CHAPITRE III - DES ACTEURS DU DIALOGUE SOCIAL RENFORCÉS

Article 15 (art. L. 1311-18 [nouveau] et L. 2144-3 du code général des collectivités locales) - Sécurisation de la mise à disposition de locaux par les collectivités territoriales au profit d'organisations syndicales

Objet : Cet article vise à sécuriser la mise à disposition de locaux appartenant à des collectivités locales en faveur d'organisations syndicales.

I - Le dispositif proposé

Les collectivités territoriales peuvent mettre à disposition des locaux qui leur appartiennent au profit d'organisations syndicales.

Cette mise à disposition relève de leur libre administration , dans le respect des dispositions du code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP). L'article L. 2144-3 de ce code dispose que l'occupation ou l'utilisation du domaine public donne lieu au paiement d'une redevance . Toutefois, les associations à but non lucratif concourant à la satisfaction d'un intérêt général peuvent occuper ou utiliser gratuitement le domaine public. L'article L. 2221-1 prévoit lui que les personnes publiques gèrent librement leur domaine privé.

S'agissant spécifiquement des communes, l'article L. 2144-3 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que « des locaux communaux peuvent être utilisés par les associations, syndicats ou partis politiques qui en font la demande (...) ». Il revient alors au maire de déterminer les conditions dans lesquelles ces locaux peuvent être utilisés et au conseil municipal de fixer, si besoin, la contribution due par l'utilisateur.

Le présent article vise à créer un cadre juridique sécurisé pour la mise à disposition, au bénéfice d'organisations syndicales, de locaux appartenant à des collectivités territoriales, à leurs groupements ou aux établissements publics qui leurs sont rattachés.

À cet effet, il crée un article L. 1311-18 au sein du CGCT qui reprend les dispositions de l'article L. 2144-3 tout en mentionnant les différentes collectivités territoriales, les établissements publics qui leurs sont rattachés ou qui les regroupent ainsi que les syndicats mixtes. Les pouvoirs reconnus au maire par l'article L. 2144-3 sont exercés par le président du conseil départemental ou régional ou le président de l'établissement ou du syndicat mixte et les compétences conférées par le même article au conseil municipal échoient respectivement au conseil départemental ou régional ou au conseil d'administration.

Il est par ailleurs précisé que la mise à disposition peut faire l'objet d'une convention entre la collectivité et le syndicat bénéficiaire.

Enfin l'article, L. 1311-18 dispose que, lorsque la collectivité décide de retirer le bénéfice de locaux mis à disposition d'un syndicat depuis au moins cinq ans sans lui proposer un autre local lui permettant de continuer ses activités, elle doit lui verser une indemnité spécifique, sauf stipulation contraire prévue par la convention de mise à disposition.

Le II du présent article opère une coordination juridique à l'article L. 2144-3 du CGCT. La mise à disposition de locaux communaux au bénéfice d'associations ou de partis politiques demeure régie par cet article mais il est renvoyé au nouvel article L. 1311-18 lorsque la mise à disposition de locaux bénéficie à des syndicats.

Le III permet l'application du nouveau régime aux locaux mis à dispositions antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a adopté huit amendements rédactionnels du rapporteur.

Le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, n'a pas modifié cet article.

III - La position de votre commission

La mise à disposition de locaux au bénéfice d'organisations syndicales est une pratique ancienne , qui remonte bien souvent à la fin du XIX ème siècle et à la création des premières « bourses du travail », ou « maisons des syndicats ».

Néanmoins, quelle que soit l'ancienneté de l'occupation des locaux par un syndicat, cette mise à disposition relève de la libre administration des collectivités territoriales , et s'exerce dans le cadre du droit de la propriété des personnes publiques.

L'occupation pour une période prolongée ne crée aucun droit au maintien dans les lieux pour l'organisation syndicale, ainsi que l'a rappelé la Cour de Cassation dans un arrêt du 3 juin 2010 231 ( * ) rendu au sujet d'un litige opposant la commune de Châteauroux à trois organisations syndicales.

La sécurisation juridique de la mise à disposition de locaux par les collectivités territoriales apparaît à vos rapporteurs comme une mesure pertinente, bien que le principe de libre administration leur permette déjà de disposer comme elles l'entendent de leur domaine privé et public, dans le respect du droit de la propriété des personnes publiques. Il est utile de préciser que le présent article ne concerne pas les locaux syndicaux mis à disposition des organisations représentants les agents territoriaux conformément au droit de la fonction publique 232 ( * ) .

Toutefois, le versement d'une indemnité spécifique, dont le montant n'est d'ailleurs pas précisé, lorsqu'une collectivité décide de mettre fin à la mise à disposition d'un local apparaît problématique. En effet, le simple fait qu'une organisation occupe depuis longtemps un local appartenant à une collectivité ne lui confère aucun droit au maintien dans les lieux, et l'avantage que représente cette mise à disposition ne saurait être regardé comme acquis. En outre, des locaux appartenant à des collectivités peuvent également être mis à disposition d'associations qui pourraient légitimement demander à bénéficier de la même garantie.

Vos rapporteurs ne sont donc pas favorables à la création de cette indemnité .

Au demeurant, ils constatent que le présent article ne vise que les cas dans lesquels une collectivité retirerait à une organisation le bénéfice d'un local. Il ne vise pas les cas dans lesquels la collectivité souhaiterait exiger un loyer ou augmenter substantiellement son montant. Dès lors, le dispositif proposé se révèle inabouti, contestable, et porte en lui-même les germes de son détournement.

Sur proposition de vos rapporteurs et de notre collègue Daniel Chasseing (amendements COM-1 et COM-367 ) la commission a donc supprimé l'alinéa 6 du présent article qui prévoit le versement par la commune d'une indemnité à une organisation qui doit quitter un local qu'elle occupe depuis au moins cinq ans sans que la personne publique ne lui en propose un nouveau.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 16 (art. L. 2142-1-3, L. 2143-13, L. 2143-15 et L. 2143-16, L. 2315-1, L. 2326-6, L. 2393-3 et L. 4614-3 du code du travail ; art. L. 412-8 du code de la sécurité sociale) - Augmentation du nombre d'heures de délégation des délégués syndicaux

Objet : Cet article vise à majorer le nombre d'heures de délégation dont bénéficient les délégués syndicaux appelés à négocier un accord.

