CHAPITRE II - Des cumuls d'activités

Article 6 (art. 25 septies [nouveau] de la loi n° 83-643 du 13 juillet 1983) - Encadrement du cumul d'activités

Le présent article vise à réécrire les dispositions relatives au cumul d'activités qui figuraient, jusqu'à présent, à l'article 25 de la loi n° 83-643 du 13 juillet 1983 78 ( * ) . Il créerait, pour ce faire, un nouvel article 25 septies au sein de cette même loi.

Les fonctionnaires sont régis par le principe d'exclusivité : ils doivent s'acquitter « correctement et intégralement de leurs fonctions » 79 ( * ) et ne peuvent exercer d'autres activités professionnelles.

Ce principe connaît toutefois des exceptions permettant aux fonctionnaires de cumuler plusieurs activités. Ils peuvent, par exemple, assurer un cours à l'université en dehors de leurs heures de service.

Le Gouvernement n'est pas en mesure de quantifier le nombre de fonctionnaires cumulant plusieurs activités. Les seuls chiffres disponibles concernent la création ou la reprise d'une entreprise par un fonctionnaire, ces dossiers étant examinés par la commission de déontologie. En 2014, 2 210 avis ont été rendus, ce qui représente moins de 0,05 % des agents publics.

Les avis « cumul d'activités » rendus par la commission de déontologie

Source : avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2016 de M. Alain Tourret
fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale

Ces chiffres ne sont toutefois pas exhaustifs car ils excluent de nombreuses hypothèses de cumul d'activités (activités accessoires, cumul d'emplois publics 80 ( * ) , etc. ).

Le projet de loi initial proposait de restreindre de manière drastique les possibilités de cumul, le Gouvernement estimant que cela permettrait « d'éviter des collusions préjudiciables à l'exécution des missions du service et à la réputation de l'administration » 81 ( * ) .

L'Assemblée nationale a néanmoins adopté plusieurs amendements de sa rapporteure, Mme Françoise Descamps-Crosnier, et de M. Alain Tourret visant à atténuer les restrictions proposées afin que « le projet de loi ne vienne pas déstabiliser le cadre juridique qui s'applique aujourd'hui à des pratiques parfaitement acceptables du point de vue de la déontologie » 82 ( * ) .

Votre rapporteur a souhaité approfondir cette démarche car il estime que le cumul d'activités participe à la valorisation des agents publics .

Le présent commentaire distingue au sein de cet article 3 :

- les règles du cumul d'activités que le projet de loi propose de maintenir (1) ;

- les restrictions qu'il tend à imposer à ce cumul et que votre rapporteur considère comme fondées (2) ou, au contraire, comme trop strictes (3) ;

- les dispositions relatives à la manière dont l'administration contrôle ce cumul (4) .

1. Le maintien d'un principe général d'interdiction nuancé par plusieurs dérogations

Le texte voté par l'Assemblée nationale maintient l'architecture actuelle du dispositif de cumul d'activités, à savoir un principe général d'interdiction nuancé par plusieurs dérogations.

1.1. Un principe général d'interdiction

Le principe d'interdiction du cumul d'activités est conservé, le projet de loi rappelant que le fonctionnaire « ne peut exercer, à titre professionnel, une activité lucrative de quelque nature que ce soit » .

Demeurent également interdites certaines activités privées lucratives explicitement énumérées comme la participation aux organes de direction des sociétés. Cette disposition n'est toutefois pas de nature à interdire aux fonctionnaires de siéger dans ce type d'organes au nom de leur administration 83 ( * ) ou de diriger une société civile immobilière (SCI) créée pour gérer leur propre patrimoine.

1.2. Le maintien de plusieurs dérogations

Quatre dérogations à ce principe sont toutefois maintenues par le projet de loi :

• Les régimes spécifiques de cumul d'activités

Des régimes spécifiques permettent tout d'abord aux fonctionnaires de cumuler certaines activités.

