EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LES RÈGLES NATIONALES RELATIVES AUX DÉLAIS DE PAIEMENT ACCUSÉES DE NUIRE AUX ENTREPRISES EXPORTATRICES

A. DES RÈGLES SUR LES DÉLAIS DE PAIEMENT DÉCRITES COMME PLUS STRICTES EN FRANCE QU'AILLEURS, CE QUI AFFECTERAIT LES ENTREPRISES EXPORTATRICES

Dans le souci de pacifier les relations commerciales et de lutter contre des retards de paiement, qui sont l'une des principales causes de défaillance des entreprises 1 ( * ) , le législateur français a opté pour un encadrement strict des délais de paiement interentreprises, en imposant un plafond de 60 jours ou 45 jours fin de mois pour le règlement de toutes les transactions entre entreprises résidentes, sans prévoir aucune dérogation pour les entreprises exportatrices.

Ces dernières sont donc tenues de régler leurs fournisseurs résidents dans les délais de droit commun, alors même que leurs clients étrangers les payent parfois dans des délais sensiblement plus longs. En particulier, du fait de temps de stockage, de transport et de dédouanement particulièrement longs, les entreprises présentes au grand export peuvent attendre 90, 120, voire 180 jours pour être payées par leur clients, ce qui crée un besoin de trésorerie important dès lors qu'elles doivent elles-mêmes régler sous 60 jours leurs fournisseurs résidents.

Ce décalage entre les délais de paiement clients et fournisseurs est de nature à fragiliser financièrement les entreprises exportatrices, avec le risque, de surcroît, que cette fragilité ne se traduise, in fine , par une détérioration de la situation commerciale des exportateurs : « Les entreprises sont confrontées à un choix cornélien : soit supporter une difficulté de trésorerie, soit négocier avec le client étranger des paiements plus rapides. Dans le dernier cas, elles prennent le risque d'affaiblir leur position dans la négociation commerciale voire de mettre en péril la relation contractuelle. Il en résulte un véritable barrage (...) à la valorisation du « made in France » à l'international. La législation française entrave l'économie française dans la compétition internationale . » 2 ( * )

Il semblerait, à en croire les promoteurs de la proposition de loi, que cette situation constitue une spécificité bien française. La législation des autres pays offrirait en effet plus de souplesse en permettant aux exportateurs de négocier avec leurs fournisseurs résidents des délais de paiement plus longs que la normale et donc de partager vers l'amont la charge de trésorerie induite par les délais plus longs des clients étrangers. « Alors que la France ordonne un délai de quarante-cinq jours fin de mois ou de soixante jours à compter de la facture, le reste du monde, notamment certains pays européens comme la Belgique, laisse une entière liberté aux commerçants . 3 ( * ) »

Il est vrai que la directive 2011/7/UE du 16 février 2011 sur les retards de paiement, qui est d'harmonisation minimale, fixe seulement aux États membres d'atteindre un délai paiement « cible » de soixante jours, tout en leur laissant une grande liberté dans la manière de transposer cet objectif en droit interne. Il est ainsi loisible aux États membres d'accorder aux cocontractants la possibilité de définir des délais de paiement supérieurs à 60 jours, à condition que ce dépassement ne constitue pas un abus. Au sein de l'Union européenne, les États membres autres que la France auraient conservé cette souplesse permise par le droit européen. Les entreprises exportatrices résidant dans ces pays auraient ainsi la possibilité, par la négociation avec leurs fournisseurs, de mettre en cohérence leurs délais de paiement fournisseurs et clients.


* 1 Sur 62 000 défaillances d'entreprises enregistrées en 2014, 15 000 sont dues à des retards de paiement.

* 2 Intervention de Mme Chantal Guittet, rapporteur, lors de l'examen de la proposition de loi par la Commission des lois, le mercredi 15 avril 2015.

* 3 Intervention de Mme Chantal Guittet, rapporteur, lors de l'examen de la proposition de loi par la Commission des lois, le mercredi 15 avril 2015.

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