LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première délibération , l'Assemblée nationale a adopté avec modification l' article 52 rattaché à la mission.

Elle a également inséré cinq articles additionnels (articles 52 bis à 52 sexies ).

En seconde délibération , l'Assemblée nationale a adopté un amendement de crédits tendant à

- majorer de 240 000 euros (AE=CP) les crédits de titre 2 de la mission, au titre du coût prévisionnel de l' indemnité de compensation de CSG , avec 192 000 euros sur le programme « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et 48 000 euros sur le programme « Politique de la ville » ;

- minorer de 7 245 584 euros (AE=CP) les crédits de la mission afin de gager toutes les nouvelles dépenses par des économies complémentaires.

Cette minoration se répartit ainsi :

- 3 484 803 euros sur le programme « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » ;

- 1 838 050 euros sur le programme « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » ;

- 91 535 euros sur le programme « Interventions territoriales de l'État » ;

- 1 831 196 euros sur le programme « Politique de la ville ».

Au total , la mission voit donc ses crédits minorés de 7 005 584 euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 22 novembre 2017 sous la présidence de M. Charles Guené, vice-président, puis de M. Vincent Éblé, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, sur les programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l'accès au logement », « Urbanismes, territoires et amélioration de l'habitat » et « Politique de la ville » de la mission « Cohésion des territoires » (et articles 52 à 52 sexies ).

M. Bernard Delcros , rapporteur spécial pour la mission « Cohésion des territoires » des programmes « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et « Interventions territoriales de l'État » . - Le projet de loi de finances (PLF) pour 2018 prévoit la fusion de deux missions budgétaires auparavant distinctes, « Égalité des territoires et logement » - qui inclut le logement et l'hébergement d'urgence que présentera Philippe Dallier - et « Politique des territoires », pour plus de cohérence, dans la mission « Cohésion des territoires ». Cela fait coïncider le périmètre de la mission avec celui du ministère de la cohésion des territoires, et rassemble certains dispositifs contribuant à la politique d'aménagement du territoire. Moins cohérent est le transfert du financement des contrats de ruralité et du pacte État-métropoles vers la mission « Relations avec les collectivités territoriales », alors que d'autres outils contractuels comme les contrats de plan État région (CPER) et les contrats de ville restent dans la mission « Cohésion des territoires ».

Toutefois, les programmes 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et 162 « Interventions territoriales de l'État » représentent moins de 2 % des crédits de la nouvelle mission « Cohésion des territoires ».

En 2018, le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » devrait s'élever à 191 millions d'euros en autorisations d'engagement, en baisse de 58 %, à cause du transfert de financement des contrats de ruralité et du pacte État-métropoles vers le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements ». Mais les crédits de paiement augmenteront pour financer les contrats signés en 2017, et les nouveaux engagements seront financés par la dotation de soutien à l'investissement public local (DSIL).

En 2018, sont prévues une baisse des nouveaux engagements pour la prime d'aménagement du territoire et la poursuite des efforts sur les dépenses de personnel et de fonctionnement du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET).

Je regrette le transfert du financement des contrats de ruralité vers un autre programme et l'absence de financement dédié à ces contrats. Autant en 2017, la loi de finances prévoyait 216 millions d'euros d'autorisation d'engagement pour les contrats de ruralité, autant en 2018, il n'y a pas de crédits dédiés, alors que cet outil moderne accompagne les territoires et représente un véritable progrès. Fin septembre 2017, 400 contrats avaient été signés sur 480 demandes. Cela montre tout l'intérêt des collectivités pour ce nouvel outil.

Pourtant, le projet de loi de finances pour 2018 marque un recul sur deux points : le transfert des crédits du programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » vers le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » et l'absence de crédits dédiés aux contrats de ruralité. Une enveloppe indicative de 45 millions d'euros d'autorisations d'engagement est prévue en 2018 sur la DSIL pour financer la deuxième année des contrats de ruralité signés en 2017. Mais elle sera probablement insuffisante pour signer de nouveaux contrats.

Les moyens prévus en faveur de la prime d'aménagement du territoire étaient initialement de 10 millions d'euros en autorisations d'engagement dans le projet de loi de finances présenté par le Gouvernement. L'Assemblée nationale les a abondés de 5 millions d'euros. Malgré tout, cette somme est largement inférieure à ce qui était attribué auparavant, d'autant que 4 millions d'euros seront déjà nécessaires pour financer la reprise du site de Whirlpool à Amiens. Il restera très peu d'argent pour accompagner les entreprises dans les territoires.

S'agissant de la future Agence nationale de la cohésion des territoires, elle pourra soit prendre la forme d'un véritable opérateur sur le modèle de l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU), soit être portée par le CGET. Je suis favorable à cette dernière solution afin de ne pas multiplier les structures.

Le programme 162 « Interventions territoriales de l'État » (PITE) s'élèvera à 34 millions d'euros en autorisations d'engagement, en hausse, en raison du rattrapage du retard de mise en oeuvre du programme exceptionnel d'investissement en Corse. Trois points méritent d'être soulignés. Une nouvelle action, le « plan littoral 21 » en région Occitanie, est inscrite en 2018. Elle sera abondée d'un million d'euros en autorisations d'engagement. C'est peu, mais le dispositif montera en puissance les années suivantes.

L'action « Eau et agriculture en Bretagne », qui finance le plan de lutte contre les algues vertes, verra ses crédits diminuer fortement en 2018 par rapport à ceux prévus en 2017. Un transfert de crédits de 5 millions d'euros sera effectué en cours d'exécution par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Il est toutefois curieux que seulement 2,5 millions d'euros soient inscrits alors que les besoins sont supérieurs et qu'il sera abondé par ailleurs. Sans être totalement insincère, ce budget manque de lisibilité.

