CHAPITRE II - Mesures relatives au recouvrement

Article 12 (art. L. 133-6-8, L. 133-11 et L. 243-6-6 [nouveaux] du code de la sécurité sociale et L. 725-26 du code rural et de la pêche maritime) - Cadre juridique des relations entre tiers-déclarants et cotisants

Objet : Cet article vise à donner un cadre législatif aux relations entre les tiers-déclarants et les cotisants.

I - Le dispositif proposé

Cet article transpose, dans le champ social, le dispositif législatif mis en place par la loi de finances rectificative pour 2010 en matière d'impôt sur le revenu, qui permet à un tiers de confiance, expert-comptable, notaire ou avocat, de centraliser et de conserver les pièces justificatives et d'effectuer, le cas échéant, les déclarations de revenus. Un décret du 18 août 2014 relatif au « mandat fiscal unique » permet à l'expert-comptable d'établir toutes les télé-déclarations fiscales d'un même client.

En matière sociale, de nombreuses entreprises ont d'ores et déjà recours à un tiers-déclarant pour l'accomplissement de tout ou partie de leurs obligations. La quasi-totalité des entreprises commerciales ont ainsi recours à un expert-comptable, profession dont l'implication est déterminante pour la mise en oeuvre de la modernisation des procédures de déclaration et de recouvrement. Le tiers-déclarant peut aussi être une société d'externalisation de la fonction de paie.

Le recours à un tiers se fonde juridiquement sur la notion de mandat défini à l'article 1984 du code civil comme l'acte par lequel « une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom ».

Le droit de la sécurité sociale confère d'ores et déjà certaines obligations et certaines prérogatives aux tiers-déclarants, comme la mise en oeuvre anticipée de la DSN, la possibilité de faire une demande de rescrit social ou de conclure, pour le compte de son client, une transaction avec un organisme de recouvrement. Le RSI a développé une offre de services en ligne qui permet à un tiers-déclarant d'accomplir, au moyen de ses propres identifiants, toutes les formalités sociales (déclarations, paiement de cotisations principalement) pour l'ensemble de ses clients.

Le présent article donne un cadre législatif au tiers-déclarant en définissant son rôle, en prévoyant un mandat unique du tiers-déclarant pour l'ensemble des organismes sociaux ainsi que certaines obligations, notamment de dématérialisation.

Il complète la section 2 quater du chapitre III bis du titre III du livre I er du code de la sécurité sociale, relatif au régime micro-social, pour préciser que toute démarche réalisée en application de la section peut être effectuée par un tiers pour le compte d'un cotisant ou d'un futur cotisant.

Il crée, au sein du même chapitre, une section 7 « modernisation et simplification des formalités pour les cotisants ayant recours à un tiers-déclarant », composée d'un article L. 133-11.

Cet article pose le principe que toute déclaration ou toute formalité sociale incombant aux employeurs et aux travailleurs indépendants peut être effectuée pour leur compte par un tiers.

Le mandat confié à ce tiers fait l'objet d'une déclaration auprès d'un organisme qui sera désigné par décret. Cette déclaration permet un mandat unique qui sera ensuite valable auprès de l'ensemble des organismes de sécurité sociale.

L'employeur ou le travailleur indépendant reste soumis à l'obligation de répondre aux demandes des organismes de sécurité sociale et le II de l'article précise que ses dispositions s'appliquent « sans préjudice des règles applicables en matière de contrôle, de recouvrement et de sanctions mises en oeuvre à l'égard de l'employeur ou du travailleur indépendant ».

Comme en matière fiscale (art 170 ter du CGI), le présent article prévoit, en cas de fraude ou de complicité de fraude, une sanction du mandataire qui se verrait interdire d'assurer, pour l'avenir, les fonctions de tiers-déclarant auprès des organismes de sécurité sociale. L'obligation d'informer le cotisant est confiée au mandataire sanctionné.

Comme en matière fiscale au titre de la déclaration d'impôt sur le revenu, une obligation, pour les tiers-déclarants, de déclaration, et le cas échéant, de paiement, par voie dématérialisée, est mise en place en matière sociale à compter du 1 er janvier 2018. S'agissant des employeurs, la mise en oeuvre de la DSN conduira, de fait, à la généralisation de la dématérialisation des déclarations sociales des tiers-déclarants. La mesure concerne donc les tiers exerçant pour le compte de travailleurs indépendants.

Le non-respect de cette forme déclarative donne lieu à l'application, à l'encontre du tiers-déclarant, de la même majoration que celle prévue pour les employeurs : 0,2 % des sommes déclarées.

Le du présent article décline le recours au tiers-déclarants pour les dispositions de la section 3 bis du chapitre III du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale, relative aux droits des cotisants, notamment au rescrit social. Il pose le principe de la possibilité du recours au tiers-déclarant pour exercer les droits du cotisant et supprime les dispositions spécifiques prévues pour le seul rescrit social au bénéfice des avocats et des experts-comptables.

Le II du présent article complète l'article L. 725-26 du code rural et de la pêche maritime, qui rend la transaction applicable au régime agricole, pour lui rendre également applicable le régime du tiers-déclarant en matière de droit des cotisants.

Le III du présent article est relatif à l'entrée en vigueur de ses dispositions, décalée au 1 er janvier 2018 pour l'application aux travailleurs indépendants du régime applicable au tiers déclarant.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté trois amendements rédactionnels à cet article.

