TRAVAUX DE LA COMMISSION

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AUDITION DES MINISTRES

Audition de M. Christian ECKERT, secrétaire d'État chargé du budget

Réunie le mercredi 12 octobre 2016 sous la présidence de M. Alain Milon, président, et de M. Gérard Dériot, vice-président, la commission procède à l'audition de M. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017.

M. Alain Milon , président . - Nous sommes heureux d'accueillir M. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget, pour la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2017. Nous examinons plus particulièrement les recettes et les équilibres généraux et nous recevrons, la semaine prochaine, la ministre des affaires sociales, Mme Marisol Touraine, pour la partie « dépenses ».

Ce PLFSS 2017 est le dernier de la législature. Il marque la dernière étape du pacte de solidarité et de responsabilité et du plan d'économies, lancé par le Gouvernement. Le Gouvernement a annoncé, peut-être un peu vite, le retour à l'équilibre des comptes sociaux alors que le déficit de l'ensemble « régime général et Fonds de solidarité vieillesse (FSV) » s'élève à 4,2 milliards d'euros en 2017. Les déficits se concentrent sur la branche maladie à hauteur de 2,6 milliards et sur le FSV pour 3,7 milliards.

Examinant les hypothèses de construction de ce projet de loi, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a adopté, le 24 septembre dernier, un avis particulièrement sévère, soulignant les risques pesant sur les dépenses : « caractère irréaliste des économies prévues sur l'Unedic », « fortes incertitudes sur la réalisation des économies de grande ampleur prévues sur l'Objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) » et, au total, « fragilité de la trajectoire de retour à l'équilibre » des comptes publics. Le Gouvernement a-t-il sauvé la sécurité sociale ou restera-t-il du travail sur ce sujet pour le prochain Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Ce dernier PLFSS fait mesurer à chacun l'ampleur du chemin parcouru depuis notre arrivée au Gouvernement : au départ, un déficit de 21 milliards d'euros pour le régime général, à l'arrivée un quasi équilibre, 400 millions d'euros de déficit en 2017.

Ce PLFSS comporte également des mesures fortes pour l'avenir. L'équilibre financier de la sécurité sociale doit être au service d'une politique responsable pour continuer à faire progresser les droits. Mme Touraine centrera son propos sur ces mesures, concernant tout particulièrement l'assurance maladie, j'évoquerai l'équilibre budgétaire et les recettes.

Au printemps dernier, je vous ai présenté les résultats du régime général pour 2015 d'après les chiffres des différentes caisses, bien meilleurs que prévu - certains d'entre vous s'en étonnaient - avec une amélioration de 2 milliards d'euros, comme en 2014. Et pourtant, nous avions eu les mêmes alertes de la Cour des comptes, « incertitudes », « aléas possibles », « fragilités »... En 2015, comme les deux années précédentes, la Cour a certifié le résultat financier de chaque branche du régime général, alors que chaque année jusqu'en 2012, elle refusait la certification pour au moins une des branches. Désormais, malgré certains désaccords, elle estime donc que les comptes de chaque branche donnent une image fidèle de son résultat réel. Il faut donc arrêter de crier à l'insincérité ! La Cour des comptes est un juge de paix...

Nous avions prévu un déficit de 9,8 milliards d'euros pour le régime général et le FSV en 2017 ; il a été revu récemment à 7,2 milliards d'euros, tout de même 2 milliards d'euros de moins ! Le déficit du régime général a été divisé par deux en un an, pour s'établir à 3,4 milliards d'euros en 2016. En 2017, le déficit du régime général sera réduit à 400 millions d'euros, pour 400 milliards d'euros de masse financière, soit un quasi équilibre : les dépenses sont couvertes à 99,9 % par les recettes. Depuis quinze ans, aucun Gouvernement ne s'est approché de si près de l'objectif.

Certes, il faut encore assurer l'équilibre du FSV, dont le déficit est très affecté par la situation du marché de l'emploi - ce qui préoccupe à juste titre votre commission. Le déficit se réduira toutefois en 2016, pour un retour à l'excédent en 2020. En 2016, le déficit du FSV devrait s'élever à 3,6 milliards d'euros. En 2010 et 2011, il s'élevait à 4,1 milliards. Ce qui est inadmissible aujourd'hui était convenable à l'époque ?

Ayons le courage de regarder les chiffres en face. La réduction du déficit -même si elle est insuffisante, trop lente, etc.- a permis, dès 2015, de réduire l'endettement de la sécurité sociale. La Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) a remboursé plus de 13 milliards d'euros de dette en 2015. La réduction de la dette est supérieure au déficit de 10,8 milliards, conservé à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss).

Monsieur Delattre, si vous additionnez la dette de l'Acoss et celle de la Cades, vous constatez une réduction de la dette totale. Le transfert d'une partie de la dette de l'Acoss vers la Cades n'y change rien. Ce désendettement se poursuivra à hauteur de plus de 7 milliards en 2016 et 10 en 2017. Même si l'on tient compte de la dette de l'Acoss, qui se stabilisera en 2018, le désendettement est réel. Il reste 136 milliards d'euros de dette, moins que l'an passé, et nettement moins qu'en 2010, 2011 ou 2012. La dette totale s'est réduite durant la législature. La dette de la Cades devrait être éteinte en 2024, plus tôt que prévu : c'est le fruit des actions du Gouvernement et des efforts de tous les acteurs concernés.

Quelles sont les mesures nécessaires pour atteindre l'équilibre ? Comme les années précédentes, l'amélioration des comptes ne tombe pas du ciel, elle découle de nos décisions, de vos décisions, grâce à des économies supplémentaires et au plan d'économies global, mené depuis 2014. L'Ondam a été respecté ces six dernières années et devrait l'être en 2016 malgré une cible historiquement ambitieuse, 1,8 %. Ce sont 4,1 milliards d'euros d'économies qui sont attendues par rapport à l'évolution tendancielle des dépenses de l'assurance maladie. Nous avons mené des réformes -efficience des dépenses hospitalières, virage ambulatoire, maîtrise des dépenses de produits de santé, amélioration de la pertinence des soins- qui monteront en charge en 2017. Nous ferons face aux coûts de l'innovation thérapeutique -chacun connaît le coût des nouveaux traitements contre l'hépatite C ou des médicaments anticancéreux- en lissant l'arrivée sur le marché des nouveaux traitements.

Nous avons des dépenses nouvelles, oui ; elles sont liées aux nouvelles conventions médicales, à l'augmentation de la consultation de 23 à 25 euros, sur laquelle j'aimerais connaître la position de chacun, aux mesures salariales avec l'augmentation du point d'indice des agents de la fonction publique. Les mêmes qui critiquaient un gel du point d'indice, insupportable pour les agents hospitaliers, protestent que nous laissons ainsi filer le déficit...

Le taux de progression de l'Ondam a été fixé, pour 2017, à 2,1 % -un des taux les plus bas jamais retenu. Nous devrons donc prendre des mesures complémentaires, pour 1,5 milliard d'euros comme annoncé en avril dernier dans le pacte de stabilité. Nous alignerons la fiscalité du tabac à rouler sur celle des cigarettes. Une taxe sur les distributeurs de tabac fournira 130 millions d'euros supplémentaires (les ventes des fabricants aux distributeurs des produits avant l'entrée en France constitue une optimisation à combattre). Nous réduirons les niches sociales. Nous attendons 500 millions d'euros de recettes grâce à la lutte contre la fraude sur les prestations et les cotisations sociales. Nous avons déjà beaucoup progressé en ce domaine.

De nouvelles économies de gestion seront réalisées par les organismes de sécurité sociale -déjà sollicités les années passées- pour un montant fixé à 270 millions d'euros. Certaines dépenses se réduiront à la suite de la montée en charge des réformes -comme sur le capital décès- à hauteur de 350 millions d'euros. Le retour à l'équilibre est également dû au fait que l'État compense systématiquement les allègements de cotisations, comme il s'y est engagé dans le pacte de responsabilité et de solidarité : plus de 13 milliards d'euros en trois ans. Certains regrettent que le déficit budgétaire de l'État ne se réduise pas plus vite, mais l'État reprend certaines dépenses -comme les allocations logement- ou réalloue des recettes. En 2017, l'extinction des recettes des caisses de congés payés -un fusil à un coup- sera intégrée dans la compensation. L'État compensera certaines exonérations de cotisations sociales, jusqu'à présent non compensées.

Nous engageons des mesures importantes concernant les prélèvements sociaux -qui ne sont pas augmentés-. Les prélèvements sociaux doivent être davantage adaptés, ainsi pour les travailleurs indépendants : nous prévoyons de réorganiser les relations entre les Urssaf et le Régime social des indépendants (RSI), en intégrant les propositions qui figurent dans les rapports récents des députés Sylviane Bulteau et Fabrice Verdier et de vos collègues Jean-Noël Cardoux et Jean-Pierre Godefroy. Plusieurs mesures ont été prises et doivent être poursuivies.

L'interlocuteur social unique n'a pas fait ses preuves... Nous avons en revanche testé des solutions pragmatiques pour que les équipes des deux organismes travaillent ensemble sur le terrain. Cela commence à porter ses fruits. Et nous identifions plus clairement, dans la loi, la chaîne de responsabilités.

Nous prévoyons une nouvelle exonération de cotisations sociales pour les travailleurs indépendants modestes, qui pourra aller jusqu'à trois points de cotisations d'assurance maladie, soit 250 euros. Nous avons déjà supprimé la cotisation minimum d'assurance maladie. L'assurance vieillesse et les indemnités journalières sont également concernées. Le poids des prélèvements diminue donc pour les deux-tiers des travailleurs indépendants, tandis que leur protection sociale s'améliore.

