fonction militaire de la gendarmerie 17 ( * ) ;

- de nouveaux redéploiements des zones de compétences entre les deux forces 18 ( * ) .

Il est particulièrement regrettable qu'une manifestation de plusieurs milliers de policiers sur la place Vendôme, à l'appel de l'ensemble des syndicats représentatifs, ait été nécessaire pour que le Gouvernement décide de s'engager dans cette voie.

III. UN VOLET PERFORMANCE MARQUÉ PAR UN PROBLÈME D'IMPUTATION INÉDIT

A. UN PROBLÈME D'IMPUTATION INÉDIT QUI INVITE À FAIRE ÉVOLUER LE DISPOSITIF DE PERFORMANCE

1. Des ruptures statistiques importantes

Le dispositif de performance repose sur les données administratives de l'état 4001, dont la continuité statistique est remise en cause par la mise en place de nouveaux logiciels de rédaction des procédures au sein des deux forces.

En janvier 2015, l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) a ainsi confirmé que la mise en place de nouveaux logiciels de rédaction des procédures au sein de la gendarmerie nationale (LRPGN) et de la police nationale (LRPPN) s'est traduite par des ruptures statistiques importantes qui empêchent d'effectuer des comparaisons fiables d'une année sur l'autre 19 ( * ) .

La mission sur l'enregistrement des plaintes par les forces de sécurité intérieure est parvenue à identifier les causes de ces ruptures statistiques : « déplacements d'enregistrement entre contraventions et délits créant une remontée en niveau des délits constatés, ces déplacements étant sans doute dus à la fiabilisation de l'enregistrement permise par le nouvel outil ; bascules entre index de l'état 4001, liées à une meilleure précision de l'indexation ; prise en compte d'infractions spécifiques dans les index appropriés, alors qu'elles étaient répertoriées jusque-là dans des index généralistes ; plus marginalement, choix différents d'index du fait de leur ordre de présentation dans le menu déroulant » 20 ( * ) .

Ainsi, la mission estime que « 2016 constituera la première année de référence fiable pour les statistiques de la délinquance enregistrée par les forces de sécurité intérieure ».

2. Une évolution indispensable du dispositif de performance

Comme l'a rappelé votre rapporteur spécial lors de l'examen de la loi de règlement 2014, de telles ruptures statistiques justifieraient que les données issues des enquêtes de victimation soient utilisées dans le cadre du dispositif de performance , ce qui supposerait toutefois d'en revoir le calendrier ou le délai de traitement 21 ( * ) .

L'enquête « Cadre de vie et sécurité », réalisée depuis 2007 par l'Insee et l'ONDRP, permet de mesurer l'évolution de la délinquance en interrogeant 23 000 ménages sur les faits dont ils ont pu être victimes lors des deux dernières années.

L'utilisation des données issues de cette étude annuelle pourrait contribuer à remédier à trois faiblesses de l'état 4001.

Premièrement, les données administratives ne permettent pas de rendre compte des infractions non déclarées aux forces de police et de gendarmerie.

Deuxièmement, l'évolution de ces données est difficile à interpréter, compte tenu du fait qu'une partie du travail des forces de police et de gendarmerie consiste précisément à inciter à la révélation d'infractions.

Troisièmement, les données de l'état 4001 peuvent aisément être l'objet de manipulations .

À titre d'illustration, la préfecture de police a, jusqu'à une période récente, mis en place des stratégies institutionnalisées visant à minorer la réalité de la délinquance. Dans un rapport publié en 2014, une mission de contrôle menée par les corps d'inspection au sein de 14 conscriptions de la préfecture de police a en effet mis en évidence « une tendance lourde et ancienne à déqualifier statistiquement des faits de délinquance en minorant soit leur gravité, soit leur volume au sein de l'état 4001 » 22 ( * ) .

Trois principales stratégies étaient mobilisées par les agents pour sous-estimer l'ampleur de la délinquance :

- la « déqualification », qui permet de faire sortir certains faits de l'état 4001 ou du champ des infractions les plus sensibles de l'index, avec un « taux de mauvaises indications évidentes » compris entre 17 % et 23 % des faits sur les échantillons analysés ;

- le « déstatage » pur et simple de 6 % à 8 % des faits constatés, pratique qui consiste à attribuer un « coefficient 0 » pour un fait constaté ou à supprimer la fiche statistique générée automatiquement par le logiciel d'enregistrement ;

- le « report d'enregistrement », pratique « mise en place de manière organisée et centralisée » qui consiste à cesser prématurément la comptabilisation des faits de délinquance en fin de mois lorsque l'objectif risque de ne pas être atteint, avec pour conséquence la constitution d'un « important portefeuille glissant » de faits reportés d'un mois sur l'autre.

L'utilisation des données de l'enquête de victimation est d'autant plus importante que de nouvelles stratégies de déqualification sont susceptibles d'émerger.

À titre d'illustration, dans le cadre d'une note interne du 19 octobre 2015 révélée par un média 23 ( * ) , la préfecture de police indique qu'une case dédiée à la COP21 devrait permettre « d'isoler les faits de délinquance liés à cette conférence » en attribuant « le contexte `COP21' à tout type d'infraction en lien avec cet événement », y compris lorsque la victime « est agressée durant son séjour en marge de la conférence », qu'il s'agisse « d'agressions physiques, d'atteintes aux biens, de dégradations, de menaces, d'outrages ou de violences à dépositaires [de l'autorité], d'escroquerie, d'abus de confiance ou d'utilisations frauduleuses de moyens de paiement ».

Si cette case dédiée pourrait permettre d'adapter le dispositif policier en temps réel à l'évolution de la menace, votre rapporteur spécial sera particulièrement attentif, compte tenu en particulier du spectre particulièrement large des faits auxquels peuvent être attribués le « contexte `COP21' », à ce que cette évolution ne conduise pas une nouvelle fois à sortir ou minorer certains faits relevant de l'état 4001.

B. UNE HAUSSE DE LA DÉLINQUANCE SUR LA PÉRIODE RÉCENTE

1. Un retraitement statistique indispensable

En dépit de ces ruptures statistiques, les premières publications du service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) mis en place en 2014 permettent d'évaluer l'évolution de la délinquance sur la période récente.

En effet, le nouveau service a réalisé une étude visant à établir une méthode de retraitement statistique des données de l'état 4001 permettant de corriger les effets liés au déploiement des logiciels au sein de la police et de la gendarmerie.

Concrètement, deux approches ont été mises en oeuvre pour chacun des différents indicateurs 24 ( * ) :

- « une approche statistique d'identification des ruptures par l'application d'outils statistiques d'analyse des données infra-annuelles » ;

- « une approche d'analyse des procédures détaillées pour isoler la pratique des services en matière d'associations entre index et nature d'infraction avant et après la rupture, et déceler les bascules de classifications pouvant être à la source des ruptures ».

Toutefois, l'objectif de l'étude est uniquement de mettre en place un suivi conjoncturel fiable des indicateurs de la délinquance , et non de procéder « à une réévaluation systématique des chiffres enregistrés dans le passé » 25 ( * ) .

2. Un retraitement qui met en évidence une hausse de la délinquance au cours de la période récente

Ainsi, les deux premières enquêtes de conjoncture publiées en octobre et novembre permettent d'observer de façon plus fiable l'évolution de la délinquance au cours de la période récente .

Sur les douze derniers mois, une majorité d'indicateurs est orientée à la baisse.

Évolution de la délinquance au cours des douze derniers mois

(en %)

Faits constatés sur les douze derniers mois

Nombre

Variation

Homicides

769

- 6,3 %

Vols avec armes

10?242

- 15,4 %

Vols violents sans armes

96?560

- 9,8 %

Vols sans violence contre des personnes

692 891

- 0,6 %

Coups et blessures volontaires

210 854

1 %

Cambriolages

233 394

- 3 %

Vols de véhicules

167 650

- 1 %

Vols dans les véhicules

264 086

1,9 %

Vols d'accessoires sur véhicules

114 358

- 7,8 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après l'analyse conjoncturelle « Interstats Conjoncture » n° 2 de novembre 2015)

Toutefois, une hausse généralisée de la délinquance peut clairement être observée au cours des derniers mois (un seul des neuf indicateurs est orienté à la baisse), après correction des variations saisonnières et des effets de jours ouvrables 26 ( * ) .

Évolution de la délinquance au cours des trois derniers mois,
par rapport aux trois mois précédents

(en %)

Faits constatés sur les trois derniers mois

Nombre

Variation

Homicides

185

- 1,6 %

Vols avec armes

2?723

0,7 %

Vols violents sans armes

24?463

1,2 %

Vols sans violence contre des personnes

175 340

0,7 %

Coups et blessures volontaires

53?814

1,4 %

Cambriolages

61?318

3,1 %

Vols de véhicules

43?500

4,6 %

Vols dans les véhicules

68?252

5,6 %

Vols d'accessoires sur véhicules

28?940

5,2 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après l'analyse conjoncturelle « Interstats Conjoncture » n° 2 de novembre 2015)

Dès l'année prochaine, votre rapporteur spécial souhaite que le dispositif de performance soit refondu pour correspondre aux 9 catégories retracées dans les enquêtes de conjoncture du SSMSI.

En tout état de cause, les données retraitées par la méthode établie par le SSMSI devront être utilisées en lieu et place des données brutes jusqu'en 2017, date à partir de laquelle la continuité statistique sera rétablie.

Ces données sur les faits constatés par les forces de police et de gendarmerie viendraient utilement compléter celles issues des enquêtes de victimation, en permettant notamment de déceler les tendances contradictoires.

À titre d'illustration, les premiers résultats de l'enquête de victimation 2015 remettent en cause la baisse du nombre de cambriolages annoncée depuis la fin de l'année 2014 27 ( * ) - et qui semblait pourtant confirmée par les premières publications du SSMSI.

