II. L'AIDE MÉDICALE D'ÉTAT, UNE DÉPENSE NÉCESSAIRE MAIS DONT LE DYNAMISME CROISSANT DOIT CONDUIRE À UNE RÉFORME

A. UN DISPOSITIF PLURIEL

1. Instituée dans une double perspective, l'aide médicale d'État recouvre trois dispositifs distincts...

L'aide médicale d'État (AME) recouvre trois dispositifs distincts :

- l' AME de droit commun, qui assure la couverture des soins des personnes étrangères en situation irrégulière résidant en France depuis plus de trois mois de façon ininterrompue et remplissant des conditions de ressources identiques à celles fixées pour l'attribution de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) 14 ( * ) . Financièrement à la charge de l'État, l'AME de droit commun est gérée par l'assurance maladie . L'AME de droit commun ne concerne pas les demandeurs d'asile qui ont accès à la CMU de base et complémentaire sur présentation de leur récépissé de demande d'asile 15 ( * ) ;

- l' AME pour soins urgents concerne les étrangers en situation irrégulière ne justifiant pas de la condition de résidence nécessaire pour bénéficier de l'AME de droit commun et nécessitant des soins urgents « dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l'état de santé de la personne ou d'un enfant à naître » 16 ( * ) . Ces soins sont pris en charge par l'assurance maladie , qui reçoit une subvention forfaitaire de l'État fixée à 40 millions d'euros depuis plusieurs années ;

- l' AME dite « humanitaire », accordée au cas par cas pour les personnes ne résidant pas habituellement sur le territoire français (personnes étrangères en situation régulière ou françaises) par décision individuelle du ministre compétent. Ce dispositif de prise en charge, qui n'a pas le caractère d'un droit pour les personnes soignées, représente chaque année moins d'une centaine d'admissions pour soins hospitaliers.

Pour appréhender le coût total de l'AME de droit commun, il convient de prendre en compte le solde restant dû à l'assurance maladie en fin d'exercice, dans la mesure où les crédits exécutés inscrits en loi de règlement ne couvrent généralement pas l'intégralité des dépenses du dispositif géré par la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés. La dette cumulée de l'État vis-à-vis de la CNAMTS au titre des dépenses d'AME représentait ainsi 12,5 millions d'euros fin 2015 , en diminution par rapport à l'année précédente (57,3 millions d'euros de dette fin 2014).

Le graphique ci-dessous présente les dépenses totales exécutées entre 2009 et 2014 pour chaque type d'AME. En 2015, les dépenses totales de l'État et de l'assurance maladie, tous types d'AME confondus, se sont élevées à 814,1 millions d'euros , en baisse de 2 % par rapport à 2014 en raison de la diminution des dépenses relatives aux soins urgents et vitaux. De fait, si les dépenses au titre de l'AME de droit commun sont stables entre les deux exercices, leur poids dans la dépense totale d'AME a augmenté, passant de 87 % en 2014 à 89 % en 2015 .

Répartition des dépenses d'AME entre 2009 et 2015 (1)

(en millions d'euros)

(1) Données relatives à l'exécution des dépenses.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données des rapports annuels de performances de la mission « Santé » pour 2009 à 2015)

L'AME participe d'un double objectif :

- humanitaire , puisqu'il s'agit de fournir un accès aux soins à des personnes en situation juridique, financière et humaine précaire ;

- sanitaire , puisqu'il vise à éviter la propagation à l'ensemble de la population de maladies contagieuses.

Observation n° 5 : Les dépenses totales de l'État et de l'assurance maladie, tous types d'aide médicale d'État confondus, se sont élevées à 814,1 millions d'euros en 2015, en baisse de 2 % par rapport à 2014 en raison de la diminution des dépenses relatives aux soins urgents et vitaux. La dépense au titre de l'aide médicale d'État de droit commun atteint 722 millions d'euros, soit 89 % du coût total.