L'économie se transforme. Il faut l'accompagner et adapter notre système. La clarification des règles applicables aux activités économiques accessoires a commencé en 2015, en loi de finances. Le sujet de l'économie collaborative a beaucoup intéressé les sénateurs l'année dernière. Ils avaient raison, car ces activités montent en puissance et personne n'y pourra rien. Vous aviez abouti à un consensus sur la nécessité de modifier le droit, de clarifier le partage de frais. Nous l'avons fait dans une instruction fiscale en septembre dernier. BlablaCar est un système de partage de frais, non imposable et ne donnant pas lieu à cotisations sociales. On a laissé s'installer des zones grises, voire de non-droit. Si on veut rétablir une concurrence loyale entre l'économie traditionnelle et l'économie dite virtuelle, il faut avancer. Ainsi, la situation est peu claire pour la location de biens entre particuliers. Fixons un seuil cohérent pour l'activité professionnelle réelle. La presse n'est pas très bien renseignée sur le sujet, soit dit en passant.

Mme Nicole Bricq . - Vous allez nous éclairer !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Ce seuil est prévu à 23 000 euros et non à 4 000 euros, par cohérence avec les seuils fiscaux. Le projet de loi simplifie les démarches pour ceux qui se déclarent comme auto-entrepreneurs. Vous connaissez le succès du Chèque emploi service universel (Cesu) et de Pajemploi permettant à des particuliers employeurs de bénéficier d'une réduction de cotisations sociales forfaitaire, portée à 2 euros par heure de travail en 2015. À compter de 2017, la réduction d'impôt sera transformée en crédit d'impôt, soit un gain net dans de nombreux cas. Poursuivons la simplification des démarches en facilitant l'octroi des aides en même temps que le paiement du salaire, pour réduire les besoins de trésorerie des particuliers.

À compter de 2018, les particuliers pourront confier aux centres Cesu et Pajemploi la charge de réaliser, pour leur compte, la totalité des opérations sociales, ainsi que le prélèvement à la source. La retenue à la source aboutira donc à une nouvelle simplification pour ce secteur.

Dans cette période marquée par le doute, nous devons montrer que les résultats sont atteints. Depuis 2012, nous avons tenu un langage de vérité et de responsabilité. Le déficit était alors de 21 milliards d'euros. Nous avons fait les efforts d'économie nécessaires, même s'ils ont pu être impopulaires. Entre 2010 et 2017, le déficit du régime général et du FSV aura été divisé par six.

La dette sociale poursuit sa baisse en valeur, ce qui contribue à la stabilisation du ratio global de dette publique. Le retour à l'équilibre était donc possible, sans avoir à sacrifier les droits sociaux des assurés ou dé-rembourser des soins. Au contraire, le redressement financier s'est accompagné d'avancées sociales, ce qui contraste avec certaines des propositions qui sont avancées ces jours-ci. Ce Gouvernement croit à l'avenir de la protection sociale. Il s'est employé à rétablir son équilibre et à l'adapter à l'évolution des besoins. Elle est désormais plus généreuse, plus juste, plus solide et plus efficace.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général . - Merci de ces explications complètes. L'équilibre des comptes de la sécurité sociale n'était donc pas une utopie ! Je n'ai cessé de le réclamer depuis des années, sans jamais parler de déremboursement. Je me réjouis que le Gouvernement ait repris cette exigence à son compte. Certes, le déficit est moindre que dans les années antérieures.

Mme Nicole Bricq . - C'est un fait.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général . - Pour autant faut-il claironner, comme vous le faites ainsi que Mme Touraine, que le retour à l'équilibre est acquis ? Le FSV est toujours en déficit et il est inclus dans le périmètre du PLFSS. Avouons donc plutôt qu'il reste des efforts à accomplir. Nous souhaitons vous accompagner dans cette direction, à condition que tous les acteurs de l'équilibre soient concernés.

Avec l'article 20, vous transférez 836 millions d'euros du FSV vers la Cnam. Or le FSV est en déficit et son déficit ne sera pas transféré à la Cades. Sa dette cumulée atteindra 11 milliards d'euros en 2020, en tenant compte des mesures structurelles que vous avez déjà proposées. La dette augmente, et peu importe qu'elle soit logée à la Cades ou à l'Acoss. L'article 49 transfère 876 millions d'euros à un fonds d'innovation thérapeutique, qui place hors du périmètre de l'Ondam une partie des dépenses de médicaments. L'article 26 du projet de loi de finances, lui, compense à la sécurité sociale les exonérations de cotisations à hauteur de 719 millions d'euros, toujours avec cette même dotation en provenance du FSV. Il ne s'agit donc pas seulement d'innovation thérapeutique, mais aussi d'innovation budgétaire ! La sécurité sociale se compense à elle-même son manque à gagner. Pouvez-vous nous dire ce qui vous a conduits à ce montage ?

Pouvez-vous nous détailler la tranche 2017 du plan d'économies sur le périmètre des administrations de sécurité sociale ? Quelle y sera la part de l'assurance chômage ? Les négociations sur la nouvelle convention ont du mal à redémarrer.

Dans son avis rendu aujourd'hui, le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie estime que la prévision pour 2016 reste sujette à des aléas significatifs. Comme en 2015 et en 2014, l'Ondam ne serait tenu que grâce à des mesures de régulation sur les crédits hospitaliers. Le comité émet une réserve de méthode sur les éléments ayant permis l'élaboration de l'Ondam pour 2017, notamment en raison de l'exclusion des médicaments innovants. Qu'en dites-vous ?

M. Jean-Noël Cardoux , président de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) . - Sur quelle prévision de croissance avez-vous établi votre budget ? Le Gouvernement prévoit 1,5 % pour 2017, mais l'Insee et le FMI ont réduit leurs espoirs à 1,2 % ou 1,3 %. Le président de la sixième chambre de la Cour des comptes a attiré notre attention sur le fait que 700 millions d'euros de produit de la CSG ont été comptabilisés dans les résultats 2016 de la branche maladie, alors qu'ils devaient être inscrits directement au bilan. Par conséquent, il n'a pu nous dire si la Cour des comptes pourrait certifier les comptes de la sécurité sociale. Il « réfléchit ». Qu'en pensez-vous ?

Certes, qu'ils soient transmis ou non à la Cades, les déficits restent les mêmes. Mais le risque n'est pas identique. Fin 2016, la dette logée à l'Acoss atteindra plus de 15 milliards d'euros. Il faut y ajouter la dette MSA et celle du régime des mines... Pour l'heure, il n'y a plus d'autorisation de transfert de l'Acoss vers la Cades. Ces sommes sont exposées au risque de hausse des taux. M. Durrleman nous a d'ailleurs indiqué qu'environ 30 % de la dette de la Cades avait été contractée à taux variable. C'est un risque considérable ! Ne faudrait-il pas allonger la durée de vie de la Cades ou augmenter de 0,2 ou de 0,3 point la CRDS ? Puisque le budget de la Sécurité sociale est enfin à l'équilibre, c'est l'occasion ou jamais de faire table rase du passé, au prix d'une faible augmentation d'impôt.

S'agissant du RSI, le PLFSS prévoit la nomination d'un directeur unique chargé du recouvrement. J'ai participé à la structure créée par Mme Touraine et présidée par M. Verdier. Le dysfonctionnement du RSI venait d'un manque de dialogue pendant des années. À cet égard, nommer un responsable unique chargé du recouvrement est une bonne idée. Cela dit, les hommes ne peuvent pas tout faire, et le logiciel de l'Acoss pose problème. Celui dédié au RSI est obsolète. Or il semble que les moyens pour restructurer ces outils fassent défaut. La question était « à l'étude » l'an dernier. Où en sommes-nous à présent ? Il y va de l'efficacité du recouvrement.

M. Francis Delattre , rapporteur pour avis de la commission des finances . - Merci de votre invitation. C'est toujours un plaisir d'entendre notre secrétaire d'État au budget, dont l'optimisme serait presque contagieux ! La commission des finances ne s'intéresse pas, comme la vôtre, au fond des mesures du PLFSS, mais cherche à comprendre si les dépenses prévues sont soutenables. Bien sûr, leur présentation peut varier. Et en effet, cela va mieux qu'en 2012. Mais la Cour des comptes, dont le Premier président est ancien parlementaire et ancien rapporteur général du budget, indique que la sécurité sociale n'a pas retrouvé en 2015 le niveau de déficit qui était le sien avant la crise - et qui était déjà élevé.

Nous ne nions pas que des efforts sont faits. L'Ondam est à peu près tenu, même si les mesures salariales font planer un doute. L'ensemble de la dépense sociale représente plus de 600 milliards d'euros, soit la moitié des dépenses publiques, qui atteignent 57 % du PIB. Il s'agit donc d'une affaire sérieuse. Le directeur de l'assurance maladie fait des réformes appréciables : le travail est sérieux, mais le défi aussi !

Le ministre ne signale pas que l'excédent du régime de retraite résulte de la réforme effectuée en 2010. Même si le FSV pose problème, la branche vieillesse se porte bien. Or ce dont souffre le plus le budget de la sécurité sociale, c'est du manque de réformes de structures. Lesquelles avez-vous faites ? Je l'ignore.

Mme Nicole Bricq . - Vous nous direz, vous, lesquelles vous choisissez. Ce sera intéressant.

M. Francis Delattre , rapporteur pour avis . - Vous vous êtes contentés de mesures ponctuelles, one shot, et avez déployé une grande habileté à faire communiquer les tuyaux pour obtenir un résultat présentable. Les efforts que vous annoncez ne sont pas à la hauteur de la situation, même s'ils vont dans le bon sens. Nous sommes tous attachés à la sécurité sociale. Il faut donc la réformer pour la préserver.