III - La position de la commission

Cet article constitue une formalisation bienvenue du régime de tiers-déclarant.

Votre rapporteur général estime nécessaire de limiter dans le temps la sanction du retrait de la qualité de tiers-déclarant et de prévoir la possibilité de la moduler. Il juge aussi souhaitable que le cotisant soit informé par l'organisme de recouvrement, que le tiers-déclarant n'est plus habilité à intervenir pour son compte, plutôt que d'en confier le soin au tiers-déclarant qui fait l'objet de la sanction. La commission a adopté en ce sens l' amendement n°60 .

Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 13 (art. 242-1-2 et L. 243-12-1 du code de la sécurité sociale et L. 723-11, L. 724-9 et L. 724-13 du code rural et de la pêche maritime) - Assiette forfaitaire en cas de travail dissimulé constaté chez un particulier employeur - Modulation et harmonisation entre régimes des sanctions en cas d'obstacles à contrôle

Objet : Cet article fait évoluer les sanctions en fonction de la nature et de la taille de l'entreprise et les harmonise entre les différents régimes.

I - Le dispositif proposé

Pour les situations de travail dissimulé et d'obstacles à contrôle, le présent article vise à faire évoluer et à moduler les sanctions en fonction de la nature et de la taille de l'entreprise et à les harmoniser entre le régime général et le régime agricole.

En matière de travail dissimulé, les particuliers-employeurs sont théoriquement passibles des mêmes sanctions que les autres entreprises même si, en pratique, compte tenu du fait que le lieu de travail de l'entreprise est le domicile de l'employeur et que les enjeux financiers sont moindres, les contrôles sont rares.

Lorsqu'une personne contrôlée fait obstacle à la bonne réalisation de leur mission par les inspecteurs du recouvrement, elle est passible, sur saisine du juge par l'inspecteur du recouvrement, d'une sanction pénale prévue par le code de la sécurité sociale, de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende.

Pour les mêmes faits, l'ordonnance n° 2016-413 du 7 avril 2016 relative au contrôle de l'application du droit du travail a prévu des sanctions différentes au sein du régime agricole. Les dispositions du code rural et de la pêche maritime prévoient, avec la possibilité de ne retenir que l'une des deux sanctions, une peine d'un an de prison et une amende qui a été relevée à 37 500 euros.

En cas d'obstacle lors de contrôles réalisés par les branches famille et vieillesse, une pénalité financière pouvant aller jusqu'à deux mois le plafond mensuel de la sécurité sociale peut être prononcée, en application de l'article L.114-17 du code de la sécurité sociale, par le directeur de l'organisme. Le plafond de la sanction est doublé en cas de récidive.

En matière fiscale, l'obstacle à contrôle est sanctionné à la fois au plan pénal par 25 000 euros d'amende et, en cas de récidive, par une peine d'emprisonnement de 6 mois (article 1746 du CGI) et au plan administratif, par une majoration de 100 % du redressement lorsqu'a été mise en oeuvre la procédure d'évaluation forfaitaire (article 1732 du CGI).

Les situations d'obstacles à contrôle rencontrées par les inspecteurs du recouvrement sont peu nombreuses : l'étude d'impact n'en relève aucune dans le champ de l'Urssaf au cours de la période récente et dix-sept au sein du régime agricole.

Le présent article adapte tout d'abord le dispositif de redressement sur la base d'une assiette forfaitaire qui s'applique, en cas de travail dissimulé, lorsque l'employeur n'apporte pas d'élément de preuve en termes de durée effective d'emploi et de rémunérations. Les cotisations sont alors calculées sur une assiette mensuelle de 25 % du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 9 564 euros en 2016. Le présent article définit une assiette forfaitaire spécifique lorsque la situation de travail dissimulé concerne un particulier-employeur : l'assiette forfaitaire serait de 12,5 % du plafond annuel de la sécurité sociale.

En matière d'obstacle à contrôle, le présent article substitue, sur le modèle applicable en matière fiscale et par les branches prestataires, une sanction administrative à la sanction pénale prévue par le code de la sécurité sociale. Il supprime la peine d'emprisonnement, la pénalité financière étant prononcée par le directeur de l'organisme de recouvrement.

La pénalité est différente selon la nature et la taille de l'entreprise. Le montant maximal est de :

- 3 750 euros pour un particulier employeur ;

- 7 500 euros pour un travailleur indépendant ;

- 7 500 euros par salarié pour un employeur, avec un plafond de 750 000 euros par entreprise.

Il est doublé en cas de récidive dans un délai de cinq ans.

L'obstacle à contrôle est défini comme « des actions ou omissions ayant pour objet de faire obstacle ou de se soustraire aux opérations de contrôle exercées par les agents, quel que soit leur cadre d'action, visant notamment à refuser l'accès à des lieux professionnels, à refuser de communiquer une information formellement sollicitée quel qu'en soit le support, y compris dématérialisé, à ne pas répondre ou à apporter une réponse fausse, incomplète ou abusivement tardive à toute demande de pièce justificative, d'information, ou à une convocation dès lors que la demande est nécessaire à l'exercice du contrôle ».