I - Le dispositif proposé

Afin de permettre aux délégués syndicaux d'exercer leur mandat, le code du travail prévoit qu'ils disposent d'heures de délégation, considérées comme du temps de travail.

Le nombre de ces heures de délégation est fixé par l'article L. 2143-13 du code du travail, à dix, quinze ou vingt par mois selon que l'entreprise emploie entre cinquante et cent cinquante, entre cent cinquante-et-un à quatre cent quatre-vingt-dix-neuf ou cinq cent salariés et plus.

L'article L. 2143-15 précise que le délégué central d'entreprise , lorsqu'il existe, bénéficie de vingt heures de délégation en plus de celles dont il peut disposer au titre de délégué syndical d'entreprise 233 ( * ) .

L'article L. 2143-16 accorde un crédit supplémentaire d'heures de délégation au profit des délégués syndicaux et des salariés appelés à négocier une convention ou un accord d'entreprise . Le montant de ce crédit supplémentaire ne peut dépasser dix heures par an dans les entreprises d'au moins cinq cents salariés, et quinze heures par an dans les entreprises d'au moins mille salariés.

Le présent article majore de 20 % le nombre d'heures de délégation prévues par les articles L. 2143-13, L. 2143-15 et L. 2143-16.

Le nombre d'heures de délégation des délégués syndicaux est ainsi porté à douze, dix-huit ou vingt-quatre selon la taille de l'entreprise, le nombre d'heures supplémentaires dont dispose le délégué central est porté à vingt-quatre et le nombre maximal dont peuvent disposer les délégués syndicaux et les salariés appelés à négocier un accord est porté à douze ou dix-huit par an, selon la taille de l'entreprise.

Le tableau ci-dessous résume les modifications apportées au droit en vigueur par le projet de loi.

Heures de délégation des délégués syndicaux

Nombre d'heures de délégation

Droit actuel

Droit proposé par le PJL

Délégués syndicaux (art. L. 2143-13)

Entreprises de 50 à 150 salariés

10h par mois

12h par mois

Entreprises de 151 à 499 salariés

15h par mois

18 par mois

Entreprises d'au moins 500 salariés

20h par mois

24h par mois

Délégué central

(art. L. 2143-15)

20h supplémentaires par mois

24h supplémentaires par mois

Délégués syndicaux ou salariés appelés à négocier un accord ou une convention (art. L. 2143-16)

Entreprises d'au moins 500 salariés

10h par an maximum

12h par an maximum

Entreprises d'au moins 1 000 salariés

15h par an maximum

18h par an maximum

Source : Commission des affaires sociales du Sénat.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, le Gouvernement a retenu un amendement du rapporteur visant à définir les modalités de décompte des heures de délégation des salariés bénéficiant d'une convention de forfait en jours.

A défaut d'accord collectif, les heures de délégation sont regroupées en demi-journées qui viennent en déduction du nombre annuel de jours travaillés, à raison de quatre heures par demi-journée. Un décret en Conseil d'Etat doit préciser les modalités d'utilisation des reliquats de crédit inférieurs à quatre heures.

Ces dispositions s'appliquent pour le représentant de la section syndicale (article L. 2142-1-3), les délégués syndicaux (articles L. 2143-13 et L. 2143-15, les délégués du personnel (article L. 2315-1), les membres du comité d'entreprise (article L. 2325-6), les membres de la délégation unique du personnel (article L. 2326-6), dans le cas d'un regroupement des institutions représentatives du personnel (article L. 2393-3) et pour les membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (article L. 4614-3).

Le présent article a également été complété par un amendement de notre collègue député Olivier Faure visant à préciser, à l'article L. 412-8 du code de la sécurité sociale, que les délégués syndicaux sont couverts par les dispositions relatives aux accidents du travail s'ils surviennent dans le cadre de leurs missions de négociation ou de concertation à un autre niveau que celui de l'entreprise.

III - La position de votre commission

Le présent article prévoit une augmentation de l'ordre de 20 % des heures de délégation pour tous les délégués syndicaux, quels que soient leurs besoins réels.

Si vos rapporteurs partagent le souhait de renforcer la négociation collective en entreprise, une telle augmentation uniforme ne semble pas justifiée. Votre commission a donc adopté un amendement de vos rapporteurs ( COM-2 ) qui renvoie à des conventions ou accords d'entreprise le soin d'augmenter si nécessaire les crédits d'heures de délégation des délégués syndicaux appelés à négocier.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 16 bis (art. L. 414-38, L. 414-40 et L. 414-41 du code du travail applicable à Mayotte) - Augmentation du nombre d'heures de délégation des délégués syndicaux à Mayotte

Objet : Cet article, issu d'un amendement de notre collègue député Ibrahim Aboubacar et plusieurs de ses collègues retenu par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, vise à majorer le nombre d'heures de délégation dont bénéficient les délégués syndicaux à Mayotte.

I - Le dispositif proposé

Le présent article, issu d'un amendement de notre collègue député Ibrahim Aboubacar et plusieurs de ses collègues, intégré au texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale, transpose la majoration des heures de délégation prévue par l'article 16 dans le code du travail applicable à Mayotte .

Il modifie en ce sens les articles L. 414-38, L. 414-40 et L. 414-41 du code du travail applicable à Mayotte.

II - La position de votre commission

Si l'application du code du travail doit être étendue à Mayotte en 2018, ce département dispose aujourd'hui encore d'un code du travail spécifique. En matière d'heures de délégation, les articles L. 414-38, L. 414-40 et L. 414-41 du code du travail applicable à Mayotte reprennent sans adaptation les dispositions des articles L. 2143-13, L. 2143-15 et L. 2143-46 du code du travail.

Le présent amendement vise à augmenter les heures de délégation des délégués syndicaux à l'instar de ce que l'article 16 prévoit pour le reste du territoire national.

Suivant le même raisonnement qu'à l'article 16, votre commission a adopté un amendement ( COM-3 ) proposé par vos rapporteurs visant à laisser les partenaires sociaux négocier sur l'opportunité et le montant de l'augmentation des heures de délégation dont bénéficient les délégués syndicaux appelés à négocier un accord.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 17 (art. L. 4614-13, L. 4614-13-1 [nouveau] et L. 2325-41-1 du code du travail) - Procédure de contestation des expertises demandées par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail

Objet : Cet article vise à sécuriser les voies de contestation de l'employeur contre les décisions des CHSCT de recourir à une expertise.

