B. UNE RÉPARTITION DE L'EFFORT ENTRE LES SOCIÉTÉS DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC QUI NE TIENT PAS SUFFISAMMENT COMPTE DES SPÉCIFICITÉS DES MISSIONS CONCERNÉES

La diminution globale du montant des crédits du compte de concours financiers en 2018, qui s'élève à 36, 8 millions d'euros au total, est répartie sur l'ensemble des programmes du compte, qui correspondent chacun à une société de l'audiovisuel public . L'effort demandé aux organismes concernés se traduit soit par une baisse de ressources nette , soit par une moindre augmentation de la dotation au regard de la trajectoire prévue par les contrats d'objectifs et de moyens en cours .

Répartition des crédits du compte de concours financiers
« Avances à l'audiovisuel public » en 2018

(en millions d'euros HT)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données budgétaires

L ' effort demandé à ces sociétés n'est pas réparti équitablement dans la mesure où certaines d'entre elles ont déjà connu des réformes de structure que les plus importantes en taille n'ont pas nécessairement achevées, et que le volume limité de leur budget ne permet pas d'absorber cet effort sans remettre en cause les missions qui leur sont assignées.


Évolution de la répartition des crédits du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » de 2015 à 2018

(en millions d'euros HT)

LFI 2015

LFI2016

LFI 2017

PLF 2018

Évolution
2017/2018

Évolution
2015/2018

841 - France Télévisions

2 481,0

2 509,8

2 547,7

2 516,9

-1,2%

+1,4%

dont TOCE

-

139,1

164,4

85,5

-48,0%

-

842 - Arte

261,8

264,3

274,3

279,5

+1,9%

+6,8%

843 - Radio France

601,8

606,8

612,3

596,3

-2,6%

-0,9%

844 - France Médias Monde

242,0

244,0

251,5

257,8

+2,5%

+6,5%

845 - Institut national de l'audiovisuel

89,0

89,0

89,0

88,6

-0,4%

-0,4%

847 - TV5 Monde

76,2

76,9

78,4

77,4

-1,3%

+1,6%

Total « Avances à l'audiovisuel public »

3 751,8

3 790,7

3 853,1

3 816,3

-0,96%

+1,72%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données budgétaires

1. Un effort financier que les deux principales sociétés de l'audiovisuel public peuvent absorber
a) Une diminution des crédits de l'audiovisuel public qui pèse principalement sur France Télévisions

Les crédits alloués à France Télévisions dans le compte de concours financiers s'élèvent à 2 567,9 millions d'euros TTC, soit 2 516,9 millions d'euros HT. Ce montant est inférieur de 30,8 millions d'euros à celui de la loi de finances initiale pour 2017, mais il reste supérieur de 7 millions d'euros à celui de 2016 .

Le nouveau contrat d'objectifs et de moyens (COM) a été signé le 19 décembre 2016 et couvre la période 2016-2020. Il fixe trois grands axes pour France télévisions : le soutien au financement de la création, le lancement de franceinfo et la poursuite du développement numérique avec le lancement d'une offre de vidéo à la demande.

Ce contrat d'objectifs et de moyens prévoyait pour 2018 une dotation de 2 564,7 millions d'euros. L'effort de réduction des dépenses demandé par le présent projet de loi de finances peut donc s'apprécier au regard de la trajectoire financière du groupe prévue par le COM , et représente ainsi environ 48 millions d'euros .