Dans la mesure où la sanction n'est plus prononcée par un juge mais par une autorité administrative, le présent article précise la procédure en matière de contradictoire. Il est prévu que le directeur notifie à la personne contrôlée les faits reprochés ainsi que le montant envisagé de la pénalité. Cette dernière peut faire part de ses arguments par écrit selon des modalités à préciser par décret en Conseil d'Etat. Le directeur notifie, s'il y a lieu, la pénalité retenue par voie de mise en demeure. La contestation de cette décision s'effectue selon les règles et garanties applicables au recouvrement des cotisations : saisine de la commission de recours amiable dans un délai de 2 mois suivant la notification de la mise en demeure de payer, suivie, le cas échéant, de la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale.

En cas de constat de travail dissimulé, le directeur du recouvrement reste compétent pour prononcer la sanction de l'obstacle à contrôle et transmet le procès-verbal de travail dissimulé au Procureur de la République dans des conditions inchangées.

Le présent article modifie ensuite le code rural et de la pêche maritime afin d'harmoniser les règles applicables au régime agricole et celles applicables au régime général.

Il complète l'article L. 723-11 relatif aux missions de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole pour étendre sa mission de mise en oeuvre et de coordination des actions de contrôle au recouvrement des cotisations et non plus seulement au service des prestations.

En leur rendant applicables les dispositions de l'article L. 243-12-3 du code de la sécurité sociale qui sanctionnent les actes d'outrages à agents de manière identique à ceux commis à l'égard des officiers de police judiciaire, le présent article aligne sur le régime général les dispositions du code rural et de la pêche maritime relatives à la protection des contrôleurs MSA pour lesquels il est actuellement fait référence aux inspecteurs et contrôleurs du travail.

Le présent article étend aux contrôleurs de la MSA la possibilité de coopérer avec les corps de contrôle étrangers, prévue par l'article L. 243-7-1 du code de la sécurité sociale.

Il aligne, sur le régime général, tout en les adaptant, les sanctions pour obstacle à contrôle :

- des agents de contrôle ;

- des conseillers de prévention des caisses de MSA ;

- des autres agents des caisses prestataires ;

- à savoir des pénalités financières prononcées par le directeur de la caisse et plafonnées à 2 plafonds mensuels sécurité sociale.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté trois amendements rédactionnels à cet article.

III - La position de la commission

Cet article s'inscrit dans un mouvement plus général, en droit du travail et de la sécurité sociale, qui tend à substituer une sanction administrative à une sanction pénale, jugée à la fois disproportionnée et peu appliquée donc peu efficace.

Il va dans le sens des préconisations de nos collègues Agnès Canayer et Anne Emery-Dumas dans leur communication à la Mecss sur le travail dissimulé, la réponse pénale étant souvent inadaptée face à des comportements mis en regard d'autres délits devant les tribunaux correctionnels et peu motivante pour les équipes de contrôle.

Il importe cependant de veiller à ce que les droits de la défense, protégés dans le cadre de la procédure judiciaire, le soient aussi bien dans le cadre d'une procédure administrative, sauf à risquer de perdre face à des recours devant les juridictions de sécurité sociale le temps gagné devant les tribunaux correctionnels.

Votre commission a adopté un amendement n° 61 à cet article transposant au régime agricole les nouvelles sanctions applicables en matière d'obstacle à contrôle.

Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 14 (art. L. 133-1, L. 133-4-2, L. 133-4-9, L. 136-5, L. 242-1-1, L. 242-11, L. 243-2, L. 243-3-1 et L. 651-7 du code de la sécurité sociale) - Recouvrement des créances en matière de travail illégal et adaptation des sanctions en matière de fraude

Objet : Cet article harmonise les délais de prescription applicables en matière de recouvrement, réforme la procédure de flagrance sociale, aménage le dispositif d'opposition à tiers détenteur et élargit les sanctions applicables en matière de travail illégal.

I - Le dispositif proposé

• Délais de prescription applicables en matière de recouvrement

Le code de la sécurité sociale distingue trois délais de prescription en matière de recouvrement de cotisations de sécurité sociale.

À la suite d'un contrôle, l'article L. 244-3 fixe le délai de reprise des cotisations aux trois ans qui précèdent l'année de l'envoi de la mise en demeure ou de l'avertissement et à l'année en cours. Ce délai est porté à cinq ans en cas de constatation d'une infraction de travail illégal. Le même article fixe à deux ans le délai de recouvrement des majorations de retard à compter du paiement des cotisations ayant donné lieu à l'application des majorations. Pour les pénalités de retard appliquées en cas de production tardive ou de défaut de production des déclarations obligatoires, le délai est de deux ans à compter de la production de la déclaration ou, à défaut, de la notification de l'avertissement ou de la mise en demeure.

L'action civile en recouvrement des cotisations ou des majorations de retard se prescrit par cinq ans à compter du délai d'un mois laissé au débiteur pour se manifester à réception de la mise en demeure ou de l'avertissement, en application de l'article L. 244-11 du code de la sécurité sociale. Après une mise en demeure, les organismes disposent donc théoriquement de cinq ans pour émettre une contrainte.

L'article L. 244-9 énonce, quant à lui, que la contrainte décernée par le directeur d'un organisme de sécurité sociale, lorsqu'elle n'est pas contestée, emporte tous les effets d'un jugement. En application des règles de droit commun de la prescription en matière civile, la contrainte non contestée se prescrit par cinq ans, pendant lesquels peuvent valablement intervenir des actes d'exécution (saisie...).

Le présent article apporte trois modifications à ces règles, qui sont également transposées au régime agricole.