Les moyens dévolus au Marais poitevin seront de nouveau réduits, pour atteindre un million d'euros en autorisations d'engagement. Or un rythme de croisière de 2,5 millions à 3 millions d'euros de crédits par an serait nécessaire. Il y a à la fois un problème de moyens et de méthode. Si une action du PITE ne doit pas durer indéfiniment, il faut trouver au préalable, avec les acteurs locaux, les moyens de poursuivre leurs actions dans le cadre du droit commun.

J'ai donc un avis très réservé sur l'évolution proposée de ces deux programmes entre 2017 et 2018 en raison de l'arrêt du financement des contrats de ruralité par le programme 112, l'absence de financement dédié à ces contrats et la réduction du PITE qui pénalise certains territoires. L'année dernière, j'avais souligné devant le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, en toute objectivité, que les contrats de ruralité représentaient un net progrès. Même si les sommes sont faibles, les actions concrètes sont importantes sur le terrain.

M. Marc Laménie . - Quel est le devenir de la politique d'aménagement du territoire, avec la disparition des contrats de ruralité et des pôles d'excellence rurale ? Dans les années 1970 et 1980, on parlait beaucoup de l'aménagement du territoire, tant dans les zones urbaines que rurales. Aujourd'hui, ce faible écho est inquiétant. Quelles sont les pistes à examiner pour l'avenir ?

M. Patrice Joly . - Les contrats de ruralité ont été mis en place en 2017, après les comités interministériels aux ruralités de 2015-2016. C'est un outil moderne répondant aux besoins du territoire avec des engagements de l'État pluriannuels et multisectoriels, ce qui est important pour développer une approche globale de long terme du développement territorial - ce qui péchait auparavant. Il est très regrettable de diminuer les moyens alloués à cet outil en début de parcours.

L'Agence nationale de la cohésion des territoires doit fournir aux territoires de l'ingénierie de développement, au-delà d'une aide technique. Pour cela, il faut de la matière grise. Cette agence donnerait ainsi à ces territoires ruraux les moyens de penser leur avenir. Pourra-t-elle aussi porter des opérations sur le développement des villes-centres et des centres-villes ? Nous n'avons pas d'information sur cette possibilité. Il faut construire l'avenir des petites communes en grande souffrance. Il est temps d'avoir une véritable politique d'aménagement du territoire et que les territoires ruraux soient traités avec la même attention que les métropoles.

Mme Nathalie Goulet . - J'ai écouté la présentation de ce rapport avec beaucoup d'attention. Il y a énormément de mesures éparpillées en faveur des territoires ruraux, de nombreuses missions et ministères concernés : tantôt pour le haut-débit ; les maisons de santé, l'Office national des forêts ou les routes. Lorsque nous aurons fini de passer du temps à rédiger des contrats - qui manquent d'évaluation et de résultats, et dont les budgets sont coupés en cours de fonctionnement - nous pourrons réellement développer l'intelligence territoriale ! Dispose-t-on d'un récapitulatif de tous les programmes concernant la ruralité ? Nous manquons de visibilité. Comme le disait Marc Laménie, quelle politique veut-on pour les zones rurales, et avec quels emplois ?

M. Bernard Delcros , rapporteur spécial . - Je suis entièrement d'accord avec Patrice Joly : le contrat de ruralité est un outil moderne pour une approche globale et dans la durée et constitue un vrai progrès. Nous devons agir pour garantir une bonne visibilité.

L'Agence nationale de la cohésion des territoires ne résoudra pas tout. Il faut aussi développer de l'ingénierie en interne, c'est complémentaire. En 2017, on pouvait réserver jusqu'à 10 % du montant des contrats à l'ingénierie territoriale en interne. Appuyons-nous sur l'expertise du CGET, quitte à renforcer ses moyens.

Ayons une approche globale de l'aménagement du territoire, des perspectives et des actions inscrites dans la durée, pour donner de la visibilité aux acteurs publics et privés, à moyen et long termes, ainsi que des outils de contractualisation.

Le document de politique transversale ou « orange budgétaire » sur l'aménagement du territoire récapitule l'ensemble des crédits consacrés à ce thème. Il est utile mais mériterait certainement d'être retravaillé.

- Présidence de M. Vincent Éblé, président -

M. Vincent Éblé , président . - Nous passons aux programmes 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », 109 « Aide à l'accès au logement », 135 « Urbanismes, territoires et amélioration de l'habitat » et 147 « Politique de la ville » de la mission « Cohésion des territoires », dont le rapporteur spécial est M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial pour la mission « Cohésion des territoires » des programmes 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », 109 « Aide à l'accès au logement », 135 « Urbanismes, territoires et amélioration de l'habitat » et 177 « Politique de la ville » . - Cette année, l'examen de ces programmes s'est effectué dans des conditions particulièrement difficiles. Nous examinons le rapport à la veille de l'examen du projet de loi de finances en séance publique et pourtant je vais vous proposer de réserver le vote des crédits de la mission et des six articles rattachés. J'estime que nous ne sommes pas encore en mesure de définir une position en raison de la lourdeur du sujet, du manque de disponibilité de l'administration et surtout du manque de bonne volonté de l'administration de Bercy.

Mercredi dernier, je me suis rendu en personne sur place pour m'entendre dire qu'on n'avait reçu mon courriel - envoyé le vendredi précédent - que la veille et que les services étaient d'abord là pour répondre aux demandes du ministre, le Parlement arrivant en second. Je peux le comprendre mais la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) dispose que nous devons recevoir des réponses. Alors que le Gouvernement souhaite que soit trouvé un compromis sur l'article 52, impliquant également d'intervenir sur la TVA en première partie du projet de loi de finances, et que nous devons notamment préparer un amendement complexe, nous avons besoin d'informations. J'ai failli quitter la réunion en cours, je regrette presque de ne pas l'avoir fait.