Évolution de la dotation de France Télévisions de 2016 à 2018

en millions d'euros HT

2016

LFI 2017

PLF 2018

Prévision 2018 du COM

Dotation publique

2 510,2

2 547,7

2 516,9

2 564,7

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données budgétaires

Lors de son audition par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, Françoise Nyssen, ministre de la culture, a indiqué que : « (...) cet effort paraît supportable : les moyens prévus pour 2018 restent supérieurs de 25,5 millions d'euros, à ceux de 2016. Ils doivent ainsi assurer le financement des priorités stratégiques que sont le soutien à la création audiovisuelle et cinématographique, l'investissement dans le numérique et le rayonnement international de la France. Pour continuer à soutenir ces priorités stratégiques, dans un contexte budgétaire contraint, l'audiovisuel public doit accélérer sa transformation et développer les coopérations porteuses d'efficacité et d'un meilleur service à nos concitoyens. » 14 ( * )

À titre de rappel, les obligations de France Télévisions en matière de soutien à la création sont définies par le cahier des charges 15 ( * ) :

- pour le soutien à la création audiovisuelle , il prévoit une contribution au moins égale à 20 % du chiffre d'affaires annuel net de l'exercice précédent. En 2016, ce montant était de 394 millions d'euros (20,4 %) ;

- s'agissant du soutien à la création cinématographique , la contribution minimale imposée par le cahier des charges est de 3,5 % du chiffre d'affaires . En 2016, ce montant était de 59,8 millions d'euros dont 35,1 millions d'euros pour France 2.

La direction du groupe a fait valoir au rapporteur spécial que compte tenu de ces obligations, les possibilités de dégager les économies dès 2018 étaient réduites , d'autant que France télévisions a engagé depuis 2009 des réformes de structure.

Ainsi, l'augmentation de la masse salariale a été limitée par une diminution des effectifs entre 2012 et 2016 de 650 ETP, principalement grâce à des plans de départs volontaires lancés à partir de fin 2013, mais ces suppressions de postes concernent principalement les effectifs non permanents (540 ETP). La masse salariale de France Télévisions représentait en 2016 930,9 millions d'euros. En 2017, le niveau des effectifs s'établit à 9 853 ETP, en hausse de 13 emplois. Celle-ci est due à la constitution des équipes de franceinfo et aux recrutements temporaires pour la couverture des élections 2017, qui n'ont pas été entièrement absorbés par le non remplacement d'un départ à la retraite sur deux.

Malgré cette réduction des effectifs, la Cour des comptes a souligné que : « Au regard de l'évolution des effectifs observée dans la fonction publique d'État, au sein des ministères et des établissements publics administratifs (- 4,4 % entre 2009 et 2014), les objectifs assignés à France Télévisions par l'État et les gisements d'économies tirés de la fusion apparaissent très en deçà des effets qui pouvaient être escomptés d'une opération de fusion et de deux plans de départs volontaires. » 16 ( * )

Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, a indiqué au rapporteur spécial que l'effort budgétaire demandé par l'État pour 2018 se traduirait par des économies réalisées sur plusieurs postes de dépenses : sur les charges de personnel , sur la communication avec la suppression probable de la mesure d'audience d'une des chaînes du groupe, sur certains programmes de flux mais également sur la création , tout en restant dans le cadre des dispositions du cahier des charges.

b) La diminution de la dotation de Radio France atténuée par l'effet du retard des travaux de réhabilitation de la maison de la Radio

L'effort demandé à Radio France dans le cadre du présent projet de loi de finances représente 16 millions d'euros , et la dotation proposée pour 2018 s'élève à 608,8 millions d'euros TTC, soit 596,3 millions d'euros HT.

Le projet annuel de performances indique que cette participation de Radio France à l'effort de redressement des comptes publics s'imputera intégralement , après validation du Conseil d'administration, sur la dotation d'investissement . Celle-ci sera ramenée à 10 millions d'euros, contre 34,6 millions d'euros prévus dans le contrat d'objectifs et de moyens. Cette imputation est rendue possible par le nouveau décalage du chantier de réhabilitation de la Maison de la Radio , qui entraînera des reports de décaissements.

En conséquence, la dotation de fonctionnement de Radio France évolue conformément à la prévision du contrat d'objectifs et de moyens signé en avril 2016, en augmentation de 1,5 % par rapport à 2017.

