CONCLUSION GÉNÉRALE

Après un examen attentif des stipulations de cet accord, la commission, encouragée par le Conseil de l'Europe, lors de sa conférence parlementaire du 24 novembre 2015, à Paris, à laquelle votre rapporteur a eu l'honneur de participer, recommande l'adoption de ce projet de loi . La Convention MÉDICRIME, qui entrera en vigueur au 1 er janvier 2016 , vient, en effet, combler l'absence d'instrument international spécifique de lutte contre les produits médicaux falsifiés. À ce jour, la législation française est conforme à l'ensemble des exigences posées par cette Convention ainsi que par le droit communautaire. Selon les services du ministère de l'intérieur et de la justice auditionnés 19 ( * ) , la ratification par la France de cette Convention, qui parachève, en quelque sorte, le dispositif national, est attendue comme un signal fort par un grand nombre de pays européens et devrait entraîner d'autres ratifications. Pour que la Convention soit véritablement un outil efficace de lutte contre la criminalité organisée transnationale très active dans ce secteur très lucratif et peu risqué, il apparaît indispensable qu'un grand nombre de pays rejoignent les standards qu'elle prévoit.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 9 décembre 2015, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Claude Malhuret et du texte proposé par la commission sur le projet de loi n° 210 (2014-2015) autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique.

Après l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé.

M. Joël Guerriau . - On se réjouit des avancées que va permettre cette convention. Rappelons qu'en Afrique, un médicament sur trois est contrefait. La France est dotée, à travers sa réglementation, son réseau de distribution et son système de prescriptions médicales remboursées, d'un cadre protecteur ; mais Internet n'en constitue pas moins un danger, dans la mesure où l'on peut y acheter des médicaments dits de confort. Pourquoi n'interdit-on pas la vente des médicaments sur Internet ?

M. Yves Pozzo di Borgo . - Le marché mondial de la drogue étant en baisse, les mafias se sont lancées dans la contrefaçon de médicaments. Doit-on interdire ou autoriser la vente de médicaments sur Internet ? C'est une question sensible. Il faut en tous cas préserver notre réseau de pharmacies traditionnelles qui nous protège des contrefaçons.

M. Bernard Cazeau . - Il convient de distinguer la contrefaçon d'un médicament existant et la non-conformité d'un produit à une certification donnée. Dans le cas des prothèses PIP, le problème était qu'une certification avait été délivrée à un produit non conforme. Il est nécessaire d'agir concomitamment à la fois sur le volet « certification » et sur celui de la mise sur le marché. Est-ce bien le cas ?

M. Jacques Legendre . - L'examen de ce texte doit être l'occasion de saluer l'action du Conseil de l'Europe. Il y a d'ailleurs une pharmacopée européenne. De nombreux médicaments contrefaits sont mis en vente en Afrique, notamment au Nigéria et au Bénin. Environ 50 % des médicaments vendus dans ces pays sont de faux médicaments. Il est urgent de s'attaquer au niveau international à la vente de faux médicaments et la France s'honorerait en ratifiant rapidement cette convention.

M. Alain Néri . - Aux Etats-Unis où je me suis rendu dans le cadre de la commission d'enquête sur la lutte contre le dopage, on trouve de nombreux types de produits médicaux contrefaits, qui sont vendus sur Internet. Les médicaments sont fabriqués dans des laboratoires clandestins, dans des conditions sanitaires non contrôlées et sans que soit respectée aucune spécification technique, notamment en ce qui concerne le dosage. Il faut absolument lutter contre cette contrefaçon de médicaments, d'autant que certains, comme les produits dopants, sont assimilables à des drogues.

M. Claude Malhuret, rapporteur . - Compte tenu des conditions de délivrance des médicaments, la France est l'un des pays les plus protégés vis-à-vis de la contrefaçon. Il n'y a pas d'incitation à rechercher sur Internet des produits susceptibles d'être contrefaits ou falsifiés, sauf s'agissant de certains produits tels que les produits dopants, les stéroïdes anabolisants, ou encore les produits amincissants, que les médecins, à raison, ne veulent pas prescrire. En matière de vente de médicaments sur Internet, la réglementation française est très stricte : toute pharmacie sur Internet doit dépendre d'une pharmacie physique et le pharmacien doit être diplômé. Le problème est celui des commandes de médicaments hors de France, en Europe de l'Est et en Asie (90 % des médicaments contrefaits provenant d'Inde et de Chine). La seule chose qu'on puisse faire en France est de renforcer les contrôles au niveau des douanes. La France fait le maximum et applique une bonne réglementation mais le problème est international et cette convention devrait permettre d'améliorer les choses.

En réponse à M. Bernard Cazeau, si la certification est européenne, la prévention et la répression s'exercent au plan national. À cet égard, la coopération internationale que va permettre cette convention va renforcer les possibilités d'intervention de chaque pays. Néanmoins, je constate en France une insuffisance de la pharmaco-vigilance, comme l'a illustré l'affaire du Médiator et celle des prothèses mammaires PIP. D'autres scandales du même type sont possibles si l'on ne remédie pas aux failles de notre système de pharmaco-vigilance. Ainsi pour les prothèses PIP, il y avait eu des signalements de la Food and Drug Administration américaine, des autorités britanniques et de chirurgiens français bien avant que le scandale n'éclate. Avec le Médiator, les effets secondaires n'étaient pas connus en France quand ils l'étaient dans d'autres pays d'Europe.

En écho à l'intervention de M. Jacques Legendre, le comble est que les médicaments contrefaits vendus en Afrique le sont à un prix plus élevé que les médicaments originaux.

M. Bernard Cazeau . - La certification des dispositifs médicaux est faite par des organismes relevant de l'UE. L'adaptation de leur cadre d'intervention, qui était attendue, est-elle intervenue ?

M. Claude Malhuret, rapporteur . - Les contrôles incombent aux services habilités de la Haute Autorité de Santé, qui les délèguent à des sociétés privées. La certification des prothèses PIP était déléguée à une société allemande qui prévenait à l'avance le fabricant des contrôles prévus. Il est probable que ce type de pratiques se rencontre dans d'autres domaines. Plus encore que la législation, la pratique est donc perfectible.

Mme Hélène Conway-Mouret . - Comment se fait-il que nous ayons une législation protectrice et que, dans le même temps, nous soyons les derniers à signaler les problèmes ?

M. Claude Malhuret, rapporteur . - C'est parce que face à un problème, on répond en France par une loi et non par des actions. On ne se préoccupe pas assez de l'application effective des lois.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le rapport ainsi que le projet de loi précité.


* 19 Audition du 25 novembre 2015.

Page mise à jour le

Partager cette page