Il harmonise tout d'abord, dans un nouvel article L. 244-8-1, les délais de prescription de l'action en recouvrement et, en complétant l'article L. 244-9, la prescription de la contrainte qui seront tous deux réduits de cinq à trois ans. Pour ce dernier délai, la Cour de cassation avait considéré en mars 2016 qu'il devait être limité à trois ans en raison de la nature de la créance. Le délai de prescription des créances accessoires (pénalités et majorations) est porté de deux à trois ans. Les délais de prescription applicables aux créances en matière de travail dissimulé restent fixés à cinq ans ; ils sont rassemblés dans une nouvelle rédaction de l'article L. 244-11.

En modifiant l'article L. 244-3, il simplifie la computation des délais qui s'effectuera non plus « à rebours » de la date de mise en demeure mais pour les cotisations, par trois ans à compter de l'expiration de l'année au cours de laquelle elles sont dues. Cette modification ne change pas de facto l'état du droit mais elle est plus lisible.

Le présent article prévoit, dans un nouvel article L. 244-8-1, que la prescription est suspendue pendant la période contradictoire qui va de l'envoi de la lettre d'observations à la réponse de l'agent chargé du contrôle aux éléments communiqués par le cotisant.

Il tire les conséquences des modifications relatives à la prescription sur la procédure sommaire, prévue par l'actuel article L. 133-1 du code de la sécurité sociale, qui permet au directeur régional des finances publiques d'assurer le recouvrement des sommes dues par un employeur ou un travailleur indépendant au profit des organismes de sécurité sociale, comme en matière de contributions directes.

Le présent article déplace ces dispositions au sein de la section II du chapitre dans un nouvel article L. 133-4-10 du code de la sécurité sociale. Il supprime l'alinéa 2 de l'article, qui prévoyait que la procédure sommaire de recouvrement ne pouvait être mise en oeuvre que dans le délai de l'action civile en recouvrement fixé à cinq ans par l'article L. 244-11 et qui sera désormais de trois ans.

• Réforme de la procédure de flagrance sociale

Prévue à l'article L.243-7-4 du code de la sécurité sociale, la flagrance sociale, inspirée de la procédure applicable en matière fiscale (article L.16-0 BA du livre des procédures fiscales), est une procédure à disposition des Urssaf dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé. Elle prévoit que « dès lors qu'un procès-verbal de travail illégal a été établi et que la situation et le comportement de l'entreprise ou de ses dirigeants mettent en péril le recouvrement des cotisations dissimulées, l'inspecteur du recouvrement peut dresser un procès-verbal de flagrance sociale comportant l'évaluation du montant des cotisations dissimulées ». Il peut demander sur cette base au juge de l'exécution de prendre des mesures conservatoires.

La différence majeure avec la flagrance fiscale réside dans le fait que l'administration fiscale a la possibilité de pratiquer des saisies conservatoires dès la constatation de l'infraction, alors que les Urssaf doivent au préalable demander au juge de l'exécution l'autorisation d'en pratiquer.

Le délai de mise en oeuvre des saisies conservatoires est trop long pour empêcher le cotisant dont l'illégalité a été constatée par un agent habilité d'organiser son insolvabilité, ou encore de disparaître.

Le présent article supprime l'article L. 243-7-4 et rétablit un article L. 133-1 qui définit une nouvelle procédure. Cette nouvelle procédure prévoit, en cas de procès-verbal de travail illégal, la remise systématique d'un document comportant l'évaluation du montant des cotisations et contributions dissimulées, des pénalités et majorations y afférentes, du montant de l'annulation des exonérations de cotisations et des dispositions légales applicables.

La personne contrôlée doit fournir, dans un délai qui n'est pas précisé, des garanties suffisantes pour couvrir les éléments ainsi évalués. À défaut, le directeur de l'organisme de recouvrement peut prendre des mesures conservatoires sans passer par le juge de l'exécution. Cette décision peut être levée à tout moment si la personne présente des garanties suffisantes et faire l'objet d'une contestation devant le juge de l'exécution. Le recours n'est pas suspensif.

Tout en la rendant plus opérationnelle, le présent article a pour effet d'alourdir la procédure applicable en cas de travail dissimulé en supprimant la condition du péril sur le recouvrement des cotisations. Le document comporte en outre un niveau de détails très important sur le montant des majorations et le montant des annulations d'exonérations alors qu'il ne fixe pas, a priori , les limites du litige.

• Aménagement de l'opposition à tiers détenteur

L'opposition à tiers détenteur permet aux organismes de recouvrement d'obtenir un paiement en mobilisant des créances ou des sommes détenues par des tiers. Cette procédure est relativement peu utilisée par le réseau des Urssaf. Le présent article ne modifie pas cette procédure mais l'étend aux organismes prestataires et prévoit qu'en cas de contestation le paiement est différé jusqu'à ce que le juge statue. Des exceptions sont prévues en cas d'obstacle à contrôle ou lorsque le recours est jugé dilatoire ou abusif.

• Sanction des infractions en matière de travail illégal

L'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale conditionne le bénéfice de toute mesure de réduction ou d'exonération totale ou partielle à l'absence de travail dissimulé. Si cette infraction est constatée, l'organisme de recouvrement procède, en fonction des salaires versés, à l'annulation de tout ou partie des exonérations.

Le travail dissimulé est une des six catégories du travail illégal, défini à l'article L. 8211-1 du code du travail, aux côtés du marchandage, du prêt illicite de main d'oeuvre, de l'emploi d'étranger sans titre de travail, du cumul irrégulier d'emploi, de la fraude ou fausse déclaration. Il est le seul à emporter des conséquences en termes de cotisations sociales et à entrer dans le champ de compétence des agents du recouvrement.

