B. NON MAÎTRISÉE, LA DÉPENSE D'AME EST DE SURCROÎT MINORÉE PAR UNE SOUS-BUDGÉTISATION RÉCURRENTE

1. En hausse de 40 % depuis 2012, la dépense d'AME assurée par le budget de l'État n'est pas maîtrisée...

Les crédits demandés pour l'action 02 « Aide médicale d'État » du programme 183 « Protection maladie » par le présent projet de loi de finances s'élèvent à 815,2 millions d'euros en AE et en CP . Ce montant représente une hausse de 10,3 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2016, uniquement imputable aux dépenses d'AME de droit commun. Pour 2017, les crédits se répartissent de la façon suivante :

- une dotation budgétaire de 772,5 millions d'euros pour l'AME de droit commun, en progression de 76,5 millions d'euros par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2016 (+ 11 %) ;

- une dotation forfaitaire de 40 millions d'euros à la CNAMTS au titre de la participation à la prise en charge des soins urgents . Ce montant est stable depuis 2008 ;

- 2,65 millions d'euros pour les autres dispositifs d'AME , en diminution de 40 % par rapport à 2016.

Le graphique présenté ci-dessous illustre la progression continue du nombre de bénéficiaires et du coût de l'AME de droit commun depuis sa mise en oeuvre, avec une accélération marquée à partir de 2012 . Les dépenses d'AME de droit commun ont progressé de 40 % depuis cette date .

Évolution comparée du coût et du nombre de bénéficiaires

de l'AME de droit commun

Source : commission des finances du Sénat, à partir des données des rapports annuels de performances successifs

Selon les informations communiquées, deux facteurs ont été pris en compte pour établir la prévision de dépense d'AME de droit commun :

- une évolution des effectifs de bénéficiaires consommant des soins équivalente à « la dynamique observée sur les derniers exercices » , estimée à + 4,9 % par an ;

- une « diminution du coût moyen des dépenses de santé prises en charge prenant en compte les économies réalisées dans le cadre de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie [ONDAM] pour 2017 » .

Toutefois, votre rapporteur spécial critique la comptabilisation de ces deux variables : s'il a déjà souligné les incertitudes entourant la maîtrise des dépenses de santé dans le cadre de l'analyse du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 18 ( * ) , il relève que la progression tendancielle des effectifs de bénéficiaires depuis 2011 atteint 12 % par an . Ces hypothèses font craindre une nouvelle sous-budgétisation des dépenses d'AME de droit commun . Les données d'exécution pour 2016 renforcent cette inquiétude, étant donné que la dépense d'AME atteindrait 770 millions d'euros, soit 74 millions d'euros de plus que les crédits ouverts en loi de finances initiale .

2. ...d'autant plus qu'elle s'accompagne d'une sous-budgétisation récurrente et de la constitution d'une dette auprès de la CNAMTS

La dépense d'AME inscrite en loi de finances initiale ne reflète pas la dépense effective pour deux raisons :

- d'une part, la comparaison avec les crédits consommés au cours d'un exercice révèle une sous-budgétisation chronique des dépenses d'AME de droit commun. Certes, la difficile prévision d'une dépense de guichet peut expliquer un écart. Toutefois, une sous-estimation quasi-structurelle, et en aggravation marquée entre 2012 et 2015, peut être constatée à l'appui du graphique présenté ci-dessous. Les crédits de paiement ont ainsi été augmentés de 87,6 millions d'euros par la loi de finances rectificative du 29 décembre 2015 19 ( * ) .

- d'autre part, si le dispositif est financièrement à la charge de l'État, sa gestion est assurée par l'assurance-maladie. La mission « Santé » retrace donc une dotation à la CNAMTS, qui ne couvre pas la totalité des dépenses effectivement constatées lors de l'exercice , entraînant la constitution d'une dette de l'État vis-à-vis de la CNAMTS.

Comparaison entre la prévision initiale et l'exécution

des crédits relatifs à l'AME de la mission « Santé »

(en millions d'euros)

(1) Le montant présenté en exécution pour 2015 correspond à la prévision actualisée par le projet de loi de finances rectificative pour 2015

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données des rapports annuels de performances pour 2010 à 2014, du projet annuel de performances pour 2016 et du projet de loi de finances rectificative pour 2015)

Alors que la loi de finances rectificative du 29 décembre 2015 avait permis d'apurer cette dette, d'un montant de 57,3 millions d'euros fin 2014, et que des efforts en faveur d'une meilleure estimation de la dépense en loi de finances initiale avaient été notés par la Cour des comptes 20 ( * ) , votre rapporteur spécial redoute que cette correction ne soit pas poursuivie en 2016. Pour le seul exercice 2015, une dette de 12,5 millions d'euros vis-à-vis de la CNAMTS s'est à nouveau constituée . De plus, la budgétisation initiale pour 2016 intégrait des économies optimistes au titre de la réforme du droit d'asile. De fait, le projet de loi de finances rectificative pour 2016 propose d'ouvrir 85,7 millions d'euros de crédits supplémentaires au titre de l'AME en raison d'une « progression du nombre de bénéficiaires de l'AME plus rapide que celle prévue en LFI » .

En outre, votre rapporteur spécial s'inquiète des effets sur la dépense d'AME de l'intensification des flux migratoires , concernant certes des personnes relevant du statut de réfugié, mais également des étrangers en situation irrégulière entrant dans le champ de l'AME de droit commun. Or, les informations transmises ne révèlent pas une réelle prise en compte de cet accroissement potentiel des dépenses.


* 18 Cf. Avis n° 108 (2016-2017) de M. Francis Delattre, fait au nom de la commission des finances, déposé le 8 novembre 2016.

* 19 Loi de finances rectificative n° 2015-1786 du 29 décembre 2015.

* 20 Cf. la note d'analyse de l'exécution budgétaire 2015 de la mission « Santé », juin 2016.

Page mise à jour le

Partager cette page