EXAMEN DES ARTICLES

CHAPITRE II - RENFORCEMENT DE LA LÉGITIMITÉ DES ACCORDS COLLECTIFS

Article 10 A (nouveau) (art. L. 2232-20-1 à L. 2232-20-4 [nouveaux], L. 2232-21 et L. 2232-24 du code du travail) - Assouplissement des modalités de conclusion des accords collectifs dans les entreprises employant moins de cinquante salariés et dépourvues de délégué syndical

Objet : Cet article additionnel, issu d'un amendement présenté par vos rapporteurs et adopté en commission, autorise les employeurs, dans les entreprises employant moins de cinquante salariés, pourvues d'institutions représentatives du personnel (DP ou CE) mais dépourvues de délégué syndical, à signer des accords collectifs directement avec ces institutions, quel que soit le thème abordé. Il permet également aux employeurs des entreprises de cette taille, dépourvues à la fois de délégué syndical et d'institutions représentatives du personnel, de faire approuver directement par les salariés, à la majorité des deux tiers du personnel, des projets d'accords portant sur l'intégralité des thèmes abordés dans le code du travail.

Selon une enquête réalisée par la Dares en 2010-2011, à peine 10 % des entreprises employant entre 11 et 19 salariés et 20% des entreprises employant entre 20 et 49 salariés étaient pourvues d'un délégué syndical.

Seulement 36 000 accords collectifs sont signés chaque année, alors que l'on compte 1,2 million d'entreprises en France.

Il ressort des auditions de vos rapporteurs que les petites entreprises dépourvues de délégué syndical recourent très rarement au mandatement, compte tenu de la complexité de ce dispositif, renforcée par la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi 210 ( * ) .

Or, le code du travail autorise déjà l'employeur, quel que soit la taille de l'entreprise, à mettre en place directement et unilatéralement un accord d'intéressement , valable au plus trois ans, à condition qu'il soit approuvé par les deux tiers du personnel (article L. 3312-5 du code du travail). Il en va de même d'un accord mettant en place un régime de participation (article L. 3322-6 du même code).

C'est pourquoi votre commission, à l'invitation de ses rapporteurs, a adopté l'amendement COM-108 afin d'assouplir les règles de conclusion d'un accord dans ce type d'entreprise.

D'une part, les employeurs, dans les entreprises comptant moins de cinquante salariés pourvues d'institutions représentatives du personnel (DP ou CE) mais privées de délégué syndical, pourront signer des accords collectifs avec ces institutions, quel que soit le thème abordé. Dans cette hypothèse, les représentants élus du personnel devront avoir recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés lors du premier tour des dernières élections professionnelles.

D'autre part, les employeurs des entreprises de cette taille, dépourvues à la fois de délégué syndical et d'institutions représentatives du personnel, pourront soumettre un projet d'accord pour validation au personnel, si la majorité des deux tiers est atteinte.

Dans tous les cas de figure, l'accord ainsi conclu devra être envoyé à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Dirrecte) qui exercera un contrôle de légalité dans les deux mois. Passé ce délai, l'accord sera réputé approuvé.

L'article prévoit enfin que dans les entreprises employant moins de cinquante salariés privées de délégué syndical, l'employeur pourra toujours, s'il le souhaite, conclure un accord avec un salarié mandaté dans les conditions de droit commun.

Enfin, l'article cantonne aux entreprises employant plus de cinquante salariés les règles actuelles prévues aux articles L. 2232-21 à L. 2232-24 qui définissent les modalités de négociation dans les entreprises dépourvues de délégué syndical.

Votre commission a adopté cet article additionnel ainsi rédigé.

Article 10 (art. L. 2231-7, L. 2231-8, L. 2231-9, L. 2232-12, L. 2232-13, L. 2242-20, L. 2391-1, L. 7111-9 du code du travail ; art. L. 6524-4 du code des transports ; art. L. 514-3-1 du code rural et de la pêche maritime) - Renforcement de la légitimité des accords et conventions d'entreprise

Objet : Cet article renforce la légitimité des accords et conventions d'entreprise en subordonnant leur validité à la signature de syndicats ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur de syndicats représentatifs lors du premier tour des dernières élections professionnelles, au lieu de 30 % des suffrages exprimés actuellement. Il permet toutefois aux signataires d'un accord ne représentant que 30 % des suffrages exprimés en faveur de syndicats représentatifs d'obliger l'employeur, sous conditions, à organiser une consultation des salariés pour l'entériner. Cette nouvelle règle s'appliquera dès la promulgation de la loi aux accords de préservation ou de développement de l'emploi, à compter du 1 er janvier 2017 aux accords portant sur la durée du travail, les repos et les congés et elle sera généralisée à tous les accords dès le 1 er septembre 2019 (à l'exception des accords de maintien de l'emploi dont les règles de validité sont spécifiques).

I - Le dispositif proposé

A. L'obligation d'une majorité d'engagement à 50 % pour conclure un accord d'entreprise

En vertu de l'article L. 2232-12 du code du travail, un accord d'entreprise est valide si deux conditions cumulatives sont remplies :

- la première, dite majorité d'engagement , impose aux syndicats signataires d'obtenir au moins 30 % des suffrages exprimés lors du premier tour des dernières élections professionnelles (élections des titulaires au CE, à la délégation unique du personnel, voire des DP), quel que soit le nombre de votants ;

- la seconde, dite absence d'opposition , prévoit que l'accord ne doit pas être frappé d'opposition, dans les huit jours suivant sa notification, par un ou plusieurs syndicats ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés lors de ces mêmes élections.

L'article 10 réforme profondément ces règles.

Tout d'abord, il vient combler un oubli du législateur en précisant que l'accord doit également être signé par l'employeur ou son représentant.

Ensuite, il impose une majorité d'engagement égale à au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur de syndicats représentatifs , c'est-à-dire qui ont obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés en vertu de l'article L. 2122-1. Ce ne sera donc pas l'intégralité des suffrages exprimés qui permettra de savoir si le seuil de 50 % est atteint.

Cette modification est de nature à atténuer la rigueur de cette nouvelle règle de majorité, surtout en cas de dispersion des voix entre syndicats ou d'un grand nombre de bulletins nuls ou blancs 211 ( * ) .

En outre, avec l'instauration d'une nouvelle majorité d'engagement à 50 %, le droit d'opposition des syndicats majoritaires devient caduc et est donc supprimé. Par coordination, l'article 10 abroge l'article L. 2231-7 (obligation d'attendre l'expiration du délai d'opposition pour déposer les accords ou conventions auprès de l'administration), ainsi que les articles L. 2231-8 (obligation de motiver une opposition et de la notifier aux signataires) et L. 2231-9 (nullité de l'accord frappé d'opposition).

En conséquence de ces nouvelles règles, l'article 10 modifie l'article L. 2232-13 , qui autorise une organisation syndicale catégorielle , comme la CFE-CGC par exemple, à négocier les règles applicables à une catégorie de salariés visés (en l'occurrence les cadres) si cette organisation est représentative et affiliée à une confédération syndicale statutaire. Ainsi, l'ensemble des règles générales fixées à l'article L. 2232-12 se déclineront au niveau du collège rassemblant la catégorie de salariés représentés par le ou les syndicats catégoriels.

Des modifications similaires sont opérées pour les règles de validité relatives :

- aux accords et aux conventions concernant exclusivement les journalistes ou assimilés dans les entreprises ayant mis en place un collège électoral spécifique pour ces salariés (la règle de validité mentionnée à l'article L. 7111-9 vise explicitement le seuil de 30 % des suffrages exprimés, sans renvoyer aux règles de droit commun fixées à l'article L. 2232-12) ;

- aux conventions et accords d'entreprise et d'établissement concernant les personnels navigants techniques si l'entreprise a mis en place un collègue électoral spécifique pour ces salariés (art. L. 6524-4 du code des transports).

B. Les accords nécessitant actuellement une majorité d'engagement rentreront dans le droit commun

Le code du travail prévoit actuellement que certains accords, compte tenu de leur importance et de leur impact majeur sur les droits des salariés, nécessitent une majorité renforcée : ils ne peuvent être signés que par des syndicats réunissant 50 % des suffrages exprimés lors du premier tour des élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants.