Exemples de régimes spécifiques de cumul d'activités

Fonctionnaires concernés

Cumuls possibles

Base juridique

Fonctionnaires des entreprises et des établissements publics de recherche

Création d'une entreprise ou participation au capital d'une entreprise existante pour valoriser leurs travaux de recherche

Articles L. 531-1 à L. 531-11
du code de la recherche

Participation aux organes de direction d'une société pour diffuser les résultats de la recherche publique

Articles L. 531-12 à L. 531-14 du code de la recherche

Architectes

Exercice de missions de conception et de maîtrise d'oeuvre pour le compte d'autres personnes publiques ou privées

Article 14 de la loi n° 77-2
du 3 janvier 1977
sur l'architecture

Médecins, odontologistes et pharmaciens (praticiens hospitaliers)

Exercice d'une activité libérale complémentaire

Articles L. 6154-1 à L. 6154-7 du code de la santé publique

Agriculteur

Exercice d'un emploi à temps non complet dans une collectivité territoriale

Article 45 de la loi
de modernisation
de l'agriculture

Tous les fonctionnaires

Possibilité de revendiquer les droits d'auteur relatifs à une invention

Articles R. 611-11 à R. 611-14-1 du code de la propriété intellectuelle

Source : commission des lois du Sénat

• Le régime spécifique des agents occupant un emploi à temps non complet ou incomplet

Les fonctionnaires occupant un emploi à temps non complet ou incomplet pour lequel la durée du travail est inférieure ou égale à 70 % de la durée légale seraient autorisés, comme en l'état du droit, à exercer une autre activité lucrative dans le secteur privé. Il est précisé que cette disposition ne s'appliquerait pas aux agents exerçant leurs fonctions à temps partiel.

Temps complet, incomplet, non complet ou partiel

L'analyse des dispositifs de cumul d'activités implique de distinguer :

- les postes de fonctionnaires à temps complet dont les tâches nécessitent un temps hebdomadaire de travail de 35 heures ;

- les postes à temps incomplet qui correspondent, dans la fonction publique d'État, à des emplois ne nécessitant pas 35 heures de travail. La durée de travail est alors fixée par l'administration mais ne peut dépasser 70 % d'un temps complet.

Des postes comparables existent dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière mais sont désignés comme des « postes à temps non complet » ;

- le temps partiel correspond à la situation d'un agent occupant un emploi à temps complet mais souhaitant travailler moins de 35 heures sur une période et pour des motifs (raisons thérapeutiques, adoption d'un enfant, etc .) donnés.

• Les activités accessoires

La possibilité pour un agent d'exercer des activités accessoires
- lucratives ou non - à son emploi dans la fonction publique serait maintenue.

Est accessoire toute activité considérée comme secondaire par rapport à l'emploi public et qui est mentionnée par le décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 (l'enseignement et la formation, les services à la personne, la vente de biens fabriqués personnellement par l'agent, etc. ).

Le présent projet de loi reprend également des dispositions en vigueur en précisant que :

- les fonctionnaires peuvent produire des oeuvres de l'esprit au sens du code de la propriété intellectuelle (livres, oeuvres graphiques et typographiques, etc .) ;

- les enseignants, les scientifiques, les personnels techniques des établissements d'enseignement et les artistes peuvent exercer, en complément de leur emploi public, des professions libérales qui « découlent de la nature de leurs fonctions ».

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a supprimé deux dispositions dont l'utilité n'a pas été démontrée . La première précisait que les fonctionnaires pouvaient « notamment » pratiquer l'activité d'enseignant associé, précision qui n'a pas semblé indispensable dans la mesure où l'enseignement constitue déjà une « activité accessoire » ( amendement COM-74 ). La seconde disposition détaillait de manière non exhaustive le contenu du décret d'application relatif à ce type d'activités ( amendement COM-77 ).

• Les dirigeants d'entreprises ou d'associations à but lucratif intégrant la fonction publique

Le texte transmis par l'Assemblée nationale prévoit de maintenir la dérogation permettant aux personnes qui intègrent la fonction publique tout en dirigeant une entreprise ou une association à but lucratif de poursuivre leur activité privée pendant un délai d'un an renouvelable une fois 84 ( * ) .

Il s'agit, comme le soulignait notre collègue Hugues Portelli en 2007, de « donner aux agents publics le temps de s'assurer de la viabilité de leur entreprise » 85 ( * ) et d'organiser leur succession à la tête de cette dernière.

2. Des restrictions au cumul d'activités qui semblent nécessaires

Par rapport au droit en vigueur, deux des nouvelles restrictions proposées par le Gouvernement paraissent opportunes : les consultations pour une personne publique agissant dans le secteur concurrentiel et la détention d'intérêts dans une entreprise contrôlée.