Extraits des premiers résultats de l'enquête de victimation 2015 portant sur les atteintes subies en 2013 et 2014

Le nombre de ménages victimes de cambriolages de la résidence principale ou tentatives est en hausse et reste voisin en 2014 du niveau élevé atteint dès 2011 après un retournement de tendance intervenu à partir de 2008.

Pour les actes de vandalisme contre le logement, la baisse s'amplifie en 2014, alors que le nombre de ménages victimes d'actes de vandalisme contre la voiture est stable depuis 2011.

S'il y a effectivement eu une hausse du nombre de personnes de 14 ans et plus victimes de vols ou tentatives avec violences ou menaces en 2013, elle aura été éphémère et laisse place en 2014 à une baisse d'une intensité encore supérieure.

On compte plus de femmes victimes de violences physiques sur deux ans et plus de personnes de 14 ans et plus victimes de menaces sur un an mais ces évolutions nouvelles doivent être confirmées avant de pouvoir vraiment remettre en cause les baisses observées à partir des années 2009 et 2010.

La fréquence du sentiment d'insécurité ne progresse plus mais demeure élevée au regard des valeurs observées à la fin des années 2000.

Source : ONDRP, « La victimation en 2014 et les perceptions en matière de sécurité », novembre 2015.

ANALYSE PAR PROGRAMME

I. LE PROGRAMME 152 « GENDARMERIE NATIONALE »

A. PRÉSENTATION DES CRÉDITS

Pour le programme « Gendarmerie nationale », les autorisations d'engagement et les crédits de paiement demandés sont en hausse de respectivement 2,4 % et 0,8 % par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2015.

Évolution des autorisations d'engagement et des crédits de paiement

(en millions d'euros)

AE

CP

LFI 2015

PLF 2016

LFI 2015

PLF 2016

Dépenses de personnel

6 848,9

6 896,2

6 848,9

6 896,2

Évolution

0,7 %

0,7 %

Dépenses de fonctionnement

1 092,8

1 235,2

1 115,5

1 113,8

Évolution

13 %

- 0,2 %

Dépenses d'investissement

126,6

132,4

84,6

103,1

Évolution

4,6 %

21,9%

Dépenses d'intervention

6

6

9,2

8,9

Évolution

0,0 %

- 3,3 %

Total hors hors fonds de concours (FDC) et attribution de
produit (ADP)

8 074,3

8 269,8

8 058,2

8 122

Évolution

2,4 %

0,8 %

FDC et ADP prévus au titre 2

0

74,5

0

74,5

FDC et ADP hors titre 2

37,6

33,3

37,6

33,3

Total y.c. FDC et ADP prévus

8111,9

8377,6

8095,8

8229,7

Évolution

3,3 %

1,7 %

Note : La hausse des fonds de concours (FDC) et attributions de produit (ADP) résulte de la prise en compte du remboursement des dépenses de personnel pour les prestations fournies à divers organismes extérieurs (EDF, BDF, etc.). Il s'agit d'une simple rectification d'une erreur informatique : ces prestations étaient déjà prises en compte en exécution dans le cadre des rapports annuels de performances (RAP).

Source : commission des finances (d'après les documents budgétaires)

Une fois pris en compte les deux amendements adoptés par l'Assemblée nationale, la hausse s'élève à 2,6 % en AE et 1 % en CP.

Évolution des autorisations d'engagement et des crédits de paiement

(en millions d'euros)

AE

CP

2015 (LFI)

2016 (initial)

2016

2015 (LFI)

2016 (initial)

2016

Dépenses de personnel

6 849

6 896

6 909

6 849

6 896

6 909

Moyens de fonctionnement, d'investissement et d'intervention

1 225

1 374

1 374

1 209

1 226

1 226

Total (hors FDC et ADP)

8 074

8 270

8 283

8 058

8 122

8 135

Variation par rapport à 2015

2,4 %

2,6 %

0,8 %

1 %

Total, y.c. FDC et ADP

8 112

8 378

8 390

8 096

8 230

8 243

Dépenses de personnel / Total des dépenses

84,8 %

83,4 %

83,3 %

85%

84,9 %

84,9 %

Note : les données de la colonne « 2016 » prennent en compte l'amendement n° II-228 et l'amendement n° II-18 adoptés par l'Assemblée nationale

Source : commission des finances (d'après les documents budgétaires)

B. UNE DÉFLATION DU CORPS DES OFFICIERS ACCOMPAGNÉE D'UN RENFORCEMENT DES PERSONNELS ADMINISTRATIFS

L'évolution des dépenses de personnel s'explique notamment par les 554 créations d'emplois prévues en 2016 sur le programme.

D'après les données transmises par le ministère de l'intérieur, la création nette d'emplois prévue pour 2016 peut être décomposée entre une création brute de 625 emplois et une destruction brute de 71 emplois dans les services d'administration centrale non opérationnels.

Répartition des créations d'emplois en 2016

(en ETP)

Schéma d'emplois

Lutte contre l'immigration irrégulière

370

Lutte anti-terroriste

55

Loi de programmation

200

Services d'administration centrale

non opérationnels

- 71

Création nette d'emplois

554

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Hors plan « migrants », l'évolution des emplois par catégorie traduit la poursuite d'un objectif de déflation du corps des officiers, dont le coût moyen d'entrée est particulièrement élevé (62 001 euros CAS « Pensions » compris, contre 49 122 euros pour le corps des sous-officiers).

Répartition du schéma d'emplois par catégorie en 2016, hors plan « migrants »

(en ETP)

Schéma d'emplois

Personnels administratifs

216

Personnels techniques

56

Ouvriers d'État

- 22

Officiers (gendarmes)

- 280

Sous-officiers (gendarmes)

265

Volontaires (gendarmes)

- 51

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Cette stratégie semble cohérente avec les observations formulées par la Cour des comptes dans son référé sur la gestion des carrières dans la police et la gendarmerie nationales.

Dans la gendarmerie nationale, le plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE) prévoyait de porter à 9 000 le nombre d'officiers, notamment par la transformation de 5 000 postes de sous-officiers.

Toutefois, la Cour des comptes souligne que cette politique répondait avant tout à une volonté de « s'aligner » sur la situation de la police, «  sans réflexion suffisante sur ses besoins fonctionnels » 28 ( * ) . Selon la Cour des comptes, il aurait été préférable d'allonger les temps de commandement opérationnels des officiers, qui représentent actuellement seulement 20 % à 25 % de leur carrière. L'effectif cible a finalement été abaissé à 6 498.

Si cette déflation du corps des officiers doit être saluée, votre rapporteur spécial s'interroge toutefois sur le choix de concentrer 40 % des créations d'emplois sur les personnels administratifs, contre 14 % dans la police nationale.

C. UN PLAFOND D'EMPLOIS ARTIFICIELLEMENT ÉLEVÉ

Dans son rapport de 2013 consacré aux dépenses de rémunération et au temps de travail dans la police et la gendarmerie nationales, la Cour des comptes rappelait que le programme 152 « Gendarmerie nationale » est marqué par une sous-exécution chronique de son plafond d'emplois depuis 2006.

Les derniers exercices ne dérogent pas à la règle, avec un écart en exécution qui représente 2 % du plafond fixé en loi de finances initiale (LFI).

Exécution du plafond d'emplois et du schéma d'emplois en 2013 et 2014

(en ETPP, en ETP)

2013

2014

Plafond d'emplois

LFI

97 093

97 167

Réalisation

95 283

95 195

Écart à la LFI

- 1 810

- 1 972

Écart à la LFI en % du plafond prévu en LFI

2 %

2 %

Schéma d'emplois

LFI

192

162

Réalisation

192

173

Écart à la LFI

0

11

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Même lorsque le schéma d'emplois est sur-exécuté, comme c'est le cas pour l'exercice 2014, l'écart à la LFI sur le plafond d'emplois reste de 2 %, soit 1 972 ETPT.

Votre rapporteur spécial estime qu'il serait souhaitable de mettre un terme à cette situation artificielle qui prévaut depuis plusieurs années , en fixant le plafond d'emplois à un niveau cohérent avec les dépenses de personnel prévues en LFI . Afin de maintenir une certaine marge de manoeuvre dans la gestion des crédits de personnel pour le responsable de programme, l'objectif pourrait consister à fixer le plafond d'emplois à un niveau tel que l'écart constaté en exécution ne dépasse pas 0,5 % du plafond fixé en LFI.

Dans cette perspective, votre rapporteur spécial regrette le choix de relever une nouvelle fois le plafond d'emplois en 2016, sans pour autant augmenter les dépenses de personnel à un niveau permettant de s'en approcher.

En la matière, les évolutions prévues dans les documents budgétaires relatifs à la gendarmerie nationale semblent davantage répondre à un objectif d'affichage politique que de sincérité budgétaire. Plusieurs interlocuteurs ont par exemple exprimé leur « étonnement » face à l'augmentation du plafond d'emplois prévue en 2016 (+ 184 ETPT), qui correspond « miraculeusement » à l'évolution prévue du schéma d'emplois (+ 184 ETP).

Il n'y a pourtant aucune raison objective qu'une telle correspondance existe. En effet, l'évolution du plafond d'emplois dépend de nombreux facteurs tels que le mois moyen des sorties et des entrées de l'exercice précédent (effet d'extension en année pleine des schémas d'emplois 2015 sur 2016) et à venir (impact des schémas d'emplois 2016 sur 2016) ainsi que l'effet des mesures de périmètre et de transfert. À titre d'illustration, pour le programme 176 « Police nationale », le schéma d'emplois devrait se traduire par une hausse de 548 ETP, tandis que le plafond d'emplois est relevé de 666 ETPT.