Il en va ainsi des accords d'entreprise modifiant la périodicité des négociations obligatoires . Instaurés par l'article 19 de la loi du 17 août 2015 212 ( * ) , ces accords, prévus à l'article L. 2242-20 du code du travail, permettent de relever la périodicité de tout ou partie des négociations annuelles à trois ans maximum, et à cinq ans pour les négociations triennales.

Une majorité renforcée est également nécessaire pour instituer par accord une instance unique regroupant les institutions représentatives du personnel ( cf . article 9). En effet, l'article L. 2391-1 , introduit par l'article 14 de cette même loi, autorise le regroupement par accord des délégués du personnel (DP), du comité d'entreprise (CE) et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), ou seulement de deux de ces institutions représentatives, au sein d'une instance exerçant l'ensemble des attributions des institutions faisant l'objet du regroupement.

C'est pourquoi l'article 10 supprime les règles de validité spécifiques pour ces accords et renvoie aux nouvelles règles de droit commun mentionnées à l'article L. 2232-12. En revanche, cet article ne modifie pas les règles d'autres accords déjà majoritaires comme ceux de maintien de l'emploi (art. L. 5125-4) ou ceux qui définissent le contenu d'un PSE (art. L. 1233-24-1).

C. La possibilité pour les syndicats dépassant le seuil des 30 % d'obtenir l'organisation d'une consultation des salariés pour entériner un accord qu'ils ont signé

Il n'existe pas dans le droit en vigueur de dispositions permettant à un syndicat de demander l'organisation d'une consultation des salariés dans l'entreprise.

Complétant l'article L. 2232-12 du code du travail, l'article 10 ouvre, sous conditions, le droit pour certains syndicats d' obtenir l'organisation d'une consultation des salariés visant à valider un accord qu'ils ont conclu avec l'employeur.

Ce droit ne concerne que les syndicats ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations représentatives au premier tour des élections professionnelles, quel que soit le nombre de votants, et qui souhaitent signer un accord.

L'employeur est tenu d'organiser cette consultation si, à l'issue d'un délai de huit jours à compter de la demande du ou des syndicats signataires, l'accord n'a pas obtenu la signature d'autres syndicats permettant de dépasser le seuil des 50 %.

Cette consultation peut être organisée par voie électronique et doit se dérouler dans le respect des principes généraux du droit électoral et selon les modalités prévues par un protocole spécifique conclu entre l'employeur et les organisations signataires.

Tous les salariés autorisés à élire les délégués du personnel en vertu de l'article L. 2314-2 pourront participer à cette consultation.

L'accord est valide s'il est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés, sans préciser si le nombre de votants conditionne la validité de la consultation . Faute d'approbation, l'accord est réputé non écrit.

L'article 10 renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de prévoir les conditions d'application de ce dispositif.

D. Une entrée en vigueur des nouvelles règles de validité, différenciée selon la nature de l'accord

L'ensemble des nouvelles règles de validité des accords d'entreprise et des conventions mentionnées à l'article 10 entreront en vigueur :

- dès la promulgation de la loi pour les accords collectifs portant sur la durée du travail, les repos et les congés ainsi que les accords de maintien de l'emploi ;

- dans un délai d'un an à compter de la remise du rapport de la commission de refondation du code du travail, et au plus tard à partir du 1 er septembre 2019, pour tous les autres accords .

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

En commission, deux amendements de notre collègue député Christophe Cavard et plusieurs membres du groupe écologiste ont été adoptés et ont prévu que :

- les syndicats signataires d'un accord ou d'une convention qui n'ont recueilli que 30 % des suffrages exprimés lors du premier tour des élections professionnelles disposeront d'un délai d'un mois pour demander l'organisation d'une consultation des salariés pour valider cet accord ou cette convention ;

- l'employeur devra organiser cette consultation dans un délai maximum de deux mois à compter de la fin de la période de réflexion d'une semaine accordée aux autres syndicats pour signer le projet d'accord.

Par ailleurs, plusieurs amendements identiques, présentés notamment par le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et par des députés du groupe socialiste, républicain et citoyen, ont été adoptés en commission afin d'inscrire à l'article L. 514-3-1 du code rural et de la pêche maritime , relatif aux accords dans le domaine de l' agriculture , l'intégralité des nouvelles règles relatives à la validité des accords et des conventions d'entreprise mentionnées à l'article L. 2232-12 du code du travail.

Toutefois, des règles spécifiques sont prévues pour les accords et conventions au niveau régional ou national : la règle de validité de 30 % des suffrages exprimés sera maintenue, tandis que le président de l'assemblée permanente des chambres d'agriculture sera compétent pour signer des accords ou conventions de niveau national, à l'instar du président de la chambre régionale pour les accords et conventions de niveau régional.

Outre de nombreux amendements rédactionnels et de coordination, deux amendements du rapporteur ont modifié les dates d'entrée en vigueur des règles de validité des accords mentionnées à l'article 10. Ils ont prévu que ces règles s'appliqueraient aux accords conclus à compter du 1 er janvier 2017 s'ils portent sur la durée du travail, les repos et les congés ainsi qu'aux accords de maintien de l'emploi à partir de la même date. En revanche, l'extension de ces règles de validité aux autres accords a été subordonnée à la remise au Parlement, dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi, après concertation avec les partenaires sociaux et avis de la commission nationale de la négociation collective, d'un rapport du Gouvernement sur la mise en oeuvre de ces nouvelles règles. C'est sur cette base que le législateur étudiera l'opportunité de les généraliser à l'ensemble des accords.

Dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, plusieurs amendements du rapporteur ont été retenus, dont un grand nombre avaient pour objet d'assurer des améliorations rédactionnelles et des coordinations juridiques.

Deux de ses amendements ont en outre appliqué les nouvelles règles de validité des accords collectifs d'une part aux accords applicables au personnel salarié de Voies navigables de France (article L. 4312-3-2 du code des transports), d'autre part aux accords conclus dans les agences régionales de santé (article L. 1432-11 du code de la santé publique).

Un amendement du Gouvernement est par ailleurs en partie revenu sur les modalités d'entrée en vigueur envisagées dans le texte de la commission. Il prévoit une généralisation progressive des nouvelles règles de validité des accords collectifs. Elles s'appliqueront :

- dès la publication de la loi aux accords de préservation ou de développement de l'emploi mentionnés à l'article 11 du présent projet de loi ;

- dès le 1 er janvier 2017 aux accords collectifs qui portent sur la durée du travail, les repos et les congés ;

- à compter du 1 er septembre 2019 aux autres accords collectifs , à l'exception des accords de maintien de l'emploi relevant de la loi de sécurisation de l'emploi.

Le Gouvernement s'engage par ailleurs à remettre au Parlement, au plus tard le 31 décembre 2018, un rapport faisant le bilan de la mise en oeuvre des nouvelles règles de validité des accords conclus au niveau de l'entreprise, définies au présent article, notamment celles relatives à la consultation des salariés. Ce rapport sera établi à la suite d'une concertation avec les partenaires sociaux représentatifs, après avis de la Commission nationale de la négociation collective.

III - La position de votre commission

Vos rapporteurs estiment que le relèvement du seuil de la majorité d'engagement de 30 % à 50 % des suffrages exprimés en faveur de syndicats représentatifs, qui conditionnera dès 2017 la validité de tous les accords d'entreprise portant sur la durée du travail, les repos et les congés, risque de bloquer le dialogue social dans de nombreuses entreprises, à rebours de l'objectif affiché par le Gouvernement. Les règles mentionnées à l'article 10, malgré les aménagements apportés à l'Assemblée nationale, pourraient entraver la négociation collective en entreprise prévue aux articles 2 et 3.