2.1. Consultations dans le secteur concurrentiel

En l'état du droit, un fonctionnaire peut donner des consultations, procéder à des expertises et plaider en justice dans les litiges intéressant toute personne publique si deux conditions sont remplies : il exerce cette activité en dehors de ses heures de service et au profit d'une personne publique (l'État, une collectivité territoriale, un établissement public, etc .).

Le présent article est plus restrictif car cette activité ne serait désormais possible que dans le secteur non concurrentiel. À titre d'exemple, un établissement public à caractère industriel et commercial intervenant dans le domaine ferroviaire ne pourrait plus faire appel à des fonctionnaires extérieurs à ses services pour assurer ce type de prestations de consultants.

Cette disposition peut s'expliquer par un souci d'égalité des armes entre une entreprise et un établissement public intervenant dans un même secteur concurrentiel.

2.2. Détention d'intérêts dans une entreprise contrôlée

L'actuel article 25 de la loi n° 83-634 précitée dispose que les fonctionnaires ne peuvent prendre , directement ou par personnes interposées, des « intérêts de nature à compromettre leur indépendance » dans une entreprise soumise au contrôle de l'administration à laquelle ils appartiennent. Cela revient, par exemple, à interdire à un agent de l'agence des participations de l'État d'acquérir des parts dans une société dont l'État est actionnaire.

Le Gouvernement propose d'étendre cette interdiction à la détention d'intérêts dans ce type d'entreprises : le fonctionnaire concerné devrait se départir de ses actions dans une société dès lors qu'il la contrôle au nom de l'administration.

Cette atteinte au droit de propriété apparaît conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel dans la mesure où elle est motivée par un intérêt d'ordre général : la prévention des conflits d'intérêts 86 ( * ) .

3. Des restrictions au cumul d'activités qui paraissent excessives

Votre commission est revenue sur deux restrictions au cumul d'activités proposées par le Gouvernement car elle les a jugées trop sévères. Elles concernent la création ou la reprise d'entreprise et le cumul d'emplois publics.

3.1. La création ou la reprise d'entreprise

En l'état du droit, tout fonctionnaire peut créer ou reprendre une entreprise sous réserve de l'accord de son autorité hiérarchique et après avis de la commission de déontologie. Il peut cumuler cette activité avec son emploi public pendant un délai de deux ans, renouvelable une fois pour une durée d'un an.

Le fonctionnaire concerné peut occuper un emploi public à temps complet ou à temps partiel. Dans ce dernier cas, il obtient un temps partiel de plein droit 87 ( * ) .

L'article 14 du décret du 2 mai 2007 précité prévoit, en complément, un « délai de carence » , l'agent ayant bénéficié de ce droit au cumul d'activités ne pouvant pas en solliciter un nouveau avant l'expiration d'un délai de trois ans.

Le projet de loi propose d'ajuster ce dispositif en le rendant plus restrictif sur deux points 88 ( * ) .

En premier lieu, l' octroi d'un emploi à temps partiel ne serait plus de plein droit mais serait accordé « sous réserve des nécessités de continuité et du fonctionnement du service et compte tenu des possibilités d'aménagement de l'organisation du travail », critères appréciés par l'autorité hiérarchique du fonctionnaire. Cette restriction semble justifiée au regard de la nécessité de continuité et de bonne organisation du service public.

En second lieu, les fonctionnaires à temps plein - effectuant donc 35 heures de travail par semaine - devraient obligatoirement solliciter un temps partiel . Dans le cas contraire, ils ne pourraient plus reprendre ou créer une entreprise en dehors de leurs heures de service.

Or, comme le rappelait notre collègue Huges Portelli en 2007, il semble préférable de « permettre à l'agent public créateur d'entreprise d'organiser son temps comme il le souhaite : soit en effectuant ses activités privées en sus de son activité à temps plein, soit en demandant le bénéfice d'un mi-temps (...). À titre d'exemple, le recours au mi-temps ne semble pas nécessaire pour la création de sites web lucratifs » 89 ( * ) .

Les auditions de votre rapporteur ont également montré que ce type de cumul d'activités est très fréquent dans la fonction publique hospitalière . Il est apprécié par le personnel (un masseur kinésithérapeute pouvant exercer une activité libérale en parallèle de ses interventions à l'hôpital) mais également par les employeurs (la possibilité de cumuler plusieurs activités participant à l'attractivité de la fonction publique hospitalière).

Dans ce contexte, votre commission a adopté l'amendement COM-73 de son rapporteur permettant aux fonctionnaires de créer ou reprendre une entreprise lorsqu'ils sont à temps partiel mais également lorsqu'ils sont à temps plein.