La Cades n'a pas été créée par une loi ordinaire. Son plafond d'emprunt annuel a été fixé à 10 milliards d'euros. L'an dernier, nous avons atteint 23 milliards d'euros. La Cour des comptes indique qu'il faudrait envisager entre 15 et 20 milliards d'euros de transferts supplémentaires de l'Acoss à la Cades. Heureusement, le talentueux gestionnaire de la Cades a renégocié une partie des emprunts, et a fait baisser leurs taux, dont certains sont négatifs.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - La Cades n'emprunte pas à court terme.

M. Francis Delattre , rapporteur pour avis . - Elle emprunte à moyen terme, 2024 au plus. Je suis membre de son conseil de surveillance... Quoi qu'il en soit, pour reprendre les 15 à 20 milliards d'euros de l'Acoss, vous seriez obligé d'augmenter la CRDS, je pense par conséquent que vous ne le proposerez pas.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Le transfert que vous avez évoqué entre le FSV et la Cnam ne change rien au solde. La section 3 du FSV est à part : elle a été créée en 2011 pour financer le maintien de l'âge de départ à la retraite à taux plein à 65 ans pour les parents de trois enfants ou les parents d'enfants handicapés. Cette mesure coûte quelques dizaines de millions d'euros cette année et n'est pas comptabilisée parmi les résultats du FSV. Seules les sections 1 et 2 le sont : ce transfert ne dégrade donc pas les comptes. La situation est baroque, puisque cette section 3 est dotée de plus de 800 millions d'euros de réserves, pour des dépenses de l'ordre de 240 millions d'euros.

L'objectif du fonds d'innovation thérapeutique, alimenté par un prélèvement sur la section 3 du FSV, est d'absorber et de lisser l'arrivée de nouveaux médicaments plus coûteux, comme par exemple celui qui traite à présent l'hépatite C. Ces dépenses sont retracées dans les dépenses de l'assurance maladie. Ce ne sont pas des dépenses qui disparaissent.

Le comité d'alerte a en effet rendu un avis aujourd'hui. Comme d'habitude, il dit que la situation est tendue : nous ne prétendons pas le contraire ! C'est qu'il n'est pas aisé de réduire les dépenses. Nous devons parfois avoir recours à des réserves constituées en début d'exercice. Ce fut le cas l'an dernier, où nous avons dû procéder au dégel de 100 à 150 millions d'euros pour couvrir les besoins du secteur hospitalier. Quant aux aléas, par définition, c'est toute la difficulté de la prévision budgétaire...

Si nous ne faisions rien, la croissance démographique, l'allongement de la durée de la vie et l'augmentation du coût des soins -qui est en elle-même une bonne nouvelle- suffiraient à faire croître les dépenses d'assurance-maladie de 3,5 % à 4 % par an. Pour limiter cette croissance à 2,1 %, nous rationalisons les dépenses, favorisons le recours au médicament générique, développons la chirurgie ambulatoire, les soins à domicile.... Si je n'avais pris que des mesures one shot, monsieur Delattre, cela se verrait ! Le déficit n'aurait pas diminué année après année.

Et lorsque des mesures ponctuelles sont prises, la disparition de la recette occasionnée est dûment intégrée et compensée le moment venu. Cela a été le cas pour la caisse des congés payés.

La dette cumulée de la Cades et de l'Acoss est passée de 148,2 milliards d'euros en 2011 à 140,4 milliards d'euros, selon les prévisions, en 2017, après un pic à 158,4 milliards en 2014. Je ne crois pas qu'il faille attribuer cette baisse à un alignement des planètes... Les besoins de financement annuels sont désormais inférieurs au capital remboursé -rappelons que, contrairement à l'État, la sécurité sociale rembourse la dette en capital : c'est la raison d'être de la Cades. Faut-il opérer des transferts de l'Acoss vers la Cades ? Monsieur Delattre, vous m'avez reproché de le faire l'an dernier...

M. Francis Delattre , rapporteur pour avis . - De le faire en catimini !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Le transfert était inscrit en PLFSS. Ce n'est pas ce que je qualifierais de manoeuvre en catimini... Les deux organismes n'ont pas la même vocation. L'Acoss pratique une gestion à court terme ; sa dette est en voie de stabilisation et devrait bientôt reprendre sa baisse pour disparaître à terme. On emprunte actuellement à un taux négatif : l'an dernier, la gestion du produit de la dette a rapporté 80 millions d'euros. Ce n'est pas le cas pour la Cades. Certes, il y a des emprunts à taux variable ; mais personne ne se plaint de cette pratique, que je ne trouve pas scandaleuse. Une grande partie de ces emprunts sont indexés sur l'inflation, indicateur plus pertinent que les taux d'intérêt sur le marché secondaire. L'inflation modérée, davantage que les taux bas, produit des économies sur la charge de la dette. La Cades emprunte sur des durées plus longues. Les deux organismes relèvent de deux secteurs différents, et il ne me paraît pas opportun d'alourdir les charges de la Cades.

Augmenter la CRDS pour amortir la dette, comme vous le proposez, monsieur Cardoux, est plutôt un engagement de début de législature... Vous auriez tôt fait de nous reprocher cette nouvelle augmentation d'impôts !

Vous mettez aussi en doute la fiabilité des hypothèses de croissance ; mais contrairement au budget de l'État, les recettes de la sécurité sociale sont avant tout affectées par la masse salariale, et non la croissance économique. Quand, au début de l'année, nous avons annoncé une prévision de croissance de la masse salariale de 2,3 %, on a parlé de surréalisme, voire de truquage. Aujourd'hui, la croissance constatée s'élève à 2,6 %... Pour l'année prochaine, nous prévoyons 2,7 %. La croissance de la masse salariale se répartit à parts égales en deux facteurs : l'augmentation des salaires et l'augmentation du nombre de travailleurs, qui est comprise entre 120 000 et 150 000 malgré la hausse du chômage. Nous sommes loin de l'optimisme béat que vous me reprochez.

M. Francis Delattre , rapporteur pour avis . - J'ai évoqué un optimisme contagieux !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - L'expérience des deux dernières années peut vous inciter, je le crois, à considérer sereinement nos prévisions. Autre exemple : en juin 2015, Gilles Carrez, président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, annonçait qu'il manquerait 10 milliards de recettes par rapport à la prévision de la loi de finances initiale. Nous avons, en fin d'exercice, constaté un excédent de plus d'1 milliard...

M. Francis Delattre , rapporteur pour avis . - Sur les recettes fiscales ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Oui. Donc il ne faut pas voir seulement les aléas négatifs. Oui, l'Acoss, qui emprunte à court terme, est exposée à une remontée des taux, mais la politique de la BCE ne la laisse pas entrevoir. Ils étaient, ce matin, à 0,3 % sur le marché secondaire, en hausse limitée depuis deux semaines.

Que n'a-t-on pas dit sur ces 700 millions d'euros de retours de produits de la CSG ! Ils ont bien été encaissés, personne ne le conteste, mais ils n'ont jamais été affectés. Nous proposons de les imputer à l'exercice 2016 mais la Cour des comptes, considérant qu'il ne s'agit pas d'un acte de gestion de l'année, préfère une affectation au bilan. Point de cachotteries là-dedans. Que ce soit cette année ou l'année prochaine, nous retrouverons bien ces 700 millions. En matière de certification, la Cour des comptes est le juge de paix. Nous poursuivons les échanges.

Enfin, le regroupement des Urssaf et du RSI dans un groupement d'intérêt public (GIP) unique a été abandonné, au profit de la désignation d'un responsable unique du recouvrement ; reste le problème du logiciel : doit-il rester dans le périmètre du RSI ou être intégré dans le logiciel général de l'Acoss ? Les deux organismes poursuivent ce débat, parfois difficile. Ce n'est pas une question de moyens. La question devrait être réglée par la nouvelle organisation qui sera présentée dans le PLFSS.

M. Michel Amiel . - Le fonds pour l'innovation thérapeutique est un dispositif, certes ingénieux, de débudgétisation.

L'arrivée de nouvelles molécules, analogues en prix aux antirétroviraux directs utilisés dans le traitement de l'hépatite C, aura un fort impact sur le budget. Comment sont et seront financées les molécules innovantes ?

Une gestion pluriannuelle des dépenses de la sécurité sociale nous donnerait le recul nécessaire pour établir un budget plus proche des réalités.

Mme Anne Emery-Dumas . - Vous annoncez un objectif de recettes de 500 millions d'euros sur la fraude sociale. La Mecss a confié à Agnès Canayer et moi-même un rapport dont un volet concerne la fraude liée au travail dissimulé. Nous avons constaté un effort important des organismes de contrôle, grâce auquel les redressements notifiés sont passés de 260 millions d'euros en 2008 à 462 millions en 2015. Pourtant, le taux de recouvrement ne dépasse pas 10 à 15 % ; allez-vous donner à ces organismes des moyens plus proches de ceux de la DGFiP, dont l'action de recouvrement est bien plus efficace ?

M. René-Paul Savary . - Vous êtes particulièrement en forme, monsieur le ministre ! C'est le médecin qui parle. Les Français sont ingrats : avec des chiffres pareils, la cote de popularité du Président aurait dû remonter en flèche...

Le trou de la sécurité sociale, annonce-t-on dans les journaux, va être comblé : attention, car le déficit de l'assurance maladie est loin de se résorber. Or c'est cela que les Français associent au « trou de la sécu ». De plus, c'est un équilibre fragile et à crédit : on a fait de la dette sociale, en empruntant pour financer une partie de nos prestations.

Vous avez été provocateur en nous interpellant sur le passage à 25 euros du tarif de la consultation médicale. Mais ce tarif est déjà une réalité dans les zones à faible densité médicale et les zones rurales ; il faudra par conséquent proposer un nouveau bonus incitatif pour les médecins qui exercent dans les campagnes, par exemple à travers la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp). Avez-vous étudié les possibilités ?