J'en reviens maintenant aux crédits de la mission. Cette nouvelle mission « Cohésion des territoires » représente 4 % du budget général de l'État, avec 16,5 milliards d'euros inscrits. Le poids de chaque programme dans la mission est toutefois très différent puisque le programme 109, qui comprend les aides personnelles au logement, représente 82 % des crédits de la mission, tandis que les trois programmes de l'ancienne mission « Politique des territoires » ne font ensemble que 4 %.

La mission constitue aussi l'un des principaux postes d'économie dans le budget cette année puisqu'elle connaît la plus forte baisse de crédits parmi toutes, avec des crédits de paiement amputés de 1,7 milliard d'euros.

Cette tendance se poursuit également sur le triennal 2018-2020, la mission enregistrant une baisse de 8,3 % en valeur et de 10,6 % en volume sur la période, tandis que, parallèlement, les crédits du budget général augmenteraient de 3 % en valeur et de 0,5 % en volume. Le Gouvernement fait peser sur la politique du logement ses économies budgétaires. Je m'interroge d'ailleurs sur les méthodes retenues et leur efficacité. Il faudrait construire plus pour répondre à la crise. Lorsqu'on voit que 40 milliards d'euros sont consacrés à la politique du logement et pour un tel résultat, ce n'est pas très efficace. Or, plutôt que de commencer par des réformes structurelles, le Gouvernement taille dans les crédits. Après le creux entre 2012 et 2014, dû à la crise et aux mesures radicales de Cécile Duflot, le secteur était reparti. Avec les mesures actuelles, une inflexion est à craindre. Le Gouvernement a mis la charrue avant les boeufs ! La diminution en 2018 de la dépense publique de l'État est principalement supportée, en volume, par le programme 109 qui porte les aides personnelles au logement. Les autres programmes connaissent des évolutions contrastées. Avec 14,5 milliards d'euros prévus pour 2018, les dépenses fiscales rattachées à la mission restent importantes et sont également globalement dynamiques, avec une progression de 2 % par rapport à 2017 - soit une augmentation de 300 millions d'euros.

Le pilotage de la politique du logement du Gouvernement ne manque pas de m'étonner. À la fois il prolonge des dépenses fiscales comme le dispositif « Pinel » ou le prêt à taux zéro - certes en resserrant leur champ d'application -, il rend plus difficile l'accession sociale à la propriété en supprimant les aides personnelles au logement « accession », alors qu'il incite les organismes de logement social à vendre davantage, il transforme l'impôt de solidarité sur la fortune en un impôt sur la fortune immobilière et il réduit drastiquement les capacités d'investissement des bailleurs sociaux. Il supprime également l'aide aux maires bâtisseurs. Cela me laisse perplexe ; le logement devient la variable d'ajustement budgétaire.

Les crédits du programme 177 connaissent une forte augmentation, avec 12,2 % de hausse, soit 212 millions d'euros. Cela correspond à un rebasage des crédits bienvenu, qui intervient après que le précédent gouvernement a déjà procédé à une hausse de 15 % en 2017. Je ne peux que saluer cette initiative, tant j'ai pu dénoncer au cours des dernières années l'insincérité budgétaire chronique sur ce programme.

Les dispositifs d'hébergement d'urgence bénéficient ainsi de plus de 208 millions d'euros, avec une enveloppe de 827 millions d'euros en 2018, et le logement adapté de 31 millions d'euros supplémentaires, pour un budget de 314 millions d'euros.

Pour autant, nous ne sommes pas au bout de nos peines. Il ne s'agit bien là que d'un rebasage, et encore, car l'enveloppe bien dotée ne permettra pas de dégager de moyens supplémentaires. Le budget pour 2018 est, à ce stade, déjà inférieur de 40 millions d'euros à la dépense attendue en fin d'année 2017.

Pour réaliser des économies, le Gouvernement compte sur l'enquête nationale de coûts applicable à l'ensemble des opérateurs, qui permet à l'État de connaître combien coûtent réellement les prestations. Une fois que les chiffres seront connus, il pourra rationaliser. Mais on attend aussi des efforts pour réduire la « vampirisation » des crédits du programme 177 par le programme 303 « Immigration et asile » dont relèvent en principe les demandeurs d'asile. Environ 150 millions d'euros du programme 177 couvrent actuellement des besoins en Île-de-France pour les migrants. On nous indique que ces dépenses pourraient être reprises par le bon programme en cours d'année. Si je ne demande qu'à y croire, je suis dubitatif.

Le nombre de nuitées hôtelières financées par l'État pour pallier le manque de places continue de progresser avec plus de 42 500 places financées en 2016 et malgré un plan de réduction des nuitées hôtelières mis en oeuvre par le précédent gouvernement. D'anciens hôtels sont également transformés pour devenir des structures d'hébergement pérennes et plus adaptées.

L'évolution du programme 109 « Aide à l'accès au logement » est directement liée à l'article 52 du projet de loi de finances. Il enregistre une baisse de 12,4 %, pour atteindre 13,6 milliards d'euros en 2018. La diminution de la dépense de l'État liée aux aides personnelles au logement s'élève au total à 1,9 milliard d'euros en un an. L'État souhaiterait ainsi économiser 1,5 milliard d'euros en imposant une baisse des loyers aux bailleurs sociaux. En outre, la réduction de 5 euros des aides personnelles au logement (APL) décidée par le Gouvernement à l'été dernier et justifiée par lui par l'insincérité du budget 2017, perdure finalement en 2018, ce qui n'avait pas été précisé pour cette mesure inintelligente - selon les dires du Président de la République. Certes, la baisse de la dépense publique intervient après des années de hausse permanente, mais le dispositif proposé cette fois pour y parvenir ne me convainc pas et même m'inquiète. Nous y reviendrons. En tout état de cause, il ne s'agit pas d'une réforme structurelle du système des aides personnelles au logement que j'appelle pourtant de mes voeux. Nous avions adopté le principe d'un taux d'effort minimal des ménages, je vous le proposerai de nouveau dans le cadre des amendements. Certains éléments doivent évoluer.