C'est pourquoi, votre commission a adopté un amendement présenté par vos rapporteurs (COM 107) qui maintient les règles de validité actuelles pour les accords d'entreprise, tout en prévoyant qu'une consultation des salariés pourra être organisée si un accord est frappé d'opposition par les syndicats majoritaires. Cette consultation, qui pourra être demandée par l'employeur et les syndicats signataires, donnera ainsi le dernier mot aux salariés pour trancher un différend entre organisations syndicales représentatives. Ce dispositif a toutefois vocation à évoluer à moyen terme, l'objectif d'une règle d'engagement majoritaire demeurant un horizon partagé par les partenaires sociaux.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 11 (art. L. 2254-2, L. 2254-3 à L. 2254-7 [nouveaux] et L. 2325-35 du code du travail) - Création d'un régime juridique unique pour les accords de préservation et de développement de l'emploi

Objet : Cet article institue un régime juridique unique pour les accords de préservation et de développement de l'emploi et prévoit que l'employeur peut licencier pour un motif qui n'est ni économique, ni personnel, mais sui generis, un salarié qui en refuse l'application.

I - Le dispositif proposé

A) Les accords de maintien de l'emploi : un dispositif innovant créé en 2013 pour donner plus de poids à la négociation dans l'entreprise en cas de graves difficultés conjoncturelles

Instaurés par la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi 213 ( * ) , qui a introduit dans le code du travail les articles L. 5125-1 à L. 5125-7 , les accords de maintien de l'emploi, en partie inspirés des accords de compétitivité mis en oeuvre dans les entreprises allemandes, offrent un cadre juridique à l'employeur pour négocier avec les syndicats représentatifs afin de faire face à de graves difficultés conjoncturelles à travers une modification de la durée du travail , de l' organisation du travail ou une baisse de la rémunération .

En aucun cas cet accord ne peut déroger aux « éléments de l'ordre public social », comme l'indique le tableau suivant :

L'ordre public social auquel ne peuvent pas déroger les accords de maintien de l'emploi

Articles
du code du travail

Contenu

Article L. 2253-3 (premier alinéa)

Un accord ne peut pas déroger aux dispositions d'accords de branche (ou accords professionnels ou interprofessionnels) en matière de salaires minima, de classifications, de garanties collectives complémentaires et de mutualisation des fonds de la formation professionnelle.

L. 3121-33 à L. 3121-36

Durée maximale du travail : temps de pause, durée quotidienne maximale, durées hebdomadaires maximales.

L. 3122-34 et L. 3122-35

Durées quotidienne et hebdomadaire du travail pour les travailleurs de nuit.

L. 3131-1 à L. 3132-2

Repos quotidien et exceptions.

L. 3133-4

Journée du 1 er mai fériée et chômée.

L. 3141-1 à L. 3141-3

Droits aux congés payés.

L. 3231-2

Définition du salaire minimum de croissance.

Source : Commission des affaires sociales du Sénat.

La conclusion de l'accord est conditionnée à l'analyse d'un diagnostic entre l'employeur et les syndicats représentatifs sur la nature des difficultés conjoncturelles de l'entreprise.

Les syndicats peuvent se faire aider par un expert-comptable lors de l'analyse du diagnostic et pendant toute la durée de la négociation.

Afin de renforcer l' acceptabilité de l'accord auprès des salariés, le droit en vigueur prévoit que :

- les dirigeants, les mandataires sociaux et les actionnaires doivent également consentir des efforts proportionnés à ceux demandés au personnel ;

- l'accord ne peut aboutir à faire passer la rémunération des salariés en dessous du seuil de 1,2 Smic ;

- sa durée est limitée à deux ans ;

- il doit prévoir les conséquences d'un retour anticipé à une meilleure fortune de l'entreprise.

Si l'employeur ne respecte pas ses engagements, deux garde-fous sont prévus :

- la mise en oeuvre d'une clause pénale, qui autorise le versement de dommages et intérêts aux salariés lésés ;

- la possibilité de saisir en référé le président du tribunal de grande instance pour suspendre l'accord.

Si l'entreprise est dépourvue de délégué syndical, l'employeur peut signer l'accord :

- avec un salarié élu du personnel mandaté par un syndicat représentatif au niveau de la branche ou au niveau national et interprofessionnel ;

- à défaut, avec un salarié non élu, lui aussi mandaté dans les mêmes conditions.

Dans ces deux cas de figure, l'accord doit être approuvé par référendum , à la majorité des suffrages exprimés.

L'accord s'impose à tout salarié et ses stipulations s'appliquent à son contrat de travail.

En cas de refus du salarié, l'employeur a la faculté d'engager une procédure en vue de son licenciement. Celui-ci est prononcé selon les modalités d'un licenciement individuel pour motif économique , qui ne saurait donc entraîner la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi même si plus de dix salariés sont licenciés dans ces conditions sur une période de trente jours dans une entreprise employant cinquante salariés.

B) Les modifications apportées en 2015 sont insuffisantes compte tenu des attentes de la majorité sénatoriale

Les accords de maintien de l'emploi n'ont malheureusement pas rencontré le succès attendu puisque seulement une douzaine ont été conclus depuis leur création .

Afin de donner davantage de flexibilité interne aux entreprises françaises, la commission spéciale du Sénat, lors de l'examen du projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, avait adopté, sur proposition de son rapporteur, notre collègue Catherine Deroche, un amendement portant article additionnel visant à assouplir les conditions de conclusion de ces accords « défensifs », tout en créant des accords « offensifs » pour développer l'emploi dans les entreprises, ces deux accords relevant d'un régime juridique unique dérogatoire au droit commun de la négociation collective.

L'objectif était également de supprimer les nombreux verrous législatifs qui entravent le développement de ces accords , comme :

- la clause relative aux « graves difficultés économiques conjoncturelles » qui conditionne l'existence même des accords ;

- le diagnostic préalable analysé avec les organisations syndicales représentatives de salariés ;

- les conditions dans lesquelles les dirigeants, les actionnaires et les mandataires fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux salariés ;

- la durée maximale de deux ans, en donnant aux signataires de l'accord la liberté de fixer sa durée ;

- la clause pénale obligatoire en cas de non-respect des obligations de l'employeur ;

- la procédure de référé devant le président du tribunal de grande instance l'autorisant à suspendre voire à résilier l'accord.

Par ailleurs, la commission spéciale du Sénat prévoyait qu'à défaut d'accord conclu avec les délégués syndicaux ou de salariés mandatés, l'accord pouvait être signé directement avec les représentants du personnel , ou approuvé par les salariés à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés , dans le respect des principes généraux du droit électoral.

Un amendement du Gouvernement en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale avait supprimé les apports de la commission spéciale du Sénat, qui n'ont finalement pas été retenus dans le texte final, limité à des aménagements techniques ou de faible portée, applicables uniquement à partir du 7 août 2015 :

- la durée maximale de l'accord est passée de deux à cinq ans ;

- un bilan de son application doit en contrepartie être effectué par les signataires deux ans après son entrée en vigueur ;

- les conditions dans lesquelles l'accord peut être suspendu en cas d'amélioration ou d'aggravation de la situation économique de l'entreprise ont été précisées ;

- l'accord doit déterminer les conditions dans lesquelles chaque salarié doit être informé de ses conséquences sur son contrat de travail (les syndicats signataires ont la possibilité de saisir en référé le président du TGI si ces informations ne sont pas prévues dans l'accord), et prévoir un délai de réflexion d'un mois, au-delà duquel son approbation est implicite ;

- l'employeur, en cas de licenciement du salarié en raison de son refus de voir appliquer l'accord à son contrat, n'est pas tenu de mettre en oeuvre les obligations d'adaptation et de reclassement.

C) Les modifications apportées par le projet de loi initial portent essentiellement sur le motif du licenciement en cas de refus du salarié de faire prévaloir l'accord sur son contrat de travail

Le présent projet de loi introduit dans le code du travail un nouvel article L. 2254-2 , qui vient compléter le chapitre IV du titre V du livre II de sa deuxième partie, consacrée aux rapports entre conventions, accords collectifs de travail et contrats de travail.

Outre la reconnaissance des accords de préservation de l'emploi, il consacre la possibilité de conclure des accords de développement de l'emploi, en utilisant les règles du droit commun de la négociation collective, sans modifier le régime juridique des accords de maintien de l'emploi instaurés par la loi du 14 juin 2013 précitée.