I - Le dispositif proposé

L'article L. 4614-12 du code du travail permet au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de faire appel à un expert agréé lorsqu'un risque grave est constaté dans l'établissement, par exemple à la suite d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle, ou en cas de projet pour lequel la consultation du CHSCT est obligatoire en application de l'article L. 4612-8-1 234 ( * ) .

Une expertise peut également être demandée par le CHSCT dans le cadre d'une consultation sur un projet de restructuration et de compression des effectifs, conformément aux dispositions de l'article L. 4614-12-1.

Dans sa version en vigueur, l'article L. 4614-13 prévoit, à son premier alinéa, que les frais d'expertise sont à la charge de l'employeur . Ce même article précise, à son deuxième alinéa, que l'employeur peut contester en saisissant le juge judiciaire la nécessité même d'une expertise, ainsi que la désignation de l'expert, son coût, l'étendue ou le délai de l'expertise. Les contestations relatives aux consultations demandées sur la base de l'article L. 4614-12-1 sont adressées à l'inspection du travail.

Selon une jurisprudence constante, la Cour de cassation jugeait que les frais d'expertise demeurent à la charge de l'employeur même lorsque ce dernier a obtenu l'annulation par le juge judiciaire de la décision du CHSCT de demander une expertise. Toutefois, dans une décision du 27 novembre 2015 235 ( * ) , le Conseil constitutionnel a jugé que « la combinaison de l'absence d'effet suspensif du recours de l'employeur et de l'absence de délai d'examen de ce recours conduit (...) à ce que l'employeur soit privé de toute protection de son droit de propriété en dépit de l'existence d'une voie de recours 236 ( * ) ».

Le Conseil a par conséquent déclaré contraires à la Constitution le premier alinéa et la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 4614-13 du code du travail. Cette déclaration d'inconstitutionnalité prendra effet à compter du 1 er janvier 2017.

Le présent article supprime les dispositions qui ont fait l'objet de la censure du Conseil constitutionnel et pose de nouvelles règles concernant la prise en charge des frais de l'expertise et la contestation de la décision du CHSCT devant le juge judiciaire.

Conformément aux dispositions proposées par le présent article, le juge saisi par l'employeur d'une contestation portant sur la nécessité, l'étendue ou le délai de l'expertise ou la désignation de l'expert statuera en premier et dernier ressort dans un délai de dix jours. Ce recours a un effet suspensif sur l'exécution de la décision du CHSCT, jusqu'à l'expiration du délai de pourvoi en cassation.

Les frais de l'expertise demeureront à la charge de l'employeur, toutefois les sommes perçues par l'expert seront remboursées à l'employeur en cas d'annulation définitive de la décision du CHSCT. Il est en outre précisé que le comité d'entreprise pourra, à tout moment, décider de prendre en charge ces frais.

La nouvelle rédaction fait par ailleurs référence à l'instance temporaire de coordination des CHSCT de plusieurs établissements qui peut être mise en place dans le cas d'un projet commun à plusieurs établissements.

D'autre part, un nouvel article L. 4614-13-1 est créé, qui prévoit la contestation devant le juge judiciaire du coût de l'expertise . Cette contestation n'aura pas d'effet suspensif, et les dispositions relatives aux délais de jugement proposées à l'article L. 4614-13 ne s'appliqueront pas.

Les dispositions du présent article ne modifient pas la compétence de l'inspection du travail pour connaître des contestations relatives aux expertises demandées dans le cadre des projets de restructuration ou de compression des effectifs.

Enfin, un nouvel article L. 2325-41-1 permet au comité d'entreprise de prendre en charge au titre de sa subvention de fonctionnement les frais d'une expertise demandée par le CHSCT, par coordination avec les dispositions ajoutées à l'article L. 4614-13.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a adopté quatre amendements de son rapporteur, dont un visant à corriger une erreur matérielle.

Dans sa version initiale, le présent article distinguait la contestation du coût de l'expertise et la contestation des autres modalités de cette expertise. Les litiges portant sur la nécessité de l'expertise, son objet, son délai et la désignation de l'expert devaient ainsi avoir un effet suspensif : la décision du juge devait intervenir dans un délai de dix jours et n'était pas susceptible d'appel. Les contestations portant sur le coût de l'expertise étaient quant à elles prévues par un article distinct (article L. 4614-13-1 [nouveau]) ne mentionnant aucune règle de procédure particulière.

La commission des affaires sociales a souhaité permettre la contestation du coût prévisionnel de l'expertise dans les conditions prévues à l'article L. 4614-13, le nouvel article L. 4614-13-1 ne visant que les contestations portant sur le coût final.

Par ailleurs, la commission des affaires sociales a souhaité que, dans tous les cas, la contestation de l'employeur soit formulée dans un délai de quinze jours.

Dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité, le Gouvernement a retenu un amendement de nos collègues députés Denys Robiliard et Gérard Sébaoun qui prévoit que le juge appelé à statuer dans un délai de dix jours sur les contestations formulées par l'employeur conformément à l'article L. 4614-13 statuera en la forme des référés.

III - La position de votre commission

L'abrogation des dispositions jugées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel crée un vide juridique quant à la personne qui doit assumer les coûts de l'expertise et supprime les voies de recours pour l'employeur. Il est donc indispensable que le législateur adopte, avant le terme fixé pour la prise d'effet de cette décision, de nouvelles dispositions de nature à sécuriser les recours de l'employeur contre la décision du CHSCT de demander une expertise

En accordant un effet suspensif à la contestation par l'employeur de la décision du CHSCT de recourir à un expert et en obligeant le juge du fond à statuer dans les dix jours, le présent article remédie à l'inconstitutionnalité relevée par le Conseil constitutionnel. Afin de ne pas retarder inutilement les travaux d'expertise, il semble pertinent que la décision du juge du fond soit insusceptible de recours en dehors du pourvoi en cassation. Un éventuel pourvoi en cassation n'aura pas d'effet suspensif, compte tenu du fait que la Cour de cassation ne saurait être tenue à des délais de jugement courts.