Évolution de la dotation de fonctionnement de Radio France de 2016 à 2018

en millions d'euros HT

2016

LFI 2017

PLF 2018

Prévision 2018 du COM

Dotation publique

557,3

577,7

586,3

586,3

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données budgétaires

La progression de la dotation de fonctionnement doit permettre à Radio France de retourner à l'équilibre en 2018 , après quatre années d'exécution déficitaire.

Des efforts de réduction de personnels ont été engagés. La masse salariale représente 60 % des charges du groupe, l'intégralité des programmes étant produite en interne. Des économies ont par ailleurs été réalisées sur les frais de diffusion avec l'arrêt des ondes longues . Le gain est évalué à 13 millions d'euros par an.

Radio France se satisfait d'avoir augmenté le nombre d'auditeurs au cours des trois dernières années, ainsi que ses audiences numériques , dans ce contexte de retour à l'équilibre des comptes.

La finalisation du chantier de réhabilitation reste cependant un sujet de vigilance . Des incertitudes juridiques pèsent sur la suite du chantier, qui ne semble pas devoir s'achever à court terme, l'estimation actuelle portant à 2022 la fin des travaux. Ces retards de réalisation entraînent des coûts non négligeables en termes de fonctionnement : les locations extérieures nécessaires à l'installation des équipes situées en zones de travaux coûtent par exemple à 10 millions d'euros par an.

Une mission d'expertise a été confiée par le Gouvernement à Jean-Pierre Weiss, ingénieur des ponts et chaussées spécialisé dans les grandes infrastructures publiques, afin de définir , avec Radio France, le scénario le plus adapté pour achever la dernière phase du chantier . Françoise Nyssen, ministre de la culture, a par ailleurs confirmé le soutien de l'État pour la poursuite du chantier 17 ( * ) .

Les formations musicales de Radio France

Radio France dispose de quatre formations musicales : l'Orchestre national de France, l'Orchestre philharmonique de Radio France, le Choeur et la Maîtrise de Radio France.

La question du rapprochement ou de la coexistence des deux orchestres a été régulièrement posée, dans un contexte de rationalisation budgétaire pour les sociétés de l'audiovisuel public et alors que le coût de fonctionnement, dépenses de personnel incluses, de l'ensemble des formations musicales du groupe représente environ 43 millions d'euros chaque année .

Le rattachement de l'Orchestre national de France au Théâtre des Champs-Élysées avait un temps été envisagé, avant que la Caisse des dépôts, principal actionnaire du Théâtre, ne s'y oppose.

Les deux orchestres ont donc été conservés à Radio France. Cependant, l'accord collectif finalisé en avril 2017 a introduit la transversalité entre les orchestres , qui permet aux musiciens d'être employés par l'un ou l'autre des deux formations et ainsi d'améliorer la planification de leur travail, tout en limitant le recours aux remplacements temporaires.

Par ailleurs, les deux orchestres ont été à nouveau spécialisés dans des répertoires distincts , afin de renforcer leur identité.

2. L'audiovisuel extérieur en difficulté à la suite de la baisse de ses ressources publiques

La dotation prévue par le présent projet de loi de finances pour France Médias Monde en 2018 s'élève à 257,8 millions d'euros HT . Ce montant est en progression de 6,2 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2017, afin de tenir compte du lancement de la version espagnole de France 24 à la fin du mois de septembre dernier. Le contrat d'objectifs et de moyens signé le 14 avril 2017 et couvrant la période 2016-2020 prévoyait un montant supérieur de 2 millions d'euros à celui proposé par le Gouvernement pour 2018.

Dans le contexte international où les grandes chaînes concurrentes bénéficient de financements à la hausse, l'exercice par France Médias Monde des missions prévues par le contrat d'objectifs et de moyens est remis en cause par les économies demandées au groupe, qui ne dispose pas des marges équivalentes aux grandes sociétés de l'audiovisuel public.

La création du groupe France Médias Monde, qui réunit France 24, Radio France internationale (RFI) et Monte-Carlo Doualiya (MCD) a permis de réunir dans des locaux uniques les équipes de ces trois médias et de fusionner les fonctions support . Elle s'est accompagnée de réformes de structures qui ont directement concerné les métiers, comme la suppression des monteurs et des réalisateurs radio.