Cet article précise que les stipulations de l'accord se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles des contrats de travail, que ces clauses portent sur la rémunération ou la durée du travail.

Une exception est prévue à ce principe : l'accord de préservation ou de développement de l'emploi ne peut avoir pour effet de diminuer la rémunération mensuelle des salariés . Autrement dit, tout accord prévoyant une baisse de la rémunération horaire devra s'accompagner d'une augmentation du temps de travail.

Si le salarié refuse l'application de cet accord et que l'employeur engage une procédure de licenciement, celui-ci constituera un licenciement pour motif personnel et sera présumé reposer sur une cause réelle et sérieuse .

Tous les accords de préservation et de développement de l'emploi devront prévoir les modalités d'information des salariés sur leurs conséquences pour leurs contrats de travail.

Le texte renvoie à un décret le soin de définir le périmètre de la rémunération mensuelle prise en compte, les modalités d'information des salariés sur la portée de l'accord et les règles relatives à la procédure à suivre si ceux-ci refusent l'application de l'accord.

Enfin, le texte modifie l'article L. 2323-15 , qui définit le contenu de la consultation annuelle sur la politique sociale de l'entreprise . Cette consultation devra porter, le cas échéant, sur les conséquences pour les salariés de la conclusion d'un tel accord.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Plusieurs amendements du rapporteur ont été adoptés en commission afin d'aligner partiellement le cadre juridique des accords visés au présent article avec celui des accords de maintien de l'emploi .

En effet, un diagnostic sur la situation de l'entreprise devra être partagé entre l'employeur et les syndicats avant d'engager des négociations relatives à la conclusion d'un accord de préservation ou de développement de l'emploi.

En outre, les négociateurs devront rédiger un préambule sur les objectifs de l'accord, comme le prévoit d'ailleurs, pour tous les accords, le nouvel article L. 2222-3-3 du code du travail, créé à l'article 7 du projet de loi. Toutefois, contrairement au droit commun , l'absence de préambule pour les accords conclus en vue de la préservation ou du développement de l'emploi entraînera leur nullité .

Par ailleurs, dans les entreprises dépourvues de délégué syndical , ces accords pourront être négociés par des représentants élus du personnel mandatés voire par des salariés non élus mais mandatés, mais en aucun cas par des représentants élus du personnel non mandatés . Autrement dit, dans les entreprises privées de délégué syndical, il sera impossible de conclure un accord de préservation ou de développement de l'emploi en dehors du mandatement.

Le salarié qui refuse l'application d'un tel accord risquera désormais d'être licencié selon la procédure d'un licenciement individuel pour motif économique , et non plus celle d'un licenciement pour motif personnel.

De plus, l'accord devra préciser les modalités selon lesquelles la situation des salariés invoquant une atteinte disproportionnée à leur vie personnelle ou familiale sera prise en compte, ainsi que les moyens d'informer les salariés sur son suivi .

L'accès à un expert-comptable est élargi . Le comité d'entreprise, s'il existe, est prioritaire pour mandater cet expert-comptable. A défaut de comité, cette prérogative échoit aux délégués syndicaux, à défaut aux représentants élus mandatés, voire aux salariés mandatés. En tout état de cause, le coût de l'expertise devra être supporté par l'employeur.

Enfin, la durée d'un accord de préservation ou de développement de l'emploi ne peut être que déterminée. Faute de stipulation, cette durée ne saurait excéder cinq ans .

Dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, un de ses amendements a précisé les conséquences du refus d'un salarié d'appliquer un accord de préservation ou de développement de l'emploi.

D'une part, si le motif du licenciement du salarié est désormais sui generis , c'est-à-dire ni personnel ni économique, la procédure à suivre par l'employeur reprendra quasiment à l'identique celle prévue pour le licenciement pour motif économique, applicable aux licenciements de moins de dix salariés dans une même période de trente jours : obligation d'un entretien préalable (convocation par lettre recommandée ou remise en main propre contre décharge, entretien à compter du cinquième jour après la remise de cette lettre, obligation pour l'employeur de motiver la décision envisagée, possibilité pour le salarié de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise) et respect des règles pour notifier le licenciement (envoi par lettre recommandée avec avis de réception, à compter du septième jour ouvrable après la date prévue pour l'entretien de licenciement, voire quinzième jour s'il s'agit d'un membre du personnel d'encadrement, obligation de motiver la lettre et de rappeler la priorité de réembauche en cas de retour à meilleure fortune de l'entreprise) 214 ( * ) .

D'autre part, le salarié licencié bénéficiera d'un nouveau dispositif, le parcours d'accompagnement personnalisé , institué par les articles L. 2254-3 à L. 2254-74 nouveaux, qui s'inspire très largement du contrat de sécurisation professionnelle , applicable aux entreprises employant moins de mille salariés et ayant procédé à des licenciements économiques. Ce parcours d'accompagnement personnalisé, également mis en oeuvre par l'opérateur public, comprendra une phase d'évaluation des compétences, d'orientation professionnelle, de mesures d'accompagnement et d'appui ainsi que des périodes de formation et de travail, en vue de l'élaboration d'un projet professionnel. Le salarié, placé sous le statut de stagiaire de la formation professionnelle, percevra pendant un an une allocation supérieure à celle qu'il aurait acquise au titre de l'allocation de retour à l'emploi (ARE) s'il a plus d'un an d'ancienneté. Le montant de cette allocation spécifique sera fixé par décret.

La différence entre cette allocation et l'ARE sera prise en charge par l'employeur et le salarié à travers le versement à Pôle emploi de l'indemnité compensatrice de préavis. Si l'employeur omet de proposer au salarié licencié ce nouveau parcours d'accompagnement personnalisé, il devra verser à l'opérateur public une somme représentant deux mois de salaire brut, qui alimentera également l'allocation spécifique.

Par ailleurs, deux amendements du rapporteur ont été retenus dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité, afin de :

- permettre à l'accord de préservation ou de développement de l'emploi de préciser les conditions dans lesquelles les dirigeants salariés, les mandataires sociaux et les actionnaires fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux autres salariés ;

- obliger les signataires de l'accord à réaliser un bilan annuel de son application.

Enfin, il convient de rappeler que l'article 10 prévoit que les nouvelles règles de majorité renforcée s'appliqueront dès la promulgation de la loi à ces accords.

III - La position de votre commission

Vos rapporteurs déplorent que le Gouvernement n'a pas osé mettre en place un véritable outil de flexibilité interne aux entreprises, sur le modèle des accords de compétitivité allemands, qu'avait soutenus la précédente majorité présidentielle. Si les accords de maintien de l'emploi existent depuis 2013, les nombreux verrous prévus par le législateur en rendent le recours sinon illusoire, du moins peu probable. Le Gouvernement, sans vouloir modifier directement ces règles, tente de contourner la difficulté en créant un nouveau type d'accords qui recouvre, dans son volet défensif, le champ d'application des accords de maintien de l'emploi.

Vos rapporteurs observent en revanche avec satisfaction que le Conseil d'Etat, dans son avis sur le projet de loi, ne s'oppose pas à ce que le licenciement d'un salarié qui refuse l'application d'un accord de développement ou de préservation de l'emploi repose sur un motif personnel et non économique. La haute juridiction administrative considère que cette disposition ne méconnaît pas les stipulations de la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail, « dont l'article 4 subordonne la rupture du contrat de travail et le licenciement à un motif « valable » lié à l'aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l'entreprise ou de l'établissement ». Selon vos rapporteurs, l'avis du Conseil d'Etat est compatible avec le choix du Gouvernement de retenir finalement un motif spécifique au licenciement d'un salarié qui refusera l'application d'un accord de préservation ou de développement de l'emploi.