Le programme 135 qui concerne en particulier les aides à la pierre connaît des évolutions contradictoires. Traditionnellement, le budget consacré aux aides à la pierre augmente en année électorale et se réduit ensuite. Mais nous nous dirigeons maintenant vers leur extinction. L'État demande donc aux bailleurs sociaux de compenser la réduction des crédits budgétaires par l'augmentation de leur contribution, à travers leur cotisation à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) et une nouvelle taxe sur les cessions de logements. Cette contribution passerait de 270 millions d'euros en 2017 à 375 millions d'euros en 2018. En pratique, cela fait longtemps que la parité entre l'État et les bailleurs sociaux a disparu.

En tout état de cause, il est important que des ressources suffisantes soient maintenues pour le Fonds national des aides à la pierre (Fnap) car les restes à payer sont estimés à près de 2 milliards d'euros à fin 2017 sur le programme 135.

En outre, il ne faut pas casser la bonne dynamique actuellement constatée en termes de constructions de logements. Parallèlement, l'État fait son grand retour en tant que financeur de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) par une dotation budgétaire. C'est une très bonne chose : 110 millions d'euros sont inscrits pour le programme « Habiter mieux » en 2018 et une enveloppe d'1,2 milliard d'euros est annoncée sur le quinquennat dans le cadre du « Grand plan d'investissement » (GPI). Ces crédits viennent prendre le relais du Fonds d'aide à la rénovation thermique (Fart) auparavant financé par le PIA (programme d'investissements d'avenir). Le budget de l'Anah semble davantage sécurisé que par le passé mais il reste soumis à l'aléa du cours des cessions de quotas carbone.

Le budget ne comprend plus non plus de crédits pour le dispositif des « maires bâtisseurs », mis en extinction dès 2017.

Enfin, les crédits du programme 147 consacré à la politique de la ville se trouvent globalement sanctuarisés, avec une stabilisation des crédits à l'exception de ceux consacrés à la rénovation urbaine. Pour autant, tandis que l'on célèbre les quarante ans de la politique de la ville, les acteurs de cette politique publique ne sont pas rassurés, notamment en raison de la forte mesure de régulation budgétaire opérée en juillet 2017. Des crédits ont ainsi dû remonter des territoires pour être annulés.

Par ailleurs, le Gouvernement affiche de fortes ambitions en termes de rénovation urbaine, avec une enveloppe pour le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) qui devrait passer de 6 à 10 milliards d'euros. Tout le monde s'en félicite.

La situation financière de l'Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru) paraît plutôt assurée à court terme, tandis que le financement des 6 premiers milliards d'euros du NPNRU est globalement couvert mais plusieurs interrogations restent toutefois en suspens.

Tout d'abord, le niveau de trésorerie est certes meilleur que ce que l'on craignait initialement, avec une prévision supérieure à 200 millions d'euros pour la fin de l'année, mais une impasse de trésorerie à moyen ou long terme est identifiée et une solution doit encore être trouvée.

Ensuite, 4 milliards d'euros restent à couvrir pour le NPNRU - pour passer de 6 à 10 milliards d'euros - et devaient être partagés entre Action logement et les organismes de logement social. Or, avec la réforme qu'on leur impose et la demande de contribuer davantage au financement des aides à la pierre, cela va devenir difficile.

Un nouveau dispositif expérimental d'emplois francs - le précédent ayant échoué sous le mandat de François Hollande - qui bénéficie aux demandeurs d'emplois résidant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, est proposé par le Gouvernement et porté par la mission « Travail et emploi », avec des conditions un peu différentes. Je doute de sa réelle efficacité.

Après la partie budgétaire, j'en viens maintenant à l'examen de l'article 52 du projet de loi de finances qui est au centre des attentions sur cette mission cette année. Dans sa rédaction actuelle, cet article prévoit la création d'une réduction de loyer de solidarité, ou RLS, applicable aux logements ouvrant droit à l'aide personnalisée au logement (APL) pour les locataires ne dépassant pas certains plafonds de revenus.

Le montant de cette réduction atteindrait, par exemple, 50 euros par mois pour une personne seule ou 69 euros par mois pour un couple avec une personne à charge. Son coût total pour les bailleurs est estimé à au moins 1,7 milliard d'euros.

En contrepartie, l'APL versée aux locataires serait réduite d'un montant atteignant entre 90 % et 98 % de la baisse de loyer, pour une économie totale pour l'État de 1,5 milliard d'euros.

On peut craindre des effets d'aubaine puisque certains ménages ne percevant pas d'APL pourraient pourtant bénéficier de la baisse de loyer. Mais en général, le différentiel serait assez limité, entre 2 euros et 5 euros par mois, soit un montant symbolique.

Dans les conversations de cage d'escalier, ces différences de traitement risquent d'être incompréhensibles pour les locataires et les bailleurs seront incapables de les expliquer.

Un dispositif de péréquation est également prévu afin de tenir compte des effets de cette réforme sur chacun des organismes de logement social.

L'article 52 supprime également les aides personnelles au logement « accession » et prévoit le gel des barèmes des trois aides ainsi que des loyers du secteur social en 2018.

