B. UNE RÉFORME DE L'APPEL À LA GÉNEROSITÉ PUBLIQUE QUI A EXCÉDÉ LE CHAMP DE L'HABILITATION

L'ordonnance du 23 juillet 2015 a modifié la loi n° 91-772 du 7 août 1991 relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité publique, dont les articles 3, 3 bis et 4 fixent le cadre applicable aux organismes, notamment les associations et fondations, qui souhaitent recueillir les dons par appel public à la générosité.

Auparavant, lorsqu'un organisme souhaitait engager une campagne de collecte au niveau national sur la voie publique ou par l'utilisation de moyens de communication, il devait en faire la déclaration préalable à l'administration en indiquant les objectifs poursuivis. Au terme de la campagne, l'organisme devait établir un compte d'emploi annuel des ressources collectées auprès du public en précisant l'affectation des dons par type de dépenses. Ce document était tenu à la disposition de tout adhérent ou donateur au siège social de l'organisme.

Les articles 8 à 10 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 ont allégé les obligations en matière de contrôle financier. D'une part, ils ont modifié le champ d'application de l'obligation de déclaration préalable en substituant au critère d'une campagne nationale par les moyens précédemment évoqués, celui d'un seuil financier de dons collectés. En outre, la production d'un compte d'emploi n'est désormais plus obligatoire que si le montant des dons, à la clôture de l'exercice, excède un seuil fixé par décret. En revanche, l'ordonnance a maintenu la possibilité de contrôle de ces organismes par la Cour des comptes et les corps de contrôle.

Votre commission a constaté que cette réforme avait excédé le champ de l'habilitation consentie au Gouvernement par l'article 62 de la loi du 31 juillet 2014, dès lors que les règles issues de la loi du 7 août 1991 et relatives à l'appel à la générosité publique s'appliquent à l'ensemble des « organismes » susceptibles d'y faire appel - associations, fondations, mutuelles, groupements de fait, etc . - et pas seulement aux associations et fondations.

En outre, si certaines mesures étaient intéressantes, comme la suppression de la notion de « campagne », désormais devenue obsolète, ou l'édiction prochaine de contraventions par le pouvoir règlementaire pour sanctionner la méconnaissance des obligations législatives imposées aux organismes concernés, d'autres soulevaient davantage de difficultés.

Ainsi, le choix terminologique d' « appel public à la générosité » en remplacement d'« appel à la générosité publique » n'est pas sans susciter des interrogations sur le champ d'application de la législation en cause : existe-t-il une différence entre un « appel public » et un simple appel à la générosité ? Et, le cas échéant, laquelle ? À cette question, M. Yves Blein s'est dit convaincu que cette modification demeurait purement sémantique et qu'un appel public visait tout « appel au public », au-delà donc d'un cercle restreint.

Dès lors que ces dispositions, même partiellement applicables en raison de l'absence de publication des décrets d'application, sont d'ores et déjà en vigueur, votre commission avait le choix entre remettre en cause les modifications opérées par l'ordonnance ou corriger les seules dispositions qui lui paraissaient problématiques. Dans un souci de stabilité juridique, ce droit ayant déjà été modifié en 2015 par l'ordonnance, il est apparu préférable à votre commission de rétablir un état connu du droit, celui antérieur à l'ordonnance, plutôt que de proposer une nouvelle rédaction de ces dispositions.

Il suffit de rappeler le « scandale de l'ARC » pour mesurer l'importance des règles applicables et des contrôles de la Cour des comptes et les corps de contrôle. Après deux rapports alarmants de l'inspection générale des affaires sociales en 1988 et 1991, un rapport de la Cour des comptes rendu public en 1993 releva un niveau particulièrement faible d'affectation des dons aux activités de recherche au sein de l'Association pour la recherche contre le cancer (ARC). Après son éviction, son président fut condamné en 2000 à quatre ans de prison ferme et 2,5 millions de francs d'amende pour abus de confiance et abus de biens sociaux.

En conséquence, suivant la proposition de son rapporteur, votre commission a rétabli, à l' article 1 er du projet de loi , la rédaction des articles 3, 3 bis et 4 de la loi du 7 août 1991 dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance et a supprimé, par cohérence, les mesures de coordination prévues aux articles 2 et 5 du projet de loi .

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Votre commission a adopté le projet de loi ainsi modifié .

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