3.2. Le cumul d'emplois publics

L'article 3 du décret du 2 mai 2007 précité permet d'exercer simultanément deux emplois publics, tant que l'un des deux est « accessoire » 90 ( * ) .

A l'inverse, le présent article propose d'interdire le cumul d'un emploi public à temps complet avec « d'autres emplois (...) à temps complet ou incomplet ».

Si la prohibition du cumul de deux emplois publics à temps complet semble logique, celle d'un cumul avec un emploi à temps « incomplet » pose deux difficultés :

- rien ne semble empêcher un fonctionnaire de compléter les 35 heures de son emploi à temps complet par un emploi d'une durée moindre - cinq heures par exemple - pour le compte d'une autre personne publique. Parallèlement à ses fonctions, un instituteur peut par exemple occuper un poste de secrétaire de mairie 91 ( * ) ;

- cette interdiction de cumul s'appliquerait uniquement à la fonction publique d'État et pas aux fonctions publiques hospitalière et territoriale 92 ( * ) . En l'état du texte, cette disposition n'irait donc pas dans le sens d'une harmonisation du droit applicable aux trois versants de la fonction publique.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a donc permis le cumul d'un emploi public à temps complet et d'un emploi à temps incomplet ( amendement COM-72 ). Si la majorité de ces cumuls était réalisée au sein d'un même versant de la fonction publique (territoriale, hospitalière ou d'État), rien n'interdirait de cumuler des emplois au sein de plusieurs versants 93 ( * ) .

4. La réforme du contrôle des cumuls d'activités et des sanctions

4.1. Contrôle

Le présent projet de loi ne remet pas en cause le rôle de l'autorité hiérarchique : elle devrait autoriser le cumul d'activités, sauf dans deux hypothèses où une simple déclaration du fonctionnaire suffirait : celui des dirigeants d'entreprises ou d'associations à but lucratif intégrant la fonction publique et celui des agents occupant un emploi à temps non complet ou incomplet.

Cet article modifierait toutefois le rôle de la commission déontologie .

En l'état du droit, son avis est obligatoirement requis en cas de création ou de reprise d'une société et concernant la situation des dirigeants d'entreprises ou d'associations à but lucratif intégrant la fonction publique.

La commission examine si ces cumuls « portent atteinte à la dignité des fonctions publiques (...) ou risquent de compromettre (...) le fonctionnement normal, l'indépendance ou la neutralité du service » 94 ( * ) .

L'avis de la commission ne lie pas l'autorité hiérarchique lorsqu'il prononce la compatibilité du cumul d'activités, avec ou sans réserves. Il lie toutefois l'administration lorsqu'il énonce un cas d'incompatibilité.

Le texte transmis au Sénat modifie deux éléments de cette procédure :

- les avis de compatibilité avec réserves de la commission de déontologie lieraient désormais l'employeur public qui aurait pour obligation de mettre en oeuvre ses préconisations (Cf. le commentaire de l'article 8) ;

- parallèlement, le périmètre de l'action de la commission serait réduit, car il ne comprendrait plus la situation des dirigeants d'entreprises ou d'associations à but lucratif intégrant la fonction publique. Ce mouvement de périmètre ne devrait pas modifier outre mesure le fonctionnement de la commission car cette hypothèse ne concerne qu'une dizaine de cas par an.

Votre rapporteur constate toutefois que des pans entiers du cumul d'activités échappent à la commission de déontologie . Tel est par exemple le cas de l'exercice par un fonctionnaire d'activités accessoires.

Dans son rapport d'activité, la commission constate d'ailleurs « une grande part d'incompréhension des textes relatifs au cumul d'activités », les employeurs publics la saisissant en cas de doute concernant une activité accessoire de leurs agents, ce que les textes en vigueur ne permettent pas. 14,25 % des avis de la commission sont ainsi des avis d'incompétence : les employeurs publics n'obtiennent pas de réponse à leurs interrogations même s'il arrive à la commission « d'appeler l'attention de l'administration sur un risque déontologique éventuel (...) tout en se déclarant incompétente » 95 ( * ) .

Pour répondre à cette difficulté, votre commission a consacré la faculté pour l'autorité hiérarchique de saisir la commission de déontologie en cas de doute sur l'application des dispositifs de cumul d'activités , sa saisine restant obligatoire pour la création ou la reprise d'entreprises ( amendement COM-75 ).