Parmi les compensations financières prévues pour les bailleurs sociaux, on trouve notamment la stabilisation du taux du livret A à 0,75 % pendant deux ans, avant une révision de son mode de calcul. Pour réaliser 1,5 milliard d'euros d'économies aux frais des bailleurs, l'État leur fournit des prêts, grâce à la Caisse des dépôts et consignations, laquelle leur permet également de rééchelonner leurs dettes. Est-ce suffisant ? C'est tout le débat !

Et au total qui paye la note ? C'est l'épargnant qui finance avec son livret A, dont le taux sera bloqué pendant deux ans.

Et les bénéficiaires sont aussi les banques, puisque la stabilisation à 0,75 % du taux du livret A leur permet d'économiser des sommes considérables : le taux devrait atteindre 1,25 % et selon une agence de notation une hausse de 0,25 % leur aurait coûté 900 millions d'euros. C'est tout de même étonnant. Je regrette que nos collègues communistes ne soient plus là !

Mme Sophie Taillé-Polian . - Nous leur expliquerons !

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial . - En outre, les prêts consentis aux bailleurs sociaux ne remplacent pas des ressources propres, car ils doivent être remboursés, d'autant que les collectivités locales les ont garantis. Si la situation des bailleurs se dégradait, les banques pourraient finir par prendre en compte ces garanties, et beaucoup des collectivités territoriales se trouveraient en grande difficulté. En fragilisant certains maillons, on fait peser un risque sur toute la chaîne.

Quelles sont les possibilités dont nous disposons ? Le Gouvernement semble accepter de se contenter de la moitié de ces économies sur le programme 109, soit 800 millions d'euros. Je présenterai ainsi un amendement prévoyant un relèvement à 10 % de la TVA en première partie sur les opérations neuves et la rénovation de logements en accord avec le Gouvernement. En excluant certains secteurs, on pourrait dégager autour de 600 millions d'euros.

La Cour des comptes avait préconisé que les bailleurs soient soumis à l'impôt sur les sociétés, mais ces derniers n'y sont pas favorables. En effet, s'ils peuvent financer la hausse de la TVA dans leurs opérations en la lissant, ce ne serait pas le cas pour cet impôt. De plus, on peut craindre des opérations d'optimisation fiscale conduisant à réduire les contributions. La TVA apparaît donc comme une part de la solution.

Dans la seconde partie du budget, une autre part repose sur les cotisations à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), qui doivent aussi permettre de réaliser la péréquation nécessaire, car les bailleurs les plus touchés par la réforme du Gouvernement sont ceux qui ont le plus de locataires bénéficiant de l'APL.

Enfin, il est difficile de trouver un accord sur une troisième mesure qui constituerait le dernier étage de la fusée. Les bailleurs ne veulent pas de réduction des loyers, de crainte aussi que le Gouvernement n'en demande toujours plus et alors que l'Assemblée nationale a prévu une montée en charge progressive de la baisse de loyer sur trois ans. Une solution serait peut-être de fixer la réduction de loyer à 500 millions d'euros et d'en rester là, mais je ne sais pas si le Gouvernement accepterait cela.

Une autre possibilité a été évoquée : transformer la réduction de loyer en réduction forfaitaire de charges, pour les bâtiments les plus énergétivores. Toutefois, cela pourrait poser un problème de constitutionnalité notamment en termes de rupture d'égalité.

Enfin, l'idée d'une taxe sur les bâtiments énergivores a été envisagée. Elle serait versée à la CGLLS, avec un rendement intéressant et un effet incitatif sur les bailleurs pour mettre aux normes leur parc ancien. Le risque existerait toutefois que son rendement diminue au fur et à mesure des travaux.

Nous n'avons pas encore trouvé le bon compromis et nous avons besoin d'un peu de temps pour vous proposer une solution définitive. Je suggère donc de réserver notre position sur ce dispositif.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - Je ne vais pas reprocher au Gouvernement de tenter de revoir le financement du logement. Le constat est simple : la France est un des pays qui dépense le plus dans le secteur, sans pour autant avoir résolu ses problèmes de prix, de mise aux normes, de mal-logement, etc. Il existe beaucoup d'explications possibles à cette réalité, mais celle-ci est indéniable. Il s'agit d'un des principaux postes de dépense publique mais aussi de captation de l'épargne avec le livret A.

Le Gouvernement prend toutefois le problème à l'envers en envisageant des coupes budgétaires sans s'attaquer au fond.

Aujourd'hui, le parc ancien est aux mains de bailleurs sociaux et de bailleurs privés. L'investissement privé se trouve malmené par la création de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) et son exclusion du prélèvement forfaitaire unique (PFU). Il sera également fragilisé par l'entrée en vigueur du prélèvement à la source, qui empêchera en partie la déduction des travaux.

En ce qui concerne le parc social ouvrant droit à l'APL, le débat sur le relèvement du taux de TVA est légitime.

Mais on passe surtout à côté d'une réforme structurelle des aides personnelles au logement : le reste à charge n'est pas pris en compte, la taille des logements non plus, ce qui conduit, notamment en Île-de-France, des marchands de sommeil à surévaluer les loyers en les « solvabilisant » grâce à l'APL. Le coup de rabot aveugle du Gouvernement apporte donc une mauvaise réponse à une bonne question : le montant de la dépense publique consacré au logement.

Philippe Dallier a tenté de trouver la moins mauvaise solution pour cet article, mais nous avons besoin du soutien du Gouvernement, qui cherche à se dépêtrer du mauvais pas où il s'est mis.

Le Président de la République fera peut-être des annonces jeudi, à l'occasion du congrès des maires. Le sujet est compliqué et les positions sont fluctuantes, il semble donc difficile d'approuver ou non ce budget ce matin.