Il semble également justifié que les frais engagés en vue d'une expertise découlant d'une demande entachée d'illégalité ne soient pas mis à la charge de l'employeur. Dans la mesure où la saisine du juge par l'employeur ne peut survenir que dans un délai de quinze jours et a un effet suspensif, les frais engagés devraient être limités.

Enfin, le dispositif proposé doit permettre de responsabiliser les experts. En effet, ces derniers seront incités à faire preuve de prudence lorsque la demande d'expertise qui leur est adressée est fragile juridiquement.

Concernant la précision ajoutée par l'amendement de nos collègues Gérard Sebaoun et Denys Robiliard, vos rapporteurs notent que l'article R. 4614-20 du code du travail dispose que le juge, amené à se prononcer sur les contestations relatives à l'expertise statue en la forme des référés. Il apparaît donc que la disposition introduite par cet amendement est d'ores et déjà satisfaite. Vos rapporteurs sont néanmoins favorables à ce qu'elle soit inscrite au niveau législatif.

Le dispositif mis en oeuvre par le présent article apparaît d'une part sécurisant pour les employeurs et d'autre part de nature à responsabiliser les experts.

Votre commission a toutefois souhaité aller plus loin en adoptant un amendement ( COM-377 ) de ses rapporteurs visant à instaurer un minimum de mise en concurrence dans le choix de l'expert désigné par le CHSCT. Ainsi, au moins trois devis provenant de candidats distincts seront requis pour procéder à la désignation de l'expert. Par cohérence, cette exigence est étendue au choix des experts désignés par le comité d'entreprise dans les cas prévus aux articles L. 2325-35 et L. 2325-38.

Par ailleurs, votre commission a adopté un amendement de ses rapporteurs ( COM-379 ) visant à préciser que l'effet suspensif du recours de l'employeur court jusqu'à la décision du juge , et non jusqu'à l'expiration du délai de pourvoi en cassation. Cet amendement précise en outre que, dans les cas où le CHSCT et le comité d'entreprise (CE) sont tous deux saisis, le recours de l'employeur suspend les délais de consultation du CE.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 17 bis (art. L. 4612-1 du code du travail) - Nouvelle mission du CHSCT relative aux conditions de travail des personnes handicapées

Objet : Cet article, issu d'un amendement de notre collègue députée Annie Le Houerou et plusieurs de ses collègues retenu par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, complète les missions du CHSCT afin de prendre en compte la problématique des travailleurs handicapés.

I - Le dispositif proposé

Le présent article est issu d'un amendement présenté par notre collègue députée Annie Le Houerou et plusieurs de ses collègues qui a été retenu par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Complétant l'article L. 4612-1 du code du travail, relatif aux missions du comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), il précise que ce dernier contribue à « l'adaptation et à l'aménagement des postes de travail afin de faciliter l'accès des personnes handicapées à tous les emplois et de favoriser leur maintien en emploi au cours de leur vie professionnelle ».

II - La position de votre commission

Aux termes de l'article L. 4612-1 du code du travail, le CHSCT a pour mission de « contribuer à la prévention et à la protection de la santé physique et mentale des travailleurs », de « contribuer à l'amélioration des conditions de travail » et « de veiller à l'observation des prescriptions légales en ces matières ».

Il semble à vos rapporteurs que ces missions, qui concernent les conditions de travail de tous les salariés, couvrent par conséquent la prise en compte spécifique du handicap souhaitée par les auteurs de l'amendement introduisant le présent article. Ils se sont donc interrogés sur la pertinence des ajouts qu'il opère. En effet, il serait faux de considérer que les CHSCT ne sont pas actuellement compétents pour traiter des questions des travailleurs handicapés, et la multiplication des références à des publics particuliers pourrait laisser penser que le CHSCT n'a pas vocation à se préoccuper des conditions de travail des salariés qui ne sont pas explicitement visés.

Toutefois, compte tenu de l'enjeu que représente l'emploi des personnes handicapées , vos rapporteurs n'ont pas souhaité remettre en cause le présent article.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 18 (art. L. 1232-12, L. 1442-2, L. 2135-11, L. 2145-1, L. 2145-5 à L. 2145-13 [nouveaux], L. 2212-1 et L. 2212-2 [nouveaux], L. 2325-43, L. 2325-44, L. 3142-7 à L. 3142-15, L. 3341-2 et L. 3341-3 du code du travail) - Formation des acteurs de la négociation collective

Objet : Cet article vise à renforcer la formation dont bénéficient les acteurs de la négociation collective.

I - Le dispositif proposé

A. Financement de la formation des représentants du personnel

Le présent article complète l'article L. 2325-43 du code du travail, relatif à la subvention de fonctionnement que l'employeur doit verser chaque année au comité d'entreprise (CE).

L'ajout opéré vise à permettre au CE de consacrer une partie de son budget de fonctionnement au financement de la formation des délégués du personnel et des délégués syndicaux de l'entreprise.

Il est précisé que cette utilisation des fonds provenant du budget de fonctionnement du CE doit être retracée dans ses comptes annuels et dans son rapport d'activité.

B. Formation des acteurs de la négociation collective

Le présent article ajoute un nouveau chapitre, intitulé « Formation des acteurs de la négociation collective » au livre II de la deuxième partie du code du travail relatif à la négociation collective.

Ce nouveau chapitre est composé de deux articles.

Le nouvel article L. 2212-1 permettra la mise en oeuvre de formations communes au bénéfice des salariés et des employeurs ainsi que de leurs représentants, mais aussi des magistrats judiciaires et administratifs et des fonctionnaires. L'Institut national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (INTEFP) doit apporter son concours à la mise en oeuvre de ces formations.

Ces formations pourront être financées par le fond de financement des organisations professionnelles et syndicales créé par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle 237 ( * ) .

Enfin un décret en Conseil d'Etat devra préciser les conditions d'application de cet article.

Le nouvel article L. 2212-2 permettra la signature de conventions ou d'accords collectifs d'entreprise ou de branche afin de définir le contenu de ces formations communes prévues à l'article précédent, les conditions dans lesquelles elles sont dispensées et leurs modalités de financement.

C. Mesures de coordination juridique

Le présent article prévoit plusieurs mesures de coordination juridique.

D'une part, l'article L. 2135-11, relatif aux activités que le fond paritaire de financement des organisations professionnelles et syndicales peut financer est complété afin mentionner les formations communes mentionnées à l'article L. 2212-1 [nouveau].