Les départements contribuent largement au financement du secteur médico-social. Le fonds de secours proposé pour les départements en difficulté reste, à 200 millions d'euros, très inférieur au manque à gagner induit par l'article 14 du projet de loi de finances : à travers la modification du périmètre de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, les finances des départements sont grevées de 400 millions d'euros.

L'Assemblée des départements de France a interpellé Jean-Michel Baylet sur ce sujet à l'occasion de son congrès, la semaine dernière. Avez-vous des informations sur ce point ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Ce sujet est en cours d'examen par la commission des finances de l'Assemblée nationale.

Mme Nicole Bricq . - Au contraire du secteur hospitalier commercial, le secteur hospitalier et social non lucratif n'a pas accès au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). La transformation du CICE en baisse de charges aurait pu corriger cette différence de traitement, alors qu'en en augmentant le taux et l'assiette, on aggrave encore l'iniquité. Déplorant cette situation lors des débats sur le PLFSS en novembre 2015, vous aviez souligné que vous n'aviez pas les moyens d'y remédier. Avez-vous réfléchi à ces effets de bord ?

J'ai cru comprendre que l'instruction fiscale du 31 août sur l'économie collaborative distinguait les revenus du patrimoine des revenus d'activité. Il est normal de subvenir aux frais qu'occasionne la possession d'une voiture en la louant occasionnellement. Ainsi, en raison de la stagnation du pouvoir d'achat, de plus en plus de gens participent à l'économie collaborative, certes via des plateformes. On n'endiguera pas ce mouvement de société avec des lignes Maginot. Il n'est pas opportun de taxer à 25 % au premier euro : dans la plupart des cas, ces plateformes n'ont rien à voir avec les géants américains que nous connaissons. Pouvez-vous nous éclairer sur le projet de décret introduisant semble-t-il un seuil de 3 800 euros ?

M. Olivier Cadic . - Depuis cette année, les prélèvements sociaux payés par les non-résidents sur leurs revenus immobiliers sont fléchés vers le FSV. Ce dispositif succède au mécanisme contesté par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) puis par le Conseil d'État en 2015. Plusieurs dizaines de milliers de réclamations ont été déposées en vue d'obtenir le remboursement des prélèvements sociaux indûment versés pour la période 2012-2015. Or vous avez provisionné 291 millions d'euros, soit l'équivalent du prélèvement d'une année. Quel est le montant remboursé, et combien reste en contentieux ? Avez-vous enregistré des contestations sur les nouvelles dispositions ? Enfin, l'affectation de ces mesures au FSV n'est-il pas un contournement de l'arrêt de Ruyter de la Cour de justice de l'Union européenne ?

M. Jean-Marie Morisset . - Les prévisions de recettes sont bonnes ; mais certaines économies que vous annoncez sont irréalistes, s'il faut en croire le Haut Conseil des finances publiques et la Cour des comptes. Ainsi, comment pouvez-vous afficher un montant de 1,6 milliard d'euros d'économies au titre de l'Unedic alors les négociations avec les partenaires sociaux n'ont pas commencé ?

Deuxième exemple, l'Ondam : son respect se fait au prix d'un déficit de fonctionnement des hôpitaux. Dans les départements, le budget soins repose sur l'assurance maladie. Lorsque les collectivités, qui gèrent les établissements médico-sociaux, devront supporter le point d'indice de la fonction publique hospitalière -70 % du budget- elles n'y arriveront plus.

Dans un communiqué, six associations nationales qui oeuvrent dans les établissements auprès des malades et des personnes âgées ont salué l'annonce d'un crédit d'impôt pour les associations, mais je souhaiterais des précisions sur la méthode : le Premier ministre a évoqué un amendement parlementaire au PLF.

M. Yves Daudigny . - Je désire d'abord exprimer ma satisfaction lucide sur les résultats obtenus.

La clause de sauvegarde de l'Ondam autorise pour 2016 une évolution de - 1 % pour les dépenses de médicaments ; pour 2017, ce taux se subdivise en 0 % pour la médecine de ville et 2 % pour l'hôpital. Or l'industrie pharmaceutique a le sentiment d'être le secteur qui contribue le plus à la réduction des dépenses de santé, alors même qu'elle n'y a pas la part la plus élevée. Quel message souhaitez-vous délivrer à ce secteur ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Les dépenses et les mesures envisagées dans le secteur médical sont du ressort de la ministre de la santé, qui vous répondra mieux que moi. Le fonds pour le financement de l'innovation pharmaceutique évoqué par M. Amiel est néanmoins une réponse à M. Daudigny. Je n'y vois pas, pour ma part, une débudgétisation : ces montants, qui certes sortent de l'Ondam, sont parfaitement tracés. Je relève incidemment des discours contradictoires, dans votre assemblée, sur la direction à donner à l'Ondam, à la hausse ou à la baisse...

Comme le Premier ministre l'a annoncé vendredi dernier, le Gouvernement soutiendra tout amendement parlementaire prévoyant un crédit d'impôt de taxe sur les salaires (CITS) - je crois savoir que des propositions en ce sens ont déjà été déposées. Ce sera un pendant du CICE, qui s'applique aux seules entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ; nous remédierons ainsi à l'iniquité dont a été victime le secteur de l'économie sociale et solidaire (ESS), qui est en revanche soumis à la taxe sur les salaires. En 2013, peu après la création du CICE, nous avions mise en place un tarif différencié entre les établissements médicaux non soumis à l'impôt sur les sociétés et les cliniques privées ; mais cela ne suffisait pas à compenser la différence initiale.

Le CITS représenterait une réduction de 4 % de la taxe sur les salaires sous la forme de crédit d'impôt. La dépense est estimée à 600 millions d'euros, ce qui correspond au différentiel estimé par les professionnels entre les deux secteurs. Quant aux départements, citons les 700 millions d'euros offerts pour la recentralisation du RSA, hélas refusée par leur noble association.

Avec l'émergence de l'économie collaborative, nous laissons s'installer des zones de non-droit. Le Sénat a formulé des propositions dans ce domaine. Il y a en réalité deux sujets distincts : l'assujettissement à l'impôt, et l'affiliation à un régime de sécurité sociale impliquant le versement de cotisations. Le premier est le plus simple. Vous aviez proposé un seuil de 5 000 euros de revenus au-delà duquel l'impôt devrait être versé ; je m'y suis opposé, car la différence de traitement avec, par exemple, les personnes qui louent leur appartement sur le marché et sont taxées au premier euro, pourrait entraîner une censure du Conseil constitutionnel. Cela reviendrait à une franchise.

Nous avons clarifié la distinction entre ce qui relevait de la participation aux frais et ce qui relevait des revenus, notamment dans le cas de BlaBlaCar. Nous avons aussi mis en place un droit de communication à l'administration - fisc et Urssaf - des revenus des plateformes. Nous avons exigé un relevé annuel des versements effectués par les utilisateurs, notamment auprès d'Uber. Notre connaissance du secteur progresse, avec certaines difficultés : ainsi, faut-il intégrer l'amortissement du bien dans les frais ?

Le deuxième sujet, social, est plus complexe. On complétait naguère encore ses revenus en vendant ses confitures maison sur les marchés, les brocantes, les foires de village. Aujourd'hui, on peut le faire via des plateformes en expédiant les pots dans toute la France. Où se situe le basculement vers une activité professionnelle ? Nous proposons, dans un article du PLFSS, d'introduire une obligation d'affiliation au-delà de certains seuils.

Ce n'est pas, comme on a pu le dire, un simple problème de recouvrement de sommes échappant à l'impôt. Le phénomène pourrait, à l'avenir, poser des questions épineuses relatives non seulement à la fiscalité, mais aussi aux droits à la retraite, au droit de grève, à la formation, à la dépendance à l'égard des plateformes.

Le terrain est difficile, je le sais. Allez demander à quelqu'un qui vend pour 2 000 euros de confitures par an qu'il doit s'affilier et payer des cotisations au titre de cette activité, voire payer la cotisation foncière des entreprises... Néanmoins, nous progressons. Il est indispensable d'affronter la question, sous peine de voir s'établir des états de fait. De nombreux interlocuteurs que mon administration, et parfois moi-même, avons rencontrés nous ont dit que de telles dispositions apporteraient une clarification bienvenue. Airbnb recouvre la taxe de séjour pour un nombre croissant de collectivités territoriales.

C'est une question d'équité et d'équilibre. L'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie, dont vous avez sans doute reçu les représentants, se plaint de la perte de clientèle que cette concurrence cause aux professionnels. Il importe que tous soient soumis aux mêmes obligations vis-à-vis de l'impôt. On va encore accuser Bercy de partir à la chasse à l'assiette imposable ; je puis vous assurer que je ne suis pas dans cet esprit. Il convient de construire et de clarifier le débat.

Le seuil de l'assujettissement à l'impôt, qui est de 23 000 euros par an pour le logement, doit être fixé par décret pour les autres activités : 3 800 euros est l'un des montants qui a été envisagé.

Il est vrai, monsieur Amiel, que nous n'avons pas de gestion pluriannuelle, pas de loi de programmation en matière de dépenses sociales comme en matière de finances publiques. Le programme de stabilité fixe néanmoins certains paramètres.

Le PLFSS contient certaines dispositions en vue de l'amélioration du recouvrement de la fraude sociale. Par définition, les mauvais déclarants sont de mauvais payeurs. Les moyens alloués à l'administration seront analogues à ceux dont bénéficie la direction des finances publiques. Les recouvrements ont connu une croissance à deux chiffres ces dernières années. Cela témoigne-t-il d'une recrudescence de la fraude ou d'une meilleure détection ? C'est toujours le même débat. Je l'ai dit, nous sommes parvenus à 460 millions d'euros en 2015. L'objectif de 500 millions est peut-être optimiste ; il est à tout le moins volontariste.