Sur proposition de ses rapporteurs, votre commission a adopté un amendement (COM-109) visant à :

- supprimer l'obligation pour un accord de maintenir la rémunération mensuelle des salariés, en lui substituant la règle applicable aux accords de maintien de l'emploi, selon laquelle l'application d'un accord de préservation de l'emploi ne peut entraîner une baisse de la rémunération mensuelle des salariés en dessous de 1,2 Smic ;

- conditionner sa validité à la signature de syndicats représentant plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur des organisations qui ont dépassé le seuil de 10 % dans l'entreprise ;

- permettre aux entreprises employant moins de cinquante salariés mais dépourvues de délégué syndical de conclure un accord de préservation ou de développement de l'emploi selon les modalités dérogatoires prévues au nouvel article 10 A du présent projet de loi ;

- obliger l'accord à prévoir les conditions dans lesquelles les salariés bénéficieront d'une amélioration de la situation économique de l'entreprise à l'issue de l'accord (« clause de retour à meilleure fortune ») ;

- abroger le chapitre du code du travail consacré aux accords de maintien de l'emploi , afin que le droit en vigueur ne comprenne qu'un seul et unique dispositif pour préserver ou développer l'emploi.

Par ailleurs, également sur proposition de vos rapporteurs, la commission a adopté l'amendement COM 384 pour définir la procédure que devra respecter l'employeur en cas de licenciement d'un salarié qui refusera l'application d'un accord de préservation ou de développement de l'emploi. En effet, ce licenciement reposant sur un motif spécifique, la loi doit déterminer avec précision les règles procédurales qui s'appliqueront. L'amendement écarte l'application de l'article L. 1233-6, qui concerne la lettre d'un salarié licencié pour un motif économique et prévoit que la lettre de licenciement devra indiquer explicitement que le licenciement repose sur un motif spécifique.

Il précise également que les dispositions suivantes du code du travail s'appliquent à la procédure de licenciement :

- le préavis et les indemnités compensatrices de préavis (art. L. 1234-1 à art. L. 1234-8) ;

- les indemnités de licenciement (art. L. 1234-9 à art. L. 1234-11) ;

- le certificat de travail (art. L. 1234-19) ;

- le reçu pour solde de tout compte (art. L. 1234-20).

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 12 (art. L. 2122-4, L. 2232-32, L. 2232-33, L. 2232-35, L.2232-36 à L.2232-39 [nouveaux] et L. 2253-6 à L. 2253-7 [nouveaux] du code du travail) - Clarification des règles relatives à la conclusion des accords de groupe

Objet : Cet article précise les règles relatives à la conclusion d'un accord de groupe, qui découlent de celles applicables aux accords d'entreprise.

I - Le dispositif proposé

A. Clarification des règles relatives aux syndicats habilités à signer un accord de groupe

L'article L. 2122-4 fixe les règles de la représentativité syndicale au niveau du groupe .

Le droit en vigueur prévoit que la représentativité des organisations syndicales au niveau de tout ou partie du groupe est obtenue par addition de l'ensemble des suffrages obtenus dans les entreprises ou établissements concernés.

Cette représentativité doit obéir aux mêmes règles que celles applicables au niveau de l'entreprise ou de l'établissement :

- la représentativité est atteinte lorsqu'un syndicat atteint 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles, quel que soit le nombre de votants 215 ( * ) ;

- s'agissant des syndicats catégoriels, ce seuil de 10 % s'apprécie au niveau du collège électoral des salariés concernés 216 ( * ) ;

- si une liste commune est établie entre syndicats, la répartition des voix pour établir leur représentativité est celle prévue par les syndicats concernés (à défaut, la répartition se fait à part égale entre les syndicats présents sur la liste commune) 217 ( * ) ;

- tout syndicat doit indiquer lorsqu'il dépose une liste s'il est affilié à un autre syndicat 218 ( * ) .

L'article 12 conserve ces dispositions mais clarifie les règles relatives aux syndicats habilités à signer un accord de groupe.

Lorsque le périmètre des entreprises ou établissements compris dans le champ de l'accord de groupe est identique à celui d'un autre accord conclu au cours du cycle électoral précédant l'engagement des négociations, la représentativité des organisations syndicales devra être appréciée par addition de l'ensemble des suffrages obtenus dans ces entreprises ou établissements au cours du cycle précédant le cycle en cours.

Dans le cas contraire, en cas de changement de périmètre, la représentativité sera appréciée par addition de l'ensemble des suffrages obtenus lors des dernières élections ayant eu lieu dans les entreprises ou établissements compris dans le périmètre de l'accord. Comme l'indique le Gouvernement dans son étude d'impact, ce changement de périmètre peut résulter soit d'une restructuration du groupe, soit du fait que seules certaines entreprises ou certains établissements sont concernés par un accord spécifique. Dans ces hypothèses, ce sont les résultats des dernières élections professionnelles qui fonderont ou non la représentativité des signataires.

Le Gouvernement a donc souhaité « préserver la stabilité de la négociation au niveau du groupe » quand il existe un « périmètre stable et habituel de négociation », « tout en renforçant la légitimité des accords qui concernent un nouveau périmètre » 219 ( * ) .

B. Information des syndicats avant le lancement des négociations de convention ou d'accord de groupe

L'article L. 2232-32 prévoit actuellement que les organisations syndicales de salariés représentatives peuvent choisir parmi les délégués syndicaux du groupe un ou plusieurs coordonnateurs pour négocier et signer une convention ou un accord de groupe.

L'article 8 maintient cette disposition mais précise que la représentativité des syndicats doit s'apprécier à l'échelle de l'ensemble des entreprises ou établissements compris dans le périmètre de l'accord envisagé.

En outre, cet article oblige l'employeur à informer ces syndicats avant l'ouverture de la négociation .

C. Alignement du régime juridique des conventions et accords de groupe sur celui applicable aux accords d'entreprise

L'article L. 2232-33 prévoit actuellement qu'une convention ou un accord de groupe emporte les mêmes effets qu'une convention ou un accord d' entreprise .

L'article 12 propose une réécriture de cet article, pour indiquer que l'ensemble des négociations prévues dans le code du travail au niveau de l'entreprise peuvent être engagées et conclues dans les mêmes conditions au niveau du groupe, sous réserve des adaptations prévues par la section 4, relatives aux conventions et accords de groupe, qui regroupent les articles L. 2232-30 à L. 2232-35.

D. Validité d'un accord de groupe

L'article L. 2232-34 fixe les règles de validité d'un accord de groupe , qui sont identiques à celles prévues à l'article L. 2232-12 pour les accords d'entreprise ou d'établissement.

Ainsi, un accord de groupe est valide si deux conditions cumulatives sont remplies :

- la première, dite majorité d'engagement , impose aux syndicats signataires d'obtenir au moins 30 % des suffrages exprimés lors du premier tour des dernières élections professionnelles (élections des titulaires au CE, à la délégation unique du personnel, voire des DP), quel que soit le nombre de votants ;

- la seconde, dite absence d'opposition , prévoit que l'accord ne doit pas être frappé d'opposition, dans les huit jours suivant sa notification, par un ou plusieurs syndicats ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés lors de ces mêmes élections.

Par coordination juridique avec les dispositions de l'article 10 du présent projet de loi (voir supra ), l'article 12 prévoit que la validité des accords de groupe devra respecter les nouvelles règles applicables aux accords d'entreprise, présentées à l'article L. 2232-12.

La convention ou l'accord de groupe, en vertu de l'article L. 2232-35, ne peut comporter de dispositions dérogeant à des conventions de branche ou d'accords professionnels dont relèvent les entreprises ou établissements appartenant à ce groupe, sauf disposition expresse de ces conventions de branche ou accords professionnels.

E. Conditions de forme, de notification, de dépôt et de publicité des accords de groupe

L'article 12 propose une nouvelle rédaction de cet article, selon laquelle les accords conclus en application de la présente section sont soumis aux conditions de forme, de notification, de dépôt et de publicité applicables aux conventions et accords collectifs en général :

- obligation d'un document écrit 220 ( * ) ;

- utilisation de la langue française 221 ( * ) ;

- notification de l'accord par la partie la plus diligente 222 ( * ) ;

- respect des modalités de dépôt prévues par voie règlementaire 223 ( * ) .

F. La création des accords interentreprises

A travers la création dans le code du travail des articles L. 2232-36 à L. 2232-39, l'article 12 instaure une cinquième et nouvelle catégorie d'accords, qui vient prendre place après :

- les accords interprofessionnels ;

- les conventions de branche et les accords professionnels ;

- les conventions et accords d'entreprise ou d'établissement ;

- les conventions et accords de groupe.