D'autre part, le présent article transfère les dispositions de la sous-section relative aux congés de formation économique, sociale et syndicale depuis une subdivision du code du travail relative aux congés 238 ( * ) vers la subdivision relative à la formation économique, sociale et syndicale des salariés.

A cet effet, le chapitre V du livre IV du titre I er de la deuxième partie est réorganisé en deux sections, l'une portant sur la formation économique, sociale et syndicale et la seconde sur les congés qui s'y rapportent. Cette nouvelle section contient les articles L. 2145-5 à L. 2145-13 qui reprennent sans modification les dispositions des articles L. 3142-7 à L. 3142-15 actuels. Les mesures de coordination nécessaires sont apportées au sein du code du travail.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, un amendement de notre collègue député Christian Cavard et plusieurs de ses collègues a été retenu pour préciser que la formation commune prévue à l'article L. 2212-1 [nouveau] devait « améliorer les pratiques du dialogue social dans les entreprises ».

III - La position de votre commission

La philosophie du présent projet de loi, partagée par vos rapporteurs, consiste à renforcer le rôle de la négociation collective dans la définition des normes de droit du travail. Ce renforcement n'est toutefois possible qu'à condition de promouvoir la formation dont bénéficient les acteurs de la négociation collective.

L'organisation de formations communes est de nature à permettre la naissance d'une culture de la négociation et du dialogue qui ne peut être que profitable à l'ensemble des acteurs. La participation de magistrats et de fonctionnaires à ces formations ne peut être que bénéfique.

Le développement de ces formations communes ne pourra néanmoins avoir lieu que si la volonté des partenaires sociaux d'oeuvrer en ce sens est suffisante et à condition que les financements nécessaires sont apportés.

Tout en étant favorable aux dispositions du présent article, votre commission a adopté un amendement de vos rapporteurs ( COM-5 ) visant à améliorer sa rédaction. S'il est pertinent que l'INTEFP apporte son concours à la mise en oeuvre de ces formations communes, l'existence de cet institut relève du niveau règlementaire et non législatif. Il convient donc de ne pas le citer dans la loi et il reviendra au pouvoir règlementaire de compléter le cas échéant les dispositions règlementaires en vigueur. Cet amendement opère par ailleurs une coordination juridique rendue nécessaire par le déplacement des dispositions des articles L. 3142-7 à L. 3142-15 du code du travail relatifs aux congés de formation économique, sociale et syndicale.

Votre commission a en outre adopté un amendement de notre collègue Philippe Mouiller ( COM-72 ) visant à préciser que les centres, instituts ou organismes appelés à dispenser les formations communes des acteurs de la négociation collective doivent être agréés par le ministre du travail.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 18 bis (nouveau) (art. L. 2325-43 du code du travail) - Possibilité d'affecter l'excédent du budget de fonctionnement du comité d'entreprise au budget dédié aux activités culturelles et sociales

Objet : Cet article additionnel, issu d'un amendement de notre collègue Michel Raison et plusieurs membres du groupe Les Républicains adopté par la commission des affaires sociales, vise à permettre, sous certaines conditions, l'alimentation du budget dédié aux activités sociales et culturelles du comité d'entreprise par l'excédent du budget de fonctionnement.

Le comité d'entreprise (CE) doit tenir deux budgets, l'un dédié à son fonctionnement et l'autre consacré à ses activités sociales et culturelles.

Le présent article, adopté à l'initiative de notre collègue Michel Raison et de plusieurs de ses collègues (amendement COM-204 ), vise à permettre l'affectation de l'excédent du budget de fonctionnement au financement d'activités sociales et culturelles, ce qui n'est pas possible aujourd'hui conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation 239 ( * ) .

Il est précisé que cette décision doit faire l'objet d'un consensus des membres du CE, puisqu'elle doit être prise à l'unanimité .

Votre commission a adopté cet article additionnel ainsi rédigé.

Article 19 (art. L. 2135-13, L. 2135-15, L. 2151-1, L. 2152-1, L. 2152-4, L. 2152-5, L. 2261-19 du code du travail) - Ajout du nombre de salariés dans le critère de l'audience fondant la représentativité des organisations professionnelles d'employeurs

Objet : Cet article, entièrement réécrit par le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité, prévoit qu'une organisation patronale, qui respecte l'ensemble des critères légaux, pourra être déclarée représentative si ses entreprises adhérentes représentent au moins 8 % des entreprises adhérentes à une organisation patronale au niveau considéré, ou si elle compte au moins 8 % des salariés de ces mêmes entreprises. Le nombre de salariés est également pris en compte pour modifier les règles d'affectation des crédits du fonds paritaire de financement des partenaires sociaux destinés aux organisations patronales représentatives ainsi que le nombre de voix délibératives dont disposent ces organisations au sein des organismes paritaires.

I - Le dispositif proposé

Contrairement aux organisations syndicales de salariés dont la représentativité doit être établie à chaque cycle électoral au niveau concerné (national, branche, entreprise), les critères de la représentativité des organisations patronales (également désignées organisations professionnelles d'employeurs dans le code du travail), ne sont actuellement pas imposés par le code du travail, reposant pour l'essentiel, sauf en cas de contentieux, sur leur reconnaissance réciproque.

Toutefois, la loi du 5 mars 2014 240 ( * ) est venue appliquer aux organisations patronales, à compter de 2017, les mêmes critères de représentativité que pour les organisations syndicales de salariés, tout en adaptant celui tiré de l'audience .

En vertu des nouvelles règles mentionnées à l'article L. 2151-1 du code du travail, une organisation patronale, que son statut juridique soit syndical ou associatif, sera reconnue représentative au niveau concerné si elle remplit les conditions cumulatives suivantes :

- le respect des valeurs républicaines ;

- l' indépendance ;

- la transparence financière ;

- une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation ;

- l' influence , prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ;

- l' audience , qui se mesure en fonction du nombre d'entreprises volontairement adhérentes et varie selon les niveaux de négociation.

Au niveau de la branche , en application de l'article L. 2152-1, elle doit remplir en sus les deux conditions cumulatives suivantes :

- disposer d'une implantation territoriale équilibrée ;

- compter au moins 8 % d'entreprises adhérentes parmi celles qui adhérent à une organisation patronale représentative au niveau de la branche.