D. L'ENJEU DE L'APPLICATION À LA GENDARMERIE DE LA DIRECTIVE EUROPÉENNE RELATIVE AU TEMPS DE TRAVAIL

Dans un rapport thématique de juillet 2015, le haut comité d'évaluation de la condition militaire retient parmi les risques à maîtriser celui d'une « banalisation de l'état militaire » , en raison notamment de l'évolution du droit communautaire 29 ( * ) .

En effet, la directive 2003/88/CE relative au temps de travail prescrit des périodes minimales de repos difficilement compatibles avec le principe de disponibilité inhérent au statut militaire. Ainsi, la durée maximale du travail hebdomadaire est fixée à 48 heures, tandis qu'un repos journalier de 11 heures consécutives et un repos d'une journée par période de 7 jours sont prévus.

Comme le rappelle le haut comité, « jusqu'à présent, la France a considéré que cette directive n'était pas applicable » aux militaires . Si l'article 1 er de la directive dispose qu'elle s'applique à « tous les secteurs d'activités, privés ou publics, au sens de l'article 2 de la directive 89/391/CEE », l'article 2 prévoit que la directive « n'est pas applicable lorsque des particularités inhérentes à certaines activités spécifiques dans la fonction publique, par exemple dans les forces armées ou la police, ou à certaines activités spécifiques dans les services de protection civile s'y opposent de manière contraignante ».

Toutefois, la Cour de justice de l'Union européenne a encadré cette exception en précisant qu'elle « ne saurait trouver à s'appliquer que dans le cas d'événements exceptionnels à l'occasion desquels le bon déroulement des mesures destinées à assurer la protection de la population dans des situations de risque collectif grave exige que le personnel ayant à faire face à un événement de ce type accorde une priorité absolue à l'objectif poursuivi par ces mesures afin que celui-ci puisse être atteint » 30 ( * ) .

Dès lors, les forces de gendarmerie ne peuvent plus se prévaloir d'une exemption globale.

Or depuis l'entrée en vigueur de la loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 , la constitution d'associations professionnelles de militaires (APN) est désormais autorisée, pour mettre en conformité le droit français avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) 31 ( * ) .

Créée dans ce cadre, l'Association professionnelle « GENDXXI » indique dans une lettre adressée au ministre de l'intérieur et au DGGN « qu'aucun texte d'application général (décret) de cette directive n'a été promulgué » et que « certaines instructions ponctuelles, par exemple pour la gendarmerie (instruction dite « 1000 ») enfreignent de fait directement la directive », tout en précisant espérer « ne pas avoir à engager les procédures judiciaires » 32 ( * ) pour remédier à cette difficulté.

Compte tenu du risque croissant de recours, il apparaît nécessaire d'adapter à la marge le droit en vigueur .

Toutefois, votre rapporteur spécial soutient pleinement le refus par le haut comité d'une « application mécanique ou indifférenciée » 33 ( * ) de la directive , afin de préserver la portée du principe de disponibilité et de limiter les besoins supplémentaires en personnel qui pourraient résulter de sa transposition.

E. UNE BAISSE DES CRÉDITS DE FONCTIONNEMENT DE NATURE À REMETTRE EN CAUSE LA HAUSSE PRÉVUE DES CRÉDITS D'INVESTISSEMENT ?

S'agissant des dépenses de fonctionnement, le projet annuel de performances prévoit une baisse des crédits de paiement de 0,2 % , pour une hausse des autorisations d'engagement de 13 %.

D'après la DGGN, la hausse des autorisations d'engagement s'explique toutefois principalement par une modification des règles de comptabilité budgétaire « obligeant les responsables de programme à engager les AE des baux locatifs pluriannuels conclus à partir de 2016 à hauteur de la durée totale desdits baux ».

La hausse des effectifs devra donc être réalisée avec des moyens de fonctionnement en baisse.

Selon les informations transmises à votre rapporteur spécial, cette baisse devrait porter essentiellement sur les dépenses liées à l'énergie (dotation en baisse de 5 millions d'euros par rapport à 2015) et au carburant (baisse de 2,3 millions d'euros). Par ailleurs, une diminution de 5 millions d'euros de l'enveloppe consacrée aux changements de résidence est prévue, en contrepartie d'une modulation de « la durée des affectations ».

Ces prévisions d'économies sont toutefois tributaires de facteurs exogènes (l'évolution des cours) et de la capacité de la DGGN à optimiser les mouvements de personnels .

S'agissant des dépenses d'investissement, le projet annuel de performance prévoit une hausse des crédits de paiement et des autorisations d'engagement de respectivement 21,9 % et 4,6 %.

Cette dotation doit notamment permettre de financer les grandes priorités du programme.

Outre les crédits dédiés au renouvellement du parc automobile , dont le niveau insuffisant a déjà été évoqué, 70 millions d'euros en AE sont prévus au titre de la deuxième année du plan de réhabilitation immobilier. D'après le ministère de l'intérieur, les crédits ouverts en 2015 ont déjà permis au 31 juillet 2015 d'engager 62 opérations de réhabilitation et de maintenance, pour un total de 22 millions d'euros. L'objectif est que les premières livraisons de chantiers interviennent dès 2016.

Par ailleurs, dans le cadre du plan ministériel de modernisation technologique des forces de sécurité, la gendarmerie nationale a lancé le projet NEOGEND , doté de 13,2 millions d'euros en 2016, qui vise à équiper les gendarmes d'équipements mobiles (smartphones et tablettes) leur permettant d'accéder depuis l'extérieur aux systèmes d'information du ministère.

Compte tenu de la baisse des crédits de fonctionnement, il est permis de s'interroger sur la crédibilité du niveau des dépenses d'investissement.

En effet, comme l'a rappelé votre rapporteur spécial lors de l'examen de la loi de règlement 2014 34 ( * ) , la tension sur les dépenses de fonctionnement se reporte systématiquement sur les dépenses d'investissement , du fait de l'existence d'un principe de fongibilité entre le titre 3 et le titre 5.

En conséquence, l'exécution budgétaire est marquée depuis de nombreux exercices par un sous-investissement important.

Exécution des dépenses d'investissement depuis 2012

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

LFI

124,3

140,4

120,2

Exécution

98,5

108,5

108,4

Écart à la LFI

- 21 %

- 23 %

- 10 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Aussi, votre rapporteur spécial sera particulièrement attentif à ce que la baisse des crédits de fonctionnement ne se traduise pas une nouvelle fois par une sous-exécution des crédits d'investissement.

II. LE PROGRAMME 176 « POLICE NATIONALE »

A. PRÉSENTATION DES CRÉDITS

Pour le programme « Police nationale », les autorisations d'engagement et les crédits de paiement demandés sont en hausse de respectivement 1,2 % et 0,9 % par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2015.

Évolution des autorisations d'engagement et des crédits de paiement

(en millions d'euros)

AE

CP

LFI 2015

PLF 2016

LFI 2015

PLF 2016

Dépenses de personnel

8 718,4

8 785,5

8 718,4

8 785,5

Évolution

0,8 %

0,8 %

Dépenses de fonctionnement

714,7

738,9

694,6

688,1

Évolution

3,4 %

- 0,9 %

Dépenses d'investissement

181,6

205,8

235,8

259

Évolution

13,3 %

9,8 %

Dépenses d'intervention

41,4

39,5

41,4

39,6

Évolution

- 4,6 %

- 4,3 %

Total hors fonds de concours
(FDC) et attribution de
produit (ADP)

9 656,1

9 769,7

9 690,2

9 772,2

Évolution

1,2 %

0,9 %

FDC et ADP prévus au titre 2

25,3

23,3

25,3

23,3

Total y.c. FDC et ADP prévus

9 681,4

9 793

9 715,5

9 795,5

Évolution

1,2 %

0,8 %

Source : commission des finances (d'après les documents budgétaires)

Une fois pris en compte les deux amendements adoptés par l'Assemblée nationale, la hausse s'élève à 1,3 % en AE et 1 % en CP.

Évolution des autorisations d'engagement et des crédits de paiement

(en millions d'euros)

AE

CP

2015 (LFI)

2016 (initial)

2016

2015 (LFI)

2016 (initial)

2016

Dépenses de personnel

8 718

8 786

8 797

8 718

8 786

8 796

Moyens de fonctionnement, d'investissement et d'intervention

938

984

983

972

987

985

Total (hors FDC et ADP)

9 656

9 770

9 780

9 690

9 772

9 782

Variation par rapport à 2015

1,2 %

1,3 %

0,9 %

1 %

Total, y.c. FDC et ADP

9 681

9 793

9 803

9 716

9 796

9 805

Dépenses de personnel / Total des dépenses

90,3 %

89,9 %

89,9 %

90 %

89,9 %

89,9 %

Note : les données de la colonne « 2016 » prennent en compte l'amendement n° II-228 et l'amendement n° II-228 adoptés par l'Assemblée nationale

Source : commission des finances (d'après les documents budgétaires)

B. L'ENJEU DE LA RÉPARTITION DES CRÉATIONS DE POSTES ENTRE LES CORPS

L'évolution des dépenses de personnel s'explique principalement par les 1 078 créations d'emplois prévues en 2016 sur le programme.

D'après les données transmises par le ministère de l'intérieur, la création nette d'emplois prévue pour 2016 peut être décomposée entre une création brute de 1 220 emplois et une destruction brute de 142 emplois dans les services d'administration centrale non opérationnels.

Répartition des créations d'emplois en 2016

(en ETP)

Schéma d'emplois

Lutte contre l'immigration irrégulière

530

Lutte anti-terroriste

390

Loi de programmation

300

Services d'administration centralenon opérationnels

- 142

Création nette d'emplois

1 078

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Hors plan « migrants », l'évolution des emplois par catégorie traduit la poursuite d'un objectif de déflation du corps de hauts fonctionnaires, de conception, de direction et du corps de commandement, dont le coût moyen d'entrée est particulièrement élevé (82 386 euros CAS « Pensions » compris, contre 49 393 euros pour le corps d'encadrement et d'application).