Un accord interentreprises pourra être négocié et conclu au niveau de plusieurs entreprises entre, d'une part, les employeurs et, d'autre part, les organisations syndicales représentatives à l'échelle de l'ensemble des entreprises concernées.

Les règles relatives à la représentativité des syndicats signataires d'un accord interentreprises et à sa validité sont identiques à celles applicables aux accords d'entreprises ou de groupe.

L'accord interentreprises doit respecter les conditions de droit commun s'agissant de sa forme, de sa notification, de son dépôt et de sa publicité.

G. Rapports entre les accords de groupe, les accords d'entreprise et les accords d'établissement

L'article 12 introduit dans le code du travail un nouveau chapitre, rassemblant les articles L. 2253-5 et L. 2253-4 , afin de préciser l'articulation entre les accords de groupe et les accords d'entreprise ou d'établissement.

Un accord conclu dans tout ou partie d'un groupe pourra expressément prévoir que ses stipulations se substituent à celles relevant de conventions ou d'accords d'entreprise ou d'établissement, quelle que soit la date de leur conclusion.

De la même manière, un accord d'entreprise pourra prévoir expressément que ses stipulations s'imposent à celles relevant d'un accord d'établissement, peu important la date de conclusion de ce dernier.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Outre de nombreux amendements rédactionnels, deux amendements du rapporteur ont été adoptés en commission visant à :

- préciser que l'engagement de négociation au niveau du groupe ne dispense pas les entreprises lui appartenant d'organiser les négociations rendues obligatoires par le code du travail ;

- indiquer qu'un accord interentreprises peut comporter des stipulations primant sur celles prévues dans des accords d'entreprise ou d'établissement ayant le même objet et comprises dans le périmètre de cet accord.

Cet article n'a pas été modifié par le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

III - La position de votre commission

Vos rapporteurs approuvent la philosophie de cet article, qui permettra de promouvoir les accords de groupe en clarifiant leur régime juridique.

A l'invitation de notre collègue Philippe Mouiller, la commission a adopté un amendement ( COM-61 ) qui supprime l'obligation d'engager les négociations obligatoires en entreprise en cas d'échec des négociations menées au niveau du groupe. Vos rapporteurs ont en effet considéré que cette obligation pourrait remettre en cause l'intérêt même de recourir à un accord de groupe que le Gouvernement souhaite encourager. Pire, cette obligation pourrait avoir un effet contre-productif en dissuadant les directions de groupe d'engager des négociations à ce niveau si elles n'ont pas la certitude qu'elles déboucheront sur un accord.

Elle a par ailleurs adopté un amendement de vos rapporteurs ( COM-110 ) tendant à supprimer les articles L. 2232-36 et L. 2232-39, inutiles, compte tenu des articles actuels L. 2231-3 à L. 2231-6 qui fixent les conditions de forme, de notification, de dépôt et de publicité applicables aux conventions et accords collectifs en général.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 13 (art. L. 2232-5-1 [nouveau], L. 2232-9, L. 2261-19 du code du travail) - Définition de l'objet de la négociation de branche et création des commissions paritaires permanentes de négociation et d'interprétation

Objet : Cet article définit l'objet de la négociation de branche, rend obligatoire la création dans chaque branche de commissions paritaires permanentes de négociation et d'interprétation et fixe leurs missions.

I - Le dispositif proposé

En premier lieu, l'article 13 introduit dans le code du travail un nouvel article L. 2232-5-1 afin de définir l'objet de la négociation de branche . Celle-ci vise à définir, d'une part, des garanties s'appliquant aux salariés employés par les entreprises d'un même secteur, d'un même métier ou d'une même forme d'activité et, d'autre part, à réguler la concurrence entre les entreprises de ce champ.

En deuxième lieu, il transforme les commissions paritaires d'interprétation, qui doivent être mises en place lorsqu'une convention de branche ou un accord professionnel est conclu, en commissions paritaires permanentes de négociation et d'interprétation , en modifiant l'article L. 2232-9 .

En troisième lieu, il fixe les missions de ces nouvelles commissions paritaires, qui se réuniront au moins une fois par an et qui seront chargées :

- de définir leur agenda social , en prévoyant les modalités de prise en compte des demandes de négociation portant sur des thèmes autres que ceux obligatoires 224 ( * ) ;

- d'établir des rapports annuels d'activité qu'elles transmettront à la commission nationale de la négociation collective (CNNC) ;

- d'exercer, si elles le souhaitent, les missions des observatoires de branche , qui veillent notamment sur les conditions de travail et l'emploi.

En dernier lieu, il autorise le ministre du travail, à travers une modification de l'article L. 2261-32, à prononcer la fusion entre les champs d'application de deux conventions collectives lorsqu'une branche n'a pas mis en place de commission paritaire permanente de négociation et d'interprétation ou si celle-ci ne se réunit pas.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Seuls des amendements rédactionnels ou de précision juridique, présentés par le rapporteur, ont été adoptés en commission.

Cet article n'a pas été modifié par le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

III - La position de votre commission

Sur proposition de vos rapporteurs, votre commission a adopté un amendement (COM-111) visant à :

- intégrer à l'article 13 les dispositions prévues à l' article 2 A du présent projet de loi, précédemment supprimé, qui prévoient que les commissions paritaires permanente de négociation et d'interprétation élaborent un bilan des accords d'entreprises portant sur la durée du travail , qui sera intégré à leur rapport annuel d'activité ;

- obliger ces commissions à mettre en ligne leur rapport annuel sur le nouveau portail internet prévu à l'article 7 du projet de loi ;

- imposer aux commissions de se réunir au moins trois fois par an , au lieu d'une seule fois comme le prévoit le texte ;

- reconnaître que leurs missions sont d' intérêt général ;

- autoriser le juge judiciaire à demander l'avis de la commission paritaire sur l'interprétation d'une convention ou d'un accord collectif présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges

- effectuer des améliorations rédactionnelles .

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 14 (art. L. 2261-32, L. 2261-33 et L. 2261-34 [nouveaux] du code du travail) - Aménagement des dispositifs de restructuration des branches professionnelles

Objet : Cet article simplifie les règles applicables aux quatre dispositifs actuellement mis à disposition du ministre du travail pour restructurer les branches professionnelles ; il sécurise juridiquement les employeurs en cas de fusion ou de regroupement entre branches et il élabore une feuille de route à l'attention du ministre et des partenaires sociaux afin de parvenir à deux cents branches d'ici trois ans.

I - Le dispositif proposé

Les accords et conventions de branche jouent un rôle essentiel en matière de régulation de la concurrence entre entreprises, en empêchant les pratiques de concurrence sociale déloyale à travers la fixation de règles communes et concertées, comme le rappelle l'article 13 du présent projet de loi.

Or, sur les 687 branches professionnelles que comptait notre pays en 2012, pratiquement les trois quarts comptent moins de 15 000 salariés 225 ( * ) . En outre, 241 branches , soit un tiers d'entre elles , n'ont pas déposé d'accords depuis plus de dix ans , dont 212 relèvent d'un niveau régional ou local.

Face à ce constat, le Gouvernement a créé une panoplie de dispositifs visant à restructurer le paysage conventionnel, à travers l'article 29 de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, qui a prévu à l'article L. 2261-32 du code du travail quatre dispositifs de restructuration des branches professionnelles :

- la fusion entre les champs d'application de deux conventions collectives ;

- l' élargissement d'une convention collective à une branche peu active ;

- le refus d'étendre une convention collective aux entreprises non signataires de la convention collective en cas de faible activité conventionnelle ou de faible représentativité des organisations patronales signataires ;

- le refus d'arrêter la liste des partenaires sociaux représentatifs dans une branche.

Ces dispositifs accordent une place essentielle à la sous-commission de la restructuration des branches professionnelles , créée au sein de la Commission nationale de la négociation collective (CNCC) en application d'un décret du 5 mars 2015 226 ( * ) .