Le présent article modifie l'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale en étendant l'annulation de tout ou partie des exonérations à trois autres infractions de travail illégal : le marchandage, le prêt illicite de main d'oeuvre et l'emploi d'étranger sans titre de travail. Il complète également l'article pour prévoir une modulation de cette annulation en fonction du niveau de rémunérations dissimulées.

Il complète, pour ces mêmes infractions, l'article L. 242-1-1 qui dispose que les rémunérations réintégrées dans l'assiette des cotisations à la suite du constat de travail dissimulé « ne peuvent faire l'objet d'aucune mesure de réduction ou d'exonération de cotisations sociales ».

Il complète enfin l'article L. 8271-6-4 du code du travail pour prévoir la transmission des procès-verbaux des inspecteurs du travail, non seulement pour les infractions de travail dissimulé mais aussi pour les autres infractions donnant lieu à la suppression des exonérations de cotisations.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par le Gouvernement ainsi qu'un sous-amendement présenté par Gérard Bapt afin de préciser que la mesure conservatoire de recouvrement s'applique non seulement aux constats de travail dissimulé dressés par les inspecteurs du recouvrement mais aussi à ceux transmis par les agents issus d'un autre corps de contrôle, comme l'inspection du travail. Le même amendement précise que cette mesure couvre l'ensemble des dettes du cotisant fraudeur, évaluées à l'occasion du constat de travail dissimulé.

Un second amendement, présenté par le Gouvernement et adopté par l'Assemblée nationale, supprime l'obligation de remise en main propre du document informatif ainsi que l'obligation pour le cotisant de le signer.

L'Assemblée nationale a également adopté cinq amendements rédactionnels et de coordination à cet article.

III - La position de la commission

Votre commission partage les objectifs poursuivis par cet article.

Elle a adopté un amendement n° 62 adaptant le délai de prescription pour les travailleurs indépendants et apportant quelques modifications rédactionnelles.

Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 14 bis (nouveau) (art. 122 de la loi n° 2005-1720 de finances rectificative pour 2005 ) - Prolongation et extension du plan d'apurement de la dette agricole en Corse

Objet : Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, a pour objet de prolonger et d'étendre le plan d'apurement de 2005.

I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

L'article 122 de la loi du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 a mis en place un plan de désendettement social de l'agriculture corse avec l'objectif d'apurer la situation et de permettre aux agriculteurs concernés de repartir sur de nouvelles bases.

Ce plan a été modifié et prolongé par l'article 25 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 pour un montant estimé à 5 millions d'euros.

Les exploitants agricoles exerçant leur activité en Corse au 30 décembre 2005 , ou retraités à cette même date, peuvent bénéficier d'une prise en charge, par le fonds d'action sanitaire sociale de la caisse de mutualité sociale agricole (MSA), des cotisations et contributions sociales dues au titre des périodes d'activité antérieures au 1 er janvier 2005, lorsque cette dette est inférieure à 10 000 euros.

Dans tous les cas, le montant maximal de prise en charge par l'action sociale de la MSA est fixé à 5 000 euros pour les cotisations salariales de sécurité sociale.

Saisie d'un amendement présenté par François Pupponi, l'Assemblée nationale a adopté, avec un avis favorable de la commission et du Gouvernement, un article additionnel visant à étendre le dispositif de prise en charge des dettes sociales des agriculteurs déjà concernés par le dispositif , c'est-à-dire à ceux exerçant leur activité ou retraités à la date du 30 décembre 2005, aux cotisations et contributions dues jusqu'au 1 er janvier 2014. En modifiant le I de l'article 122 de la loi de finances rectificative pour 2005, le présent article prolonge le plan d'apurement du 1 er janvier 2005 au 1 er janvier 2014, soit neuf années supplémentaires.

L'articulation avec le dispositif précédent n'est toutefois pas très claire. En principe, le dispositif ne vise que les personnes dont la dette est inférieure à 10 000 euros mais dans l'alinéa introduit par l'article, il ne s'agit plus seulement de dette inférieure à 10 000 euros mais « de la prise en charge totale ou partielle de leur dette sociale dans la limite de 10 000 euros ».

Pour les dettes supérieures à 10 000 euros , l'article 122 de la loi précitée prévoit que le directeur de la caisse de la MSA propose un échéancier de paiement comprenant l'annulation des pénalités et des majorations de retard et « pouvant également comprendre, dans des situations exceptionnelles, une prise en charge partielle de la dette sociale » par les crédits d'action sociale de la caisse. Le présent article élargit cette possibilité à la dette sociale « constituée au titre des périodes d'activité comprises entre le 1 er janvier 1996 et le 31 décembre 2015 ».

Au IV de l'article 122, qui fixe les conditions pour bénéficier des dispositions de l'article, les dispositions des 2° et 3° sont supprimées : il s'agissait d'a utoriser l'Etat à se subroger dans le paiement des cotisations sociales auprès de la caisse de mutualité sociale agricole de Corse et de céder à la caisse de mutualité sociale agricole de Corse les créances relatives aux primes directes européennes accordées aux agriculteurs, cette garantie étant cantonnée à l'annuité de remboursement.

La condition relative à la nécessité de s'être acquitté de 5 % de la dette porte sur les cotisations et contributions antérieures au 1 er janvier 2016. Les dispositions relatives à la prise en charge de cotisations par l'Etat sont supprimées.