Répartition du schéma d'emplois par catégorie en 2016, hors plan « migrants »

(en ETP)

Schéma d'emplois

Personnels administratifs

147

Personnels techniques

259

Ouvriers d'État

- 36

Hauts fonctionnaires, corps de conception et de direction et corps de commandement

- 437

Corps d'encadrement et d'application

530

Personnels scientifique

85

Adjoints de sécurité

0

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

À l'avenir, votre rapporteur spécial souhaiterait toutefois qu'une distinction soit effectuée dans les documents budgétaires entre hauts fonctionnaires, corps de conception et de direction et corps de commandement .

En effet, dans son référé sur la gestion des carrières dans la police et la gendarmerie nationales, la Cour des comptes montre que si la réforme des corps et carrières a permis de réduire fortement les effectifs des officiers (de 15 000 en 2004 à 9 000 en 2012) et des commissaires (de 2 030 à 1 600), l'effectif-cible n'a pas été atteint pour les officiers 35 ( * ) .

Il serait donc particulièrement utile de pouvoir distinguer la situation des commissaires de celle des officiers, comme le demandent d'ailleurs les syndicats auditionnés.

C. LA MISE EN PLACE DE NOUVEAUX CYCLES DE TRAVAIL, UNE OPPORTUNITÉ POUR RÉDUIRE LE STOCK D'HEURES SUPPLÉMENTAIRES

De nouveaux cycles de travail doivent être expérimentés dans la police nationale à compter du 1 er octobre 2015.

En effet, le système dit du « 4/2 » prévoit quatre vacations travaillées puis deux jours de repos selon des modalités qui, en province, ne sont pas conformes aux périodes minimales de repos fixées par la directive 2003/88/CE relative au temps de travail 36 ( * ) . Plus de 35 000 policiers seraient concernés.

D'après les informations transmises à votre rapporteur spécial, l'expérimentation en cours devrait permettre la mise en place de cycles plus favorables aux agents 37 ( * ) . À titre d'illustration, l'un des cycles expérimenté, le « 4/2 compressé », permettrait aux policiers de disposer d'un week-end de libre sur trois, contre un sur six actuellement.

Votre rapporteur spécial souhaite toutefois rappeler l'opportunité que représente cette « remise à plat » des cycles de travail pour l'évolution future du stock d'heures supplémentaires de la police nationale.

Au 31 décembre 2014, ce stock s'élève à 17,2 millions d'heures , contre 18 millions au 31 décembre 2013.

D'après les informations transmises par le ministère de l'intérieur, le coût associé à ce stock peut être évalué à 212 millions d'euros , pour un tarif horaire de rachat de 12,33 euros.

Depuis juin 2012, la situation est résolue par un ajustement des dates de départs en retraite des bénéficiaires - et non plus par une rémunération des heures supplémentaires - ce qui conduit à fragiliser les effectifs .

Or la Cour des comptes a mis en évidence en 2013 que certains cycles de travail - et notamment le « 4/2 » - génèrent un nombre d'heures supplémentaires significativement plus élevé que d'autres . Ainsi, « en régime cyclique de type 4/2, un rappel au service d'une durée de 5 heures effectué sur des repos légaux crédite le fonctionnaire concerné de 16 heures 20 minutes à récupérer (deux vacations), soit un coefficient multiplicateur qui s'élève de fait à 330 % » 38 ( * ) .

Aussi, votre rapporteur spécial sera particulièrement attentif à ce que les expérimentations en cours aboutissent à la mise en place de cycles de travail moins consommateurs en heures supplémentaires.

D. UNE TENSION SUR LES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT QUI INVITE À CONCRÉTISER LES PISTES DE RATIONALISATION ET DE MUTUALISATION

S'agissant des crédits de fonctionnement (titre 3), la baisse de 0,9 % des crédits de paiement traduit à la fois la baisse de 5 % prévue par la loi de programmation des finances publiques sur les dépenses de fonctionnement courant des services et « l'impact des réductions de crédits non documentés votées en 2014 dans le cadre de l'adoption de la LPFP et qui sont reportées les années suivantes » 39 ( * ) .

En dépit de cette baisse, la DGPN estime que cette dotation sera suffisante pour financer les grandes priorités du programme grâce à des économies d'un montant de 7 millions d'euros sur les dépenses de carburant.

À titre d'exemple, 132,52 millions d'euros en AE et 121,26 millions d'euros en CP devraient être consacrés à la modernisation technologique et aux systèmes d'information et de communication, dont 39,89 millions d'euros en AE et 39,54 millions d'euros en CP pour la maintenance et la mise à niveau de l'infrastructure nationale partageable des transmissions (INPT).

Sur ce dernier point, votre rapporteur spécial tient à rappeler la nécessité de développer une politique volontariste visant à faciliter l'accès au réseau à de nouveaux entrants , afin de réduire les coûts de fonctionnement à la charge des forces de police et de secours.

Plus généralement, la tension sur les dépenses de fonctionnement invite à concrétiser les pistes de rationalisation et de mutualisation déjà évoquées.

E. UNE HAUSSE DE L'INVESTISSEMENT QUI POSE LA QUESTION DE L'ÉVOLUTION DE LA MAQUETTE BUDGÉTAIRE

S'agissant des dépenses d'investissement, le projet annuel de performances prévoit une hausse des crédits de paiement et des autorisations d'engagement de respectivement 9,8 % et 13,3 %.

Cette hausse résulte principalement de la mise en oeuvre du plan de lutte anti-terroriste (22,7 millions d'euros).

D'après les informations transmises à votre rapporteur spécial, la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) devrait notamment bénéficier d'une dotation supplémentaire de 12 millions d'euros en 2016 hors titre 2, dont 10 millions d'euros de crédits d'investissement.

Ainsi, la DGSI concentre à elle seule 43 % de la hausse des crédits d'investissement demandés pour 2016.

À ce titre, votre rapporteur tient à réaffirmer que les enjeux budgétaires croissants liés au renseignement imposent une évolution de la maquette budgétaire 40 ( * ) .

Alors que les budgets et les effectifs des trois services de renseignement relevant du ministère de la défense sont clairement identifiés au sein de la mission « Défense », ce n'est toujours pas pour les services relevant le ministère de l'intérieur.

Pour remédier à cette incohérence, les crédits de la DGSI et de la composante « renseignement » de la direction du renseignement de la préfecture de police de paris (DRPP), qui figurent déjà dans le rapport annuel exhaustif des crédits consacrés au renseignement remis à la délégation parlementaire au renseignement (DPR), pourraient à l'avenir être identifiés au sein d'une action dédiée.

Cette évolution, qui ne nécessite aucune modification de l'architecture administrative actuelle du renseignement intérieur, est d'autant plus importante que plusieurs personnes ont exprimé lors des auditions une inquiétude sur la répartition de l'effort budgétaire au sein du programme.

Ainsi, la hausse des effectifs et des moyens des services spécialisés - et notamment des quatre services de renseignement intérieur - pourrait masquer un appauvrissement des services généralistes chargés de la lutte contre les formes classiques de délinquance .

Aussi, votre rapporteur spécial suivra avec attention l'évolution future des chiffres de la délinquance, la dégradation généralisée observée au cours des derniers mois pouvant être un signe avant-coureur de la difficulté, pour les services généralistes, de continuer à assurer leurs missions.

LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première délibération, afin de financer le plan « migrants », l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du Gouvernement, un amendement visant à :

- majorer les crédits du programme 176 « Police nationale » de 22,6 millions d'euros, dont 16 millions d'euros sur le titre 2 ;

- majorer les crédits du programme 152 « Gendarmerie nationale » de 19,9 millions d'euros, dont 12,7 millions d'euros sur le titre 2.

En seconde délibération, afin de respecter la norme de dépenses en valeur de l'État et de mettre en oeuvre les mesures prévues par le protocole relatif à l'avenir de la fonction publique, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du Gouvernement, un amendement visant à :

- minorer les crédits du programme 176 « Police nationale » de 12,67 millions d'euros, dont 4,67 millions d'euros sur le titre 2 ;

- minorer les crédits du programme 152 « Gendarmerie nationale » de 6,85 millions d'euros, avec une baisse de 7 millions d'euros des crédits hors titre 2 et une hausse de 150 000 euros des crédits de titre 2.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 18 novembre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Dominati, rapporteur spécial, sur les programmes « Gendarmerie nationale » et « Police nationale » de la mission « Sécurités », du rapport de M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial, sur le programme « Sécurité et éducation routières » de la mission « Sécurités » et le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », et du rapport de M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial, sur le programme « Sécurité civile » de la mission « Sécurités ».

Mme Michèle André , présidente . - Je salue la présence de nos collègues Alain Gournac et Michel Boutant, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères. Nous examinons à présent le rapport de Philippe Dominati, rapporteur spécial des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale ».

M. Philippe Dominati , rapporteur spécial des programmes « Gendarmerie nationale » et « Police nationale » . - Vendredi dernier, la France a été une nouvelle fois frappée par de sanglantes attaques terroristes. Ma première pensée va aux blessés et aux familles des trop nombreuses victimes. Je salue également le courage et l'efficacité des forces de l'ordre, unanimement reconnus. Ces attaques terroristes bouleversent la hiérarchie des préoccupations de nos concitoyens. Une récente étude de l'Insee a montré que le terrorisme a remplacé la pauvreté à la deuxième place du classement des problèmes qui préoccupent les Français, juste devant la délinquance. Il ne fait aucun doute que les attentats du 13 novembre vont placer le terrorisme à la première place.