4.2. Sanctions

Le présent projet de loi conserve le principe selon lequel le fait de ne pas respecter les règles de cumul d'activités donne lieu au reversement des sommes perçues au titre des activités interdites 96 ( * ) . Cette règle impose par exemple à un professeur d'université - praticien hospitalier de reverser à l'administration les sommes reçues au titre d'une activité privée non autorisée 97 ( * ) .

En sus de ce reversement, le présent article précise que des poursuites disciplinaires sont possibles à l'encontre du fonctionnaire fautif tout comme des sanctions pénales prises sur le fondement de l'article 432-12 du code pénal 98 ( * ) pour prise illégale d'intérêts.

Votre commission a adopté l' amendement rédactionnel COM-71 et l'article 6 ainsi modifié .

Article 6 bis (art. 6 de la loi n° 47-1175 du 10 septembre 1947) Participation des fonctionnaires au conseil d'administration ou de surveillance d'une structure coopérative

Issu d'un amendement de séance de nos collègues députés Régis Juanico et Fanélie Carrey-Conte, le présent article vise à préciser que les fonctionnaires peuvent être membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance d'une structure coopérative .

Les structures coopératives

Régies par la loi n° 47-1175 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, les structures coopératives se distinguent des autres sociétés dans la mesure où :

- elles ne peuvent faire des opérations qu'avec leurs adhérents (principe de « l'exclusivisme ») ;

- la répartition de leurs résultats est basée sur un régime spécifique composé de « ristournes », sommes versées proportionnellement en fonction du travail fourni par le membre de la coopérative, et d'un taux d'intérêt fixe déterminé par les statuts de la coopérative ;

- leur gouvernance est fondée sur le principe « une voix par adhérent », indépendamment du montant de leurs parts sociales ;

- la cession de ces parts est soumise à l'approbation des autres membres de la coopérative.

Les coopératives sont administrées par un conseil d'administration ou un conseil de surveillance dont les membres sont nommés par l'Assemblée générale.

L'article 6 de la loi du 10 septembre 1947 précitée précise que ces derniers exercent leurs fonctions de manière gratuite. Ils voient toutefois leurs frais remboursés 99 ( * ) et perçoivent des « indemnités compensatrices du temps consacré à l'administration de la coopérative ». Le montant global de ces indemnités est fixé par l'assemblée générale puis réparti entre les membres du conseil d'administration ou de surveillance.

Ces indemnités compensatrices ont été instituées par la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire. Il s'agissait, comme le précisait notre collègue Marc Daunis, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de rétribuer les membres des conseils d'administration et de surveillance des coopératives « pour les efforts et le temps qu'ils y consacrent » 100 ( * ) .

Il existe donc, concernant ces fonctions, une articulation complexe entre un principe de gratuité et des indemnités versées en fonction du « temps consacré à l'administration de la coopérative ».

Cette ambiguïté pourrait avoir des conséquences directes sur la présence de fonctionnaires au sein des conseils d'administration et de surveillance des coopératives.

Les indemnités compensatrices versées depuis 2014 pourraient conduire à qualifier cette présence d'« activité privée lucrative ». Or, les fonctionnaires ne peuvent exercer ce type d'activités conformément aux règles régissant le cumul d'activités 101 ( * ) .

L'intention de nos collègues Régis Juanico et Fanélie Carrey-Conte est donc de s'opposer à cette interprétation et d'expliciter le fait que les fonctionnaires peuvent siéger au sein des conseils d'administration et de surveillance des coopératives, indépendamment des règles relatives au cumul d'activités . Ils soulignent en effet que « les fonctionnaires font partie des forces vives économiques et sociales de notre pays (et qu'il) ne faut pas les empêcher de pouvoir apporter, à titre personnel, leur compétences au sein des structures coopératives ».

Votre commission a adopté l'article 6 bis sans modification.

Article 7 (art. 37 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; art. 60 bis de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et art. 46-1 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986) - Modalités d'entrée en vigueur de l'encadrement du cumul d'activités

Le présent article se borne à tirer les conséquences de l'article 6 du présent projet de loi. Il vise, plus précisément, à procéder à des coordinations légistiques et à fixer les modalités d'entrée en vigueur du nouveau dispositif d'encadrement du cumul d'activités.