La direction de FMM a donc indiqué qu'elle était dans l'obligation de réaliser des économies sur certaines de ses missions , et donc de revoir la couverture internationale du groupe à la baisse, pour assumer l'effort budgétaire demandé sans remettre en cause l'équilibre des comptes. Elle a ainsi émis l'hypothèse de supprimer une rédaction en langue régionale, telle que celle en swahili basée en Tanzanie, et de dénoncer l'accord avec Time Warner Cable qui permet la diffusion de France 24 à New York et Los Angeles.

Votre rapporteur spécial tient à souligner l'importance de préserver l'exercice des missions de France médias monde dans un contexte international où la solidité et la crédibilité de l'outil audiovisuel extérieur sont un atout pour la diplomatie d'influence française . Il est donc nécessaire, avant d'envisager des hypothèses de retrait de France Médias Monde de certaines de ses missions, de laisser au groupe le temps utile pour l'évaluation de mesures d'économies et pour une réflexion stratégique, alors que la diminution de la dotation a été annoncée très tardivement par le nouveau Gouvernement. Par conséquent, il proposera un amendement destiné à compenser la perte de recettes de 1,9 million d'euros prévue par le présent projet de loi de finances.

TV5 Monde est quant à elle dotée de 77,4 millions d'euros HT, en diminution de 1 million d'euros par rapport à 2017 . La société continue de subir les conséquences financières de la cyberattaque du 8 avril 2015 , estimées à environ 3 millions d'euros par an.

3. Des crédits globalement préservés pour Arte France et l'INA

La participation de Arte France et de l'Institut national de l'audiovisuel (INA) à l'effort budgétaire demandé par le Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2018 ne devrait pas remettre en cause l'exercice par ces sociétés de leurs missions, ni l'équilibre de leurs comptes .

L'effort demandé à Arte France est moindre puisque la dotation qui lui est allouée par le présent projet de loi de finances est en augmentation par rapport à 2017 , de 5,2 millions d'euros, et s'élève à 279,5 millions d'euros HT. Ce montant est en retrait par rapport à la prévision du contrat d'objectifs et de moyens signé le 12 janvier 2017 pour la période 2017-2021, mais la mobilisation du report à nouveau d'un montant de 2,4 millions d'euros devrait permettre à Arte de poursuivre les investissements dans les programmes , conformément au COM.

À nouveau en 2018, les comptes d'Arte France sont prévus à l'équilibre .

La dotation publique de l'Institut national de l'audiovisuel s'élève pour 2018 à 88,6 millions d'euros HT, ce montant étant en diminution de 0,4 million d'euros par rapport à la loi de finances pour 2017. Cette baisse des crédits de l'institut devrait intégralement porter sur la dotation de fonctionnement, sans remise en cause des engagements pris dans le contrat d'objectifs et de moyens du 21 décembre 2015 et relatifs à la trajectoire financière de l'INA. De même, la maîtrise des charges de personnels et des charges d'exploitation devrait être maintenue dans le cadre fixé par ce contrat.

Le projet immobilier sur le site de Bry-sur-Marne se poursuivra en 2018. Il prévoit le relogement d'une partie des services, qui occupent actuellement un immeuble en location, dans une extension des locaux dont l'INA est déjà propriétaire, ainsi que la rénovation de ces immeubles. Le coût de ce projet s'élève à 25,78 millions d'euros HT et fait l'objet d'un financement par l'INA sur quatre ans. Les travaux doivent s'achever en 2020.


* 14 Audition du mercredi 25 octobre 2017 sur le projet de loi de finances pour 2018.

* 15 Art. 9 du cahier des charges de la société nationale de programme France Télévisions.

* 16 Cour des comptes, « France Télévisions - Mieux gérer l'entreprise, accélérer les réformes », Rapport public thématique, octobre 2016.

* 17 Audition du 25 octobre 2017 précitée.

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