Il est bon de rappeler que le déficit a été quasiment annulé, que la dette a été largement remboursée. La dette se résorbe lentement, mais à un rythme croissant. En 2024, la dette de la Cades sera apurée.

S'agissant des zones rurales, une convention médicale a été négociée. Vous interrogerez Mme Touraine. Les Rosp constituent une part de plus en plus importante des revenus des médecins généralistes.

Monsieur Cadic, votre question sur l'arrêt de Ruyter devient presque une tradition, vous la posez régulièrement... Nous avons reçu 50 000 réclamations, en avons traité la moitié et remboursé 130 millions d'euros, tout en respectant un délai de traitement de six mois au maximum pour chaque demande. C'est un citoyen hollandais, M. de Ruyter, qui a attaqué l'État dans les années 2000 -il est décédé depuis. Cet arrêt ne concernait pas la décision du Gouvernement de 2012 étendant la contribution aux revenus fonciers des non-résidents, mais portait sur l'application d'une CSG pour ceux qui étaient affiliés à un autre régime de sécurité sociale. Oui, des recours sont possibles sur le nouveau dispositif gouvernemental. Ce n'est une surprise ni pour vous, ni pour nous. Nous poursuivons nos échanges avec la Commission européenne sur la fraction non remboursée. Nous avons obtenu une première victoire, puisque le Conseil d'État nous a donné raison sur la part que nous ne remboursons pas.

L'Unedic n'est pas concernée par le PLFSS. Si l'on incluait l'Unedic et tous les régimes complémentaires, Agirc, Arrco, le solde serait excédentaire.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général . - Pas grâce à l'Unedic !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Les négociations ont commencé depuis six mois. Certes, elles n'ont pas abouti et sont actuellement interrompues. Selon une dépêche parue durant nos débats, Laurent Berger appelle le Premier ministre à inciter le Medef à rejoindre la table des négociations. Oui, nous avons un doute sur la possibilité d'obtenir 1,6 milliard d'euros d'économie en 2017 -sans renoncer à toute économie en 2017. Le Gouvernement a toujours affirmé qu'en cas de désaccord entre les partenaires sociaux- même si cela relève du Premier ministre plus que de moi-même -l'Etat prendra ses responsabilités, soit en prolongeant l'accord actuel, soit en reprenant la gestion de l'Unedic.

En 2015, le déficit global des hôpitaux atteint 410 millions d'euros, un peu plus que l'année précédente : 52 % d'entre eux accusent un déficit de 768 millions, 48 % dégagent un excédent de 358 millions. Les chiffres de 2016 ne sont pas encore connus, mais nous restons vigilants. Monsieur Morisset, étiez-vous contre l'augmentation du point d'indice dans la fonction publique ?

M. Jean-Marie Morisset . - Non.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Ce Gouvernement serait-il inconséquent au point d'augmenter le point d'indice sans connaître l'incidence financière sur les budgets de l'État, des hôpitaux, des collectivités territoriales ?

Mme Patricia Schillinger . - Les polypensionnés frontaliers suisses ont dû payer un rappel de CSG et de CRDS qui leur a été demandé au bout de trois ans. L'erreur provient du centre des impôts du Haut-Rhin, or il inflige à ces ménages des pénalités de retard ! Les agents auraient dû remarquer tout de suite, non après trois ans, qu'un certain nombre de contribuables n'avaient pas coché la case comme il convenait. Leur demander aujourd'hui de rembourser, peut-être, car il s'agit tout de même de 9 millions d'euros, mais les pénalités me scandalisent !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Je regarderai cette affaire de plus près pour vous répondre plus précisément. Vous m'en aviez déjà parlé...

Mme Patricia Schillinger . - Dans les autres départements, les services fiscaux ont réagi plus rapidement.

M. Gérard Dériot , président . - Merci, monsieur le ministre, du temps que vous nous avez consacré.

Audition de Mme Marisol TOURAINE, ministre des affaires sociales et de la santé

Réunie le mercredi 19 octobre 2016 sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission procède à l'audition de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017.

M. Alain Milon , président . - Nous recevons Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, venue présenter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017. La semaine dernière, M. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget, a plus spécifiquement abordé le financement. Nous souhaitons évoquer avec vous, madame la ministre, l'évolution des dépenses des différentes branches et les mesures prévues dans ce domaine.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé . - Je me réjouis d'être avec vous pour la cinquième année consécutive, pour présenter le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) de ce quinquennat. Vous avez abordé les recettes avec M. Christian Eckert. Je ne m'attarderai pas sur les équilibres financiers, même si j'en suis responsable - c'est l'un des points essentiels de la répartition des compétences au sein du Gouvernement : il n'y a pas d'un côté le responsable des recettes et de l'équilibre, et de l'autre la ministre chargée des dépenses, très vite considérée comme la ministre dépensière. Être responsable de l'engagement des dépenses et de la bonne tenue des comptes est de nature à apporter des garanties à nos concitoyens. Même s'ils ne sont pas au fait des données comptables, ils sont attentifs à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale parce que celui-ci renferme une vision de l'avenir. En le rétablissant, nous envoyons un message aux plus jeunes générations : nos petits-enfants ne financeront pas nos retraites ni notre santé.

En 2011, le régime général était en déficit de 17 milliards d'euros. Le déficit sera de 3,7 milliards d'euros cette année et de 400 millions d'euros en 2017, sur près de 500 milliards d'euros de dépenses. Cela peut être analysé comme un retour à l'équilibre. Le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) est stabilisé ; en raison du chômage, il reste en déficit, mais celui-ci n'augmente pas. La dette de la Caisse d'amortissement de la sécurité sociale (Cades) et de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) se situera en deçà de son niveau de 2011. Depuis 2014, nous réduisons la dette accumulée depuis des années. Plusieurs rapports, dont celui du Conseil d'orientation des retraites, montrent que le rétablissement des comptes s'inscrit dans la durée. C'est le cas pour l'ensemble des branches. Le déficit de la branche maladie, qui persiste, sera considérablement réduit. Quant à la branche vieillesse, elle dégage plus d'1,5 milliard d'excédent.

Nous avons poursuivi ce travail d'exigence avec la conviction que l'équilibre de la sécurité sociale n'est pas l'ennemi des droits sociaux. C'est pourquoi j'ai défendu l'inscription de droits nouveaux en matière de santé, de famille ou de retraite. En 2017, nous nous inscrirons dans le prolongement de l'action menée en matière de retraites, avec une mesure significative : faciliter la transition entre emploi et retraite en élargissant le droit à la retraite progressive aux salariés qui ont plusieurs employeurs.

L'équilibre de la branche famille sera rétabli l'an prochain. Dans ce domaine, nous poursuivons le soutien aux familles en difficulté, en particulier celles qui sont confrontées à des séparations. Depuis le 1 er avril, nous avons généralisé la garantie contre les impayés de pensions alimentaires, de 100 euros par enfant. Lorsqu'une femme -c'est majoritairement le cas- est confrontée à un ex-conjoint défaillant dans le paiement de la pension alimentaire, elle peut demander à la Caisse d'allocations familiales (CAF) d'agir à sa place. La CAF se retourne vers le père avec des moyens infiniment supérieurs à ceux d'une femme seule, fragile et sans connaissances juridiques. Nous élargissons ce dispositif avec la création d'une agence nationale de recouvrement des impayés de pensions alimentaires.

En matière de protection sociale des indépendants, nous optimisons le recouvrement des cotisations par les Unions de recouvrement pour la sécurité sociale et les allocations familiales (Urssaf) et le Régime social des indépendants (RSI) et améliorons la couverture retraite d'une partie des professions libérales non réglementées, qui pourront aussi bénéficier d'indemnités journalières.

Nous poursuivons également notre action de transformation engagée par la loi de modernisation de notre système de santé.

Nous donnons la priorité à la prévention en renforçant la politique de réduction des risques, notamment pour les usagers de substances psychoactives. Les missions des centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogue (Caarud) seront élargies pour qu'ils puissent dispenser des médicaments en lien avec leur action.

Nous poursuivons la lutte contre le tabagisme en alignant la fiscalité applicable au tabac à rouler, porte d'entrée des jeunes dans le tabac en raison de son prix inférieur aux cigarettes, sur celle applicable à ces dernières. Nous mettons en place une contribution sur le chiffre d'affaires des fournisseurs agréés par les fabricants de tabac, qui alimentera le fonds de lutte contre le tabagisme. Le PLFSS contient également des dispositions de prévention en matière de santé mentale des plus jeunes.

Ce projet de loi consacre une nouvelle étape de notre soutien à l'innovation. L'accélération de l'innovation thérapeutique est un défi lancé à l'ensemble des systèmes de santé dans le monde - nous l'avons évoqué lors du G7 Santé, au Japon. Nous inventons de nouvelles manières de prendre en charge l'innovation.

Nous mettons en place, dans ce PLFSS, des mécanismes de régulation et un financement approprié pour amortir les dépenses d'innovation. Nous renforçons la capacité pour l'assurance maladie de négocier les prix en sortie d'autorisation temporaire d'utilisation (ATU) pour mettre fin au déséquilibre entre les laboratoires et les pouvoirs publics. Nous créons et dotons un fonds de financement des innovations qui lissera dans le temps l'impact des variations de la dynamique des nouveautés thérapeutiques. Il ne s'agit pas seulement du médicament. Ainsi, 670 millions d'euros seront investis dans douze plateformes haut débit de séquençage du génome dans notre pays. L'enjeu, c'est la médecine personnalisée, adaptée au capital humain de chacun - une perspective passionnante.

Le PLFSS continue de soutenir l'accès aux droits pour tous. La Protection universelle maladie (PUMa), mise en place cette année, sera renforcée pour protéger des ruptures de droits ceux qui changent souvent de situation professionnelle, notamment les travailleurs saisonniers.