2. ...et des réalités très différentes
a) Une croissance toujours plus forte du nombre de bénéficiaires, très inégalement répartis sur le territoire

À l'instar de la dépense, les effectifs se concentrent principalement sur le dispositif d'AME de droit commun. Au 31 décembre 2015, 316 314 personnes étaient titulaires d'une attestation donnant accès à l'AME de droit commun 17 ( * ) sur l'ensemble du territoire, en hausse de 7,5 % par rapport à 2014, ce qui traduit une accélération par rapport à la hausse de 4,2 % du nombre de bénéficiaires enregistrée entre 2014 et 2013. Le bénéficiaire type est jeune , 41 % ayant moins de 30 ans, et de sexe masculin , 57 % étant des hommes.

Le nombre de bénéficiaires de l'AME pour soins urgents n'est pas connu, dans la mesure où les soins prodigués ne donnent pas lieu, contrairement aux bénéficiaires de l'AME de droit commun, à une immatriculation à partir d'un numéro de sécurité sociale. Toutefois, selon les estimations transmises à votre rapporteur spécial, leur nombre serait en diminution depuis 2010. De plus, depuis la mise en oeuvre des nouvelles modalités de tarification en 2015 (cf. infra ), l'Agence technique de l'information hospitalière (Atih) peut mesurer l'activité relative à ce dispositif : 239 établissements de santé ont ainsi pris en charge un nombre total de 11 360 séjours et séances .

Nombre de bénéficiaires de l'AME de droit commun

2014

Évolution 2014/2013

2015

Évolution 2015/2014

Nombre de bénéficiaires au 31/12

Outre-mer

20 196

2,1 %

21 081

4,4 %

Métropole

274 102

4,4 %

295 233

7,7 %

Total

294 298

4,2 %

316 314

7,5 %

Source : direction de la sécurité sociale

Plus généralement, deux traits caractérisent le dispositif d'AME de droit commun :

- une hausse tendancielle du nombre de bénéficiaires, ayant été plus que doublé depuis sa création en 2000 (cf. infra ) ;

- une forte concentration sur le territoire : seules dix des 106 caisses primaires d'assurance maladie concentrent 65 % de la dépense ; plus de la moitié (53 %) est effectuée en Île-de-France et 8 % en outre-mer (cf. anneau infra ).

Répartition géographique de la dépense d'AME enregistrée en 2015

Source : questionnaire budgétaire

Selon les données communiquées par la direction de la sécurité sociale sur la base du premier semestre 2016, le montant moyen de dépense par bénéficiaire de l'AME de droit commun est estimé à 3 320 euros , dont :

- 2 140 euros en soins hospitaliers (65 %) ;

- 590 euros en soins de ville (35 %).

Parmi les différents postes de dépense, il convient de relever le dynamisme prononcé des dépenses de médicaments et dispositifs médicaux , qui représentent 106 millions d'euros en 2015, en hausse de 11 % par rapport à 2014 (95,6 millions d'euros). Cette tendance se renforce au premier semestre 2016 , avec une progression de 20 % par rapport aux dépenses constatées sur la même période en 2015. L'identification des principaux déterminants de la dépense et de ses facteurs de croissance doit alimenter la réflexion autour d'une réforme du dispositif d'AME de droit commun (cf. infra ).

Répartition de la dépense d'AME de droit commun en 2015

Source : commission des finances à partir des données du rapport annuel de performances 2017


* 14 Soit 720 euros par mois pour une personne seule en métropole au 1 er juillet 2015 et 802 euros dans les départements d'outre-mer (DOM).

* 15 À l'exception des demandeurs d'asile en procédure prioritaire ou en procédure « Dublin » qui ne peuvent être affiliés à un régime de sécurité sociale et peuvent donc bénéficier de l'AME de droit commun.

* 16 Article L. 254-1 du code de l'action sociale et des familles.

* 17 Le nombre de personnes consommant effectivement des soins en moyenne annuelle est toutefois inférieur au nombre de titulaires d'une attestation d'AME.

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