M. Jean-Marie Morisset , rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales sur les programmes 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » et 109 « Aide à l'accès au logement ». - Le budget du programme 177 était chaque année décrit comme insincère, car la planification y était habituellement inférieure au réalisé de l'année n - 2 ; depuis l'an dernier, il y a une amélioration : elle est inférieure à la prévision d'exécution de l'année en cours !

Il est, certes, difficile de planifier l'urgence sociale. C'est une longue chaîne : la loi nous oblige à héberger inconditionnellement une personne sans abri. Le premier maillon est le 115, qui reçoit 3 000 appels par jour et apporte une réponse positive à moins de la moitié. Ensuite, la phase intermédiaire recouvre les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et les centres d'hébergement d'urgence (CHU), pour lesquels le budget est en augmentation.

Enfin, le « logement d'abord », sur lequel le Président de la République met l'accent, avec un budget pour le logement adapté qui croît de 25 % et en prévoyant qu'il n'y ait pas de fongibilité, afin qu'il ne soit pas utilisé pour financer les CHU en cours d'année.

L'objectif du programme est de faire diminuer le nombre de personnes dans le circuit et de faire en sorte que les bénéficiaires aient accès à un logement. On arrive alors à une contradiction, puisque parallèlement les bailleurs sociaux rencontrent, de leur côté, des difficultés à planifier des investissements puisqu'ils vont manquer de fonds propres.

À tout ceci s'ajoute la gestion de la crise migratoire, avec les déboutés du droit d'asile qui sollicitent les dispositifs d'hébergement d'urgence de droit commun.

L'accompagnement social rencontre également des difficultés, par manque de moyens budgétaires et malgré les crédits inscrits. Les structures Adoma en sont un exemple. Dans un hôtel où l'on a récemment dû accueillir en urgence 92 personnes, deux accompagnateurs sociaux seulement étaient présents pour prendre en charge l'accueil et le suivi des hébergés.

Enfin, l'enquête nationale de coûts qui doit conduire à réviser les prix plafonds et les prix planchers fait craindre aux opérateurs une mise à niveau des tarifications sur les planchers, les privant ainsi de moyens.

Enfin, en région Nouvelle-Aquitaine, qui regroupe douze départements, des inquiétudes se font jour quant à l'organisation des services, car le personnel baisse dans les directions départementales de la cohésion sociale au profit de la direction régionale, ce qui entraîne la perte du lien de proximité avec le terrain.

M. Dominique de Legge . - Quelle est la conséquence de cette réforme proposée par le Gouvernement sur les obligations de construction de logements sociaux pesant sur les collectivités territoriales et notamment issue de la loi ALUR ?

Il y a une innovation : on met donc en place un dispositif rétroactif alors que le locataire a signé un contrat qui en principe s'impose.

Quid des bailleurs privés conventionnés, dont la convention doit être reconduite ? Ne risquent-ils pas de la dénoncer s'ils sont concernés, au risque d'entraîner un effet inverse à celui qui est recherché ?

La proposition de Philippe Dallier de tenir compte d'un taux d'effort par ménage est bienvenue. Il n'en est d'ailleurs nullement question dans cet article 52 alors qu'une diminution unilatérale, indépendamment du montant du loyer, n'a aucun sens.

M. Philippe Adnot . - Disposez-vous d'une analyse de la situation des offices, comprenant l'identification de ceux qui pourraient se trouver concrètement en difficulté, et donc du nombre de collectivités territoriales qui pourraient être amenées à couvrir leurs engagements ?

M. Antoine Lefèvre . - Je partage la question de Philippe Adnot sur les garanties d'emprunt. Il y a eu des effets d'annonce, mais, si des tendances ont été évoquées par l'Union sociale pour l'habitat, aucun chiffre n'a été avancé.

Cet article 52 a mobilisé tout le secteur du logement social, car ses conséquences peuvent être effroyables, au vu des objectifs de construction et de rénovation de logements sociaux ainsi que de l'importance de la transition énergétique.

Je constate l'absence de crédits dédiés pour les contrats de ruralité, qui ont pourtant rencontré un grand succès. Comment financer aujourd'hui les actions qu'ils ont couvertes ? Je me félicite, en revanche, de la sécurisation du budget de l'ANAH.

Il convient aussi de se pencher sur la péréquation proposée au sein de la CGLLS, car la réforme pénalise les offices les plus vertueux, qui sont bien gérés et accueillent une forte proportion de locataires les plus modestes. Ils pourraient ainsi se trouver empêchés de mener à bien leur mission. Je ne crois pas que la situation permette de les qualifier de « dodus dormants » !

Enfin, je rappelle que les offices intervenant au niveau départemental s'intéressaient à la réhabilitation des friches dans les centres-bourgs ; ce ne sera sans doute pas le cas des gros offices régionalisés dans le cadre d'une restructuration.

M. Arnaud Bazin . - L'article 52 emporte des conséquences en chaîne. Certaines collectivités territoriales pourraient être mises en difficulté avant même d'être appelées à assumer les emprunts, par le simple fait que les banques commencent à considérer ce risque.

En outre, certaines collectivités territoriales sont évaluées par les agences de notation. Aujourd'hui, ce risque est mentionné, mais il est considéré comme virtuel et n'est pas retenu dans l'évaluation. Les agences risquent désormais de le regarder autrement et les conditions financières d'accès des collectivités territoriales au marché obligataire pourraient ainsi changer.

S'agissant de la taxe sur les logements énergivores, je suis perplexe. Un office qui aurait beaucoup de locataires sous APL perdra une partie de ses recettes locatives. Si, de surcroît, ses bâtiments sont énergivores, le peu dont il disposait pour investir sera ponctionné. La prudence s'impose donc.