J'en viens à l'accès aux soins. La part des dépenses de santé supportées par les ménages a baissé pour la quatrième année consécutive. Alors qu'en 2011, 9,3 % des dépenses de santé restaient à leur charge, cette part s'établit, en 2015, à 8,4 %, niveau historiquement bas, record des pays de l'OCDE. Et ce, grâce à l'augmentation de la prise en charge par l'assurance maladie et non par les complémentaires, ce qui aurait été à l'opposé de mes convictions. Le tiers payant s'installe dans notre paysage, mois après mois, à bas bruit, comme les statistiques en témoignent.

En 2017, je souhaite aller plus loin en assurant une meilleure prise en charge des soins dentaires, qui restent trop coûteux pour une partie de nos concitoyens. Nous n'avons pas pu nous y engager auparavant, en raison du déficit de l'assurance maladie. Notre but est de réduire le coût pour les patients en plafonnant le prix des prothèses, en échange d'une revalorisation de certains soins conservateurs. Ce plan passe par un réinvestissement important, pluriannuel, de l'assurance maladie obligatoire. D'un côté, les prix baisseront, de l'autre, la prise en charge augmentera. Des négociations conventionnelles ont été ouvertes. J'espère qu'elles se poursuivront fructueusement, faute de quoi le Gouvernement prendra ses responsabilités.

Des moyens supplémentaires pour notre système de santé sont inscrits dans ce PLFSS en reconnaissance de l'engagement des professionnels, qui, par leur exemplarité, nous ont aidés à atteindre la situation financière actuelle. Grâce à leurs efforts, l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) a été respecté, année après année, alors même qu'il était parfois renforcé en cours d'exécution. En 2017, l'Ondam progressera de 2,1 %. Pour que cet objectif exigeant soit tenu, le niveau d'économies doit être très élevé : plus de 4 milliards d'euros en 2017. L'Ondam financera des mesures actées dans la convention médicale entre l'assurance maladie et les professionnels libéraux. Concrètement, l'Ondam de la médecine de ville est supérieur à l'Ondam hospitalier, à 2,1 % contre 2 %. Ce dernier accompagne les réformes engagées dans le cadre des groupements hospitaliers de territoire (GHT) telles que la revalorisation du point d'indice et l'augmentation salariale des infirmiers et des soignants de catégorie C, de 250 à 500 euros par an selon le grade et la catégorie. Il favorise l'investissement hospitalier, de 250 millions d'euros en 2017.

Nous pourrons aborder les engagements médico-sociaux, objets d'un effort financier de 590 millions d'euros supplémentaires en 2017 pour la création de places destinées aux personnes en situation de handicap ou aux personnes vieillissantes exposées à la dépendance. Nous pourrons également évoquer la branche accidents du travail - maladies professionnelles.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général . - Madame la ministre, je me réjouis de vous entendre affirmer que l'équilibre des comptes de la sécurité sociale est, sinon acquis, du moins en perspective, puisque l'assurance maladie reste déficitaire. Au Sénat, nous avons toujours considéré que l'équilibre n'était pas seulement un objectif mais une exigence et avons constamment proposé des mesures d'économies pour l'atteindre. Quels sont vos moyens pour y parvenir ?

Je vous répète ce que j'ai dit à M. le secrétaire d'État au budget : le déficit de 3,8 milliards d'euros du FSV entre dans les comptes de la sécurité sociale. Je ne voudrais pas que le FSV apparaisse comme un compte de défaisance ou que ses recettes soient transférées vers d'autres branches. En toute honnêteté, sans trompe-l'oeil : l'équilibre est peut-être pour demain, mais pas pour aujourd'hui.

Le Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie nous a transmis sa réserve de méthode quant à la création du fonds de financement de l'innovation pharmaceutique, qui exclut du champ de l'Ondam des sommes très importantes : 876 millions d'euros, dont 220 millions d'euros en 2017. Comment garantir la sincérité de l'Ondam dans ces conditions ? Cet avis rejoint celui du Haut conseil des finances publiques qui a exprimé le 24 septembre ses fortes incertitudes quant à la réalisation des économies de grande ampleur prévues par l'Ondam.

Le même Comité d'alerte a relevé l'insuffisance des mesures d'économies figurant dans le PLFSS pour 2017, en soulignant que les dépenses d'assurance maladie devraient être plus dynamiques qu'en 2016 en raison de la progression des volumes d'activité en ville comme à l'hôpital et de la forte croissance des dépenses de médicaments résultant de la diffusion des thérapies ciblées et de l'immunothérapie. Ainsi, en dépit de son augmentation par rapport à 2016, l'Ondam ne suffira probablement pas à couvrir les besoins de financement de l'assurance maladie. Quel regard portez-vous sur cette évaluation ?

Un rapport conjoint de l'Inspection générale des finances (IGF) et de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) d'octobre 2012 mettait en évidence le caractère foisonnant et complexe de la taxation des produits de santé - dénombrant douze taxes spécifiques. Depuis, le taux W a été créé. Cette année, on nous propose de dupliquer le taux L avec des applications différenciées à l'hôpital et à la ville. Comment, dans ces conditions, assurer la lisibilité de la taxation du médicament ?

Je me réjouis de votre proposition sur le tabac à rouler, que nous avions formulée. Elle pose néanmoins une série de questions, notamment aux buralistes. Il n'existe pas d'étude d'impact précise évaluant les conséquences de cette mesure sur la consommation de tabac. Vous proposez une contribution sur le chiffre d'affaires des fournisseurs agréés de produits du tabac. Vous l'aviez refusé lors de l'examen de la loi santé. Pour quelle raison avez-vous modifié votre jugement ?

J'ai lu dans la presse que la rapporteure générale de la commission des finances de l'Assemblée nationale, Mme Valérie Rabault, proposait un amendement sur la CSG sur les revenus de remplacement. Nous avons déjà opéré une réforme sur la CSG pour les petites retraites. Comment le Gouvernement entend-il compenser cette mesure ?

M. Gérard Roche , rapporteur pour la branche vieillesse . - Je constate que la trajectoire des comptes des régimes de base de retraite du secteur privé s'améliore. L'excédent enregistré en 2016 d'1,2 milliard d'euros devrait s'accentuer en 2017 puisque le PLFSS en fixe le montant à 1,6 milliard d'euros. Pour autant, le système de retraites est-il sauvé ? Nous pensons que ce n'est pas tout à fait le cas. Le déficit du FSV se maintient au niveau très élevé de 3,8 milliards d'euros en 2016 et en 2017. Il accumulera ainsi plus de 11 milliards d'euros de déficit d'ici 2020. Les excédents du régime de base à partir de 2020 seront-ils suffisants pour le compenser ? Faudra-t-il prévoir une nouvelle reprise par la Cades, au risque d'augmenter sa durée ? Les conditions d'emprunt de l'Acoss seront-elles aussi avantageuses qu'actuellement ?

Le taux de cotisation des retraites, porté à 17,75 % en 2017, constitue un facteur de fragilité. Alors que la protection sociale est confrontée à des défis considérables, dont celui de la dépendance, les capacités de financement par les cotisations sont maintenant saturées.

Dernier élément pessimiste pour l'avenir de nos retraites : le secteur public. En instaurant une décote sur les retraites complémentaires, l'accord Agirc-Arrco d'octobre dernier a créé une nouvelle inégalité entre les salariés du privé et les agents du public. Quand brisera-t-on le tabou du déséquilibre structurel des régimes de retraite du secteur public ? Les projections du Conseil d'orientation des retraites (COR) partent du principe qu'ils sont équilibrés, mais à quel prix ? Un taux de cotisation employeur pouvant atteindre 74 % pour la fonction publique d'État, des subventions d'équilibre représentant une dépense de 6 milliards d'euros par an pour les régimes spéciaux... Si l'on appliquait aux employeurs publics le même taux de cotisation qu'à ceux du secteur privé, notre système de retraite afficherait un besoin de financement d'environ 20 milliards d'euros. À quand une véritable convergence entre les régimes du privé et du public ?

Madame la ministre, c'est la dernière fois que j'examine un PLFSS ; je n'ai aucune arrière-pensée, ayant toujours apprécié la qualité de votre écoute. Je pense simplement qu'un effort supplémentaire sur l'âge de départ et la durée de cotisation et qu'une convergence entre le public et le privé sont ardemment nécessaires.

A l'article 33 du PLFSS, vous souhaitez améliorer la couverture vieillesse des professions libérales non réglementées. Comment les discussions concernant le décret répartissant les compétences entre le RSI et la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse des professions libérales (Cipav) pour la gestion de l'assurance vieillesse des personnes concernées s'annoncent-elles ?

L'article 57 retire à la Caisse des dépôts et consignations le service de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) - le minimum vieillesse - pour le confier à la Mutualité sociale agricole (MSA), qui a demandé des moyens supplémentaires à cette fin. Pensez-vous que cet article, qui ne fait pas consensus, permettra des économies ?

M. René-Paul Savary , rapporteur pour le secteur médico-social . - Merci, madame la ministre, de ne pas avoir dit que le trou de la sécurité sociale était bouché, ce qui n'encourage pas nos concitoyens à la vigilance vis-à-vis de leur recours aux prestations de santé.

L'équilibre évoqué est relativement artificiel. Il n'existerait pas si les prestations assurées par les départements dans le secteur médico-social étaient compensées par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Ses réserves, de 750 millions d'euros, participent à l'équilibre sans constituer une ressource pérenne. Comment les comptes du médico-social seront-ils équilibrés dans les prochaines années ?