Pour les policiers et les gendarmes, cette année 2015 restera exceptionnelle à double titre. La hausse sans précédent de la menace terroriste se traduit par un surcroît d'activité important, d'autant que la France est l'un des pays les plus touchés en Europe par le phénomène des « combattants étrangers » partis en Syrie et en Irak. Les forces de sécurité intérieure sont également confrontées à une crise migratoire de grande ampleur. Si la situation de la France n'a rien de comparable avec celle des pays de première entrée, la sécurisation de certains points de passage et le démantèlement des filières nécessitent une mobilisation exceptionnelle. Pour ne donner qu'un chiffre, 1 125 effectifs mobiles supplémentaires ont été déployés à Calais, en complément des forces locales. Or avant les attaques de vendredi dernier, le Gouvernement n'avait pas tiré toutes les conséquences de ce changement de paradigme.

En effet, le budget que nous examinons est en hausse de seulement 0,9 %, contre 3,5 % en 2009, 2,6 % en 2011 et 2 % en 2013... et alors que le budget de la culture augmente de 4,4 %. Depuis 2012, le Gouvernement a fait le choix idéologique de concentrer l'effort budgétaire sur les créations d'emplois. Le projet de loi de finances prévoit pour l'heure la création de 1 632 postes de policiers et gendarmes, à comparer aux 10 850 postes qui seront créés dans l'enseignement scolaire. Les comparaisons internationales ne témoignent pas d'une sous-dotation des forces de sécurité intérieure de notre pays, bien au contraire. Parmi nos principaux voisins européens, seule l'Italie a des effectifs supérieurs aux nôtres.

Si la menace terroriste, qui pèse de manière asymétrique sur notre pays, justifie un renforcement des effectifs, ces créations de postes masquent une « paupérisation » de nos forces, qui ne disposent plus des moyens en fonctionnement et en investissement nécessaires pour assurer leurs missions. Les moyens de fonctionnement et d'investissement seront en 2016 inférieurs de plus de 330 millions d'euros à ce qu'ils étaient en 2009, pour les mêmes effectifs. La part des dépenses de personnel au sein des deux programmes atteint un niveau critique, 88 %, qui met en danger la capacité opérationnelle des policiers et des gendarmes. Pour maintenir en l'état le parc automobile, il faudrait acheter plus de 6 600 véhicules par an entre 2015 et 2017. Or, le montant alloué à l'achat de véhicules est de 40 millions d'euros, ce qui permettra d'en acquérir seulement 4 000 en 2016. On est loin des mesures d'exception qui avaient été prises en 2009, pour l'achat de 9 000 véhicules. Je regrette que le Gouvernement ne fasse pas preuve de la même réactivité face à la crise sécuritaire que son prédécesseur en 2009 face à la crise financière.

Par conséquent, pour dégager des marges de manoeuvre sur le plan budgétaire, je préconise une rationalisation des tâches et la mutualisation des moyens. Poursuivons la dynamique engagée en 2009 avec le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur.

À titre d'exemple, le traitement des procurations a mobilisé 737 policiers et gendarmes en équivalent temps plein travaillé en 2012. La dématérialisation soulagerait de cette tâche les forces de sécurité. Pourtant, l'inspection générale de l'administration (IGA) indique dans un rapport d'octobre 2014 que le projet de dématérialisation totale lancé en 2013 « paraît enlisé » et même « à l'arrêt ». Depuis 2012, certaines décisions ont aggravé la situation. L'abandon du jour de carence a conduit à une multiplication par 2,5 des congés maladie d'une journée. La réforme du renseignement intérieur a abouti à la création d'un service dédié au sein de la gendarmerie, portant de trois à quatre le nombre total de services.

L'heure, toutefois, n'est pas à la polémique.

Les décisions annoncées après la manifestation de policiers, place Vendôme, témoignent d'une prise de conscience tardive des enjeux liés à la rationalisation et à la mutualisation, avec par exemple un plan interne de simplification des tâches. J'ai bien évidemment pris note des mesures significatives annoncées par le Président de la République après les attentats de vendredi, avec la création de 5 000 postes dans la police et la gendarmerie et la promesse de moyens d'équipement et d'investissement supplémentaires.

Toutefois, nous ne pouvons pas encore nous prononcer sur l'amendement gouvernemental mettant en oeuvre ces annonces, qui sera sans doute déposé pour la séance.

En l'état, je vous propose donc de réserver notre vote sur la mission « Sécurités ».

M. Jean Pierre Vogel , rapporteur spécial du programme « Sécurité civile » . - Je rends moi aussi hommage aux forces de secours - et en particulier à la brigade de sapeurs-pompiers de Paris - dont la mobilisation exceptionnelle a sauvé de nombreuses vies, vendredi dernier comme ce matin.

Le programme « Sécurité civile » ne représente qu'une part minoritaire des moyens consacrés à cette politique publique. Les autorisations d'engagement et les crédits de paiement sont en hausse de respectivement 1,9 % et 0,8 %. S'agissant du titre 2, la volonté de maîtriser les dépenses de personnel est évidente. Sur la période 2012-2016, la baisse cumulée des effectifs devrait ainsi atteindre 4 %. Si ces efforts sont bienvenus, il faut réaffirmer la nécessité de garantir l'adéquation entre les effectifs de la direction générale de la sécurité civile et le périmètre de ses missions. En effet, des inquiétudes ont été exprimées au sujet d'une paupérisation de l'administration centrale, qui ne parviendrait plus à assumer l'ensemble de ses missions. En septembre 2015, les sapeurs-pompiers volontaires ne pouvaient toujours pas bénéficier de l'accès à la formation professionnelle continue, le manque de personnel à la direction générale ayant empêché de formaliser à temps les documents nécessaires.

S'agissant des dépenses de fonctionnement, je m'interroge sur le niveau des dotations prévues pour les produits retardants, les colonnes de renfort et les secours d'extrême urgence. Les crédits prévus diffèrent des consommations réalisées au cours des cinq derniers exercices, ce qui pourrait être le signe d'une sous budgétisation. Un phénomène similaire avait été observé pour le carburant, dont la dotation avait finalement été augmentée de 2 millions d'euros.

Toutefois, ma principale inquiétude concerne les dépenses d'investissement. Leur évolution est inférieure de 4 millions d'euros en crédits de paiement à ce qui était prévu dans la programmation annuelle - et cela avant même que l'Assemblée nationale ne vote en seconde délibération une baisse de 5 millions d'euros des dépenses de fonctionnement et d'investissement du programme. Après analyse, la moitié de cet écart traduit un report de certains projets d'investissement, du fait de la contrainte budgétaire.

Or, ces retards se traduiront à moyen terme par des surcoûts pour la sécurité civile. Le projet de remplacement du réseau national d'alerte (RNA) par le système d'alerte et d'information des populations (SAIP) ne sera achevé dans son premier volet qu'en 2019, ce qui implique de souscrire une prestation d'assistance au déploiement complémentaire, qui s'ajoutera à d'autres surcoûts potentiels liés aux intérêts moratoires et à l'augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Compte tenu de ces difficultés, il est aujourd'hui indispensable de s'engager dans une nouvelle dynamique de mutualisation afin de dégager des marges de manoeuvre budgétaires pour l'ensemble des forces de secours. Les enjeux budgétaires sont estimés à 200 millions d'euros, tant la situation actuelle est sous-optimale. Aujourd'hui, chaque autorité d'emploi dispose de ses propres bases, règles de formation, centres de maintenance et outils de formation ; les appareils sont différents selon les forces. Si des efforts de mutualisation entre la sécurité civile et la gendarmerie ont déjà porté leurs fruits, des obstacles culturels empêchent de tirer pleinement parti des possibilités techniques ouvertes. Surtout, une rationalisation plus ambitieuse impliquerait nécessairement un traitement interministériel de ce dossier.

Un deuxième chantier consisterait à mener une politique ambitieuse de réduction du nombre de centres de traitement des appels d'urgence. Nous n'avons plus les moyens de conserver 500 centres d'appels et 11 numéros d'urgence. De nombreux pays se sont déjà engagés dans cette voie avec succès : la Finlande a réussi entre 2009 et 2015 à diviser par trois le nombre de ses centres d'appels et à faire du 112 le numéro de téléphone unique en cas d'urgence. On ne compte plus en Finlande qu'1,1 centre d'appel pour un million d'habitants, soit huit fois moins qu'en France.

Si le ministère de l'intérieur a récemment affirmé sa volonté d'aller vers une plus grande mutualisation, le ministère de la santé semble pour le moment faire « bande à part » en privilégiant la modernisation de son système d'information. Par ailleurs, il faudra être particulièrement vigilant à ce que les regroupements de plates-formes n'aboutissent pas à des transferts de charges pour les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), comme c'est malheureusement le cas en matière de transport sanitaire. Une rationalisation ambitieuse impliquera nécessairement un traitement interministériel et une forte volonté politique.

M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial du programme « Sécurité et éducation routières »  et du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » . - Je vais vous parler non pas du terrorisme, mais d'un autre fléau, la mortalité routière. Durant les huit premiers mois de l'année 2015, 2 253 personnes ont été tuées en France métropolitaine, soit une hausse de 4,6 % par rapport à la même période en 2014. Une hausse notable de la mortalité avait déjà été enregistrée sur l'année 2014, soit une augmentation de 3,8 %, par rapport à 2013. Ces résultats sont inquiétants et font douter de l'efficacité de nos dispositifs de sécurité routière. Ils sont d'autant plus inquiétants que le Gouvernement s'est fixé pour objectif de réduire à moins de 2 000 le nombre de personnes tuées sur les routes en 2020.