M. Victorin Lurel . - Hier, lors de la convention nationale d'Action Logement, les ministres Jacques Mézard et Julien Denormandie ont martelé que l'article 52 n'était pas stabilisé et qu'il était appelé à évoluer dans un sens qui conviendrait aux acteurs.

Il n'y a aucune réflexion sur la situation spécifique des outre-mer. Les APL ne s'y appliquent pas mais il faut savoir que les outre-mer participent au financement du Fnap, à travers le supplément de loyer de solidarité, et alors même qu'ils ne bénéficient pas de ses actions. En outre, alors que le revenu médian est plus bas qu'en métropole, l'on atteint plus vite le plafond qui est applicable. Donc l'on paie plus vite le surloyer qui finance le Fnap. Le ministre Julien Denormandie ne savait pas ça.

L'Assemblée nationale a réintroduit le déclenchement du surloyer à 20 % au-delà du plafond de ressources, alors que le texte initial le prévoyait au premier euro. Le problème de son application en outre- mer reste entier.

Il en va de même pour la garantie accordée par la CGLLS. En Guadeloupe, en Martinique ou à La Réunion, les bailleurs sociaux la trouvent trop chère et préfèrent s'adresser aux collectivités territoriales. Département et région garantissent ainsi les prêts, chacun à hauteur de 50 %. Il est arrivé une seule fois qu'une commune a été appelée en garantie et elle n'a pas pu payer. L'État, à travers la Caisse des dépôts et consignations, a dû alors intervenir.

S'agissant de la vente de logements, le dispositif envisagé ne pourrait concerner que les logements appartenant aux collectivités. Dans certains territoires, une seule ville serait alors concernée. Qu'en sera-t-il des autres ? Cela n'a pas été évalué et ne figure dans aucun rapport.

J'ai préparé des amendements sur les sujets, et je souhaite qu'en séance publique on évalue les conséquences de ces mesures destinées à faire des économies tout en sollicitant des structures qui interviennent déjà dans un contexte social difficile et sans bénéficier du système mis en place.

Mme Nathalie Goulet . - Il faut effectuer un contrôle budgétaire global sur le sujet en outre-mer.

Les questions soulevées par cet article concernent le quotidien de millions de Français, il faudrait organiser une conférence de presse avec les principaux acteurs de façon à expliquer les termes de l'équation et à communiquer sur le travail effectué par la commission pour sécuriser la politique du logement.

M. Patrice Joly . - Les mesures prévues sont indifférenciées et ne prennent pas en compte la situation propre des bailleurs sociaux. Or, en fonction des loyers pratiqués, leur impact n'est pas le même.

Un bailleur social situé en zone détendue, par exemple, va perdre 4 millions d'euros de chiffre d'affaires, ce qui anéantira sa capacité d'autofinancement pour l'année. Sur une période de cinq ans, les réhabilitations ou les constructions prévues seront abandonnées. Cela aura aussi des conséquences sociales : les locataires devaient voir leurs charges réduites, ce ne sera pas le cas, des emplois ne seront pas maintenus. Tout ceci n'est pas négligeable pour un bailleur modeste.

Il en va de même de la réhabilitation des centres-bourgs, dont les organismes de logement social sont des opérateurs essentiels. Il y a pourtant urgence !

M. Gérard Longuet . - Puisqu'il nous reste encore du temps pour arrêter la rédaction de l'article 52, je souhaiterais que la commission tienne plus compte de l'analyse géographique différenciée des bailleurs sociaux. La France n'est pas un milieu homogène.

M. Michel Canevet . - Il est nécessaire d'élaborer une stratégie du logement. Nous avons besoin d'une réflexion approfondie plutôt que de mesures à court terme. En Bretagne, la réduction annoncée du nombre d'opérateurs pose question. En analysant la situation de manière uniforme depuis Paris, on rencontrera des difficultés.

S'agissant des aides personnelles au logement, le Gouvernement a annoncé le changement de son mode de calcul, qui est en effet désuet, dans la mesure où il s'appuie sur les ressources de l'année N-2. Comment faire pour que les ressources contemporaines soient mieux prises en compte ? Cette question se pose aussi pour l'application des suppléments de loyers de solidarité. En Bretagne, 1 % des locataires ont des ressources supérieures à 120 % du plafond. On pourrait ainsi trouver des recettes supplémentaires.

Le recentrage du dispositif Pinel suscite également des inquiétudes ; cibler des territoires plus contraints pourrait ainsi provoquer une inflation des prix.

Enfin, la taxe sur la cession des logements sociaux prévue à l'article 52 quater , risque d'avoir un effet contraire aux attentes, à savoir convaincre les opérateurs de vendre une plus grande partie de leur patrimoine. En Bretagne, seuls 10 % des biens mis en vente ont trouvé preneur.

Mme Fabienne Keller . - Quel sera l'effet du relèvement de la TVA sur la construction et les travaux dans les quartiers de rénovation urbaine ?

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial. - Ils en sont exclus s'agissant de l'accession sociale à la propriété.

Mme Fabienne Keller . - C'est précieux car il s'agit d'un élément moteur de la mixité sociale dans ces quartiers.

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial. - Nous l'avons également maintenu pour l'hébergement d'urgence.

Mme Fabienne Keller . - Je sais, par ailleurs, que les zones franches urbaines sont financées par des exonérations sociales ou des dispositifs fiscaux. L'essentiel de ces mesures est-il bien maintenu dans ce projet de budget ?

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial. - Dominique de Legge, en effet, les conséquences de l'article 52 sur les obligations faites aux communes posent question.