La condition fixée au 6° - « être à jour des cotisations et contributions sociales afférentes aux périodes d'activité postérieures au 31 décembre 2013 » - est modifiée et porte sur les périodes d'activité postérieures au 1 er janvier 2016.

Le présent article supprime enfin le IV de l'article L. 122, aux termes duquel « l'aide accordée au titre du dispositif relatif au désendettement des personnes rapatriées, réinstallées dans une profession non salariée, vient en déduction du montant de l'aide prévue au I ».

II - La position de votre commission

Votre commission s'est déjà prononcée sur cette question lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, à l'occasion de deux amendements identiques, présentés par nos collègues Joseph Castelli et Yves Daudigny et plusieurs de leurs collègues, ayant pour objet, pour les bénéficiaires du plan de 2005, d'en prolonger les effets aux périodes d'activité antérieures au 1 er janvier 2014, toujours pour les dettes inférieures à 10 000 euros.

Suivant l'avis de votre commission, le Sénat n'avait pas adopté ces amendements, considérant qu'un plan d'apurement n'avait pas vocation à devenir permanent et que dans une période de grande difficulté pour les agriculteurs, singulièrement pour les éleveurs, qui devait fortement solliciter le fonds d'action sociale de la MSA, il n'y avait pas lieu de réserver un traitement différent à une région en particulier, sauf à créer une rupture d'égalité manifeste devant l'obligation d'acquitter les cotisations et contributions sociales.

Le Gouvernement avait repris cette disposition par un amendement en loi de finances rectificative pour 2015, en élargissant potentiellement, comme le présent article, le dispositif aux dettes supérieures à 10 000 euros. Le Sénat, sur proposition de la commission des finances avait supprimé cet article en l'absence d'effet sur les charges de l'Etat. Le Conseil constitutionnel a ensuite censuré cet article pour les mêmes raisons.

C'est donc une troisième version de la deuxième prolongation du plan d'apurement de 2005 qui est proposée à l'examen de votre commission.

C'est une version beaucoup plus large puisqu'elle transforme ce qui était un plafond d'éligibilité, une dette inférieure à 10 000 euros, en un plafond de prise en charge de la dette et qu'elle s'étend, pour les dettes supérieures à 10 000 euros aux dettes constituées entre le 1 er janvier 2016 et le 31 décembre 2015. Il ne s'agit donc plus d'échelonner les dettes mais de permettre beaucoup plus largement, de les annuler.

On peut rappeler que le plan d'apurement de 2005 est le troisième plan exceptionnel depuis 2001 : 3,8 millions d'euros ont été annulés au titre des plans précédents et le plan de 2005 représente d'ores et déjà 8,7 millions d'euros, dont 5 millions au titre de son extension par la loi de financement pour 2015.

Recommandant de repenser le recouvrement social en Corse, la Cour des comptes a souligné les effets pervers des plans de désendettement mis en oeuvre ces dernières années : « ces mesures à caractère général ont eu un clair caractère contre-incitatif au paiement régulier et à échéance des cotisations, du fait de l'effet d'aubaine que constitue l'apurement régulier d'une partie de la dette par les pouvoirs publics ». Elle estimait que le renouvellement « d' une opération de soutien au désendettement ne pourrait que faire progresser à nouveau l'attentisme et gonfler les restes à recouvrer » .

Votre commission partage cette appréciation : les prolongations successives des plans d'apurement ne peuvent que nourrir l'impression, justifiée, qu'un plan d'apurement succèdera à un autre et que, par conséquent, le paiement des cotisations sociales peut être différé par rapport à d'autres obligations.

Elle maintient d'autant plus sa position que la nouvelle version du plan proposée par cet article est ambiguë et pourrait potentiellement concerner toutes les dettes, y compris les plus importantes.

Sur proposition de son rapporteur général, votre commission a adopté un amendement n° 63 de suppression de cet article.

Votre commission vous demande de supprimer cet article.

Article 14 ter (nouveau) (art. 31 de la loi n°2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises) - Validité des actuelles autorisations de prélèvements données aux Urssaf pour le passage à la norme SEPA

Objet : Cet article, inséré par l'Assemblée, a pour objet d'autoriser les Urssaf à continuer d'utiliser les autorisations de prélèvement dont elles disposent, nonobstant le changement de modèle des prélèvements.

I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent amendement a pour objet de prolonger, entre l'entrée en vigueur de la loi du 20 décembre 2014 et celle du présent projet de loi, l'autorisation des Urssaf à continuer d'utiliser les autorisations de prélèvement dont elles disposent, nonobstant la migration vers le modèle dit « SEPA » - Single Euro Payments Area - , nouveau format des prélèvements.

A défaut, les Urssaf devraient demander de nouvelles autorisations de prélèvement à l'ensemble des cotisants.

II - La position de la commission

Votre commission a adopté un amendement rédactionnel amendement n° 64 à cet article.

Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 15 (art. L. 114-15-1 [nouveau] du code de la sécurité sociale) - Sanction administrative du défaut de production du formulaire attestant de la législation ce sécurité sociale applicable

Objet : Cet article crée pour les travailleurs exerçant une activité en France tout en étant affilié au régime de sécurité sociale d'un autre État, l'obligation d'être en mesure de présenter un formulaire attestant de la législation applicable, sous peine de sanction.