Le nombre d'entreprises adhérant à ces organisations doit être attesté, pour chacune d'elles, par un commissaire aux comptes.

Ce seuil de 8 % s'apprécie au niveau national dans les branches couvrant exclusivement les activités agricoles et dans celles qui concernent les coopératives d'utilisation de matériel agricole (Cuma).

Au niveau national et interprofessionnel , en vertu de l'article L. 2152-4 , une organisation patronale sera représentative si elle remplit les deux conditions cumulatives suivantes :

- disposer d' organisations adhérentes représentatives à la fois dans des branches de l'industrie, de la construction, du commerce et des services ;

- compter également au moins 8 % d'entreprises adhérentes parmi celles qui adhèrent à des organisations professionnelles d'employeurs , qui n'ont pas à être elles-mêmes représentatives.

En cas de pluri-adhésion , autrement dit si une organisation patronale de branche adhère à plusieurs organisations ayant statutairement vocation à être présentes au niveau national et interprofessionnel, elle doit répartir ses entreprises adhérentes entre ces organisations et informer ces entreprises des choix retenus. Elle ne peut alors affecter à chacune de ces organisations une part d'entreprises inférieure à un pourcentage fixé par décret, compris entre 10 % et 20 %.

Si le critère du nombre de salariés n'est pas pris en compte pour établir la représentativité d'une organisation patronale, il est en revanche retenu en matière d'opposition à une procédure d'extension d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel. En effet, l'article L. 2261-19 autorise une ou plusieurs organisations patronales représentatives au niveau considéré à s'opposer à cette procédure si leurs entreprises adhérentes emploient plus de la moitié de l'ensemble des salariés des entreprises adhérant aux organisations patronales reconnues représentatives à ce niveau.

Ce même article prévoit des règles spécifiques portant sur :

- le calcul du nombre de salariés en cas de pluri-adhésion des organisations du niveau de la branche à des organisations ayant statutairement vocation à être présentes au niveau national et interprofessionnel ;

- l'inscription de cette répartition dans la déclaration de candidature de représentativité ;

- le rôle du commissaire aux comptes chargé d'attester le nombre de salariés employés par les entreprises adhérentes.

En premier lieu, l'article 19 modifie le cadre général fixant les critères de la représentativité patronale à l'article L. 2151-1 , en prévoyant que l'audience s'appréciera non seulement en fonction du nombre d'entreprises adhérentes, mais aussi à la lumière du nombre de leurs salariés soumis au régime français de sécurité sociale .

En deuxième lieu, il décline cette nouvelle règle de l'audience pour les branches professionnelles , en prévoyant que le nombre d'entreprises adhérentes et le nombre de leurs salariés seront pris en compte respectivement à hauteur de 20 % et de 80 % ( L. 2152-1 ). Il précise que le commissaire aux comptes devra également attester du nombre de salariés des entreprises adhérentes. Les règles dérogatoires dans le secteur agricole sont maintenues , mais la pondération de l'audience par le nombre de salariés sera indépendante du nombre d'heures travaillées .

En troisième lieu, l'article 19 applique dans un souci d'harmonisation juridique ces mêmes modifications, sauf celle concernant l'agriculture, à l'article L. 2152-4 qui porte sur le calcul de l'audience des organisations patronales candidates à la représentativité au niveau national et interprofessionnel .

En dernier lieu, il allège la rédaction de l'article L. 2261-19 en supprimant les règles spécifiques prévues pour l'opposition à une procédure d'extension, devenues superflues .

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

En commission, un amendement de suppression de l'article, présenté par nos collègues Arnaud Richard et Francis Vercamer, a été adopté. Il convient de noter que plusieurs autres amendements de suppression avaient également été déposés à titre individuel par des députés de différents groupes politiques, mais retirés avant discussion ou non soutenus.

Suite à l' accord conclu le 2 mai dernier entre le Medef, la CGPME et l'UPA portant sur l'aménagement des règles de la représentativité patronale, le Gouvernement a présenté un amendement, retenu dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour le transcrire dans la loi en réécrivant intégralement l'article 19.

En premier lieu, le critère de l'audience des organisations patronales au niveau de la branche , défini à l'article L. 2152-1 , est modifié. Une organisation sera représentative soit si ses entreprises adhérentes représentent au moins 8 % de l'ensemble des entreprises adhérentes à une organisation patronale de branche, soit si elle compte au moins 8 % des salariés de ces mêmes entreprises . Le contrôle de ces seuils devra être attesté par un commissaire aux comptes. Cette double mesure de l'audience est également prévue dans le secteur agricole mais elle ne tiendra alors pas compte du nombre d'heures de travail effectuées par les salariés.

En deuxième lieu, et par coordination juridique, une organisation patronale qui souhaite être représentative au niveau national et interprofessionnel devra prouver, à travers l'attestation d'un commissaire aux comptes, soit qu'elle regroupe au moins 8 % des entreprises qui ont adhéré à une organisation patronale, soit qu'elle rassemble au moins 8 % des salariés de ces entreprises (article L. 2152-4 ). En cas de pluri-adhésion d'une organisation de branche, celle-ci devra pondérer la part qu'elle affecte à l'organisation patronale de niveau national et interprofessionnel par le nombre de salariés employés par ses entreprises adhérentes. Par conséquent, les dispositions de l'article L. 2261-19 qui définissent les règles de calcul du seuil d'opposition en cas de pluri-adhésion à l'extension d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel sont supprimées.

En troisième lieu, les organisations patronales devront indiquer le nombre d'entreprises adhérentes employant au moins un salarié dans leur déclaration de candidature , préalable indispensable à la reconnaissance éventuelle de leur représentativité (article L. 2152-5 ).

En quatrième lieu, les règles d'affectation des crédits du fonds paritaire sont modifiées, mais uniquement en ce qui concerne le volet relatif aux politiques menées exclusivement ou majoritairement par les partenaires sociaux 241 ( * ) . Le droit en vigueur prévoit que l'enveloppe globale affectée à ce volet, qui ne peut être inférieure à 73 millions d'euros par an 242 ( * ) , doit être attribuée pour moitié aux organisations patronales représentatives, pour moitié aux organisations syndicales représentatives ( article L. 2135-13 ). Chaque syndicat reçoit une part uniforme de la part du fonds, tandis que pour les organisations patronales, la répartition des crédits est proportionnelle à leur audience. L'article 19 conserve ces dispositions mais aménage les règles de calcul de l'audience des organisations patronales. Désormais, celle-ci sera calculée pour moitié à partir du nombre d'entreprises adhérentes à une organisation patronale représentative, pour moitié à partir du nombre de salariés employés par ces mêmes entreprises.