Les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) se généralisent pour les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). La réforme tarifaire et l'état prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD) devront être appliqués dans quelques semaines, alors que les décrets ne sont pas encore parus. La formation des acteurs est défaillante, tant au sein des agences régionales de santé (ARS) que des tarificateurs des départements ou des établissements concernés. Quel est votre avis sur l'application de cette réforme dès le 1 er janvier ?

Mme Caroline Cayeux , rapporteure pour la branche famille . - On ne peut que se réjouir de l'amélioration des comptes de la branche famille, même si elle résulte en partie d'un transfert de dépenses vers l'État. La loi de financement de la sécurité sociale adoptée l'an dernier prévoyait un déficit de 800 millions d'euros en 2016 et de 300 millions d'euros en 2017 avant un retour à l'équilibre en 2018. Alors que la Commission des comptes de la sécurité sociale a révisé à la hausse la prévision de déficit pour 2016, comment pouvez-vous revoir à la baisse les prévisions pour l'an prochain sans que le projet de loi qui nous est soumis ne comporte de mesure significative, ni en recettes, ni en dépenses ? Il est difficile, à mon sens, de partager votre optimisme. Comment ne pas croire que le retour à l'équilibre de la branche famille résulte davantage d'un savant exercice de réaffectation de recettes et de dépenses que d'une situation réellement assainie ? Le président de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) s'est montré peu optimiste sur un retour à l'équilibre en 2017, estimant l'échéance de 2018 plus raisonnable.

La convention d'objectifs et de gestion (COG) 2013-2017 avait fixé l'objectif ambitieux de créer 275 000 nouvelles places pour les enfants en bas âge, tous modes d'accueil confondus, or le taux de réalisation des objectifs sur les trois premières années ne dépasse pas 70 %. La situation de l'accueil par des assistants maternels est encore plus préoccupante, puisque le nombre d'enfants accueillis baisse au lieu d'augmenter. Je reviendrai sur la corrélation avec la baisse des naissances, flagrante cette année. Comment comblerez-vous le retard accumulé ?

Mme Marisol Touraine, ministre . - Le régime général sera à l'équilibre, comme en 2001. Quand on dit « sécu », les Français pensent « trou ». Je ne comprends pas l'obstination de certains d'entre vous à nier l'amélioration considérable que nous avons réalisée, grâce aux efforts de nos concitoyens. L'équilibre a été atteint grâce aux réformes de structure : allongement de la durée de cotisation, modulation des allocations familiales, regroupements hospitaliers, mutualisation des achats, contrôle sur la pertinence des prescriptions médicales, déshospitalisation grâce à la chirurgie et à la médecine ambulatoires, maîtrise et régulation du coût des médicaments...

Le régime général représentant l'essentiel de la sécurité sociale pour les Français, je n'ai aucun état d'âme à dire que l'équilibre est atteint. Si l'on préfère dire que la seule solution est de supprimer des droits, de dérembourser...

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général . - Je n'ai jamais dit cela.

Mme Marisol Touraine, ministre . - Certains prétendants à la magistrature suprême expliquent qu'il faudra durcir les conditions de remboursement, durcir les règles de retraite... Mais les chiffres sont là.

Je considère comme vous, monsieur Vanlerenberghe, que l'équilibre des comptes de la sécurité sociale est une exigence. J'ai toujours assumé que certaines dépenses, ou certaines pertes de recettes, ne pouvaient pas être acceptées, comme les franchises médicales que j'aurais souhaité supprimer pour tous mais qui ne l'ont été que pour les plus modestes.

La mission du Comité d'alerte est d'examiner si l'Ondam peut être respecté. Il indique qu'il le sera en 2016, comme en 2017, à condition d'être prudent dans la gestion des crédits en réserve, d'assurer un pilotage infra-annuel extrêmement précis et d'être très vigilant quant à l'évolution du prix du médicament et de certaines prescriptions. Il nous avait dit de même l'an dernier. Oui, le pilotage infra-annuel est extrêmement précis, l'équilibre de l'assurance maladie étant aussi tributaire d'une grippe qui arriverait plus tôt que prévu. Oui, des crédits sont mis en réserve. Au cours des mois de 2017 où j'en serai encore responsable, j'assurerai un pilotage renforcé.

Le Comité d'alerte met également l'accent sur des mesures qui auraient un impact sur le périmètre de l'Ondam, des mesures de bonne gestion dont je défie quiconque de nier la pertinence.

La création du fonds pour l'innovation thérapeutique est une mesure structurelle. Le fonds ne remplace pas les dépenses courantes de l'Ondam. Il favorise le lissage des pics de dépenses, les années fastes en innovation, et la reconstitution des marges les années moins fastes. En 2014, l'arrivée inattendue, forte et rapide du Sovaldi, médicament contre l'hépatite C, a eu un impact considérable sur les finances. Il n'est jamais possible de garantir quelques mois à l'avance l'absorption d'une innovation. C'est le cas, aujourd'hui, des médicaments anti-cancéreux.

La taxation est assez complexe - je ne le conteste pas. En 2014, j'ai annoncé aux industriels un plan triennal, une ligne structurelle autour de laquelle des variations sont possibles. Les industriels ont débattu du cadre, c'est-à-dire la stabilité des dépenses de médicament, au sein duquel nous régulons l'innovation. Nous avons besoin d'une maîtrise accrue, y compris sur ce qui était innovant il y a deux ans. Ainsi, je souhaite rouvrir des négociations sur le Sovaldi.

Je n'ai pas changé d'avis sur le principe d'une taxe sur les fabricants de tabac. Nous avons cherché la meilleure façon de la mettre en place dans le respect de la Constitution, les bénéfices des cigarettiers n'étant pas réalisés en France mais à l'étranger.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général . - Vous demandez au fournisseur agréé, qui est en France, de se retourner vers les fabricants.

Mme Marisol Touraine, ministre . - C'est au fournisseur de décider.

L'amendement de Mme Rabault accroît le pouvoir d'achat des bénéficiaires de petites retraites. Puisqu'il n'est pas possible, en droit, de moduler la revalorisation en fonction du niveau des retraites, elle a eu l'idée d'une exonération de la CSG, qui représente un gain moyen de 45 euros par mois pour 480 000 personnes. Le Gouvernement est sensible à cette disposition dès lors qu'elle est gagée et intégralement remboursée à la sécurité sociale.

Mme Nicole Bricq . - Sur quoi sera-t-elle gagée ?

Mme Marisol Touraine, ministre . - Le gage sera défini dans le projet de loi de finances. Un débat est en cours, que je laisse aux soins de mon collègue ministre des finances.

Monsieur Roche, vous avez été très nuancé. Le régime des retraites est excédentaire. La Cour des comptes, le Conseil d'orientation des retraites, le Centre d'analyse stratégique assurent qu'il le sera pour plusieurs décennies. Est-ce que cela interdit des réformes dont l'objectif n'est pas fondé sur l'équilibre financier ? Non. Néanmoins, il faut être clair. Depuis 1993, les réformes des retraites sont justifiées par les déséquilibres financiers dus au choc démographique. Celui-ci est désormais maîtrisé. Chacun a le droit de porter des projets d'organisation du temps de la vie ou des conceptions du travail et du rapport des Français à la retraite. Je considère, personnellement, que la revendication d'un approfondissement de la réforme du régime général est liée à une vision punitive du rapport au travail.

La convergence entre les secteurs public et privé est en grande partie réalisée, pas toujours comme on l'imagine. En effet, un certain nombre de fonctionnaires gagneraient significativement à être alignés sur le privé, ce qui explique pourquoi une harmonisation plus forte n'a pas été réalisée, y compris sous le quinquennat précédent. L'intégration de l'ensemble des primes des fonctionnaires aurait nécessairement un coût. Les multiples rapports du Conseil d'orientation des retraites ou de la Cour des comptes indiquent que la mise en place d'un mécanisme de convergence coûterait plus cher pendant une période significative. Si je pense que des avancées doivent être réalisées, je suis certaine que le prochain gouvernement, quel qu'il soit, maniera ce sujet avec précaution, pour des raisons financières.

Des économies sont attendues du transfert du service de l'Aspa à la MSA, à laquelle il n'est pas prévu d'attribuer d'effectifs supplémentaires.

Concernant l'article 33, une concertation est prévue avec les conseils des caisses concernées et les représentants des professionnels pour déterminer les affiliations, au RSI ou au Cipav.

Monsieur Savary, on ne peut pas demander la décentralisation puis réclamer des paiements à l'État. Sinon, ce n'est qu'une décentralisation de façade. C'est l'une des raisons pour lesquelles je m'interroge sur le souhait des départements d'une recentralisation du RSA : quel aurait été leur avenir sans le coeur de leur responsabilité ? Ce souhait a été abandonné malgré l'avis favorable du Gouvernement.

Le décret concernant la mise en oeuvre des CPOM au 1 er janvier 2017 doit être publié prochainement. Sans attendre, des concertations ont été engagées avec les fédérations d'établissements pour les préparer.

Madame Cayeux, l'équilibre de la branche famille vient notamment de la modulation des allocations familiales, que vous avez contestée mais que j'assume. Une partie significative des recettes ainsi obtenues a financé la revalorisation des prestations pour les familles pauvres, monoparentales ou nombreuses.

La réaffectation des recettes est neutre entre les branches.

Nous n'atteindrons pas l'objectif que nous nous étions fixé en matière d'accueil du jeune enfant, notamment à cause de freins des collectivités territoriales.

Mme Caroline Cayeux , rapporteure . - Et à cause des dotations.

Mme Marisol Touraine, ministre . - Nous les avons augmentées significativement. Le nombre de projets soumis aux CAF a été moins important qu'escompté.

M. Yves Daudigny . - Je partage votre satisfaction face au redressement des comptes. Votre détermination, la cohérence de votre action et les réformes engagées ont donné ces résultats : non seulement des chiffres, mais aussi une confiance renouvelée en notre protection sociale et notre système de santé.