Le régime juridique de ces dispositifs a été retouché à la marge par l'article 23 de la loi précitée du 17 août 2015 . Suite à l'adoption en commission d'un amendement du rapporteur lors de l'examen en première lecture de ce texte, trois modifications ont été apportées aux règles initiales afin d'accélérer la restructuration des branches :

- les deux critères jusqu'alors cumulatifs (compter moins de 5 % d'entreprises adhérentes et enregistrer une faible activité conventionnelle depuis cinq ans), communs aux quatre dispositifs, sont devenus alternatifs ;

- l'élargissement et la fusion peuvent être également utilisés si la taille de la branche professionnelle n'est pas suffisante ;

- le délai minimum de réflexion accordé aux partenaires sociaux pour faire valoir leurs observations avant une décision ministérielle de fusion du champ d'une convention collective avec celui d'une autre branche est abaissé d'un an à six mois .

Au final, comme en témoigne le tableau présenté page suivante, le processus de restructuration est lourd, complexe et peu harmonisé.

L'objectif fixé par le Premier ministre en 2014 d'atteindre d'ici 2020 une centaine de branches, comme en Allemagne, s'avère toutefois hors de portée à l'heure actuelle, car la restructuration n'a été amorcée que pour 124 branches, dont 18 relèvent du secteur agricole.

C'est pourquoi l'article 14 prévoit une rationalisation et une accélération de la restructuration des branches conventionnelles à travers trois volets :

- la simplification du cadre juridique des quatre dispositifs actuellement mis à disposition du ministre du travail;

- la sécurisation juridique des employeurs en cas de fusion ou de regroupement entre branches ;

- l'élaboration d'une feuille de route à destination du ministre du travail et des partenaires sociaux.

A. La simplification des dispositifs de restructuration des branches conventionnelles

Tout d'abord, l'article 14 identifie non plus trois, mais quatre cas d'ouverture , désormais communs aux quatre dispositifs de restructuration :

- le faible nombre d'entreprises adhérentes à une organisation patronale représentative (moins de 5 %) ;

- la faible activité conventionnelle (appréciée en nombre d'accords ou d'avenants et de thèmes de négociation abordés) ;

- la faiblesse des effectifs salariés (sans qu'aucun seuil ne soit retenu) ;

- un champ d'application géographique uniquement régional ou local, qui constitue un nouveau cas d'ouverture ;

Par ailleurs, l' objectif d'intérêt général attaché à la restructuration des branches est reconnu explicitement et à de nombreuses reprises à l'article L. 2261-32.

En outre, un cadre procédural commun est prévu pour les projets de fusion et d' élargissement . Ces deux opérations pourront concerner plus de deux branches afin de renforcer la cohérence du champ conventionnel. Un avis publié au Journal officiel de la République française (JORF) devra inviter les organisations et les personnes intéressées à faire connaître leurs observations concernant le projet de fusion ou d'élargissement dans un délai fixé par décret. Le ministre chargé du travail ne pourra procéder à la fusion ou à l'élargissement qu'après avis motivé de la CNCC . En cas de proposition écrite et motivée d'une branche de rattachement alternative ou d'un projet d'élargissement alternatif émanant soit de deux organisations professionnelles d'employeurs soit de deux organisations syndicales de salariés représentées à cette commission, le ministre doit à nouveau consulter cette commission dans un délai et selon des modalités fixées par décret. Au vu du nouvel avis émis par la commission, le ministre peut prononcer la fusion ou l'élargissement ou abandonner l'opération envisagée.

B. La sécurisation juridique des employeurs en cas de fusion ou de regroupement entre branches

A travers l'introduction dans le code du travail de l'article L. 2261-33 , l'article 14 oblige les partenaires sociaux à négocier et conclure une nouvelle convention collective au plus tard cinq ans après la fusion ou le regroupement de branches. Pendant cette période, faute de nouvelle convention collective, ce seront les stipulations conventionnelles applicables avant la fusion ou le groupement qui continueront de s'appliquer.

En outre, les différences temporaires de traitement entre salariés qui résulteraient de la fusion ou du regroupement, compte tenu de l' intérêt général qui s'attache à la restructuration des branches, ne pourront être utilement invoquées pendant cette période maximale de cinq ans. Ainsi, les salariés concernés par une fusion ou un regroupement entre conventions collectives ne pourront saisir le juge judiciaire en arguant une différence de traitement car l'employeur n'est pas directement responsable de l'éventuel retard pris par les partenaires sociaux de la branche pour négocier une nouvelle convention collective. Une fois expiré ce délai de cinq ans, ce seront les stipulations de la convention collective de rattachement qui s'appliqueront.

Quant au nouvel article L. 2261-34 , il autorise les partenaires sociaux qui étaient représentatifs dans le champ d'au moins une branche préexistant à l'opération de fusion de champs conventionnels ou de regroupement de conventions collectives, à négocier une nouvelle convention collective dans l'attente de leur prochaine mesure d'audience, en appréciant les conditions de validité de droit commun des signataires au niveau de la branche issue de la fusion ou du regroupement 227 ( * ) et en respectant les règles prévues pour l'extension des conventions de branches et les accords professionnels 228 ( * ) .

C. L'élaboration d'une feuille de route à destination du ministre du travail et des partenaires sociaux

En premier lieu, dans les trois mois suivant la publication de la présente loi, les partenaires sociaux représentatifs aux niveaux national et interprofessionnel devront engager une négociation pour définir une méthode permettant d'aboutir dans un délai de trois ans à un paysage conventionnel restructuré autour d'environ deux cents branches professionnelles . En outre, également dans le délai de trois ans précité, les organisations liées par une convention de branche devront engager des négociations en vue d'opérer les rapprochements permettant d'aboutir à un paysage conventionnel ainsi restructuré.

En deuxième lieu, le ministre chargé du travail devra engager avant le 31 décembre 2016 la fusion des branches dont le champ d'application géographique est uniquement régional ou local et des branches n'ayant pas conclu d'accord ou d'avenant lors des quinze dernières années .

En troisième lieu, au plus tard trois ans après la publication de la présente loi, le ministre chargé du travail devra engager la fusion des branches comptant moins de cinq mille effectifs salariés et des branches n'ayant pas conclu d'accord ou d'avenant lors des dix dernières années.

En dernier lieu, l'article 14 interdit au ministre du travail, durant les trois années qui suivent la publication de la présente loi, de procéder à une fusion dans sa nouvelle définition légale en cas d'opposition écrite et motivée de la majorité des membres de la commission nationale de la négociation collective, sauf si cette fusion concerne :

- une branche dont le champ d'application géographique est uniquement régional ou local ;

- ou une branche n'ayant pas conclu d'accord ou d'avenant lors des quinze années précédant la publication de la présente loi.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

En commission, outre de nombreux amendements rédactionnels, un amendement du rapporteur a été adopté afin de créer un nouveau cas de recours à la procédure de fusion , à savoir l'absence de mise en place ou de réunion de la commission paritaire permanente de négociation et d'interprétation, comme le prévoyait l'article 13 du projet de loi initial 229 ( * ) .

Parmi les amendements retenus par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, un seul, présenté par le rapporteur, a modifié cet article pour des motifs rédactionnels.

III - La position de votre commission

Vos rapporteurs sont pleinement conscients de la difficulté à mener rapidement à bien le chantier de la restructuration des branches professionnelles , qui ne doit pas remettre en cause le principe à valeur constitutionnelle de la liberté contractuelle des partenaires sociaux. Il convient en effet d'accorder aux partenaires sociaux un temps suffisant pour remettre à plat les règles issues des conventions collectives. A titre d'exemple, Jean-Denis Combrexelle, lors de son audition par vos rapporteurs, a rappelé que la restructuration de la vingtaine de branches initiales que comptait en 2005 le secteur du spectacle vivant, du cinéma et de l'audiovisuel avait nécessité pas moins de 500 réunions en commissions mixtes plénières ou en groupe de travail sous l'égide de la direction générale du travail (DGT). L'implication du ministère, sans doute appréciée par les partenaires sociaux, pose toutefois la question du rôle de l'Etat qui, en théorie, ne devrait pas orchestrer les négociations entre partenaires sociaux, censés être autonomes, pour arrêter le périmètre des branches professionnelles et définir le contenu des conventions et des accords.