En cinquième lieu, l'article 19 précise les règles de gouvernance de l'association de gestion des fonds pour le financement du dialogue social (AGFPN). L'article L. 2135-15 prévoit actuellement que le conseil d'administration du fonds paritaire est composé à part égal des représentants des organisations syndicales de salariés et de ceux des organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel. L'article 19 indique que le nombre de voix d'une organisation patronale au sein de ce conseil d'administration sera défini à hauteur de 30 % par le nombre d'entreprises adhérentes à une organisation représentative au niveau national et interprofessionnel, et de 70 % par le nombre de salariés employés par ces entreprises adhérentes.

En dernier lieu, l'article 19 prévoit des règles transitoires, non codifiées, pour les organisations patronales siégeant dans des institutions ou organismes paritaires comme l'Unédic, le régime des retraites complémentaires (Agirc-Arrco), ou encore les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca). Sauf stipulation contraire issue d'un accord entre organisations patronales représentatives au niveau considéré, une organisation patronale disposera d'un nombre de voix délibératives proportionnel à son audience, calculé de la même manière qu'au sein de l'AGFPN. Par ailleurs, les dispositions du présent article s'appliqueront à compter du renouvellement des organismes paritaires institués antérieurement à la date de promulgation de la présente loi.

III - La position de votre commission

Vos rapporteurs se félicitent de constater que les principales organisations patronales représentatives au niveau national et interprofessionnel sont enfin parvenues à conclure un accord pour aménager les règles de leur représentativité en tenant compte du critère tiré du nombre de salariés des entreprises adhérentes. A condition de remplir les autres critères légaux, une organisation patronale pourra être reconnue représentative si elle regroupe soit 8 % des entreprises adhérentes à une organisation au niveau concerné, soit 8 % des salariés de ces entreprises, ce qui devrait permettre de garantir le pluralisme parmi les acteurs représentatifs dans les branches.

Ils ne peuvent donc qu'approuver la nouvelle rédaction de cet article qui donne force de loi à l'accord conclu le 2 mai dernier entre le Medef, la CGPME et l'UPA.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 20 (article L. 2135-12 du code du travail) - Possibilité pour le fonds paritaire de financement des partenaires sociaux de financer une organisation patronale multi-branches dans les secteurs de la production cinématographique, de l'audiovisuel et du spectacle

Objet : Cet article prévoit que le fonds paritaire de financement des partenaires sociaux pourra verser des crédits aux organisations patronales représentatives dans les secteurs de la production cinématographique, de l'audiovisuel et du spectacle, si leurs statuts prévoient qu'elles ont vocation à percevoir ces crédits.

I - Le dispositif proposé

L'article 31 de la loi précitée du 5 mars 2014 a instauré un fonds paritaire afin d'assurer un financement mutualisé des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs.

En vertu de l'article L. 2135-11 du code du travail, l'une des quatre missions d'intérêt général assignées au fonds est de financer la conception, la gestion, l'animation et l'évaluation des politiques menées par des organismes pilotés exclusivement ou majoritairement par les partenaires sociaux comme l'Unédic, le régime des retraites complémentaires (Agirc-Arrco), ou encore les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca).

Au titre de cette mission, le fonds peut verser des crédits :

- aux partenaires sociaux représentatifs au niveau national et interprofessionnel et à leurs organisations territoriales ;

- aux organisations patronales représentatives au niveau national et multi-professionnel ;

- à celles représentatives au niveau de la branche.

L'article 20 ne modifie pas ces dispositions, mais prévoit que le fonds paritaire pourra également verser des crédits, au titre de la mission précitée, aux organisations patronales représentatives dans les secteurs de la production cinématographique, de l'audiovisuel et du spectacle , si leurs statuts prévoient qu'elles ont vocation à percevoir ces crédits.

Comme l'indique l'étude d'impact, l'objet de cet article est « d'accompagner la restructuration du secteur de la production cinématographique, de l'audiovisuel et du spectacle » en s'adaptant à ses particularités, à travers un financement par le fonds paritaire de la Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma (Fesac), qui regroupe 31 fédérations, soit la plupart des organisations professionnelles d'employeurs représentatives dans les neuf branches professionnelles de ce secteur 243 ( * ) .

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Seul un amendement rédactionnel du rapporteur a été adopté en commission sur cet article.

Le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité n'a pas modifié cet article.

III - La position de votre commission

Il ressort des auditions de vos rapporteurs que la fédération patronale visée par cet article pourrait obtenir des crédits du fonds paritaire en adhérant à une organisation patronale représentative au niveau national, mais que compte tenu des spécificités des secteurs de la production cinématographique, de l'audiovisuel et du spectacle, cette fédération a pour l'instant repoussé cette option.

La Fesac a conclu des conventions avec les organisations patronales de branche qu'elle représente, mais ces conventions sont source de complexité administrative. En outre, la Fesac représente certaines institutions, comme l'Opéra de Paris, qui ne sont pas couvertes par une branche.

Si vos rapporteurs reconnaissent la spécificité des organisations patronales dans les secteurs de la production cinématographique, de l'audiovisuel et du spectacle, ils souhaitent que le cadre légal régissant le fonctionnement du fonds paritaire conserve sa vocation universelle.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 20 bis (nouveau) (art. L. 137-16 du code de la sécurité sociale) - Forfait social à 16 % pour la participation et l'intéressement

Objet : Cet article additionnel, introduit en commission à l'initiative de vos rapporteurs, abaisse de 20 à 16 % le forfait social applicable aux sommes versées au titre de la participation et de l'intéressement. Ce forfait sera également réduit de 16 à 12 % pour les plans d'épargne pour la retraite collectif finançant l'économie. Enfin, les entreprises employant moins de cinquante salariés qui mettent en place pour la première fois et volontairement un régime de participation ou d'intéressement seront exonérées de forfait social pendant les trois premières années.