Toutes les semaines, la presse se fait l'écho de nouvelles innovations contre le cancer, les virus, les maladies rares, comme, en octobre, celles présentées au congrès de la Société européenne d'oncologie médicale (Esmo) à Copenhague.

Le débat porte sur le juste prix des médicaments et le rôle des laboratoires. Ceux-ci sont-ils tous construits sur le même modèle ? Il y a les big pharma, gros laboratoires dont la marge bénéficiaire avoisine les 20 %, mais aussi des start-ups. J'ai rencontré récemment la représentante en France du laboratoire américain Vertex, qui a mené des recherches pendant dix-huit ans, sans commercialisation, sur le traitement de la mucoviscidose.

D'un côté, le PLFSS promeut la création du fonds d'innovation, maintient le niveau des taux, comporte des dispositions sur l'ATU, et de l'autre, prévoit des économies d'1,4 milliard d'euros sur le secteur du médicament. Quel message adresser aux laboratoires implantés en France ?

Le Gouvernement entend améliorer la prise en charge des soins dentaires. Comment évoluera la répartition entre l'assurance maladie et les complémentaires ? Enfin, le texte encourage le développement de la télémédecine pour renforcer la présence médicale sur le territoire. Pourriez-vous faire le point sur les GHT ? Les parcours de soins seront un succès si les hôpitaux et la médecine de ville travaillent en commun.

Mme Laurence Cohen . - Vous mettez l'accent sur la réduction des déficits et l'exigence de bonne gestion des fonds publics. Mais à quel prix ? Beaucoup d'hôpitaux sont au bord de l'asphyxie, les personnels sont sous pression. Vous avez indiqué qu'aucun poste n'avait été supprimé à l'hôpital. Toutefois les départs à la retraite ne sont pas remplacés et le personnel n'en peut plus. Les GHT sont présentés comme une manière de réaliser des économies. J'espère que leur mise en place ne se fera pas au détriment de l'offre de soins et des conditions de travail des personnels.

Pour atteindre un Ondam de 2,1 %, vous prévoyez des économies, sans annoncer de nouvelles recettes. Pourquoi ne pas lutter davantage contre la fraude aux cotisations patronales qui s'élève à 20 milliards d'euros ? Enfin, je crains que le prélèvement de 300 millions d'euros sur la trésorerie de l'Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier (ANFH) ne porte atteinte à l'offre de formation continue.

M. Georges Labazée . - La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) a une interprétation restrictive du plan d'aide à l'investissement (PAI), réservant les crédits à des opérations de restructuration ou de mise aux normes des établissements médico-sociaux. Avec Gérard Roche, nous avons interrogé la secrétaire d'Etat chargée des personnes âgées et de l'autonomie à ce sujet. Lorsque nous avions inscrit dans la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement l'affectation d'une enveloppe de 100 millions d'euros à ce programme d'investissement, nous entendions aussi favoriser la création de nouvelles maisons de retraites ou d'Ehpad. Pourriez-vous donner des instructions en ce sens ?

Les articles 16 et 17 créent une contribution assise sur le chiffre d'affaires des fournisseurs de produits du tabac à hauteur de 130 millions d'euros. Celle-ci frappera non seulement les grands groupes internationaux qui contrôlent le marché du tabac et acquittent leurs impôts à l'étranger, mais elle visera aussi la dernière structure qui existe en France, sous forme de coopérative, Traditab, et qui est déjà soumise à l'impôt sur les sociétés à hauteur de 33 %. Pour elle, ce sera la double peine. Ne faudrait-il pas adopter une fiscalité différentielle pour ne pas les pénaliser ?

Mme Catherine Procaccia . - Je salue la volonté de revaloriser les soins dentaires conservateurs. Cette revalorisation est réclamée depuis longtemps par les dentistes. Vous avez dit que si les négociations n'aboutissaient pas, le Gouvernement prendrait ses responsabilités. Que voulez-vous dire ?

Des puéricultrices m'ont alerté sur une pénurie de vaccins contre la tuberculose dans les maternités du Val-de-Marne. Qu'en est-il ?

Enfin, les hommes prennent peu le congé parental auquel ils ont droit. Cela se traduit-il déjà positivement dans les comptes de la branche famille ?

Mme Marisol Touraine, ministre . - Je remercie M. Daudigny pour son soutien. La question du juste prix des médicaments est effectivement cruciale. Il est normal que les points de vue des industriels et du Gouvernement divergent. Nous discutons. Le Gouvernement est déterminé à soutenir sans faille l'innovation : les avancées d'aujourd'hui sont le gage de meilleures chances de guérison demain pour de nombreuses pathologies, d'une espérance de vie accrue. Songez à l'hépatite C, que l'on parvient à désormais traiter. Mais le soutien à l'innovation implique aussi, en amont, une régulation renforcée des médicaments peu innovants. Des arbitrages sont sans cesse nécessaires. Le développement des génériques est essentiel. En dépit de progrès, la France reste en retard. C'est pourquoi nous avons lancé une campagne pour informer le public et les médecins, et rassurer les laboratoires qui, à tort, voient trop souvent dans le développement des génériques une atteinte à leurs intérêts. L'innovation doit aussi être accessible à un prix raisonnable. Un fonds de financement de soutien aux start-up innovantes en matière de santé a été mis en place, une délégation à l'innovation en santé a été créée au sein de mon ministère. La journée nationale de l'innovation en santé a été un tel succès l'an dernier que l'opération sera renouvelée en janvier. L'innovation nous permet de proposer de nouveaux traitements, de nouvelles applications technologiques, de nouvelles manières d'organiser les soins ou de les pratiquer, comme la télémédecine.

Madame Cohen, le Gouvernement ne se préoccupe pas uniquement de baisser les déficits ! Nous avons généralisé le tiers-payant, supprimé les franchises pour les plus modestes, décidé de rembourser à 100 % les interruptions volontaires de grossesse et la contraception des mineures, développé le dépistage de certains cancers, etc. Nous avons créé 31 000 postes de soignants à l'hôpital. Au total, le PLFSS prévoit 1,3 milliard d'euros de plus pour l'hôpital. Il est vrai que les efforts demandés sont parfois importants. Mais certains hôpitaux étaient dans des situations catastrophiques. La médecine connaît de grandes transformations. On ne se soigne plus comme avant. Les relations entre les médecins et les patients changent. Il importe d'accompagner ces évolutions. Une part importante des souffrances au travail est due à un mauvais accompagnement des personnels. Les choses se passent d'ailleurs plus ou moins bien selon les établissements, selon les services. Je n'ai jamais présenté les GHT comme une source d'économies ! Il s'agit d'abord de la mise en place de filières de soins. Sans cette réorganisation territoriale, beaucoup de petits hôpitaux de proximité seraient condamnés. Les praticiens auront des perspectives de carrières accrues sur un territoire élargi et ils seront davantage incités à aller exercer dans ces structures.

Un rapport de l'Igas a montré que l'Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier (ANFH) était structurellement excédentaire depuis 1998. Son excédent atteint 364 millions d'euros ; ses recettes dépassent largement les besoins pour financer les formations. Le prélèvement de 300 millions d'euros sur sa trésorerie, étalé sur deux ans, ne mettra donc pas en péril l'offre de formation. De plus, l'argent collecté sera réalloué au monde hospitalier.

Monsieur Labazée, je partage votre interprétation concernant l'emploi des fonds du programme d'investissements (PAI). S'il le faut, je donnerai les instructions nécessaires. La nouvelle taxe sur le tabac frappera le distributeur, qui choisira, ou non, de la répercuter.

Les revalorisations de soins dentaires conservateurs intervenues jusqu'ici ne se sont jamais accompagnées d'une baisse du prix des prothèses. Les prix sont libres et varient en fonction des praticiens. Or il est difficile pour un patient de faire établir des devis, comme on en demande à un plombier... Nous soumettons la revalorisation à un plafonnement des prix des prothèses. Si les négociations entre les chirurgiens-dentistes et l'assurance maladie échouent, le Gouvernement se substituera à eux et prendra un décret pour plafonner les prix. Je souhaite aussi augmenter la part remboursée par la sécurité sociale. Actuellement, les soins dentaires sont pris en charge à hauteur de 37 % par l'assurance maladie (contre 77 % en moyenne pour les autres soins), à 40 % par les assurances complémentaires et le reste à charge s'élève à 23 %, contre 8 % en moyenne pour les autres soins. Je souhaite faire monter progressivement la part de l'assurance maladie à plus de 50 %. Je suis attachée à ce que notre système reste principalement structuré autour de l'assurance maladie car elle repose sur une logique de solidarité : à la différence des assurances santé complémentaires, on ne cotise pas en fonction de son âge, de son état de santé ou de ses antécédents. La priorité est de parvenir à un rééquilibrage dans les secteurs où la part de l'assurance maladie n'est pas satisfaisante : c'est le cas des soins dentaires ou des lunettes, pour lesquelles, depuis l'année dernière, le reste à charge diminue.

L'entreprise qui nous fournit en vaccins contre la tuberculose connaît des difficultés et nous sommes en rupture de stock depuis plusieurs mois. Pour y faire face, nous avons décidé d'importer des vaccins. Le vaccin n'est disponible désormais que dans les structures de la protection maternelle et infantile. Cette vaccination n'est d'ailleurs pas obligatoire. Je suis avec attention ce dossier et j'ai présidé deux réunions avec les laboratoires. La loi de modernisation de notre système de santé contient des mesures pour faciliter la constitution de stocks et leur gestion.

Enfin, la sous-utilisation du congé parental par les hommes ne se traduit pas dans les comptes de la branche famille à ce stade.

M. Alain Milon , président . - Je vous remercie. Nous examinerons le PLFSS en commission le mercredi 9 novembre, puis en séance publique la semaine suivante.

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