En 2016, les dépenses inscrites sur le programme « Sécurité et éducation routières » de la mission « Sécurités » diminuent de 4,8 % par rapport à 2015 pour s'établir à 39,45 millions d'euros. La charge financière du « permis à un euro par jour » restera stable à 5,1 millions d'euros, grâce aux faibles taux d'intérêt. L'effort sera accentué avec la création d'un prêt complémentaire de 300 euros, éventuellement cumulable avec les montants des quatre tranches existantes (soit, respectivement, 600, 800, 1 000 et 1 200 euros). L'opération est un succès : 810 758 prêts depuis la mise en oeuvre en septembre 2010. Le montant total des intérêts payés par l'État aux établissements de crédits s'élève à 51,58 millions d'euros.

Par ailleurs, le produit total des amendes de la circulation et du stationnement devrait atteindre 1,68 milliard d'euros en 2016, soit 0,58 % de plus qu'en 2015. Sur cette somme, 1,37 milliard d'euros sont inscrits en dépenses sur le compte d'affectation spéciale (CAS) « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », dit « CAS Radars », soit une baisse de 0,32 % par rapport à 2015. Le Gouvernement prévoit de commander 454 nouveaux radars en 2016. Il s'agit le plus souvent de remplacements, puisque le nombre de dispositifs de contrôle automatisé en service, quant à lui, ne progressera que de 42 unités, soit 4 122 au lieu de 4 080. Le coût total du déploiement est estimé à 28 millions d'euros. Je conduis actuellement un contrôle budgétaire sur la politique d'implantation des radars, et j'émets quelques réserves quant à ces déploiements, en particulier pour les radars vitesses moyennes et les radars chantiers, dont les coûts d'investissement et de fonctionnement sont élevés. Je propose donc un amendement réduisant les dépenses d'investissement de 5,25 millions d'euros, ce qui financera l'installation de 53 nouveaux radars vitesses moyennes au lieu de 107 et de 11 radars chantiers au lieu de 22. Ni les documents budgétaires ni les réponses au questionnaire budgétaire ne permettent en effet de mesurer leur efficacité et termes de sécurité routière.

S'agissant de la gestion du permis à points, j'avais déjà proposé par amendement la suppression des lettres simples pour les retraits ou les restitutions de points. En 2016, il est prévu d'adresser plus de 15,3 millions de ces courriers aux automobilistes, ce qui coûtera 13,1 millions d'euros. Cette dépense est-elle opportune sachant que le ministère de l'intérieur a ouvert le site Internet Télépoints offrant à tout conducteur de consulter le solde de ses points en ligne ? De plus, une ordonnance du 7 octobre 2015 a également prévu la possibilité pour l'intéressé, sur sa demande, d'être informé du retrait de points par voie électronique. Nous devrions pousser le ministère à faire cette économie, qui pourrait être affectée au désendettement de l'État - tandis que mon amendement précédent sur le nombre de radars déployés produirait un gain destiné aux collectivités territoriales pour financer les équipements de sécurité des axes routiers.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - En ce moment difficile, le soutien nécessaire à nos forces de sécurité exclut toute polémique. Il n'est pas pour autant interdit de se poser quelque questions. Il y a en France un policier ou un gendarme pour 248 habitants, ce qui est supérieur au niveau constaté chez tous nos principaux voisins, à l'exception de l'Italie. Cela pose le problème de l'organisation du travail mais surtout de l'équipement des forces. Par exemple, les 1 300 véhicules les plus anciens du parc de la police affichent une moyenne d'âge de 16,9 ans, certaines mairies ont dû fournir des fax à leur brigade de gendarmerie, etc. Bref, il y a un vrai problème d'équipement. On semble considérer qu'un véhicule coûte plus cher qu'un policier ou un gendarme ! Cela pose aussi la question, récurrente, des tâches qui ne relèvent pas, en principe, des forces de sécurité. Le transfert des prisonniers, à présent, est en partie pris en charge par l'administration pénitentiaire, mais de nombreuses autres tâches administratives continuent à occuper la police et la gendarmerie. Est-il prévu de réduire leur part dans l'emploi des forces ?

Je soutiendrai l'amendement du Gouvernement sur les effectifs supplémentaires, mais combien de temps faudra-t-il pour qu'ils soient disponibles ? Entre le recrutement, la formation et l'affectation, cela peut être long. Ne vaudrait-il pas mieux puiser dans la réserve ? Celle-ci est-elle déjà pleinement utilisée ?

M. Alain Gournac , rapporteur pour avis . - Je me suis concentré sur les crédits de la gendarmerie. Ignorant pour le moment les incidences budgétaires des déclarations du Président de la République à Versailles, il m'est difficile de prendre position. La hausse limitée à 0,9 % dans la version actuelle m'inquiète...

M. Roger Karoutchi . - Le Président de la République a indiqué ce matin qu'il était favorable à l'armement des policiers municipaux. Quel retournement ! Il a précisé que les armes pourraient être prises dans les stocks de la police nationale. J'aimerais autant que notre police municipale soit équipée d'armes modernes... Quel en serait le coût, avec une aide de l'État ? Il y a une dizaine d'années, j'ai fait adopter des conventions entre la région Île-de-France et le ministère de l'intérieur, par lesquelles la région s'était engagée à financer certains équipements de police : véhicules, matériel informatique... Elles sont tombées en désuétude car le ministère de l'intérieur a préféré renoncer à cet apport financier des collectivités. Ne faudrait-il pas y revenir ?

M. Philippe Dallier . - Sur le site d'un grand quotidien national, un article détaillait hier les effectifs de la police et de la gendarmerie. Son titre était : « Depuis 2012, les effectifs des forces de l'ordre ont diminué. » Entre 2002 et 2014, les effectifs réels de la police seraient passés de 143 987 ETPT à 143 050 ETPT et ceux de la gendarmerie de 96 213 à 95 195 ; la hausse affichée du plafond d'emplois ne correspondrait pas à l'évolution de la masse salariale. Avez-vous une idée claire des effectifs réels ?

M. Éric Doligé . - Vous avez insisté à juste titre sur une nécessaire mutualisation de l'alerte. Les sapeurs-pompiers, lors de leur congrès récent, l'ont évoquée. Pour l'heure, personne n'en veut et il y a plus d'affichage que d'action. J'avais réuni ici le médecin urgentiste Patrick Pelloux, la direction des hôpitaux, celle des pompiers : ils en sont presque venus aux mains ! La mutualisation entre les Sdis et les départements commence à peine. Pourtant, elle serait très profitable. Quant au transport sanitaire, il est couvert à 80 % par les pompiers : c'est un vrai problème. Il faut un pilote dans l'avion !

M. Marc Laménie . - Ce contexte dramatique nous impose d'être réactifs et efficaces. Vous avez largement évoqué les moyens humains. De nombreux postes restent vacants dans les départements ruraux, jugés peut-être moins attractifs, et où certaines petites brigades sont fermées à l'occasion des restructurations - qui ont certes leur logique. Le renouvellement du parc automobile est une priorité : certaines motos ont plus de 200 000 kilomètres au compteur. L'esprit de corps ne doit pas faire obstacle au travail en commun. Enfin, certaines tâches indues font perdre trop de temps aux policiers et aux gendarmes.

M. Antoine Lefèvre . - Il n'est plus tolérable que les services de santé continuent à faire bande à part. Nous avons réussi à diviser par deux le nombre de régions : tout le monde est rentré dans le rang et la nouvelle organisation sera effective le 1 er janvier. Pour les centres d'alerte, nous n'y arrivons pas, en raison des susceptibilités que vous avez évoquées. La guerre entre les blancs et les rouges devient kafkaïenne : ils occupent parfois des locaux mitoyens... Le ministre de l'intérieur a-t-il fixé un calendrier pour résoudre ce problème ?

M. François Marc . - La mutualisation des moyens et la rationalisation des tâches sont nécessaires, tout comme le renouvellement du parc automobile. Commentant les crédits de la mission, le rapporteur a déclaré que le Gouvernement n'avait « pas pris pleinement la mesure de la gravité de la situation ». Depuis trois ans, dans un contexte d'assainissement des finances publiques, le Gouvernement a donné la priorité à trois missions : justice, sécurité et éducation. La prise de conscience est là depuis le début de la mandature. Les crédits de paiement sont en hausse de 0,9 %, alors que beaucoup d'autres missions voient leur budget diminuer. Qu'aurait-il fallu faire, selon vous ? Comment auriez-vous financé vos projets ?

M. Maurice Vincent . - Je regrette la tonalité polémique de plusieurs propos, y compris dans les observations du rapporteur spécial. Le contexte ne nous autorise pas, même en commission, ce type de débats, qui ne font pas avancer le problème. Vous semblez regretter que le Gouvernement ait choisi de concentrer l'effort budgétaire sur les créations d'emplois. Je ne peux partager ce point de vue. Le fait que seule l'Italie ait davantage de policiers ne me préoccupe guère.

La mutualisation des centres de traitement des appels d'urgence pose problème depuis des années déjà. Cette situation est préoccupante et engendre des gaspillages. Y a-t-il une solution en vue ? Leur nombre pourrait être réduit à condition, dites-vous, de prévenir tout transfert de charges au détriment des SDIS. Pourquoi faut-il protéger ces derniers ?

M. Michel Canevet . - Quel regard portez-vous sur l'évolution du produit des recettes du programme « Sécurité et éducation routière » ? Ce programme pourrait-il être enrichi ? Pour les programmes « Gendarmerie nationale » et « Police nationale », les moyens de fonctionnement seront-ils suffisants ? Les brigades territoriales ont de plus en plus de mal à fonctionner. Le regroupement des bases aériennes ne doit pas conduire au délaissement de certains secteurs. Les Samu louent leurs appareils : quelle est la différence de coût ?