I - Le dispositif proposé

Découlant du principe de libre circulation des travailleurs au sein du marché commun, le principe du détachement de travailleurs est régi, en droit de l'Union européenne, par la directive européenne du 16 décembre 1996 16 ( * ) et par la directive d'exécution du 15 mai 2014 17 ( * ) . En matière de sécurité sociale, le règlement du 29 avril 2004 18 ( * ) prévoit (article 12) que les travailleurs détachés demeurent affiliés au régime de sécurité sociale de l'État dans lequel ils ont leur activité habituelle tant que le détachement n'excède pas une durée de 24 mois. Il en va de même pour les travailleurs indépendants qui exercent temporairement leur activité en France. Des conventions bilatérales conclues par le France avec des États non membres de l'Union européenne peuvent prévoir des règles similaires.

Ces textes ouvrent néanmoins la porte à un certain nombre de dérives , lorsqu'ils sont utilisés afin de contourner les législations sociales les plus protectrices envers les salariés.

Ainsi, depuis quelques années, la France a mis en oeuvre un certain nombre de mesures 19 ( * ) visant, dans le respect du droit de l'Union européenne, à lutter contre la fraude au détachement de travailleurs et contre la concurrence sociale déloyale qui en découle.

Le présent article crée un nouvel article L. 114-15-1 au sein du code de la sécurité sociale instituant, pour les travailleurs exerçant une activité en France mais relevant de la législation de sécurité sociale d'un autre État, l'obligation de détenir un formulaire attestant de leur situation au regard de la législation de sécurité sociale et de le tenir à disposition des agents de contrôle compétents pour rechercher et constater les infractions constitutives de travail illégal 20 ( * ) . Le formulaire en question est celui « prévu par les règlements européens et les conventions internationales en vigueur portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale », sans que ces règlements et conventions ne soient visés.

L'article 15 du règlement européen n° 987-2009 du 16 septembre 2009 21 ( * ) prévoit que lorsqu'un travailleur, salarié ou non, exerce une activité dans un État membre de l'UE tout en relevant de la législation de sécurité sociale d'un autre État membre, l'employeur ou, s'il s'agit d'un travailleur indépendant, le travailleur lui-même, en informe « préalablement lorsque c'est possible » l'institution compétente de l'État dont la législation est applicable. Cette institution doit alors remettre à la personne concernée un document attestant de la législation applicable. Ce document est le formulaire dit « A1 ». Selon les informations communiquées à votre rapporteur, les conventions bilatérales entre la France et des États non-membres de l'Union européenne mentionnent des formulaires similaires.

Les personnes concernées par cette obligation sont les travailleurs, salariés ou non ou, à défaut, leur employeur ou son représentant en France 22 ( * ) . Le document doit être tenu à disposition des agents de contrôle à la fois sur le lieu d'exécution du contrat et chez le donneur d'ordre mentionné à l'article L. 8222-1 du code du travail 23 ( * ) .

Tout manquement à cette obligation est passible d'une pénalité dont le montant, par salarié, est fixé au niveau du plafond mensuel de la sécurité sociale, soit 3 218 euros. Ce montant est doublé en cas de nouveau manquement dans un délai de deux ans. Elle n'est pas due en cas de présentation d'un justificatif de demande d'obtention du formulaire à condition que ce formulaire soit fourni dans un délai de deux mois suivant le contrôle.

Il est précisé que la pénalité est due par le donneur d'ordre . Elle est recouvrée par les organismes en charge du recouvrement des cotisations et contributions sociales, selon les règles et sous les garanties applicables à ces cotisations ou contributions.

Les dispositions du présent article doivent entrer en vigueur le 1 er avril 2017 .

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté deux amendements du Gouvernement visant à élargir les corps de contrôle concernés aux agents des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) et de la mutualité sociale agricole (MSA), visés respectivement à l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale et à l'article L. 724-1 du code rural et de la pêche maritime.

III - La position de la commission

Si votre rapporteur comprend que l'objectif recherché par le présent article est d'assurer la pleine application de dispositions du droit de l'Union européenne, et s'il partage la volonté affichée par le Gouvernement de lutter contre la fraude au détachement, il s'est interrogé sur un certain nombre de dispositions du présent article, à l'instar de notre collègue député Gérard Bapt, rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, qui a estimé lors de l'examen en commission que cet article comportait de nombreuses « malfaçons rédactionnelles ».

Premièrement, s'il lui a été indiqué que des formulaires similaires au formulaire « A1 » sont prévus par des conventions bilatérales 24 ( * ) . Il aurait été préférable, notamment au regard du principe de sécurité juridique, que la mention des « règlements européens et [des] conventions internationales en vigueur portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale » soit davantage précisée .

Deuxièmement, l'obligation de tenir à disposition le formulaire A1 repose, aux termes de l'article proposé, sur « les travailleurs (...) ou, à défaut, leur employeur ou son représentant en France », rédaction qui semble peu claire . On voit en effet mal sur qui repose l'obligation dans le cas de travailleurs salariés.

Ce formulaire doit, en outre, être tenu à disposition des agents de contrôle à la fois sur le lieu de la réalisation du contrat et « chez » le donneur d'ordre, y compris s'il s'agit d'un particulier 25 ( * ) et c'est uniquement ce dernier qui encoure une sanction en cas de manquement. Par ailleurs, si le représentant en France de l'employeur est visé au premier alinéa de l'article L. 114-15-1 [nouveau] relatif à l'obligation de mise à disposition du formulaire, il n'est plus mentionné à l'alinéa suivant relatif au manquement à cette obligation 26 ( * ) .