D'un point de vue légistique , il supprime des dispositions relatives au temps partiel pour cumul d'activités qui figurent actuellement dans les titres II, III et IV du statut général. L'article 6 réunit en effet l'ensemble de ces dispositifs dans le nouvel article 25 septies du titre I.

S'agissant de l' entrée en vigueur du nouveau dispositif d'encadrement du cumul d'activités , cet article prévoit les mesures transitoires suivantes :

- les fonctionnaires occupant deux emplois publics à temps complet auraient deux ans à compter de la promulgation de la présente loi pour se conformer à l'interdiction d'un tel cumul prévue à l'article 6 ;

- ceux ayant obtenu un service à temps partiel pour créer ou reprendre une entreprise avant l'entrée en vigueur de la présente loi pourraient continuer à accomplir ce service jusqu'au terme de leur période de temps partiel 102 ( * ) .

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté l'amendement de coordination COM-78 visant à prendre en compte les modifications apportées à l'article 6 qui correspondent, pour mémoire, au fait d'autoriser un fonctionnaire occupant un emploi à temps complet à reprendre une entreprise ou à occuper un autre emploi public à temps incomplet.

Votre commission a adopté l'article 7 ainsi modifié.


* 78 Cet article 25 serait désormais consacré aux grands principes déontologiques de la fonction publique ( Cf. le commentaire de l'article 1 er du présent projet de loi).

* 79 Conseil d'État, 21 juillet 1926, Caroillon.

* 80 Cf. infra pour la définition de ces notions.

* 81 Étude d'impact du 16 juillet 2013, p 27.

* 82 Rapport n° 3099 de Mme Françoise Descamps-Croniser, fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée sur le présent projet de loi, p. 135.

* 83 A l'instar d'un fonctionnaire de la direction générale du Trésor ayant mandat pour siéger au conseil d'administration d'une société dans laquelle l'État détient des parts sociales.

* 84 Ce délai est issu d'un amendement du député Alain Tourret, le Gouvernement ayant souhaité, dans un premier temps, renvoyer sa fixation à un décret en Conseil d'État.

* 85 Rapport n° 113 (2006-2007) fait au nom de la commission des lois du Sénat et relatif au projet de modernisation de la fonction publique, p. 27.

* 86 Cf. notamment la décision du Conseil constitutionnel n° 98-403 DC du 29 juillet 1998, loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, pour les motifs d'intérêt général justifiant des atteintes à la propriété privée.

* 87 Ce temps partiel est accordé pour deux ans, délai renouvelable une fois pour un an, en cohérence avec la durée totale de ce cumul d'activités.

* 88 Le Gouvernement avait également prévu de réduire à deux ans non renouvelables ce type de cumuls d'activités. Un amendement de séance de M. Alain Tourret a toutefois permis de revenir au droit en vigueur sur ce point.

* 89 Rapport n° 113 (2006-2007) précité, p. 93.

* 90 Il revient ainsi sur l'interdiction globale de cumul d'emplois dans la fonction publique de l'article 7 du décret-loi du 29 octobre 193, lui-même abrogé par la loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique.

* 91 Conseil d'État, 4 juillet 1997, ministre du travail et des affaires sociales.

* 92 Cf. l'encadré ci-dessus concernant la définition des notions de « temps incomplet (fonction publique d'État) et « non complet » (fonctions publiques territoriale et hospitalière).

* 93 Cf. le commentaire de l'article 11 septies.

* 94 Article 13 du décret précité du 2 mai 2007.

Le fait pour un enseignant d'exercer une activité professionnelle d'art divinatoire est par exemple incompatible avec le fonctionnement normal de sa mission éducative (commission de déontologie, avis n° 14E1678 du 13 novembre 2014).

* 95 Rapport d'activité 2014 de la commission de déontologie, p.18.

* 96 Ce reversement est réalisé par la voie d'une retenue de traitement.

* 97 Conseil d'État, 16 janvier 2006, n° 272648.

* 98 Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 500 000 € d'amende « le fait, par une personne (...) chargée d'une mission de service public (...) de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement ».

* 99 Cf. par exemple les frais de déplacement aux réunions des conseils d'administration ou de surveillance.

* 100 Rapport n° 84 (2013-2014) sur le projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire, p. 91.

* 101 Cf. le commentaire de l'article 6 du présent projet de loi.

* 102 Dont la durée est limitée, pour mémoire, à deux ans renouvelables une fois pour un délai d'un an.

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