M. Gérard Longuet . - Philippe Dominati évoque l'augmentation du temps de travail, citant à juste titre le rapport que la Cour des comptes a réalisé en 2013 à ce sujet. Dans la police, en particulier parisienne, la durée de travail est-elle une durée réelle ou un simple seuil permettant de basculer plus rapidement dans le régime des heures supplémentaires ? Ce serait bien compréhensible, car cela permettrait d'échapper à la grille indiciaire de la fonction publique. Des réflexions sur ce point avaient été engagées par la majorité précédente.

M. Thierry Carcenac . - Le permis de conduire revêt désormais la forme d'une carte plastifiée. Depuis 2014, le paiement d'un timbre fiscal de 25 euros s'applique pour passer de la forme cartonnée au nouveau format mais, en cas de perte, le nouveau permis est gratuit ! On peut s'attendre à des déclarations de pertes par nos concitoyens...

M. Claude Raynal . - Vous indiquez que nos effectifs de sécurité sont plus nombreux que dans d'autres pays européens et en déduisez qu'ils pourraient être mieux utilisés. Est-ce à dire que la justice allemande, qui compte deux fois plus de fonctionnaires que la nôtre, est inefficace ? Il faut choisir ! Les comparaisons internationales ne doivent pas servir systématiquement à nous fustiger.

L'armement des policiers municipaux avec les stocks d'armes de la police nationale était déjà possible. C'est une solution d'urgence. Comme maire, j'espère que cette situation sera temporaire. Le financement par le conseil régional qu'a évoqué Roger Karoutchi remonte à une époque où la région avait une compétence générale ! Laissons l'État s'occuper de la sécurité.

M. Bernard Lalande . - J'ai été impressionné par la connaissance qu'a Jean Pierre Vogel de la sécurité civile. Président de Sdis, peut-être pourrait-il évoquer la situation du volontariat ? Ne pourrait-on proposer des crédits spéciaux pour dynamiser les équipes de sapeurs-pompiers volontaires, dont le faible coût est assumé par les conseils départementaux et les communes ?

M. Jean-Claude Requier . - Je me réjouis qu'un de vos amendements diminue le nombre de nouveaux radars. Les gendarmes ont mieux à faire !

M. Philippe Dominati , rapporteur spécial . - Nous avons des visions très différentes sur les effectifs. Ce budget serait un bon budget dans une année normale. Mais nous sommes frappés par une double crise, terroriste et migratoire, depuis le début de l'année. À plusieurs reprises, le Gouvernement a dû se mobiliser : plan d'urgence contre le terrorisme en janvier, plan migrants en septembre, accueil des syndicats de policiers par le Président de la République après la manifestation place Vendôme, déclaration du Premier ministre sur les caméras piétonnes... On pouvait imaginer, pour 2016, un budget d'exception. La hausse des crédits de paiement n'est pour l'instant que de 0,9 %.

L'augmentation des effectifs est bien nécessaire, mais elle doit être accompagnée de crédits de fonctionnement et d'investissement suffisants. Les frais de personnel atteignent 88 % du total. Les crédits de fonctionnement sont en baisse, ce qui se répercutera comme chaque année sur les budgets d'investissement.

S'agissant des effectifs, je vous confirme des créations d'emplois mentionnées dans la note de présentation. Il ne faut pas confondre schéma d'emplois et plafond d'emplois. La sous-exécution du plafond d'emplois dans la gendarmerie est ancienne mais on continue pourtant de l'augmenter artificiellement en parallèle du schéma d'emplois.

La différence entre le schéma d'emplois et les emplois exécutés résulte d'un dysfonctionnement, qui concerne surtout la gendarmerie, où l'écart atteint 2 %.

Les gendarmes sont régis par un statut militaire. Leur cycle de travail, très souple, devra vraisemblablement être adapté aux normes européennes. Dans la police, les rythmes sont différents. Par exemple, la Cour des comptes avait montré en 2013 que dans certains cycles de travail un rappel au service d'une durée de 5 heures effectué sur des repos légaux crédite le fonctionnaire concerné de 16 heures 20 minutes à récupérer, soit un coefficient multiplicateur qui s'élève de fait à 330 %. C'est pourquoi la masse salariale de nos forces de sécurité est si importante.

J'ai constaté une véritable paupérisation des moyens de nos forces. Sans essence pour les voitures, sans gilets pare-balles, comment nos hommes accompliront-ils leurs missions ? Pourtant, vendredi, le Gouvernement rabotait à l'Assemblée nationale le budget de la police et de la gendarmerie de 20 millions d'euros... Lors d'un déplacement, j'ai vu 13 agents du renseignement territorial se partager une seule connexion Internet ! Sans parler du parc automobile, qui continue de vieillir. Du coup, les collectivités territoriales sont tentées d'investir pour conserver une brigade, ce qui peut contredire la logique de redéploiement. Les rapports avec la justice manquent par ailleurs de fluidité.

Les régions auront un rôle à jouer dans la sécurité, par exemple pour la vidéosurveillance, notamment dans les transports. L'équipement de la police municipale pose problème. Les armes non létales peuvent, dans certaines circonstances, mettre en danger les fonctionnaires. Il est vrai que des stocks d'armes sont disponibles, souvent d'un calibre sous-dimensionné pour la police nationale. Dans le cadre du plan de lutte anti-terroriste, 20 millions d'euros ont été attribués au fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), dont 2,4 millions d'euros doivent servir à équiper les polices municipales. Pour l'heure, l'armement de base n'est pas à la hauteur de la menace...

Élu d'un département qui a vécu un massacre, je crois avoir modéré mes propos, qui auraient pu être bien plus acides. Nous avons environ 100 000 gendarmes et 140 000 policiers, dont une partie dépend de la Préfecture de police de Paris. Peut-être pourrions-nous simplifier l'organisation de nos services ? Deux ministres de l'intérieur ont donné des impulsions en ce sens : Nicolas Sarkozy a placé la gendarmerie sous l'autorité du ministre de l'intérieur, et Manuel Valls a prolongé cette dynamique, qui me semble à présent interrompue. Il est anormal, par exemple, qu'un laboratoire scientifique soit créé pour la gendarmerie dans un département où il en existe déjà un pour la police nationale.

Mme Michèle André , présidente . - Lors de votre mission de contrôle, vous aviez souligné la qualité de l'action de nos services de renseignement.

M. Philippe Dominati , rapporteur spécial . - En effet, les fonctionnaires y font preuve d'un engagement admirable - ce qui n'empêche pas de s'interroger sur la complexité de l'organisation administrative !

M. Jean Pierre Vogel , rapporteur spécial. - La mutualisation de l'alerte a été abordée dans un rapport de la Cour des comptes de 2011, qui recommandait déjà de rendre obligatoire dans les meilleurs délais la mutualisation des centres de traitement de l'alerte (CTA), car celle-ci dégagerait des économies de plusieurs millions d'euros. À l'occasion du 122 e congrès national des sapeurs-pompiers, le colonel Éric Faure a rappelé que face aux enjeux technologiques, aux menaces et à la contrainte économique, notre pays n'a plus les moyens de conserver une centaine de CTA pour le 18, une centaine de CTA pour le 15 et près de 300 centres pour le 17. Certes, les obstacles culturels au rapprochement sont nombreux. Président d'un Sdis depuis dix-huit ans, j'avais tenté de mutualiser les moyens : impossible ! Cela réclame un traitement interministériel contraignant. Et le personnel craint des suppressions de postes à cette occasion. De fait, pouvons-nous continuer à payer la maintenance de matériels sous-utilisés ? Nous avons 500 CTA !

Toutefois, il faut veiller à ce qu'il n'y ait pas de transfert de charges de l'État vers les Sdis. Le budget de ceux-ci, qui s'élève à près de 4,5 milliards d'euros, repose déjà à 57 % sur les départements. Les litiges sur la refacturation des carences sanitaires montrent bien que cette tentation existe. Dans mon département, j'avais dû émettre un titre de recettes de 150 000 euros sur le Samu. Le préfet a finalement rendu un arbitrage qui a mis fin à la difficulté. Bref, les règles du jeu doivent être claires.

La démographie médicale influe aussi sur l'activité des Sdis, dont l'activité de secours à la personne augmente de façon continue. Une expérimentation devrait être lancée en 2016 dans quelques départements, sur le modèle de la plate-forme parisienne de la préfecture de police, qui regroupe les appels au 17 et au 18 de Paris et des départements 92, 93 et 94 dans la perspective de l'euro 2016. Étrangement, les appels au 15 ne sont pas concernés.

Pour la première fois depuis près d'une décennie, le nombre de volontaires est en hausse. Il faut s'en réjouir. Toutefois, le problème concernant les volontaires porte davantage sur leur disponibilité que sur leur nombre. Le turn over est très important. En la matière, il faut regarder le quantitatif et le qualitatif.

M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial . - Le débat porte davantage sur la sécurité que sur la sécurité routière. Nous reparlerons de manière plus détaillée de la politique de sécurité routière lorsque je vous présenterai mon rapport de contrôle budgétaire sur la politique d'implantation des radars. J'indique que les recettes de la sécurité routière sont constantes et que le permis de conduire plastifié, la simplification et le renouvellement des titres d'identité relèvent de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), dont les crédits émargent à la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

Mme Michèle André , présidente . - A la création de l'ANTS, le sujet était très difficile : cela ne s'est pas arrangé depuis...

M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial . - Réservons les crédits de la mission mais adoptons les amendements qui portent sur le compte spécial.

Mme Michèle André , présidente . - Demain, nous devrions recevoir le texte du projet de loi de finances de l'Assemblée nationale, et nous examinerons définitivement les missions lors de notre réunion de commission. Nous ne disposerons sans doute pas de tous les éléments concernant la mission « Sécurités », et devrons reporter l'examen définitif des crédits de cette mission à la semaine prochaine. Le délai limite de dépôt d'amendements est fixé au vendredi 27 novembre à 11 heures.