S'agissant du risque constitutionnel que vous évoquez concernant l'atteinte aux contrats, le Gouvernement prétend qu'il est déminé. La question reste posée, toutefois, car les communes ont garanti des emprunts sur la base des loyers attendus. S'ils diminuent, l'économie générale du contrat en est-elle modifiée ?

Certaines communes ont inscrit dans leurs documents d'urbanisme un pourcentage de logements sociaux obligatoire pour des opérations dépassant un certain nombre de constructions, afin d'atteindre les exigences de la loi SRU. Si elles ne trouvent plus d'opérateurs durant quelques années, vont-elles arrêter de délivrer des permis de construire ? La chaîne du logement, c'est un tout, les opérations sont souvent mixtes et fragiliser un maillon peut conduire à fragiliser l'ensemble.

En ce qui concerne le contrat de location, il ne devrait pas être directement touché. On ajoutera seulement une ligne supplémentaire portant la réduction du loyer, mais je pense que le montant du loyer initial figurera toujours sur la quittance.

La définition d'un taux d'effort minimum est un vrai sujet, je vais en parler à nouveau avec le ministère, qui m'a fourni des simulations sur le sujet. Jacques Mézard a cru que je cherchais ainsi 1,5 milliard d'euros. C'était impossible, car les écarts auraient été trop forts. En revanche, on pourrait ainsi dégager 150 millions ou 200 millions d'euros. L'ensemble du calcul des APL doit être remis en chantier, en lien avec une réforme structurelle, mais cela n'est pas ce que recherchait le Gouvernement.

Philippe Adnot, les offices sont dans des situations disparates, c'est vrai, mais, à quelques exceptions près, ils sont en bonne santé.

Le problème, c'est que le Gouvernement va leur prendre 1,7 milliard d'euros, ce qui représente plus de la moitié de leurs ressources disponibles pour l'autofinancement, et au détriment de ceux qui accueillent le plus de bénéficiaires de l'APL.

Je suis d'accord, Antoine Lefèvre, le budget de l'Anah va dans la bonne direction. La question de la réhabilitation est importante et il convient d'éviter les effets de stop-and-go qui ont été préjudiciables par le passé. C'est positif, même si le produit des cessions de quotas carbone reste aléatoire dans le budget de l'Anah. On nous explique qu'il y a une logique à affecter cette ressource à la politique d'amélioration de la qualité des bâtiments, mais celle-ci est volatile et rend donc le budget imprévisible.

La péréquation au travers de la CGLLS apparaît, en effet, comme un moyen d'alléger le fardeau des bailleurs sociaux les plus concernés par la réduction de loyers.

Arnaud Bazin, c'est vrai, le Gouvernement semble avoir oublié les agences de notation et cela pourrait effectivement avoir des conséquences.

En revanche, dans notre esprit, on ne peut pas qualifier la taxe sur les bâtiments énergivores de double peine : elle doit être vue comme se substituant à la réduction de loyer de solidarité. Il n'est pas question de cumuler les deux.

Victorin Lurel, j'ai toujours regretté que l'outre-mer soit traité en dehors de cette mission. Je découvre que les bailleurs sociaux financent ainsi des dispositifs dont ils ne bénéficient pas, c'est une bizarrerie.

L'Assemblée nationale est revenue sur le supplément de loyer appliqué au premier euro, parce que c'était trop brutal.

L'ensemble des mesures proposées visent d'abord le rendement budgétaire, le Gouvernement n'a évoqué une réforme structurelle que dans un deuxième temps. La restructuration du secteur du logement social va prendre du temps et les économies d'échelle plus encore. En attendant, on prend le risque d'étrangler tout le monde, sans compensation.

Patrice Joly, je partage votre point de vue quant à l'impact socio-économique de ces mesures sur les bailleurs sociaux.

Gérard Longuet, je ne sais pas si nous sommes capables de prendre en compte les différences entre bailleurs sociaux ni si les règles constitutionnelles nous le permettent. La question se posait pour la baisse du forfait de charges : on ne peut pas traiter les gens différemment. C'est sans doute moins problématique pour les bailleurs, mais cela reste compliqué.

Je m'interroge avec vous sur la stratégie du Gouvernement, Michel Canevet. Vos remarques sur le calcul des APL sont exactes. La deuxième étape du projet gouvernemental interviendra l'année prochaine, avec le passage au revenu contemporain. Aujourd'hui, le calcul est fait sur le revenu de N-2 à l'entrée dans le dispositif, ce qui profite, par exemple, aux étudiants qui commencent à travailler. Selon le Gouvernement, cette modification rapportera 1,3 milliard d'euros par an au détriment de ces allocataires.

S'agissant du recentrage du dispositif Pinel, c'est le rapporteur général qui traite de ce sujet. Réjouissons-nous que le dispositif subsiste, même s'il est recentré, ainsi que le PTZ, car il a été question de les supprimer.

Concernant la taxe sur les cessions des logements sociaux, le Gouvernement veut effectivement inciter les bailleurs à vendre pour disposer de fonds propres, mais s'ils le font, on leur prend 10 % du produit. Sacrée logique !

Fabienne Keller, le Gouvernement pensait dégager des montants plus importants par la TVA, mais nous avons exclu certaines opérations, et nous en attendons donc autour de 600 millions d'euros. Concernant les zones franches urbaines, mais je reviendrai vers vous.

Mme Fabienne Keller . - Le financement du dispositif est-il maintenu ?

M. Philippe Dallier . - Jacques Mézard a été interrogé hier sur ce sujet et son ton était plutôt rassurant.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de réserver sa position sur les crédits de la mission « Cohésion des territoires », ainsi que sur les articles 52 à 52 sexies .

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Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2017, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat de réserver son examen définitif des crédits de la mission « Cohésion des territoires », ainsi que des articles 52 à 52 sexies .

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