Selon les données de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), plus de 56 % des salariés du secteur marchand non agricole, soit 8,7 millions de salariés, ont eu accès en 2013 à au moins un dispositif de participation, d'intéressement ou à un plan d'épargne salariale (plan d'épargne entreprise ou plan d'épargne pour la retraite collectif). Plus de 15,7 milliards d'euros ont ainsi été distribués cette année-là, dont plus de 15 milliards pour les seules entreprises employant dix salariés et plus 244 ( * ) .

Instauré en 2009 , et défini à l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale, le forfait social est une contribution patronale qui s'applique, sauf exceptions, aux éléments de rémunération ou de gain non soumis aux cotisations sociales mais assujetties à la contribution sociale généralisée (CSG).

Depuis sa création, son taux a été relevé presque chaque année , passant de 2 % en 2009, à 4 % en 2010, 6 % en 2011, 8 % au 1 er janvier 2012 puis 20 % depuis le 1 er août de la même année.

Un taux réduit de 8 % s'applique néanmoins aux contributions des employeurs destinées au financement de la prévoyance complémentaire des salariés et aux sommes affectées à la participation dans les sociétés coopératives ouvrières de production.

Depuis 2009, le forfait social porte sur toutes les rémunérations issues de l'épargne salariale au sens large : régimes d'intéressement, de participation, plans d'épargne d'entreprise ou interentreprises, plan d'épargne pour la retraite collectif (Perco), ainsi que sur certaines prestations de retraite supplémentaire. Dès 2010, son assiette n'a cessé d'être élargie, et concerne par exemple depuis 2012 la part des indemnités de rupture conventionnelle non assujettie à la CSG.

En revanche, le forfait social ne s'applique pas :

- aux sommes déjà frappées par la contribution patronale sur les attributions d'options de souscription ou d'achat d'actions et sur les attributions d'actions gratuites ;

- aux indemnités de licenciement, de mise à la retraite ou de départ volontaire ;

- à la contribution de l'employeur à l'acquisition des chèques-vacances par les salariés.

Le rendement du forfait social est passé de 300 millions d'euros en 2009 à 4,6 milliards en 2013 . Les deux tiers de l'augmentation observée entre ces deux dates s'expliquent par l'augmentation du taux, environ 30 % par l'élargissement de l'assiette, et 5 % à peu près reflète l'évolution spontanée de l'assiette 245 ( * ) .

La Caisse nationale d'assurance vieillesse reçoit depuis le 1 er janvier 2016 l'intégralité du produit du forfait social, le Fonds de solidarité vieillesse ne percevant plus depuis cette date le reliquat du produit non versé à la Cnav.

La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a introduit deux taux dérogatoires en matière de forfait social 246 ( * ) .

Tout d'abord, à partir du 1 er janvier 2016, le taux du forfait social est fixé à 8 % pendant six ans pour les entreprises employant moins de cinquante salariés qui mettent en place volontairement pour la première fois un dispositif de participation ou d'intéressement . L'entreprise bénéficiera de ce taux réduit même si elle dépasse ensuite le seuil de cinquante salariés, sauf si ce dépassement résulte d'une fusion ou absorption, ou en cas de cession ou scission au profit d'une entreprise employant plus de cinquante salariés.

Ensuite, le taux du forfait est réduit à 16 % pour les versements issus de la participation ou de l'intéressement sur un Perco dont au moins 7 % des titres sont destinés au financement des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI).

Afin de renforcer le pouvoir d'achat des salariés, votre commission a adopté un amendement de vos rapporteurs ( COM-113 ) visant à réduire de 20 à 16 % le forfait social pour l'ensemble des sommes versées au titre de la participation et de l'intéressement . En outre, le taux du forfait social pour les versements issus de la participation ou de l'intéressement qui abondent un plan d'épargne pour la retraite collectif finançant l'économie passera de 16 à 12 %.

Enfin, les entreprises employant moins de cinquante salariés qui mettent en place pour la première fois et volontairement un régime de participation ou d'intéressement seront exonérées de forfait social pendant les trois premières années, puis le taux passera à 8 % les trois années suivantes et à 16 % au-delà.

La commission a adopté cet article additionnel ainsi rédigé.


* 231 Cass. civ, 3 juin 2010, Ville de Châteauroux, n°09-14633. La Cour de cassation a notamment retenu que « le respect de l'exercice effectif des libertés syndicales, autres que celles propres à la fonction publique territoriale, ne crée aucune obligation aux communes de consentir des prêts gracieux et perpétuels de locaux de leur domaine privé ».

* 232 Les locaux syndicaux sont notamment prévus par l'article 3 du décret n°82-447 du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique.

* 233 L'article L. 2143-5 du code du travail prévoit la désignation, par chaque syndicat représentatif, d'un délégué central dans les entreprises d'au moins deux mille salariés comportant au moins deux établissements d'au moins cinquante salariés chacun

* 234 Le CHSCT est obligatoirement c onsulté avant toute décision d'aménagement important « modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail ».

* 235 Décision n° 2015-500 QPC du 27 novembre 2015.

* 236 Ainsi que le relève le Conseil constitutionnel dans sa décision, il découle des articles R. 4614-19 et R. 4614-20 que le juge doit statuer en urgence et dans la forme des référés. Aucun délai n'est pour autant précisé.

* 237 Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale.

* 238 Section 1 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie, articles L. 3142-7 à L. 3142-15. Cf. article 3 du projet de loi.

* 239 Voir par exemple Cass. soc., 9 nov. 2005, n° 04-15.464.

* 240 Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, art. 29.

* 241 Outre ce premier volet, le fond paritaire finance : la participation des partenaires sociaux à la conception, à la mise en oeuvre et à la gestion de la politique publique mise en oeuvre par l'Etat ; la formation économique, sociale et syndicale des salariés ; toute autre mission d'intérêt général.

* 242 Art. R. 2135-27 du code du travail, introduit par le décret n° 2015-87 du 28 janvier 2015 relatif au financement mutualisé des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs.

* 243 Etude d'impact, pp. 198-199.

* 244 Dares analyse, « Participation, intéressement et épargne salariale en 2013 », n° 55, juillet 2015.

* 245 Les comptes de la sécurité sociale, septembre 2014.

* 246 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, articles 149 et 171.

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