Une interprétation stricte de ces dispositions pourrait conduire à ce qu'un donneur d'ordre qui tiendrait le formulaire en question à la disposition des agents de contrôle soit sanctionné si le travailleur ou son employeur ne détient pas ce même document sur le lieu d'exécution du contrat. Or, les indications données à votre rapporteur par la direction de la sécurité sociale (DSS) semblent suggérer que la pénalité n'a vocation à être appliquée « que si les services de contrôle n'obtiennent les formulaires ni des travailleur, ni de leur employeur, ni du donneur d'ordre ». Ce point gagnerait donc également à être éclairci.

Au demeurant, si la responsabilité solidaire du donneur d'ordre se justifie en cas de travail dissimulé ou de manquement grave au droit du travail, elle peut sembler excessive s'agissant de la production d'un simple formulaire attestant de la législation applicable, qui peut au surplus légalement être demandé et obtenu postérieurement à la prestation de service.

Enfin, la sanction prévue ( 3 218 euros) 27 ( * ) peut apparaître disproportionnée dans le cas de travailleurs indépendants exerçant leur activité en France, en toute légalité et, le cas échéant, pour une période courte, et qui n'auraient pas en leur possession, au moment du contrôle (ou dans un délai de deux mois), le document qu'ils sont censés obtenir de la part de l'institution compétente dans leur État d'origine. On peut même se demander si une telle obligation ne pourrait pas être interprétée comme une restriction injustifiée à la libre circulation des travailleurs .

Troisièmement, l'article 15 du règlement n° 987-2009 prévoit que l'information, par le travailleur ou son employeur, de l'institution de sécurité sociale délivrant le formulaire A1 a lieu « préalablement lorsque c'est possible ». Dans un arrêt du 30 mars 2000 28 ( * ) , la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) a jugé que la délivrance d'un tel formulaire 29 ( * ) pouvait avoir lieu a posteriori et produire des effets rétroactifs. Or, en exigeant que les travailleurs ou employeurs concernés tiennent le formulaire A1 ou un récépissé de demande à disposition immédiate des agents de contrôle, le présent article semble imposer que cette formalité soit effectuée préalablement au détachement. On peut donc s'interroger sur la compatibilité de ce dispositif avec le droit de l'Union européenne .

L'étude d'impact indique que le présent article s'inspire de dispositions en vigueur dans d'autres États membres de l'UE et notamment en Finlande. En réponses aux interrogations de votre rapporteur, les services de la direction de la sécurité sociale (DSS) lui ont indiqué qu'il résulte d'informations officieusement communiquées par autorités finlandaises que la Commission européenne ne s'opposerait pas à un tel dispositif.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, votre commission s'est interrogée sur le dispositif proposé. Toutefois, considérant que la lutte contre la fraude au détachement constitue un objectif partagé , elle a pris le parti d'adopter le présent article. Des explications approfondies du Gouvernement concernant des modalités d'application et sa conformité au droit européen seraient néanmoins bienvenues au stade de l'examen en séance publique.

Votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.


* 16 Directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectués dans le cadre d'une prestation de services.

* 17 Directive 2014/67/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 relative à l'exécution de la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectués dans le cadre d'une prestation de services et modifiant le règlement (UE) n° 1024/2012 concernant la coopération administrative par l'intermédiaire du système d'information du marché intérieur.

* 18 Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des régimes de sécurité sociale.

* 19 Loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques et loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

* 20 Conformément à l'article L. 827-1-2 du code du travail, ces agents sont, notamment, les inspecteurs du travail, les officiers et agents de police judiciaire, les agents et impôts et des douanes, les agents des organismes de sécurité sociale et des caisses de mutualité sociale agricole.

* 21 Règlement (CE) n°987/2009 du Parlement Européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale

* 22 Conformément aux dispositions de l'article L. 1262-2-1 du code du travail, l'employeur qui détache ses salariés en France désigne un représentant sur le territoire national chargé d'assurer la liaison avec les agents de contrôle.

* 23 Cet article est relatif au devoir de vigilance en matière de travail dissimulé « de toute personne » qui conclut un contrat « dont l'objet porte sur une obligation d'un montant minimum en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce ».

* 24 La France a conclu 38 conventions de coordination des systèmes de sécurité sociale. Il ressort des réponses apportées par la direction de la sécurité sociale que « les accords bilatéraux prévoient tous la faculté de maintien des salariés détachés à la législation de l'État d'envoi mais plus rarement celle des travailleurs indépendants ».

* 25 L'article L. 8222-1 auquel il est fait référence s'applique aux contrats portant sur un montant d'au moins 3 000 euros hors taxes.

* 26 Notre collègue Gérard Bapt impute cette omission à une erreur, qui n'a néanmoins pas été corrigée par les amendements adoptés en Séance publique à l'initiative du Gouvernement.

* 27 Cette sanction administrative ne fait pas obstacle à ce que soient engagé en plus un redressement social s'il est établi que la législation française était en fait applicable et à ce que des poursuites pénales pour travail dissimulé soient engagées.

* 28 CJCE, 30 mars 2000, arrêt n° C-178/97 Bary Banks e.a. contre Théâtre royal de la monnaie.

* 29 Il s'agissait alors du formulaire E101 qui a été remplacé par le formulaire A1.

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