Nous devrons aussi examiner un décret d'avance qui sera présenté le 23 novembre.

Le vote sur les crédits de la mission « Sécurités » est réservé.

Mme Michèle André , présidente . - Nous en arrivons à l'examen des amendements relatifs au compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

Article additionnel après l'article 63

M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial . - L'amendement n° 1 modifie le code de la route et supprime l'envoi de lettres simples pour informer du retrait et de la restitution des points. En effet, le nombre de points retiré figure déjà sur le procès-verbal de contravention et peut être consulté sur un site internet.

M. Claude Raynal . - Sur le principe je ne vois pas de difficultés, c'est un signal. Mais maintenons la lettre annonçant qu'il ne reste plus aucun point !

M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial . - C'est prévu, je ne remets pas cette règle en cause.

M. Gérard Longuet . - Le rapporteur pourrait-il étudier la possibilité de fractionner le nombre de points perdus - utiliser par exemple des demi-points ? Une vitesse excessive d'un kilomètre heure coûte autant que dix kilomètres heure de plus ! Nous progresserions dans la voie de la sagesse et de la justice.

M. Daniel Raoul . - On pourrait augmenter à 24 le nombre de points, afin d'éviter les fractionnements tout en parvenant au résultat que vous recherchez.

M. Gérard Longuet . - C'est une autre solution.

M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial . - Nous en débattrons lors de la présentation de mon rapport sur l'implantation des radars, où je formulerai des propositions.

L'amendement n° 1 est adopté.

Article 26 (état D)

M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial . - L'amendement n° 2 de conséquence supprime 13,1 millions d'euros du dispositif concerné qui seront réaffectés au désendettement de l'État.

L'amendement n° 2 est adopté.

M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial . - L'amendement n° 3 limite l'installation de nouveaux radars « vitesses moyennes » et « chantiers », dont le coût d'investissement et de fonctionnement est élevé, sans que leur efficacité soit réellement prouvée ; 5,25 millions d'euros seront affectés à la contribution des collectivités territoriales à la sécurité routière.

M. Maurice Vincent . - C'est un mauvais signal ! Voilà le laxisme !

L'amendement n° 3 est adopté.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de réserver sa position sur les crédits de la mission « Sécurités » et de proposer au Sénat l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » ainsi modifiés.

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 19 novembre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale, a décidé de réserver son examen définitif des crédits de la mission « Sécurités », a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » tels que modifiés par ses amendements et a confirmé l'adoption d'un article additionnel après l'article 63 .

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* *

Réunie à nouveau le jeudi 26 novembre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Sécurités » tels que modifiés par l'amendement déposé par le Gouvernement, auquel elle a donné un avis favorable.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Direction générale de la Gendarmerie nationale (DGGN)

- M. Denis Favier, directeur général.

Direction générale de la Police nationale (DGPN)

- M. Jean-Marc Falcone, directeur général.

Association professionnelle GendXXI

- M. Jean-Hugues Matelly, président ;

- M. Jean-Pierre Bleuzet, vice-président.

Syndicat des cadres de la sécurité intérieure

- M. Jean-Marc Bailleul, secrétaire général ;

- M. Christophe Dumont, secrétaire national ;

- M. Christophe Rouget, chargé de mission.

Syndicat des commissaires de la police nationale

- Mme Céline Berthon, secrétaire général ;

- M. Arnaud Barois.

Unité SGP Police FO

- M. Franck Fievez, secrétaire national ;

- M. Jérôme Moisant, délégué national.

Alliance Police nationale

- M. Fabien Vanhemelryck, secrétaire national ;

- M. Pascal Disant, délégué.

Synergie-Officiers

- Mme Bérengère Maguet, conseillère technique ;

- M. Benjamin Iseli, conseiller technique.

Syndicat indépendant des commissaires de police

- M. Mickaël Trehen, secrétaire national.


* 1 Discours du ministre de l'intérieur à Lyon le 30 janvier 2015.

* 2 Discours du ministre de l'intérieur lors de l'installation de M. Michel Cadot, Préfet de police, le 22 juillet 2015.

* 3 Source : réponses de la DGPN au questionnaire.

* 4 Cf. Elodie Guéguen, « Vigipirate : La police en surchauffe », France Inter, vendredi 25 septembre 2015 ; Emmanuel Fansten, « Le Service de la protection en surchauffe », Libération, 13 octobre 2015.

* 5 Les données sont disponibles en ligne à l'adresse suivante : http://icsr.info/2015/01/foreign-fighter-total-syriairaq-now-exceeds-20000-surpasses-afghanistan-conflict-1980s/

* 6 Peter R. Neumann, « Victims, Perpetrators, Assets: The Narratives of Islamic State Defectors », ICSR Report, octobre 2015, p. 9

* 7 Cf. document S/2015/123 publié par l'ONU, paragraphe 15.

* 8 Discours du ministre de l'intérieur à Calais le 21 octobre 2015.

* 9 Données du ministère de l'intérieur du 9 novembre 2015.

* 10 AEF, dépêche n° 509273, 22 octobre 2015.

* 11 Cour des comptes, « Police et gendarmerie nationales : dépenses de rémunération et temps de travail », 2013.

* 12 Cour des comptes, « Police et gendarmerie nationales : dépenses de rémunération et temps de travail », 2013.

* 13 Cf. « Un syndicat de police dénonce les tâches indues », Le Parisien, 30 octobre 2014.

* 14 IGA, « Moderniser l'organisation des élections », octobre 2014, p. 28

* 15 Cf. Cour des comptes, « La mutualisation entre la police et la gendarmerie nationales », 2011.

* 16 Cf. discours du Premier ministre, « Annonces gouvernementales sécurité-justice », 14 octobre 2015.

* 17 Cf. AEF, dépêche n° 509273, 22 octobre 2015.

* 18 Le ministre de l'intérieur a indiqué le 13 octobre avoir « demandé au directeur général de la police nationale et au directeur général de la gendarmerie nationale de [lui] faire des propositions » en matière de redéploiement des zones de compétences entre les deux forces. Ces évolutions visent à « poursuivre le travail de réforme et de mutualisation » au sein du ministère de l'intérieur et pourraient « s'étendre aussi aux sujets tels que la cybercriminalité ou la police technique et scientifique ». Cf. AEF, dépêche n° 508620, 13 octobre 2015.

* 19 Bulletin mensuel de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, ISSN 2265-9110, janvier 2015.

* 20 Rapport sur l'enregistrement des plaintes par les forces de sécurité intérieure publié le 12 juillet 2013 et co-écrit par Michel Rouzeau (IGA), Jean-Christophe Sintive (IGA), Christian Loiseau (IGPN), Armand Savin (IGPN), Claude Loron (IGGN) et Isabelle Kabla-Langlois (INSEE), p. 8

* 21 Rapport n° 604 sur la loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2014, tome II (2014-2015), fait au nom de la commission des finances et déposé le 8 juillet 2015.

* 22 Werner Gagneron (IGA), Marc Le Dorh (IGA), Yves Jobic (IGPN) et Eric Proix (IGPN), « Enregistrement des plaintes par les forces de sécurité intérieure sur le ressort de la préfecture de police », 3 mars 2014.

* 23 Laurent Borredon, « COP21: la Préfecture de police redoute un climat de délinquance », Vu de l'intérieur, 11 novembre 2015.

* 24 SSMSI, « Statistiques sur les crimes et délits enregistrés par la police et la gendarmerie : correction des ruptures techniques liées aux modes de collecte », Interstats Méthode n° 4, 2015, p. 4

* 25 SSMSI, « Statistiques sur les crimes et délits enregistrés par la police et la gendarmerie : correction des ruptures techniques liées aux modes de collecte », précité, p. 3.

* 26 Cf. SSMSI, « Statistiques sur les crimes et délits enregistrés par les forces de sécurité : correction des variations saisonnières et des jours ouvrables », Interstats Méthode n° 5, 2015.

* 27 Cf. « Valls annonce une baisse des cambriolages », Lefigaro.fr avec l'AFP, 19 novembre 2014.

* 28 Cour des comptes, « La gestion des carrières dans la police et la gendarmerie nationales », précité, p. 3

* 29 Haut comité d'évaluation de la condition militaire, « Perspectives de la condition militaire », rapport thématique, juin 2015, p. 72

* 30 CJUE, 2006, affaire C-132/04, Commission européenne c/ Espagne.

* 31 Le 2 octobre 2014, la CEDH a rendu deux arrêts condamnant la France en raison de l'interdiction faite aux militaires d'adhérer à un syndicat ou à un groupement constitué pour soutenir des revendications d'ordre professionnel.

* 32 « Temps d'activité des Gendarmes et soldats, le gouvernement en infraction », GendXXI, 3 février 2015.

* 33 Haut comité d'évaluation de la condition militaire, « Perspectives de la condition militaire », précité, p. 51

* 34 Rapport n° 604 sur la loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2014, tome II (2014-2015), fait au nom de la commission des finances et déposé le 8 juillet 2015.

* 35 Cour des comptes, « La gestion des carrières dans la police et la gendarmerie nationales », 2015, p. 2

* 36 AEF, « La police nationale expérimente plusieurs cycles de travail pour remplacer un régime horaire "condamné" (Philippe Lutz) », dépêche n°507804.

* 37 AEF, « La police nationale expérimente plusieurs cycles de travail pour remplacer un régime horaire "condamné" (Philippe Lutz) », précité.

* 38 Cour des comptes, « Police et gendarmerie nationales : dépenses de rémunération et temps de travail », précité, p. 67

* 39 Réponses du ministère de l'intérieur au questionnaire.

* 40 Cf. « Les moyens consacrés au renseignement intérieur », rapport d'information de Philippe Dominati fait au nom de la commission des finances, n° 36 (2015-2016), 7 octobre 2015.

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