Vos rapporteurs sont convaincus que le renforcement de la place de la négociation collective implique de repenser l'organisation et le rôle de la négociation de branche .

Sur proposition de vos rapporteurs, votre commission a adopté un amendement COM-112 pour exclure des priorités du ministre du travail la fusion des branches professionnelles comptant moins de cinq mille salariés. Vos rapporteurs ne nient pas la nécessité de regrouper les branches pour obtenir une taille critique suffisante. Mais ils considèrent que certaines branches en deçà de ce seuil démontrent une activité conventionnelle satisfaisante et que le chantier de la restructuration du paysage conventionnel doit surtout concerner les branches inactives.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 14 bis (article L. 2222-1 et L. 2622-2 du code du travail) - Application directe des accords collectifs et des conventions de niveau national dans les départements et certaines collectivités d'outre-mer

Objet : Cet article, issu d'un amendement présenté par notre collègue députée Monique Orphé et plusieurs de ses collègues du groupe socialiste et républicain, retenu par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, prévoit que les accords collectifs et les conventions dont le champ d'application est national s'appliqueront directement dans les départements et certaines collectivités d'outre-mer dans un délai de six mois après leur entrée en vigueur. Les partenaires sociaux des territoires concernés pourront le cas échéant pendant ce délai et même au-delà adapter ces règles. Par ailleurs, l'article oblige ces mêmes partenaires à engager des négociations pour améliorer la couverture conventionnelle en outre-mer.

I - Le dispositif proposé

On distingue actuellement quatre statuts juridiques applicables aux territoires ultra-marins, mentionnés à l'article 72-3 de la Constitution :

- les départements et régions d'outre-mer (la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte), régis par l'article 73 de la Constitution;

- les collectivités d'outre-mer (Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis et Futuna et la Polynésie française), relevant des dispositions de l'article 74 de la Constitution ;

- la Nouvelle-Calédonie, dont le statut particulier est fixé aux articles 76 et 77 de la Constitution ;

- les Terres australes et antarctiques françaises et de Clipperton, dont il revient à la loi de déterminer le régime législatif et l'organisation particulière en vertu de l'article 73 de la Constitution.

L'article 16 de la « loi Perben » du 25 juillet 1994 230 ( * ) a fixé comme principe que les conventions et accords collectifs de travail dont le champ d'application est national devaient préciser si celui-ci comprend les départements d'outre-mer.

Cette règle, aujourd'hui codifiée à l'article L. 2222-1 du code du travail, a été étendue à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint Pierre-et-Miquelon.

Par conséquent, dans le silence d'un accord collectif dont le champ d'application est national, il ne peut s'appliquer directement en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité a retenu un amendement présenté par Monique Orphé et plusieurs de ses collègues du groupe socialiste et républicain, qui a inversé cette logique, en prévoyant par principe l'assimilation et l'application directe des accords nationaux dans les territoires ultra-marins précités , sauf stipulation contraire des négociateurs nationaux ou aménagements spécifiques définis par les partenaires sociaux au niveau local.

Désormais, les conventions et accords collectifs de travail dont le champ d'application est national s'appliqueront de plein droit, à compter du 1 er avril 2017, dans les territoires précités (sauf Mayotte, pour lequel la date retenue est le 1 er janvier 2018), sauf stipulation contraire, dans un délai de six mois suivant leur date d'entrée en vigueur. Pendant ce délai, les partenaires sociaux habilités à négocier dans ces territoires pourront s'ils le souhaitent aménager ces accords ou conventions.

Par coordination, l'article 14 bis modifie également l'article L. 2622-2 , qui relève du livre VI de la deuxième partie du code du travail, rassemblant toutes les règles spécifiques à la négociation collective en outre-mer. Cet article autorise également les partenaires sociaux ultra-marins compétents à conclure des accords postérieurement au délai précité de six mois, ou à négocier des accords sur des sujets relevant d'un accord national qui a explicitement exclu de son champ d'application l'un des territoires ultra-marins mentionnés.

En outre, afin de ne pas porter atteinte à la sécurité juridique des règles conventionnelles en vigueur, les partenaires sociaux ultra-marins compétents pourront le cas échéant par voie d'avenant utiliser ce nouveau principe d'application directe pour les accords et conventions nationaux conclus avant le 1 er avril 2017 (ou 1 er janvier 2018 à Mayotte).

Enfin, dans l'année suivant la promulgation de la loi, les partenaires sociaux habilités à négocier dans ces territoires ultra-marins devront engager des négociations pour améliorer la couverture conventionnelle, le cas échéant en reprenant ou en adaptant des conventions collectives nationales existantes.

II - La position de votre commission

Bien que vos rapporteurs n'aient pas été en mesure de recueillir l'avis des partenaires sociaux ultra-marins sur cet article apparu tardivement au cours de l'examen parlementaire, ils considèrent que le principe selon lequel les accords ou convention de niveau national, sauf stipulations contraires, s'appliqueront directement en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, permettra d'améliorer la couverture conventionnelle des salariés travaillant dans ces territoires. Cet article ne remet pas en cause pour autant les prérogatives des partenaires sociaux ultra-marins, qui seront toujours libres d'aménager les règles retenues dans un accord ou une convention nationale, voire de reprendre à l'identique des stipulations d'un accord national qui a exclu de son champ d'application un ou plusieurs des territoires ultra-marins précités.

Sur proposition de vos rapporteurs, votre commission a adopté un amendement rédactionnel ( COM-385 ).

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.


* 210 Les règles relatives à la conclusion d'accords collectifs dans les entreprises dépourvues de délégué syndical sont rappelées dans la présentation de l'article 8 du présent projet de loi.

* 211 Ainsi, dans une entreprise comptant 100 salariés qui votent tous et dont les suffrages sont valablement exprimés, si 40 d'entre eux accordent leurs voix à des syndicats qui échouent à atteindre la barre des 10 %, mais 60 attribuent leurs suffrages à deux syndicats dépassant la barre des 10 %, alors un accord d'entreprise pourra être signé par l'un de ces deux syndicats s'il a pu réunir au moins 30 suffrages. Dans cette hypothèse, un « accord majoritaire à 50 % » pourra être signé par un syndicat qui n'a obtenu que 30 % des suffrages totaux valablement exprimés.

* 212 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 précitée.

* 213 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, art. 17.

* 214 Ces dispositions sont prévues aux articles L. 1233-11 à L. 1233-16 du code du travail. En revanche, l'amendement du Gouvernement a logiquement écarté l'application de l'article L. 1233-17, qui oblige l'employeur à indiquer par écrit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements si le salarié le demande.

* 215 Art. L. 2122-1 du code du travail.

* 216 Art. L. 2122-2 du code du travail.

* 217 Art. L. 2122-3 du code du travail.

* 218 Art. L. 2122-4 du code du travail.

* 219 Etude d'impact, p. 161.

* 220 L. 2231-3 du code du travail.

* 221 L. 2231-4 du même code.

* 222 L. 2231-5 du même code.

* 223 L. 2231-6 du même code.

* 224 L. 2222-3.

* 225 En effet, selon l'étude d'impact précitée, 374 branches comptent moins de 5 000 salariés, 82 branches entre 5 000 et 10 000 salariés et 39 branches entre 10 000 et 15 000 (p. 172).

* 226 Décret n° 2015-262 du 5 mars 2015 relatif à la création de la sous-commission de la restructuration des branches professionnelles de la Commission nationale de la négociation collective.

* 227 L. 2232-6.

* 228 En vertu de l'article L. 2261-19, une convention de branche ou un accord professionnel ne peut pas être étendu s'il n'a pas été négocié et conclu en commission paritaire et s'il a fait l'objet de l'opposition d'organisations patronales représentatives employant plus de la moitié des salariés des entreprises adhérant à une organisation patronale elle-même représentative au niveau concerné.

* 229 Cette commission est prévue à l'article L. 2232-9 du code du travail.

* 230 Loi n° 94 638 du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte.

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